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Chronique de Jean-Baptiste Placca

Chronique de Jean-Baptiste Placca

RFI

Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien La Croix et fondateur de L’Autre Afrique livre sa vision sur l’actualité africaine de la semaine écoulée. Entre analyse, réflexion et mise en contexte, cette chronique est l’occasion de donner du sens et de prendre du recul sur les événements de la semaine, mais également de revenir sur des sujets parfois traités trop rapidement dans le flot d’une actualité intense.

97 - Sénégal: une victoire source d'angoisses
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  • 97 - Sénégal: une victoire source d'angoisses

    À moins de transformer rapidement le Sénégal en un paradis terrestre, les leaders actuels de ce pays pourraient, passé la lune de miel, voir surgir une génération spontanée d’opposants virulents au Pastef, propres à leur donner des insomnies, comme eux, naguère, en donnaient à Macky Sall.

    Avec l’écrasante victoire du Pastef aux législatives, le duo Bassirou Diomaye Faye - Ousmane Sonko va pouvoir déployer son programme au service du peuple sénégalais. Que laisse donc présager, pour la démocratie sénégalaise, cette victoire à laquelle beaucoup s’attendaient certes, mais pas avec une telle ampleur ?

    Ce triomphe marque, en tout cas, une très grande confiance des Sénégalais en ce duo aux commandes de leur pays. La victoire, dès le premier tour, de Bassirou Diomaye Faye à la présidentielle de mars dernier, avec plus de 54 % des voix, pouvait être perçue comme la volonté d’en finir avec le président sortant et le successeur qu’il s’était choisi. Avec l’écrasante majorité du Pastef aux législatives, le doute n’est plus permis : le peuple sénégalais désire ardemment confier son destin à cette équipe nouvelle. Contrairement à ce que l’on observe dans de plus en plus de démocraties, les électeurs ne se sont pas, ici, servi de leur bulletin de vote comme d’un lance-pierre pour régler des comptes ou se venger. Ils ont choisi un président, en mars, et plébiscité, en novembre, un Premier ministre. L’on ne peut donc se méprendre sur leur volonté de confier leur destin à ces deux hommes, qui vont devoir mériter cette confiance, par des résultats palpables.

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    C’est maintenant que commence véritablement l’alternance. Sauf que les électeurs de base du Pastef, qui ont, ces dernières années, mené la vie dure à Macky Sall, semblent avoir des besoins d’une relative urgence. Ils ne vont peut-être pas pouvoir patienter longtemps, sous prétexte que le passif hérité du président Macky Sall serait lourd. Cette belle victoire oblige donc le duo aux commandes du Sénégal à des résultats concrets, rapidement.

    Faut-il comprendre qu’ils risquent l’impopularité, tous les deux ?

    Elle les guette, en tout cas. Car, une si écrasante majorité à l’Assemblée nationale peut s’avérer une source d’angoisse, face à des populations qui n’en peuvent plus de patienter et pourraient, assez vite, s’agacer des allusions aux difficultés héritées du prédécesseur, trop souvent servies, pas seulement au Sénégal, comme justification à la lenteur des solutions à leurs propres difficultés.

    N'oublions pas que le Pastef a lui-même prospéré, ces dernières années, sur les insuffisances réelles ou supposées du pouvoir de Macky Sall, face aux revendications et autres frustrations des Sénégalais lassés d’attendre. C’est ainsi que cette formation, arrivée en dernier sur l’échiquier politique, a peu à peu éclipsé ou réduit à leur plus simple expression les prétendants habituels. Il ne peut donc, décemment, appeler aujourd’hui les Sénégalais à se montrer raisonnables, ou à modérer leurs exigences pressantes.

    Évidemment, le duo Faye-Sonko aura un délai de répit. Mais, s’il tardait à agir massivement sur le quotidien du plus grand nombre, des nouvelles oppositions, encore plus impatientes, et des protestataires, encore plus virulents, pourraient émerger pour les gêner.

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    Ce n’est tout de même pas une fatalité...

    Non. Mais c’est une constante du jeu démocratique au Sénégal. Chaque pouvoir trouve ou génère, dans son opposition, une frange qui les embarrasse en jouant sur les frustrations. Abdoulaye Wade l’a été pour Abdou Diouf quand celui-ci n’était pas rallié, au gouvernement. Abdoulaye Wade a eu les siens, plutôt des dissidents issus du PDS, son propre parti, tel Idrissa Seck ou Macky Sall, qui lui ont, certes, donné moins d’insomnies que lui n’en a donné à Abdou Diouf. Mais Macky Sall a fini par battre maître Wade. Ousmane Sonko aura été, pour Macky Sall, ce que Wade fut pour Diouf. À moins que le Sénégal ne devienne en quelques années le paradis terrestre dont rêvent certains, il n’est pas exclu, passée la lune de miel, que surgisse une génération spontanée d’opposants virulents au Pastef. Ousmane Sonko pourrait, alors, méditer sur les insomnies qu’il donnait naguère à Macky Sall…

    Sat, 23 Nov 2024
  • 96 - Botswana, Maurice: le meilleur de l'Afrique

    Des dirigeants bien formés, qui ont un parcours professionnel solide, sont aussi la condition pour une gestion saine des États et des démocraties crédibles, où l'on ne craint pas l'alternance.

    Deux pays du continent ont connu, durant cette première quinzaine de novembre, une alternance impeccable, sans psychodrame. Il se trouve que tous deux incarnent un certain sérieux, tant du point de vue économique que démocratique. Pourquoi ce qui semble si évident au Botswana et à Maurice est-il si difficile à obtenir sur l’ensemble du continent ?

    Ce serait possible – pas facile – si, partout, les dirigeants comprenaient que gouverner, c'est œuvrer pour le bien de leur peuple. Sans doute avez-vous entendu le leader de la coalition victorieuse mauricienne affirmer, au moment de prendre ses fonctions, qu’il entendait faire de son pays un endroit où il fait bon vivre pour les citoyens. Ce ne sont pas que des slogans de campagne, comme en sont coutumiers des politiciens qui s’accrochent au pouvoir, sans jamais justifier cette insistance à s’imposer à leurs concitoyens par les améliorations qu’ils apportent dans la vie de ceux-ci. 

    Se former pour mieux diriger

    Pas plus que le Botswana, Maurice n’est pas le paradis terrestre, et encore ! Mais, chez les dirigeants de ces deux pays, le souci de l’intérêt général est la règle. Au Botswana, c’est la première fois que l’opposition accède aux affaires. Non pas parce que le BDP, sigle anglais du Parti démocratique du Botswana, aux affaires depuis l’indépendance, confisquait le pouvoir en trichant ou en volant les élections. Il travaillait simplement pour mériter constamment la confiance des populations. Et leur longévité à la tête du pays tenait, pour beaucoup, au niveau d’éducation et à la compétence des dirigeants du BDP.

    Ce ne sont tout de même pas des analphabètes qui gouvernent dans les pays où l’alternance semble impossible et la démocratie, douteuse… Non, pas des analphabètes, mais beaucoup de demi-lettrés ou de pseudo-intellectuels. Les diplômes ne sont, certes, la garantie de rien. Mais une bonne formation et une carrière professionnelle solide obligent à plus de scrupules et à une certaine tenue. 

    Entendons-nous bien : il est, dans notre Afrique, des pays qui ont été mieux gérés par des employés des postes et des instituteurs dignes qu’ils n’ont pu l’être par des administrateurs civils bardés de diplômes. Mais, quand on est, comme certains de ceux qui ont été présidents du Botswana depuis l’indépendance, des juristes ou des économistes, formés à Oxford, qui ont exercé à la Llyod’s de Londres ou au FMI, quand on est un officier formé à l’Académie royale militaire de Sandhurst, en Grande-Bretagne, on a plus de peine à se présenter devant l’opinion en étant un tricheur patenté, incompétent et prospérant sur les malheurs et le dénuement de son peuple. 

    C’est quoi, gouverner dans le sens de l’intérêt général ? 

    Sur Maurice, un exemple de compétence, qui parlera à nombre d’Africains des pays membres, à l’époque, de la multinationale Air Afrique : lorsque la compagnie, de turbulences en turbulences, a fini de tout essayer, en vain, c’est à un ancien patron d’Air Mauritius que les États ont fait appel, pour tenter de sauver une des plus belles réussites de ce que l’on appellerait le panafricanisme vrai. Parce qu’Air Mauritius était un modèle de gestion. Maurice, cette lointaine île de l’océan Indien, était pourtant à peine aussi peuplée que le moins peuplé des États d’Air Afrique. Hélas ! Il était déjà trop tard. Et Sir Harry Tirvangandum n’a rien pu faire pour sauver Air Afrique. La réputation de sérieux des Mauriciens n’était pas usurpée, pour autant. Dans ce pays, on gouverne d’ordinaire dans le sens de l’intérêt général...

    Dans un pays comme le Botswana, qui fait un usage intelligent de son diamant, les dirigeants veillent à ce que les richesses nationales profitent à tous, et pas seulement à un clan. Nous avons déjà eu à souligner ici que l’État octroie systématiquement une bourse à chaque bachelier pour poursuivre ses études supérieures, quelle que soit la situation financière de ses parents. Une façon, pour la nation, de montrer à sa jeunesse qu’elle croit en elle et investit sur son avenir. Et chaque fois qu’un responsable est mêlé, de près ou de loin, à un scandale, on l’oblige à démissionner, comme Peter Mmusi, qui a été aussitôt remplacé, en 1992, par Festus Mogae à la vice-présidence. Cette capacité à faire le ménage contribue à la fiabilité d’une démocratie. 

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    Sat, 16 Nov 2024
  • 95 - Comment traiter avec Donald Trump

    Le président élu des États-Unis, si prompt à dénigrer certaines nations, sait néanmoins faire preuve de mesure, lorsque le poids économique des interlocuteurs s'impose à lui. L'Afrique, pour l'affronter, devra apprendre à exister véritablement dans l'économie mondiale.

    La messe est dite : les électeurs américains ont rouvert, ce 5 novembre, le Bureau ovale à Donald Trump. Un président qui ne s’est pas souvent distingué par la délicatesse des qualificatifs dont il use, pour parler de l’Afrique. Les Africains doivent-ils s’inquiéter de son retour prochain à la Maison Blanche ?

    Seuls les Américains savent ce qui est le mieux pour leur pays. Ils l’ont élu. Ils vont l’avoir. De par le monde, il en est qui s’en réjouissent, en effet. Mais il en est aussi qui s’apprêtent, résignés, à s’accommoder de la nouvelle donne à Washington, avec un dirigeant prévisible, pour le pire et le meilleur. Pour l’Afrique, cette élection n’aura aucune incidence déterminante. Pas plus avec lui qu’elle n'en aurait eu avec Kamala Harris présidente.

    Le président des États-Unis gouverne pour les intérêts de son pays et de son peuple. Quant aux réflexions désobligeantes de Donald Trump, si elles font mal, c’est parce que le chef d’un tel État ne devrait pas parler de la sorte des autres. Nombre d’autres dirigeants pensent comme lui, mais ne le disent pas. Ou alors, à l’abri des caméras et des micros. La question fondamentale n’est donc pas de savoir pourquoi certains pensent tant de mal des nations africaines et le chuchotent à huis clos, mais ce que doivent faire les Africains, pour inspirer un peu plus de respect.

    Que doivent donc faire les Africains, pour inspirer le respect ?

    Peut-être devraient-ils commencer par s’interroger sur la place de l’Afrique dans ce monde où l’on ne vous respecte que par rapport à ce que vous représentez et présentez comme intérêt. Où donc se pense, aujourd’hui, l’avenir de ce continent ? Quels leaders pour piloter une stratégie panafricaine dense, avec un chronogramme rigoureusement respecté ? Un continent sur lequel l’on fait silence, partout où il est question de perspectives et de stratégies planétaires, est un continent virtuellement perdu. Certes, quelques cercles de réflexion plus ou moins démunis analysent, ici et là, certains segments la vie des nations. Mais tout cela manque terriblement de moyens, de cohésion et de coordination. L’Afrique souffre d’un déficit chronique de dirigeants capables d’investir et de s’impliquer dans une réflexion d’avenir. Alors, chaque pays, chaque dirigeant s’agite dans ses limites géographiques étriquées, pour des résultats aussitôt compromis par l’incohérence de tel ou tel de ses voisins.

    Comme si le train du développement, à jamais, était bloqué. À quai. Encore pire que ce que déplorait, en 1962, le célèbre agronome René Dumont, dans son ouvrage au titre finalement pas si violent : « L’Afrique noire est mal partie»… Il lui faut se réinventer, pour espérer se hisser durablement dans l’estime des nations.

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    Croyez-vous que cela suffira pour échapper aux propos désobligeants de certains ?

    Non. Mais, il faut, au préalable, ne plus prêter le flanc aux critiques faciles et parfois grossières. Ensuite, lorsque l’on scrute la prudence que met le même Trump à attaquer certains pays ou dirigeants, on comprend que certaines réalités lui imposent de la retenue. L’Afrique doit donc pouvoir peser véritablement dans l’économie mondiale pour compter. Avec toutes les ressources naturelles dont regorge son sous-sol, et tant de minerais que convoite la terre entière, elle ne peut persister à juste exporter les matières premières, sans même faire des réalisations, pour faire fructifier lesdites ressources.

    Si Donald Trump évite certains qualificatifs trop discourtois, lorsqu’il parle, par exemple, de la Chine, c’est parce qu’il ne peut se le permettre : les Chinois détiennent une part, certes décroissante, mais toujours appréciable des près de 35 000 milliards de dollars de dette américaine. Tout homme d’affaires lucide sait que l’on ne parle pas n’importe comment à ses créanciers ou à son banquier. L’équilibre de la terreur, autrefois soutenu par les armements stratégiques et la dissuasion nucléaire a, aujourd’hui, un pendant économique et financier tout aussi efficace : les finances, la puissance économique. Là où les Chinois, jadis indexés comme une bombe démographique à retardement, sont, de fait, devenus « actionnaires des États-Unis », l’Afrique doit-elle continuer à n’être qu’une spectatrice passive de son destin ?

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    Sat, 09 Nov 2024
  • 94 - Retour sur le «combat du siècle»

    Mercredi 30 octobre, sur RFI, les auditeurs ont pu vivre au diapason du « combat du siècle », organisé fin octobre 1974 à Kinshasa, dans le Zaïre de Mobutu Sese Seko. Grand reportage, Appels sur l’actualité, Couleurs tropicales… Toute la journée, ils ont pu vivre ou revivre, à travers les journaux et diverses émissions de la station, d’émouvants moments. Pourquoi donc considérez-vous tout cela un magnifique cadeau à plusieurs générations d’Africains ?

    Parce que c’en est un. Des premières lueurs de l’aube jusqu’au cœur de la nuit, nous avons pu vivre ou de revivre ce combat et tous les spectacles, autour. Souvenirs émus, pour les anciens, nos aînés et nombre d’entre nous. Les jeunes frères, qui en avaient seulement entendu parler, ont pu le vivre, comme s’ils y étaient. Pareil pour nos enfants et les plus jeunes. Cette journée était meilleure qu’une simple résurrection intelligente de sons et d’images d’archives du gala de boxe et des concerts. C’était un autre festival vivifiant sur les grandes retrouvailles entre les citoyens de l’Afrique indépendante et leurs frères de la diaspora, déportés durant l’esclavage. Certains Congolais ont déploré que la RDC ait oublié de célébrer l’événement. Mais toute l’Afrique l’a célébré, avec intensité et passion, à travers RFI. 

    Le rappel de ce passé un peu glorieux aurait pu inspirer aux Congolais la petite introspection qui les poussera à en finir avec le destin peu enviable qu’imposent à leur peuple des dirigeants peu soucieux de mettre leurs actes en adéquation avec leurs discours. Car, avec d’aussi gigantesques richesses, le très éloquent Mobutu aurait pu faire de son Zaïre le phare du continent, s’il ne se cantonnait pas au seul verbe, aux beaux discours. 

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    Mobutu a réussi à attirer la lumière sur son pays. Il l’a même fait briller, et pas qu’en octobre 1974…

    Mais, qu’en est-il resté ? Oui, un an tout juste avant le « combat du siècle », Mobutu avait, en effet, ébloui l’Assemblée générale des Nations unies, par un discours de la veine de celui que tiendra Thomas Sankara, onze ans plus tard. C’est là que, évoquant les circonstances de l’accession de son pays à l’indépendance, il avait soutenu que l’ancien colonisateur avait déployé des efforts pour démontrer que mon peuple était incapable de se gouverner. « En une nuit, mon pays s’est effondré, comme un château de cartes. Et les experts en matière de colonisation en ont hâtivement déduit une incapacité congénitale du peuple zaïrois, et soutenu que l’indépendance des pays neufs était une mauvaise opération ». Et il impressionnait par son sens des formules. Comme lorsqu’il expliquait qu’à son accession à la souveraineté internationale, le Zaïre, quatre-vingt fois plus grand que la Belgique qui l’a colonisé, comptait moins de dix cadres ayant achevé des études supérieures, et pas un seul cadre zaïrois dans l’administration, l’armée ou le secteur privé. 

    Voir le charismatique Mobutu accueillir, en terre africaine, Mohamed Ali, James Brown et toutes ces brillantes vedettes afro-américaines et africaines, ne rendait que plus admirative une jeunesse continentale au sang bouillonnant de panafricanisme. C’était peu avant la diffusion, sur les télévisions africaines, de la mini-série Roots, tirée de l’œuvre d’Alex Haley. Cette vivifiante exaltation du cordon ombilical entre les Noirs d’Amérique et le continent africain de leurs origines était presqu’une religion.

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    Cela explique-t-il que les Afro-Américains aient aussi facilement vu en Mobutu un leader à admirer ?

    Il avait du bagou, et savait séduire ses hôtes étrangers. Surtout, ces rencontres afro-américaines au Zaïre survenaient quelques mois après la chute de l’empereur Haïlé Sélassié d’Éthiopie, un dieu vivant pour nombre d’Africains de la diaspora, surtout pour les panafricanistes des Amériques. Mobutu a échoué à marquer l’Histoire, parce qu’il se contentait du verbe. Trop narcissique, trop obnubilé par le côté jouissif du pouvoir être comme un héros durable.

    Vingt-sept ans après sa chute, ses compatriotes peuvent regretter son envergure flamboyante, que n’a aucun de ses trois successeurs. En commun avec lui, ils n’ont que la dévorante envie de s’éterniser au pouvoir, sans montrer en quoi leur présidence sans fin concourt au mieux-être d’un peuple qui n’en peut plus de les subir.

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    Sat, 02 Nov 2024
  • 93 - Présomption d'incompétence…

    Alors que tant d'hommes moyens, médiocres et parfois quelconques s'accrochent au pouvoir dans de nombreuses nations, la capacité des femmes à bien gouverner est toujours mis en doute, y compris dans certaines grandes démocraties…

    Dans l’évocation, ici, de l’élection présidentielle américaine, le candidat républicain Donald Trump est omniprésent, alors que sa challenger démocrate, Kamala Harris, peut bien l’emporter. Mieux, elle entrerait dans l’Histoire, en devenant, ainsi, la première femme présidente des États-Unis. Si nous parlions un peu d’elle ?

    Cette négligence relève des pièges qui guettent constamment le journaliste, enclin à accorder plus de place à ceux qui ne se tiennent pas comme il faut, contrairement aux plus sérieux. Il en est ainsi des États, des gouvernements, comme des dirigeants. Les cancres ont décidément le don de monopoliser l’attention, au détriment des meilleurs, qui mériteraient parfois d’être davantage mis en valeur, ne serait-ce que pour servir d’exemples, sinon de modèles à tous.

    Si elle l'emportait, Kamala Harris deviendrait non seulement la première femme à occuper le Bureau ovale, mais aussi la première femme noire et la première femme d’ascendance asiatique. Puisque sa mère Shyamala Gopalan était Indienne, et que son père Donald Harris était un Noir de Jamaïque. Elle assume d’autant plus librement ses racines africaines que même sa mère indienne a élevé Kamala et sa sœur Maya dans cet esprit.

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    Shyamala et Donald étudiaient dans une des plus prestigieuses universités des États-Unis, à Berkeley, mais c’est dans les cercles artistiques et intellectuels noirs où se pensait la lutte pour les droits civiques qu’ils se sont connus. Comme au célèbre Rainbow Sign, où Kamala Harris, comme d’autres enfants d’activistes, croisait alors une multitude de célébrités : l’écrivain James Baldwin ; l’immense pianiste, compositrice et chanteuse Nina Simone ; la compositrice Odetta ; ou encore Shirley Chisholm, première femme candidate dans des primaires démocrates. 

    Trump a dit qu’il ne savait pas trop si elle était noire ou indienne

    Avec un père économiste, qui enseignait à Stanford, et une mère médecin, biologiste, oncologue, qui a enseigné entre Berkeley et McGill, au Canada, Kamala Harris aurait pu étudier dans n’importe quelle bonne université. Mais, à 18 ans, c’est à Howard, une des plus célèbres universités noires des États-Unis qu’elle a choisi d’entrer. Choix politique, identitaire, sans ambiguïté. Et il faut les avoir rencontrés, pour comprendre à quel point les étudiants de Howard étaient fiers de fréquenter cette université, qui a formé, entre autres, Toni Morrison, prix Nobel de littérature 1993, ou l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane.

    Chez Kamala Harris, l’indianité s’imbrique avec les vibrations africaines. D’ailleurs, son grand-père maternel, P.V. Gopalan, acteur de la lutte pour l’indépendance de l’Inde, a également servi et vécu en Afrique. Cela notamment à Lusaka, capitale de la Rhodésie du Nord, l’actuelle Zambie, où il coordonnait l’aide aux réfugiés fuyant la guerre de libération en Rhodésie du Sud, le Zimbabwe. Kamala avait à peine 6 ans, lorsque son grand-père indien est devenu conseiller de Kenneth Kaunda, le charismatique premier président de la Zambie. Noire, Indienne, il suffit de scruter ses pas de danse pour comprendre qu’elle ne se contentait pas de clamer : « I’m Black and Proud ! ». Elle vibrait. 

    Pourtant, certains Noirs hésitent à voter pour elle

    Kamala Harris n’est pas dans une stérile complainte identitaire. Elle se bat ! Ainsi, lorsqu'elle découvre que 92 % des victimes d’homicides n’avaient pas fait des études secondaires, elle ne se contente pas, comme tant d’autres, d’appeler à traîner en justice une police raciste : elle conçoit une politique dissuasive contre l’absentéisme scolaire chronique, pour obliger les parents à veiller à l’assiduité de leur progéniture. « Afin, disait-elle, que les jeunes gens comprennent qu’ils peuvent faire autre chose dans la vie que devenir des criminels». 

    À une petite écolière qui lui demandait quel conseil il donnerait à une jeune dame qui voudrait devenir présidente des États-Unis, Gerald Ford, successeur d'un Richard Nixon emporté par le scandale du Watergate, avait répondu qu’il fallait, d’abord, qu’un président, homme, la choisisse comme vice-présidente. Et que le président en question décède en cours de mandat, pour que celle-ci lui succède. Que de sincérité !

    Mais le plus triste est que notre humanité continue de soumettre les femmes à une sourde présomption d’incompétence. Alors que tant d’hommes moyens, médiocres et parfois quelconques, parviennent au pouvoir et s’y accrochent, sans jamais répondre aux attentes de leurs peuples. C’est ainsi que tous feignent, par exemple, d’ignorer qu’au cours des deux dernières décennies, un des rares dirigeants convaincants et compétents, à l’échelle planétaire, reste, définitivement, Angela Merkel : une femme !

    Sat, 26 Oct 2024
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