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- 52 - Les Rendez-vous de PHILOPOP - L'histoire se répète deux fois, comme tragédie et comme farceSun, 03 Nov 2024 - 52min
- 51 - Les Rendez-vous de Philopop - Présentation de la saison 2024-2025
Présentation des activités de PHILOPOP (association populaire de philosophie du Havre) et du programme de la saison 2024-2025 4-L'émission mensuelle des Rendez vous de PHILOPOP sur Ouest track radio (podcastée et accompagnée d'un plan) Montrer comment la lecture d'une oeuvre philosophique permet d'éclairer une question d'actualité et d'y réfléchir
Sun, 22 Sep 2024 - 40min - 50 - Les Rendez-vous de Philopop - Le Temps
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 16 juin 2024 Le Temps Que le temps passe, c'est là un fait aussi évident que mystérieux qui est l'objet de la réflexion du philosophe H. Bergson (1859- 1941) tout au long de son oeuvre. En quoi consiste ce passage? Pour le comprendre, nous lirons surtout le 2ème chapitre de son 1er grand ouvrage, Les données immédiates de la conscience (1889). Mais pour être en mesure de le saisir, il faut d'abord se libérer de la représentation spatialisante que nous en procure notre intelligence, et comprendre pourquoi elle a besoin de nier sa réalité pour connaitre et expliquer les choses. 1- La critique de la spatialisation du temps a- La transformation du temps réel (la durée) en espace b- L'intelligence a besoin d'immobilité 2- Comment accéder au temps réel (la durée)? a- Il y a deux conceptions possibles de la durée: l'une "pure de tout mélange", l'autre "où intervient subrepticement l'idée d'espace" b- L'exemple des sons successifs d'une cloche: "ou bien je me propose explicitement de les compter" (compter, c'est dissocier et spatialiser), ou bien, "je me borne à recueillir l'impression pour ainsi dire qualitative que leur nombre fait sur moi" 3- Les caractères de la durée pure a- Elle est "la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre et s'abstient d'établir une séparation entre l'état présent et les états antérieurs" b- L'activité de la mémoire constitue la durée en fondant les états de conscience les uns dans les autres et en les organisant en un tout indivisible (voir l'exemple d'une mélodie) c- La durée est une activité de synthèse par laquelle le passé est perpétuellement conservé et intégré dans le présent. Il n'y a pas de temps universel qui soit le même tous et qui constitue le cadre des expériences, si ce n'est par convention, pour les commodités de la vie sociale, mais il y a une pluralité de durées individuelles dont le rythme peut varier. 4- Qu'en est-il de notre identité personnelle (de notre "moi")? a- La durée constitue notre moi; “le temps est l'étoffe de notre être” (Evolution créatrice, chapitre 1) - Si notre passé se conserve tout entier en nous, la mémoire ne peut pas être une faculté qui conserve et classe des souvenirs - C'est la continuité de la durée qui permet de comprendre que nous soyons libres et puissions faire surgir de la nouveauté imprévisible (l'idée d'une "création de soi") 5- Le temps n'existe-t-il que pour les êtres conscients? - De l'expérience de la durée intérieure à l'affirmation de "l'élan vital" (Evolution créatrice, 1907) - L'"intuition de la durée" Bibliographie: - Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), chapitre 2. - Evolution créatrice (1907), chapitre 1 - La Pensée et le Mouvant (1934)
Sun, 16 Jun 2024 - 44min - 49 - Les Rendez-vous de Philopop - Qu'est ce que le pessimisme?
Les Rendez-vous de PHILOPOP- émission du 21 avril 2024 Qu'est-ce que le pessimisme ? Une lecture du Monde comme Volonté et comme Représentation de Schopenhauer (1819) Le pessimisme est ordinairement considéré comme la disposition d'esprit d'un homme qui voit tout en noir. S'agit-il seulement d'une vision de l'existence purement subjective qui est affaire d'humeur ou de tempérament ? Ou peut-on en donner des raisons objectives, comme le prétend Schopenhauer ? Cette émission vise à présenter sa démarche et à expliquer en quoi sa philosophie est un pessimisme. 1- Le pessimisme réfute toute vision théologique du monde qui conduit à réduire le mal à une apparence ou à un moyen de promouvoir le bien a- C'est la rencontre du mal qui suscite l'interrogation philosophique, mais souvent les philosophes ont préféré relativiser son existence, en visant sa justification (optimisme métaphysique de Leibniz; philosophie de l'histoire de Hegel) b- La réfutation de l'optimisme de Leibniz (le monde "est le meilleur des mondes possibles"), doctrine illusoire reposant sur un théisme (affirmation d'un Dieu bon auteur du monde) et faisant un usage illégitime du principe de causalité (Dieu est considéré comme la cause première) c- L'argumentation du pessimisme opposée à l'optimisme: en quel sens Schopenhauer établit que le monde "est le pire des mondes possibles" 2- L'élucidation de l'origine du mal (de la souffrance): le "Vouloir" comme puissance universelle et aveugle constitutive de toute chose, la souffrance étant ainsi " le fond de toute vie" a- Le désir humain, manifestation de sa force aveugle qui s'éprouve comme "une soif inextinguible" qu'aucun objet désiré ne saurait combler b- Si désirer, c'est souffrir d'un manque, le plaisir n'en est que la délivrance passagère. Le bonheur "n'est rien que de négatif" c- L'ennui (nous n'avons rien à désirer) est une souffrance plus insupportable que celle que nous éprouvons quand des obstacles nous empêchent de satisfaire un désir. Il révèle le non-sens de l'existence humaine (un parallèle avec Pascal). 3- Se délivrer du Vouloir-vivre qui est la source du malheur de la vie a- La recherche du bonheur conduit au malheur tant qu'il est une course sans fin d’objets en objets. b- Quel intérêt pratique peut avoir une philosophie pessimiste: la prise de conscience de la source du malheur de la vie c- La "négation du Vouloir-vivre" comme affranchissement du Vouloir-vivre et de la tyrannie des désirs Conclusion: Le pessimisme comme remède contre l'illusion optimiste qui expose au désespoir Bibliographie: 1- Le Monde comme Volonté et comme Représentation, d'Arthur Schopenhauer (1819) - 4ème partie: "La Volonté s'affirme, puis se nie", et Suppléments 17 ("Sur le besoin métaphysique de l'humanité") et 56 ("De la vanité et des souffrances de la vie") 2- Pensée 126 de Pascal (édition Le Guern en Folio) 3- Essais de théodicée de Leibniz, en G/F 3- Candide, conte philosophique de Voltaire, particulièrement les chapitres 5 et 19
Sun, 21 Apr 2024 - 58min - 48 - Les Rendez-vous de Philopop - Colonialisme et Terrorisme : une confrontation entre Sartre et Camus
Les situations historiques ne sont jamais identiques. Mais dans la mesure où l’enchaînement monstrueux des massacres qui ont lieu depuis cinq mois en Israël et à Gaza, nous y incite, il peut être utile de réfléchir à ce qu’ont écrit Sartre et Camus sur le colonialisme et le terrorisme et sur les raisons de leurs divergences à propos du drame algérien, à la fin des années 50. 1. Le désaccord entre Sartre et Camus sur l’avenir de l’Algérie a. Le rejet de la colonisation française. Quelques dates à rappeler : les massacres de Sétif en mai 1945, le déclenchement de l’insurrection armée par le FLN en novembre 1954, la proclamation de l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962. b. Pour Sartre, il n’y a pas d’autre solution que l’indépendance. Il accorde son soutien public aux militants du réseau Jeanson qui collectent et transportent des fonds et des faux papiers pour aider les nationalistes algériens. c. Camus veut croire encore à une réforme profonde du système colonial qui permette le maintien de l’Algérie française. 2. Une divergence d’analyse concernant le système colonial a. Camus dénonce ses injustices dans ses articles sur la « Misère de la Kabylie » parus dans le journal Alger républicain en 1939, et en appelle à une réforme sociale et économique pour réaliser une « Algérie pacifique et juste ». 3. Une divergence d’analyse et de jugement sur la nature et le rôle de la violence a. Sartre : la violence émancipatrice du colonisé Le système colonial a besoin d’engendrer de la haine pour se maintenir : haine raciste des colons pour les colonisés (qu’ils ont besoin de déshumaniser et d’invisibiliser) et haine des colonisés pour les colons La violence coloniale conduit à la révolte des colonisés. La violence revient ainsi en boomerang contre le colonisateur, le jour où la furie des colonisés ne peut plus être retenue et éclate (c’est le « temps des massacres », voir la préface de Sartre aux Damnés de la terre de Frantz Fanon, 1961) La violence insurrectionnelle des colonisés est le seul moyen pour eux de sortir « des ténèbres coloniales » et de s’émanciper b. Camus : le refus de la « casuistique du sang » (Chroniques algériennes) Que la violence soit parfois nécessaire, n’implique pas qu’on puisse en justifier le principe au nom d’une justice absolue, et en faire un usage indiscriminé pour frapper des civils innocents. Les analyses de Camus dans son Essai de 1951, L’Homme révolté : le « crime logique », le « principe de révolte » contre « l’esprit de révolution » On ne peut condamner la torture pratiquée par l’armée française et sa répression féroce menée contre les populations civiles sans condamner en même temps les attentats terroristes du FLN. Pour Camus, c’est l’engrenage des violences qu’il faut combattre, car il ne peut mener qu’à la destruction. Conclusion : Réfléchir sur ces deux références en cherchant à comprendre la critique que chacune d’elles peut adresser à l’autre. Mesurer combien leur usage médiatique se révèle souvent abusif (j’en donne un exemple pour Camus) Bibliographie : Situations, V chez Gallimard, recueil d’articles de Sartre dans lequel on peut trouver notamment « Le colonialisme est un système » et sa préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon L’homme révolté de Camus, collection Folio Chroniques algériennes de Camus, collection Folio
Sun, 25 Feb 2024 - 46min - 47 - Les Rendez-vous de Philopop : L’antisémitisme, le sionisme, la Palestine, l’Etat d’Israël, La réflexion de Hannah Arendt
Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 17 décembre 2023 L’antisémitisme, le sionisme, la Palestine, l’Etat d’Israël, La réflexion de Hannah Arendt Face à l’horreur des massacres qui ravagent le Moyen Orient, il paraît utile de lire ou de relire l’œuvre de Hannah Arendt (1906- 1975). En tant que juive allemande, elle dut fuir l’Europe en 1941 et se réfugier aux Etats Unis, où elle prit la nationalité américaine en 1951. L’émission se propose d’examiner les raisons pour lesquelles H. Arendt fut sioniste et celles pour lesquelles elle cessa de l’être L’antisémitisme moderne et les impasses d’une émancipation purement individuelle (Sur l’antisémitisme) Pour comprendre pourquoi les Juifs se sont trouvés « au centre de la tourmente », il faut saisir la spécificité de l’antisémitisme moderne qui ne peut pas être confondu avec la haine des Juifs d’origine religieuse, et replacer son développement dans le cadre de l’Etat-nation en Europe aux XIX et XX èmes siècles. L’antisémitisme politique. Le sort des Juifs étant lié à l’existence de l’Etat-nation, son déclin les expose à l’antisémitisme qui les associe imaginairement à des liens financiers avec un Etat corrompu. L’antisémitisme social. Loin de se traduire dans les mœurs, l’égalité des conditions (qui résulte de l’émancipation juridique des Juifs) engendre un antisémitisme social. Plus les Juifs s’assimilent, plus leur différence fait problème, à mesure que leur identité juive devient moins visible. D’une identité religieuse, on passe à une identité raciale (un « type juif ») fantasmée par les antisémites. Le Juif est alors soumis à une injonction contradictoire : ne pas ressembler à un Juif tout en étant juif. Quels que soient ses efforts pour s’assimiler, le Juif est ramené à sa condition de « paria » et se trouve la proie de l’antisémitisme (« Que Dreyfus est coupable, je le conclus de sa race », écrivait l’écrivain antisémite Maurice Barrès) Du « paria » au réfugié apatride. La justification d’un Etat pour le peuple juif (L’impérialisme) Déchus de leur nationalité et de leur citoyenneté par l’Allemagne nazie (fin des années 30), les Juifs sont réduits à la condition de réfugiés apatrides : « Il semble qu’un homme qui n’est qu’un homme a précisément perdu les qualités qui permettent de le traiter comme leur semblable ». Le premier des droits d’un être humain doit être celui « d’avoir des droits » : cela ne signifie pas seulement des droits civils aux individus, mais cela implique aussi le droit pour un peuple à la liberté politique et à se constituer en nation dotée d’un Etat pour protéger ses droits (L’Etat d’Israël assure « l’établissement de droits humains ») Quelle doit être la structure du nouvel Etat en Palestine dont les Juifs ont besoin ? La rupture de H. Arendt avec le sionisme En quel sens il faut entendre, selon H. Arendt, l’idée d’un peuple juif Les critiques de H. Arendt à l’égard du mouvement sioniste auquel elle reproche de ne pas prendre en compte l’existence des Arabes Palestiniens et de vouloir imposer par la force la création d’un Etat national juif La fondation d’Etats-nations en Palestine risque de conduire au même échec auquel ont été conduits les Etats-nations d’Europe centrale après le démembrement de l’empire austro-hongrois en 1919. Elle risque de mener à une guerre sans fin (des minorités opprimées, et l’expulsion de populations : 750 000 Arabes palestiniens sont ainsi transformés en réfugiés, privés « du droit d’avoir des droits », comme l’étaient en Europe des centaines de milliers de Juifs à la fin des années 30). Contre la solution d’Etats-nations, H. Arendt préconise celle d’un Etat bi-national assurant des droits égaux aux Juifs et aux Arabes et organisé sur la base de conseils où ils régleraient ensemble les problèmes qu’ils ont en commun. Bibliographie : - Sur l’antisémitisme, 1er tome des Origines du totalitarisme (1951), de Hannah Arendt, collection Essais/Points, et L’Impérialisme, chapitre V : « Le déclin de
Sun, 17 Dec 2023 - 47min - 46 - Les Rendez-vous de Philopop - Les philosophes des Lumières face à la traite négrière et à l'esclavage colonial
1- Pourquoi les Lumières sont-elles mises en question ? a- La reconnaissance assez récente des injustices du passé colonial: la Loi du 21 mai 2001, dite "Taubira", et, depuis le 10 mai 2006, célébration d'une "journée de commémoration nationale des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions" (1794 et 1848) b- Quelle position et quel rôle ont eu les philosophes des Lumières (on limitera le propos aux philosophes français parmi lesquels Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot...)? Ont-ils fermement combattu la traite et l'esclavage ou en ont-ils seulement condamné le principe au nom de l'universalité des droits, tout en en justifiant la pratique pour des motifs politiques et économiques ? c- Montesquieu (Livre XV de l' Esprit des Lois, 1748) est considéré comme le premier philosophe à avoir posé les principes théoriques de la dénonciation de l'esclavage. Son statut fondateur est-il mérité, et au-delà de son cas, peut-on continuer à affirmer la vertu émancipatrice des Lumières ? 2- Le cas Montesquieu comme illustration des « ambiguïtés » des philosophes des Lumières (critique de Louis Sala Molins, dans Le Code Noir ou le calvaire de Canaan) a- Il serait silencieux sur la pratique de l'esclavage afro-antillais et sur l'existence du Code Noir (texte promulgué en 1685 qui réglemente en 60 articles l'usage et la vie des esclaves dans les colonies françaises) b- Il serait indifférent au sort des esclaves noirs, comme en témoignerait le ton léger de l'ironie et de la plaisanterie sur un sujet aussi grave, dans le célèbre chapitre 5 du Livre XV, De l'esclavage des nègres. Critique adressée par Bernardin de St Pierre dans le post-scriptum de la 12ème lettre du Voyage à l'Ile de France (1773). c- Sa condamnation de l'esclavage serait très ambigüe puisqu'elle admettrait son existence dans les pays chauds (conformément à la théorie du climat exposée au Livre XIV) d- Cette condamnation se trouverait contredite par la 2ème partie du Livre XV où Montesquieu ne se préoccupe plus que d'indiquer comment prévenir les "abus" et les "dangers" de l'esclavage. Montesquieu est-il vraiment anti-esclavagiste ? Son souci n'est-il pas plutôt de réfléchir aux moyens de perpétuer l'esclavage colonial en évitant des révoltes ? 3- Réponses aux critiques. Lire le Livre XV en confrontant son propos aux préjugés dominants du XVIIIème siècle a- Montesquieu produit une définition générale de l'esclavage (chapitre 1) qui comprend aussi bien l'esclavage antique que l'esclavage moderne, le servage que l'esclavage "pris à la rigueur tel qu'il était chez les Romains et qu'il est établi dans nos colonies" (note du chapitre 2). L'absence de référence explicite au Code Noir n'est-elle pas une affaire de prudence ? b- Lecture du chapitre 5 "De l'esclavage des nègres": l'ironie comme arme suprême des Lumières contre l'injustice et l'absurde, et comme réaction réfléchie de Montesquieu aux opinions dominantes du moment (à propos de la nécessité économique de la traite et de l'esclavage, à propos de la question de l'origine de la couleur des Noirs...) c- Expliquer la présence de l’esclavage dans un certain nombre de contextes (politiques et géographiques) n'est pas le justifier. S'il favorise la servitude, un climat chaud n'est jamais une fatalité. L'argument de la chaleur du climat est fallacieusement invoqué par des élites économiques pour justifier l'institution de l'esclavage dans les colonies et son maintien (chapitres 7 à 9). d- L'esclavage étant institué dans les faits, le problème est d'éviter ses abus et ses dangers (chapitre 11). Montesquieu préconise ainsi son encadrement juridique. Il n'est pas abolitionniste, il plaide pour des mesures progressives d'affranchissements (ce sera le programme de la Société des amis des Noirs, fondée en 1788) 4- Le mouvement des Lumières comme prise de conscience progressive du caractère insoutenable de l'esclavage colonial a- Les Lumières ne sont pas un état doté d'emblée de principes déjà constitués.(les
Sun, 29 Oct 2023 - 54min - 45 - Les Rendez-vous de Philopop : Présentation de la saison 2023-2024
Présentation des activités de PHILOPOP (association populaire de philosophie du Havre) et du programme de la saison 2023-2024 1- PHILOPOP, une association ouverte à tous Quelques précisions d'ordre pratique : voir sur le site de PHILOPOP ( https://sites.google.com/site/philopoplh/ ) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30) Les questions philosophiques: des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemple de la vérité) L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi 2- Les séances au lycée Claude Monet: la formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion) Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante Il montre comment l'examen d'une notion (la justice, la vérité, le peuple, le temps...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes. 3- Le programme de la saison 2023-2024 Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents Le thème : Le Temps L'oeuvre : Les chapitres 41 et 44 du Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer regroupés sous le titre : Métaphysique de la mort, métaphysique de l'amour, en 10/18 Les 5 premières séances Mardi 19 septembre, Mardi 3 octobre, Jeudi 12 octobre, Jeudi 9 novembre, Mardi 21 novembre (voir le calendrier sur le site de PHILOPOP 4- L'émission mensuelle des Rendez vous de PHILOPOP sur Ouest track radio (podcastée et accompagnée d'un plan) Montrer comment la lecture d'une oeuvre philosophique permet d'éclairer une question d'actualité et d'y réfléchir 5- Venez nombreux à la conférence donnée par PHILOPOP le 21 octobre à 10h30 à la Bibliothèque Niemeyer du Havre: "Les philosophes français des Lumières face à la traité négrière et à l'esclavage colonial"
Sun, 17 Sep 2023 - 33min - 44 - Les Rendez-vous de Philopop - Vers une terre inhabitable ?
Vers une terre inhabitable ? L'anthropocène 40 experts ont alerté récemment dans la revue Nature du franchissement de 7 des 8 lignes rouges planétaires au delà desquelles la terre risque de devenir inhabitable. Comment expliquer qu'on en soit arrivé là ? A-t-on affaire à un processus fatal ? Peut-on l'enrayer et en atténuer les effets, et si c'est le cas, de quelle manière ? Pour décrire la situation nouvelle à laquelle l'humanité est désormais confrontée, deux scientifiques, Eugène Stoermer et Paul Crutzen, tous deux spécialistes du climat, ont proposé d'ajouter une 3ème ère au quaternaire (après le pléistocène et l'holocène) qu'ils décident de nommer anthropocène (c'est à dire l'ère de l'humain) parce qu'elle est marquée par l'impact des actions humaines 1- En quoi l'hypothèse de l'anthropocène paraît-elle pertinente pour désigner la nouveauté et la gravité des transformations en cours (réchauffement climatique, érosion massive de la biodiversité planétaire, acidification des océans, pollution des eaux, des airs et des sols...) ? On ne peut plus s'en tenir aux idées de crise écologique et de développement durable L'hypothèse proposée constitue l'humanité en force géologique : pour la 1ère fois dans l'histoire de la planète, une époque géologique serait définie par la capacité d'action d'une espèce, l'espèce humaine Cette hypothèse conduit à mettre en cause la séparation établie par la modernité entre la nature et l'histoire humaine (voir l'introduction à l'histoire universelle de Michelet, et la préface de Condorcet à l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain) L'homme ne peut plus considérer la nature comme un milieu extérieur prévisible dont il peut connaître les lois et qu'il peut soumettre à ses techniques, il devient partie prenante de l'histoire de la terre en risquant par son activité de la détruire comme espace habitable. 2- L'hypothèse de l'anthropocène est-elle légitime ? L'humanité est-elle vraiment en train d'écrire une page entièrement neuve de l'histoire de la planète ? N'est-ce pas là surévaluer l'importance de son activité ? Distinguer avec Philippe Descola (article de la revue Esprit de 2015, Humain, trop humain?) le phénomène général d'anthropisation (exemple d'une altération écosystémique régionale par l'intervention continue des Amérindiens sur la flore de la forêt amazonienne) de l'anthropocène en tant que transformation globale et accélérée du système de la terre depuis un peu plus de 2 siècles. 3- A quel type d'action doit conduire le diagnostic d'anthropocène ? a- Le projet d'une « géo-ingénierie » planétaire et l'idée d'une « gouvernance environnementale globale » (selon la formule de John Kerry, envoyé spécial du président des USA pour le climat, en 2014) : l'anthropocène apparaît dans cette perspective comme l'âge de la domination de l'homme sur la planète au lieu d'admettre les limites de la technique humaine et ses conséquences involontaires, ce projet revient à s' illusionner sur sa puissance en s'imaginant trouver en elle le remède aux maux engendrés par le développement industriel b- Une nouvelle conception du rapport de la technique à la nature, pour laquelle la nature n'est plus entièrement prévisible en ce qu'elle est constituée par un système d'interactions de plusieurs processus naturels dans lequel s'insère l'activité humaine. L'anthropocène est l'entrée dans un monde incertain. 4- La question des responsabilités : le caractère politiquement discutable de la notion d'anthropocène Parler d'anthropocène, c'est rendre l'humanité dans son ensemble responsable de la dégradation de la situation environnementale. S'il est vrai que la notion est pertinente dans la mesure où désormais tous les peuples sont affectés, elle dissimule toutefois deux injustices : le fait que les différentes populations du monde n'ont pas participé à part égale au processus de l'anthropocène (c'est pourquoi des historiens lui préfèrent la notion de « capitalocène ») le
Sun, 18 Jun 2023 - 52min - 43 - Les Rendez-vous de Philopop - Sur la fragilité de la vérité dans l'espace politique
Sur la fragilité de la vérité dans l'espace politique Sommes-nous entrés dans une ère où la vérité n 'a plus de valeur, où prolifèrent les « fake news » et les « faits alternatifs », une ère de la « post-vérité » ? Pourquoi la vérité s'avère-t-elle si fragile, pas seulement dans les tyrannies mais aussi dans les démocraties ? En quoi sa destruction met-elle en péril la vie publique elle-même ? Réflexion à partir de la lecture de deux essais d'Hannah Arendt, « Vérité et politique » (1965), et « Du mensonge en politique » (1972) 1- Le conflit de la vérité de fait et de la politique « se produit aujourd'hui sous nos yeux à une vaste échelle ». Comment expliquer l'hostilité qui menace la première ? a- Sa vulnérabilité tient d'abord à sa contingence (il est facile de faire disparaître le nom de Trotsky des livres d'histoire de la Russie soviétique ; « les faits et les événements sont choses infiniment plus fragiles que les axiomes (…) produits par l'esprit humain »). b- Les faits et les événements menacés « constituent la texture même du domaine politique » qu'un pouvoir politique veut réarranger à son profit en les falsifiant et en les effaçant. c- Les trois modes d'effacement de la vérité de fait : Sa destruction matérielle (effacement des traces d'un fait ou d'un événement) L'interdiction de son accès à un statut public qui peut être le fait d'une large partie de l'opinion publique dans une démocratie (voir les polémiques contre son livre Eichmann à Jérusalem, 1963) Sa transformation en opinion (cas uniquement des démocraties) 2- La vulnérabilité des vérités de fait exposées à être transformées en opinions (démocraties) a- Les vérités de fait se trouvent dans une situation paradoxale : - Comme les opinions, elles sont « politiques par nature » en ce qu'elles s'inscrivent dans la pluralité. « La vérité de fait est toujours relative à plusieurs » : elle concerne des événements dans lesquels plusieurs se sont engagés ; elle est établie par des témoignages et repose sur des témoignages ; elle est partagée dans des récits communs. - Contrairement aux opinions, elles s'imposent sans discussion une fois qu'elles sont établies et déclarées comme vraies b- Les vérités de fait se distinguent des opinions et des interprétations par leur « matière factuelle » qui ne peut pas être modifiée, contrairement aux interprétations et aux récits qu'on peut en faire (voir la réponse de Clémenceau : « Ce dont je suis sûr, c'est que les historiens futurs ne diront pas que la Belgique a envahi l'Allemagne ») c- Loin de conduire au rejet ou à la mise à l'écart des vérités de fait, la nature représentative de la pensée politique exige au contraire leur respect et leur préservation : « La liberté d'opinion est une farce si l'information des faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat ». 3- Les effets destructeurs du mensonge politique moderne Là où le mensonge traditionnel cachait, le mensonge moderne détruit. a- Le mensonge dans les régimes totalitaires Le mensonge y est comme « un premier pas vers le meurtre » (exemple de Trotsky) En détruisant la vérité, il détruit tout espace public qui permette le partage des expériences b- La manipulation des masses dans les démocraties modernes : l'exemple du mensonge par fabrication d'une image en direction de la population (d'un storytelling d'Etat) qui permet d'écarter les faits dérangeants en les traitant comme des opinions négligeables et de leur substituer une autre réalité justifiant notamment la poursuite de la guerre au Vietnam (« Du mensonge en politique », 1972) Conclusion : La nécessité de contre-pouvoirs (une presse indépendante, des lanceurs d'alerte : Daniel Ellsberg, Julian Assange, Chelsea Manning, Edward Snowden … ) pour révéler les manipulations des gouvernements, signaler les atteintes à l'intérêt général, et permettre un vrai débat politique
Sun, 21 May 2023 - 52min - 42 - Les Rendez-vous de Philopop - Qu'est-ce que le peuple ?
Les Rendez-vous de PHILOPOP, rediffusion de l'émission du 25 octobre 2020 ---------------------------------- Qu'est- ce que le peuple ? 1- Une notion ambigüe Un sens politique (communauté de citoyens, « populus ») et un sens social (le bas-peuple, la plèbe, « plebs » ou « vulgus ») Y a-t-il une volonté du peuple ? Le peuple existe-t-il comme sujet collectif ? Deux visions opposées du peuple : Michelet (Histoire de la Révolution française, 1847) et Flaubert (Education sentimentale, 1869) ; le peuple a-t-il une existence politique ou n'est-il qu'un mythe ? 2- La plèbe est-elle un danger pour le peuple ? L'ambiguïté du mot nous contraint à réfléchir à l'articulation des deux sens La notion de peuple a en réalité trois sens : juridique, ethnique, social (Anthropologie d'un point de vue pragmatique, 2ème partie, de Kant, 1797) . La plèbe (3ème sens) apparaît comme un danger pour le peuple (1er sens) car elle risque de devenir séditieuse Ainsi, pour Platon (La République), le peuple (populus) ne peut pas exister ; il n'est que le plus grand nombre incapable de se gouverner (ignorance et irrationalité) qui devient dangereux en se rassemblant sous l'influence de démagogues; seuls les « meilleurs » (l'élite des philosophes-rois) doivent gouverner 3- Le peuple (le « populus ») ne peut se concevoir qu'à partir de la plèbe « Peuple » est un nom péjoratif au XVIIIème siècle qui, jusqu'à la Révolution française, a un sens exclusivement social ; il désigne le bas-peuple (plèbe) La critique de cette représentation péjorative par l'abbé Coyer (Dissertation sur la nature du peuple, 1755) : « Le peuple (sens social) est composé d'hommes » Rousseau (Emile, 1762) va plus loin : « C'est le peuple qui compose le genre humain ; ce qui n'est pas le peuple est si peu de chose que ce n'est pas la peine de le compter ». Seuls les gens du peuple sont capables de sentir et d'identifier ce qui est humain. Chez eux l'amour-propre n'étouffe pas la pitié, contrairement aux « gens du monde » qui sont aveuglés par « la fureur de se distinguer » Conclusion : Le peuple (politique, qui suppose l'égalité des hommes) ne peut se concevoir qu'à partir de la plèbe (le peuple social) Bibliographie : Histoire de la Révolution française 1ère partie, de Michelet, à propos de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 Education sentimentale de Flaubert, à propos des journées de février 1848 Dissertation sur la nature humaine de l'abbé Coyer Emile de Rousseau La nature du peuple, par Deborah Cohen (éditeur, Champ Vallon) Les voies du peuple, par Gérard Bras (éditions Amsterdam) Film conseillé : Un peuple et son roi,réalisé et écrit par Pierre Schoeller, sorti en 2018 (extrait donné lors de la 2ème pause) Site de l'association PHILOPOP : https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 16 Apr 2023 - 52min - 41 - Les Rendez-vous de Philopop - La retraite, pour quelle vieillesse ?
Les Rendez-vous de PHILOPOP- émission du 12 mars 2023 La retraite, pour quelle vieillesse ? Réflexion à partir de la lecture du livre de Simone de Beauvoir publié en 1970 « La vieillesse » (collection Folio) La retraite n'est pas seulement un problème économique et social. Elle met en jeu l'idée que nous avons de la vieillesse et de notre existence. Si la condition des vieillards a changé depuis 1970 (l'âge de départ à la retraite était alors de 65 ans, et le niveau des pensions était très faible), la vieillesse est toujours considérée principalement en termes de soins, de dépenses et de coût. Elle souffre d'une image négative. 1- Pourquoi la vieillesse apparaît-elle surtout comme une déchéance ? Le déclin biologique auquel elle correspond suffit-il à expliquer le regard dépréciatif porté sur elle ? Si le spectre de la vieillesse a reculé depuis 1970 (il concerne avant tout ce qu'on appelle aujourd'hui le « 4ème âge »), il n'a pas pour autant disparu. La vieillesse est toujours l'objet d'une « conspiration du silence » (selon la formule de S. de Beauvoir). C'est un sujet « triste » qu'on préfère éviter. Les raisons pour lesquelles S. de Beauvoir a écrit son livre sont toujours actuelles. Ainsi dénonce-t-elle l'ostracisme qui frappe les vieillards (ils sont traités en « parias »). Et « nous poussons si loin l'ostracisme que nous allons jusqu'à le tourner contre nous-même : nous refusons de nous reconnaître dans le vieillard que nous serons » (Introduction). 2- La vieillesse comme « situation humaine ». Que signifie « être vieux » ? a- La vieillesse n'est pas seulement un fait biologique, c'est aussi un fait culturel : il est impossible de penser le vieillissement sans prendre en considération la société dans laquelle il se produit. Les données objectives de la biologie et de la médecine (chapitre 1), de l'ethnologie (chapitre 2), de l'histoire (chapitre 3), de la sociologie (chapitre 4). Comme « situation humaine », la vieillesse a un double dimension : objective (à ce titre, elle est objet de savoir) et subjective (c'est une expérience vécue qui peut faire l'objet d'une description phénoménologique) b- Comprendre de quelle manière le vieillard intériorise l'image de la vieillesse que la société lui renvoie (chapitres 5 et 6) : voir ainsi la découverte de la vieillesse à partir du regard d'autrui. « La complexe vérité de la vieillesse : elle est un rapport dialectique entre mon être pour autrui, tel qu'il se définit objectivement, et la conscience que je prends de moi-même à travers lui. En moi, c'est l'autre qui est âgé, c'est à dire celui que je suis pour les autres : et cet autre, c'est moi » (p-400) (…) « Ce que nous sommes pour autrui, il nous est impossible de le vivre sur le mode du pour soi » (p-410). Ainsi, en intériorisant le regard dévalorisant des autres, le vieillard se fige et se réifie dans une perception dégradante de lui-même. 3- Pourquoi la vieillesse est-elle l'objet d'un processus de déshumanisation ? a- Une déchéance économique et sociale : « Le vieillard est celui qui ne peut plus travailler et qui est devenu une bouche inutile » (p-59). Dans le cadre d'une société qui valorise l'homme actif et réduit l'humanité au travail productif fondé sur la force de travail (c'est celle que décrit S. de Beauvoir), la retraite est vécue par les travailleurs comme un exil brutal et une rupture d'identité qui précipitent leur vieillissement, et entraînent leur déchéance (chapitre 4, voir particulièrement les pages 371 à 377) b- Les conséquences existentielles de ce processus de déshumanisation sur les vieillards : une altération de leur rapport au temps, à leur histoire, à l'existence (l'absence de tout projet, la perte des raisons d'agir, voir chapitre 6) 4- Comment résoudre le problème de la vieillesse ? Que faire pour que les hommes soient tous considérés jusqu'à la fin de leur vie comme des hommes ? (conclusion du livre) Ce problème n'est pas seulement un problème individuel, il n'est pas non plus
Sun, 12 Mar 2023 - 47min - 40 - Les Rendez-vous de Philopop : La peine de mort comme « assassinat public »
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 29 janvier 2023 La peine de mort comme « assassinat public » (Beccaria) Réfléchir sur la peine de mort à la lumière du Traité des délits et des peines (1764) de C. Beccaria : « Si je prouve que cette peine n'est ni utile ni nécessaire, j'aurai fait triompher la cause de l'humanité » (§ 28). Qui est Beccaria ? De 1791 à 1981 : une brève histoire de l'abolition de la peine de mort en France La peine de mort dans le monde aujourd'hui Pourquoi, malgré les progrès de l'abolition, l'abolitionnisme est-il une position fragile ? Le problème est de nature politique : l'Etat dispose-t-il d'un droit de vie et de mort qui l'autorise à un tuer un homme pour son crime ? Ou la peine de mort est-elle au contraire « un assassinat public » ? 1- Le droit pénal implique-t-il le droit de donner la mort ? a- Le criminel comme ennemi. Pourquoi le droit de vie et de mort est-il considéré comme un attribut essentiel de la souveraineté ? b- « La mort-supplice » (2ème chapitre de Surveiller et punir de Michel Foucault, 1975). L'exemple du supplice infligé à Damiens en 1787 pour crime de régicide (1er chapitre). 2- Le droit pénal n'a d'autre fonction que l'utilité commune (Beccaria) a- L'origine contractuelle du droit pénal (§ 1) : d'une « liberté rendue inutile » (état de nature) au sacrifice d'une part de sa liberté pour jouir du reste de la liberté garantie par les lois (état civil) b- Les châtiments sont nécessaires pour empêcher « l'esprit despotique » du criminel de « replonger dans l'ancien chaos les lois de la société » c- Un châtiment n'est juste que s'il est nécessaire (pour défendre l'utilité commune), sinon il est « tyrannique » (§ 2). Sa fonction est préventive (« Le but des peines n'est ni de tourmenter et d' affliger un être sensible, ni de faire qu'un crime déjà commis ne l'ait pas été ».... il est « d'empêcher le coupable de causer de nouveaux dommages et de dissuader les autres d'en commettre de semblables », § 12) 3- La peine de mort est injuste (elle ne peut être un droit) ; elle est inutile (aucune efficacité dissuasive) et elle est même nuisible (criminogène). Lecture du § 28. a- Elle n'est pas un droit : aucun homme ne peut avoir consenti à confier au souverain le droit de lui ôter la vie (le sacrifice d'une part de sa liberté ne peut comprendre celui « du plus grand de tous les biens » qu'est la vie)- « Sous le règne paisible de la légalité » (dans le cadre d'un Etat de droit), la peine de mort ne peut jamais être un droit. Un citoyen ne peut jamais être une « menace pour la sécurité de la nation ». Il ne peut être un danger que lorsque les lois s'effondrent : dans une guerre civile, on ne punit pas un criminel, on cherche à vaincre un ennemi. b- La peine de mort est inutile : elle n'a aucune efficacité dissuasive L'histoire montre qu'elle n'a jamais empêché le crime Il n'y a aucune proportionnalité entre la sévérité de la peine et l'efficacité dissuasive : la réclusion à perpétuité est moins sévère pour le coupable que la peine de mort, et plus dissuasive. c- « La peine de mort est nuisible par l'exemple de la cruauté qu'elle donne » En « ordonnant un assassinat public », l'Etat alimente la violence qu'il prétend empêcher La « répulsion invincible » des hommes à la vue du bourreau, fondée sur la conviction que « leur vie n'est au pouvoir de personne ». Conclusion : La peine de mort est appliquée surtout aux hommes les plus démunis qui n'ont rien à perdre en commettant des crimes. Elle est le châtiment d'un Etat despotique dont les lois contribuent à « concentrer les avantages de la société sur un petit nombre et à accumuler d'un côté la puissance et le bonheur et de l'autre la faiblesse et la misère » (Introduction et § 28) Bibliographie : Traité des délits et des peines (1764) de Beccaria, surtout l'introduction, et les § 1, 2, 12, 28 Contrat social Livre II, chapitre 5 de J. J. Rousseau (1762) Surveiller et Punir, chapitres 1 et 2, de Michel Foucault (1975) L'
Sun, 29 Jan 2023 - 52min - 39 - Les Rendez-vous de Philopop : Peut-on parler d'un châtiment divin ?
Le récit de la Genèse est présenté traditionnellement comme le texte du « péché originel ». Sa lecture valide-t-elle cette interprétation ? Ce récit enseigne-t-il la vérité de la condition pécheresse de l'homme, comme l'affirment Saint-Augustin (354- 430) et Pascal (1623-1662) à sa suite, - ou n'est-il qu'un texte anthropomorphique exprimant la vision d'un homme ignorant, selon la lecture qu'en fait Spinoza (1632- 1677)? Peut-on dire qu'Adam, le premier homme, est puni par Dieu pour avoir désobéi à son commandement, et condamne le genre humain à la souffrance pour le prix de sa faute ? 1- Examen du récit de la Genèse (particulièrement de ses chapitres 2 et 3) a- Les trois étapes du récit : 1- le don du jardin par Dieu et l'énoncé de son commandement ; 2- l'irruption du serpent : de la tentation à la faute ; 3- le châtiment de Dieu et l'expulsion d'Adam et Eve du jardin b- Dieu a-t-il prononcé l' interdiction de manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, ou a-t-il exprimé seulement un avertissement concernant la nocivité de ce fruit ? La reformulation de l'énoncé divin par le serpent et la femme et son interprétation insistante en termes d'interdit (« Dieu a dit : (…) Vous n'y toucherez pas ») c- Une mise en cause de la crédibilité de la parole divine 2- Les difficultés auxquelles se heurte l'interprétation théologique du récit en termes de péché originel a- Une faute bien étrange dont Adam ne peut prendre conscience qu'en mangeant du fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal b- L'idée d'une corruption de la nature originelle de l'homme est incompréhensible : comment comprendre que cet être que Dieu a créé bon et tout-puissant (il le fait à son image) fasse l'expérience de sa faiblesse en cédant à la tentation ? c- Ces difficultés n'empêchent pas les théologiens et les moralistes d'affirmer le libre-arbitre de l'homme et de soutenir en même temps le dogme du péché originel 3- La critique par Spinoza des présupposés de cette conception théologique a- Le libre-arbitre est une illusion ; il n'exprime pas une véritable liberté mais traduit une impuissance b- C'est une illusion qui fait obstacle à la connaissance de l'homme et de Dieu c- Dieu n'est pas à l'image que l'homme se fait de lui-même (en se croyant doté d'un libre-arbitre) : il n'est pas une volonté qui crée l'univers et qui s'adresse aux hommes par des commandements, et rétribue leurs actes par des récompenses ou des châtiments ; il est le Réel en sa totalité (la Nature) en tant qu'il se produit selon des lois nécessaires et produit toutes les choses qui sont en lui. Ses lois sont des « vérités éternelles » qui expriment des rapports nécessaires et non des commandements. 4- La lecture que fait Spinoza du récit de la Genèse (Traité théologico-politique, chapitre 4) a- Le récit de la Genèse exprime la vision anthropomorphique d'un ignorant qui imagine Dieu comme une volonté qui s'adresse à lui et exige de lui obéissance b- Selon ce récit, Dieu n'interdit aucunement à Adam de manger du fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal, mais il l'avertit de sa nocivité. Il ne peut donc pas y avoir de faute d'Adam. c- Ce n'est qu'après en avoir mangé et souffert de son effet nocif, qu'Adam interprète sa souffrance comme le châtiment de Dieu Conclusion : En quoi le fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal agit-il comme un poison ? Réflexion sur la différence entre la morale et la sagesse. Bibliographie : Genèse, chapitres 2 et 3 Spinoza : Préfaces des 3ème et 4ème parties de l'Ethique, Traité politique, chapitre 2, § 6 ; et surtout, Traité théologico-politique, chapitre 4.
Sun, 18 Dec 2022 - 45min - 38 - Les Rendez-vous de Philopop : « La raison du plus fort est toujours la meilleure »
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 30 octobre 2022 « La raison du plus fort est toujours la meilleure » Chacun aura reconnu la célèbre morale du Loup et de l'agneau de Jean De la Fontaine. Pour comprendre ce qu'est la « raison du plus fort », il est utile d'examiner la manière de raisonner du loup dans la fable. Cette morale peut susciter deux lectures : Selon la première, c'est une morale ironique : la « raison du plus fort » consiste à déguiser la force en droit ; elle revient à donner une apparence de justification à ce qui n'est que le décret arbitraire du plus fort. C'est la lecture de Rousseau dans le Contrat social (1762) Selon la seconde, c'est une morale réaliste : il faut se résoudre à reconnaître que seule la force est en mesure d'instituer le droit et de faire régner la paix. La raison du plus fort est ainsi toujours la meilleure. C'est la lecture de Pascal, dans ses Pensées, parues après sa mort en 1670. L'examen de la morale du Loup et de l'agneau nous conduit ainsi à nous interroger sur la nature du droit : s'oppose-t-il à la force (Rousseau) ou se ramène-t-il au contraire à elle (Pascal) ? 1- Le droit contre la force (Rousseau, Contrat social, Livre I, chapitre 3) a- La faiblesse de la force explique que le plus fort ait besoin du droit du plus fort pour maintenir sa domination. b- C'est un « prétendu droit » reposant sur la confusion de la force et du droit, dont l'efficacité consiste à capter le consentement des opprimés à leur oppression (ils se croient « obligés » d'obéir alors qu'ils sont « contraints ») c- En dissipant cette confusion et en ramenant la force à ce qu'elle est (une « puissance physique »), les peuples ont raison de s'insurger et de chercher à renverser le rapport de forces en leur faveur (« Puisque le plus fort a toujours raison, il ne s'agit que de faire en sorte qu'on soit le plus fort », Rousseau fait ici allusion à la morale du Loup et de l'agneau) d- Instituer un véritable droit et établir une autorité légitime : c'est l'objet du Contrat social. 2- Seule la force fait le droit (Pascal, Les Pensées) a- L'idéal serait que la justice (« qualité spirituelle ») soit toujours suivie et secondée par la force (« qualité physique »), mais « ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste » (Pensée 298, édition Brunschvicg) b- L'explication de cet état de fait est la suivante : « La justice est sujette à dispute » ; « La force est très reconnaissable et sans dispute » c- Ainsi, seule la force peut tenir les hommes en respect en instaurant un droit qui mette fin aux querelles. d- Comme la force ne peut d'elle-même engendrer un sentiment de justice, il faut qu'elle soit occultée comme force pour qu'elle paraisse la justice dans l'imagination du peuple à travers les lois établies (il faut qu'il oublie avec le temps la violence originelle, - « l 'usurpation »- du plus fort, Pensées 294, 304, 326). 3- Ces deux lectures s'appuient sur deux conceptions de l'homme radicalement différentes : Pour Pascal, l'émancipation des hommes et des peuples est illusoire (la « concupiscence » est au principe de leurs actions, la politique consiste à « régler un hôpital de fous ») ; pour Rousseau, elle est une exigence, certes difficile à réaliser Mais l'un et l'autre s'accordent à reconnaître le rôle de l'imagination dans la domination du plus fort Bibliographie: - Le Contrat social de J. J; Rousseau, Livre I, chapitre 3 ("Du droit du plus fort"), 1762, collection G/F - Les Pensées de Pascal, 294, 298, 299, 304, 326, édition Brunschvicg, collection G/F, parues après sa mort en 1670 - Les Trois Discours sur la condition des Grands de Pascal
Sun, 30 Oct 2022 - 44min - 37 - Les Rendez-vous de Philopop : Présentation des activités de PHILOPOP et du programme de la saison 2022-2023
La première séance aura lieu le jeudi 22 septembre de 20H30 à 22H30 au lycée Claude Monet du Havre. Outre les séances qu'elle y organise régulièrement, PHILOPOP donne une émission mensuelle (les Rendez vous de Philopop) sur Ouest Track radio. 1- PHILOPOP, une association ouverte à tous Quelques précisions d'ordre pratique : Vous trouverez sur le site de PHILOPOP (https://sites.google.com/site/philopoplh/) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à début juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30) Les questions philosophiques : des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemples de la vérité, de la justice, de la liberté...) L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi 2- La formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion) Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante Il montre comment l'examen d'une notion (la vérité, la justice, la liberté, la mémoire...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes. 3- Le programme de la saison 2022-2023 Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents Le thème : Le châtiment L'oeuvre : L'Evolution créatrice de Henri Bergson, collection Quadrige aux P.U.F L'émission des Rendez vous de Philopop de ce dimanche 18 septembre (reprise le dimanche 25 septembre) n'a d'autre but que de vous expliquer la démarche de l'association (Philopop, association populaire de philosophie du Havre, créée en 2007) et de vous présenter brièvement le programme de la saison 2022-2023 Les 3 premières séances au lycée Claude Monet: jeudi 22 septembre, jeudi 6 octobre, mardi 18 octobre Site internet de PHILOPOP: https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 18 Sep 2022 - 34min - 36 - Les Rendez-vous de Philopop : La civilisation peut-elle lutter contre la guerre?
Réflexion à partir de deux textes de Freud consacrés à la question de la guerre: Propos d'actualité sur la guerre et sur la mort (1915), collection G/F, et Pourquoi la guerre ?, correspondance Einstein/Freud (1932), collection Rivages poche. La guerre d'Ukraine nous a déjà conduit à réfléchir sur la guerre, à partir de l'oeuvre de Clausewitz, « De la guerre», mais dans une toute autre perspective. La 1ere guerre mondiale a engendré un profond désarroi : jamais les hommes des nations dites «civilisées», ne pouvaient imaginer au début du XXème siècle qu'ils connaîtraient un tel déchaînement de violence. La cause de ce désarroi, ce sont les «désillusions» concernant le processus de civilisation que Freud se propose de «traiter» Pourquoi a-t-on eu besoin de croire que la civilisation élève progressivement à la moralité ? En quoi est-ce là une «illusion» que la 1ère guerre mondiale vient «fracasser»? 1- Pourquoi l'idée d'un progrès moral de la civilisation est-elle illusoire ? a- L'exposé des idéaux de l'homme «civilisé»: le processus de civilisation entraînerait un progrès de la moralité (à tous les niveaux, individus, peuples, Etats), qui rend inconcevable une guerre comme la 1ere guerre mondiale (c'est à dire une guerre qui «interrompt le développement des relations morales entre les peuples et les Etats ») b- Comment expliquer que cette guerre ait pu engendrer un tel déchaînement de violence? La guerre pervertit l'Etat. Alors qu'il est censé fonder son existence sur des règles de justice qu'il impose aux hommes placés sous son autorité, il s'en affranchit totalement en temps de guerre («si l'Etat interdit à l'individu l'usage de l'injustice, ce n'est pas parce qu'il veut l'éliminer, mais parce que, au même titre que le sel et le tabac, il veut la monopoliser»). Le cynisme de l'Etat entraîne alors « un relâchement de toutes les relations morales» qui révèle leur grande fragilité. c- Comment l'homme devient-il capable de moralité ? L'homme n'est ni bon ni mauvais en soi (sont «mauvaises» les pulsions incompatibles «avec les exigences de la communauté humaine»); l'éducation peut transformer de manière assez limitée ses pulsions mauvaises en pulsions sociales mais ne peut jamais complètement les éradiquer; ainsi, « il y a bien plus d'hypocrites civilisés que d'hommes vraiment civilisés». Notre désillusion concernant la valeur de la civilisation est-elle vraiment justifiée? «En réalité, les hommes ne sont pas tombés aussi bas que nous le craignions, pour la bonne raison qu'ils ne s'étaient pas élevés aussi haut que nous nous l'étions figuré» 2- Si la guerre s'explique par des pulsions destructrices, est-elle pour autant une fatalité? (Pourquoi la guerre? Correspondance de Freud avec Einstein, 1932) a- La 1ere partie de la réponse de Freud : une reprise de la réflexion du philosophe Kant sur la guerre et la paix : 1- le droit comme «violence de la communauté»; 2- l'histoire achemine les Etats paradoxalement par le moyen de la guerre, vers la paix perpétuelle; 3- la solution d'une Société des Nations qui aurait le pouvoir d'imposer ses arbitrages aux Etats et de mettre ainsi un terme à la guerre b- La 2ème partie de la réponse est constituée par l'apport de la psychanalyse à la réflexion : 1- la paix est irréalisable parce que la guerre est l'expression de la vie pulsionnelle des hommes (elle met en œuvre la pulsion de destruction à l'échelle collective, pulsion qui est dérivée de la pulsion de mort ); 2- le désir de paix qui s'oppose à cette pulsion, est soutenu par la pulsion de vie (Eros) qui s'exprime par la production de «liens de sentiment » (« Si la propension à la guerre est un produit de la pulsion destructrice, il y a donc lieu de faire appel à l'adversaire de ce penchant, à l'Eros. Tout ce qui engendre, parmi les hommes, des liens de sentiment doit réagir contre la guerre»).
Sun, 31 Jul 2022 - 53min - 35 - Les Rendez-vous de Philopop : Devoir d'oubli ou devoir de mémoire ?
Réflexion sur la mémoire collective, principalement à partir de la Conférence d'Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ? (1882), et du livre de l'historien Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, paru en 1987. Pour mettre fin à une guerre civile, faut-il prescrire l'oubli des violences et des crimes pour réconcilier les citoyens ennemis et reconstruire l'unité de la Cité ? Ou faut-il au contraire en perpétuer le souvenir afin de prévenir leur répétition ? Devoir d'oubli ou devoir de mémoire ? La 1ère solution fut longtemps privilégiée : 3 exemples. Exemple du serment que devaient prononcer les citoyens d'Athènes de ne plus rappeler les violences de la guerre civile qui eut lieu en 404 av J.C. ; exemple de l'édit de tolérance de 1598 exigeant que la mémoire des choses passées (les guerres civiles entre catholiques et protestants) « demeure éteinte et assoupie comme chose non advenue « ; exemple plus récent des lois d'amnistie de 1951 et 1953 concernant les faits de collaboration sous Vichy Pourquoi l'oubli nous paraît-il aujourd'hui inacceptable ? Pourquoi la mémoire est-elle devenue une obligation ? 1- Pour préserver l'unité et l'identité d'une nation, n'est-il pas nécessaire d'exclure de sa mémoire commune les pages noires de son histoire ? « L'oubli, -je dirai même l'erreur historique- sont un facteur essentiel de la création d'une nation » (Ernest Renan dans Qu'est-ce qu'une nation ? 1882) 2- L'impossible effacement du souvenir d'une guerre civile comme celle qui eut lieu sous Vichy entre 1940 et 1944 (Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, 1987) En quoi la période de Vichy fut-elle « une tragédie d'une exceptionnelle gravité » ? « Le syndrome de Vichy est l'ensemble hétérogène des symptômes, des manifestations (…) qui révèlent l'existence du traumatisme engendré par l'Occupation » (particulièrement celui qui est lié aux divisions opposant les Français). Le projet de l'historien du syndrome de Vichy : étudier les manifestations de la mémoire de Vichy et ses transformations au cours de son devenir depuis 1944, à la manière dont Freud aborde les symptômes d'une névrose (un bref rappel de la leçon de Freud). Le traumatisme ne peut être effacé, mais survit de manière souterraine à travers son refoulement. 3- Les 4 phases de l'histoire de la mémoire de Vichy depuis 1944 : - de 1944 à 1954, de l'épuration jusqu'aux lois d' amnistie : le « deuil inachevé » de 1954 à 1971, le « refoulement » du traumatisme : le silence officiel sur le régime de Vichy, le « mythe résistancialiste » (l'assimilation de la « Résistance » à l'ensemble de la nation) de 1971 à 1974, le « miroir brisé ». Le « retour du refoulé » (la réémergence dans le débat public du passé de Vichy sur la collaboration et la responsabilité du régime dans la déportation des Juifs dans les camps de la mort) depuis 1974, le réveil de la mémoire juive, la réouverture de procédures judiciaires contre d'anciens nazis et d'anciens collaborateurs ayant échappé pendant des décennies à toute justice, la requalification de leurs crimes en « crimes contre l'humanité » (dont l'imprescriptibilité est reconnue depuis la loi de décembre 1964). 4- La mémoire collective implique un nouveau rapport au passé - elle est d'abord une exigence de justice à l'égard des victimes des crimes du passé (reconnaissance des torts et réparation) - elle ne repose plus sur une adhésion irréfléchie à un passé mythifié et une forme d'allégeance mais aborde le passé (ses épisodes conflictuels) comme « un problème à résoudre ». Ce n'est possible que dans une démocratie où les citoyens débattent et construisent l'identité de leur nation. Bibliographie : Qu'est-ce qu'une nation ? Ernest Renan, 1882 Le syndrome de Vichy, Henry Rousso, 1987 Face au passé, Henry Rousso
Sun, 26 Jun 2022 - 57min - 34 - Les Rendez-vous de Philopop : L'enfer, c'est les Autres
Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 1er mai 2022 « L'enfer, c'est les Autres » « Alors, c'est ça l'enfer (…) Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... Ah ! Quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres » Ce sont les paroles de Garcin, l'un des trois personnages de Huis-Clos, à la fin de la pièce que J.P. Sartre produit la 1ère fois en 1944. Que veut dire la formule devenue célèbre : « L'enfer, c'est les autres » ?Sartre conclut-il que nos rapports avec les autres sont toujours infernaux ? Qu'en est-il de notre relation avec autrui ? Pour en éclairer le sens, lisons ou relisons Huis Clos à la lumière des analyses de Sartre dans la 3ème partie de l'Etre et le Néant (1943) dont le titre est : « Le pour-autrui ». 1- Le dispositif qui permet de faire du salon de Huis-Clos un enfer : les personnages sont éternellement livrés au regard des autres 2- L' analyse des relations avec autrui dans la 3ème partie de l'Etre et le Néant a- Il n'y a d'expérience d'autrui que si je l'appréhende comme sujet (conscience). Si ma perception ne me révèle que des objets, comment puis-je savoir avec certitude qu'autrui est une autre conscience (un autre sujet, un autre moi qui n'est pas moi) ? b- L'expérience d'autrui comme épreuve d'une décentration de ma perception du monde et d'un regard qui m'objective L'exemple du jardin public (le Square St Roch au Havre?) : « Ainsi tout à coup un objet est apparu qui m'a volé le monde » L'exemple du trou de serrure (l'expérience de la honte) : c'est en m'éprouvant comme objet du regard d'autrui que je fais au coeur de ma conscience l'expérience de sa présence comme sujet c- Le regard d'autrui me révèle que je ne suis pas une pure conscience et que j'ai aussi un dehors qui peut être jugé et qualifié. Je découvre que je suis désormais quelqu'un, et que ce que je suis m'échappe, puisque ce que je suis dépend de la perception qu'autrui a de moi : « Ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre ». 3- L'épreuve du regard d'autrui comme enfer (retour à Huis Clos) a- L'absence de miroir dans Huis Clos fait de chacun des personnages la proie du regard des autres. Le regard d'autrui impose ainsi à la conscience un dehors qu'elle ne contrôle pas et qu'il peut métamorphoser à volonté (voir la scène où, faute de retrouver sa glace de poche, Estelle s'aliène au regard d'Inès) b- Si l'enfer ne peut avoir d'autre lieu que les autres (ils nous enferment dans leurs jugements et nous assignent une identité), cela ne signifie pas que cet enfermement est définitif. Il ne l'est que lorsqu'on est mort ou que nous nous comportons dans l'existence comme des morts-vivants pour qui les jugements des autres sur eux sont définitifs. Etre mort (comme les personnages de Huis Clos), c'est être dans l'impossibilité d'agir sur notre existence et de donner un nouveau sens à notre passé ; c'est être condamné au jugement que les autres (les vivants) porteront sur nous: « Pour la vie morte, les jeux sont faits (…) Etre mort, c'est être en proie aux vivants » (L'Etre et le Néant, 4ème partie, chapitre 2, E : « Ma mort », page 712) 4- C'est le conflit qui donne vie aux relations avec autrui a- Il y a conflit en ce que chaque conscience vise à surmonter sa dépendance originelle à l'autre en maîtrisant sa relation avec lui b- L'exemple de l'amour : il est la tentative de posséder la liberté de l'autre pour le contraindre à me reconnaître comme sa raison d'être ; cette tentative doit demeurer impossible pour que l'amour ait un avenir c- Si le conflit est ce qui fait la vie de la relation avec autrui, l'enfer commence avec le tiers. La relation amoureuse qui s'ébauche entre Garcin et Estelle meurt très vite d'être objectivée sous le regard d'Inès (voir Huis-Clos) Bibliographie : -Huis Clos de Jean Paul Sartre, collection Folio -L'Etre et le Néant, 3ème partie (« Le pour-autrui »), collection Tel/ Gallimard - Huis Clos mis en scène par Robert Hossein sur youtube : https://www.youtube.com/watch
Sun, 01 May 2022 - 50min - 33 - Les rendez-vous de Philopop : La guerre est-elle vraiment la continuation de la politique par d'autres moyens ?
Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 13 mars 2022 La guerre est-elle vraiment la continuation de la politique par d'autres moyens ? Réflexion à partir de la lecture du traité de Clausewitz (1780- 1831),« De la guerre » Le 24 février 2022, Vladimir Poutine décide d'envahir l'Ukraine et menace de faire usage de l'arme nucléaire si on l'empêche d'arriver à ses fins. Si, comme l'explique Clausewitz, la guerre est un moyen pour la politique d'atteindre ses fins quand tous les autres ont échoué, est-elle encore un moyen de continuer la politique si, livrée à sa propre dynamique qui la porte vers une violence illimitée, elle débouche sur l'utilisation de l'arme nucléaire ? La célèbre définition de Clausewitz (« la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens ») est-elle toujours valable ? Pour répondre à ce problème, nous suivrons d'abord l'analyse de Clausewitz. Clausewitz ne s'interroge pas sur la signification anthropologique de la guerre (résulte-t-elle d'un penchant humain?), il n'en discute pas la légitimité (y a-t-il des guerres justes?), il ne porte pas sur elle un jugement moral. La guerre est à ses yeux un fait dont il faut comprendre la nature et découvrir les lois. Cette étude exige qu'on cesse de la considérer simplement comme un phénomène irrationnel, le déchaînement aveugle d'une violence collective. 1- La guerre apparaît ordinairement comme un phénomène irrationnel pour trois raisons : a- Elle témoigne de l'existence d'un penchant humain à l'agression et à la destruction (Freud : Propos d'actualité sur la guerre et la mort (1915), Pourquoi la guerre ? (correspondance avec Einstein, 1932) b- En tant qu'elle est l'expression arbitraire du droit du plus fort, elle est injustifiable juridiquement (violation du droit) c- En tant qu'elle est dans son principe la négation du genre humain, elle est injustifiable moralement (Kant, conclusion de la Doctrine du droit) 2- La volonté de faire la guerre n'est pas simplement l'expression d'un penchant naturel à l'agression a-Elle a une rationalité : c'est une force organisée, une violence contrôlée et dirigée b- Faire la guerre, ce n'est pas simplement tuer et se faire tuer, c'est être prêt à mourir pour tuer un ennemi (Alain : « Il faut des maximes qui tuent », § 90 de Mars ou la guerre jugée) c- La logique interactive de la guerre (elle est comme un « duel ») empêche qu'on la réduise à l'expression d'une agressivité naturelle (De la guerre I, 1 et VI, 7, Clausewitz) 3- La guerre tend par elle-même à « monter aux extrêmes » (De la guerre, I, 2 et 3,Clausewitz) a- Le « concept pur » de la guerre : la dynamique constitutive de la guerre comme montée aux extrêmes b- Du concept pur de la guerre à la réalité des guerres : les raisons pour lesquelles elles ne montent pas aux extrêmes 4- « La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens » (VIII, 6) Conclusion : la guerre ne rompt pas avec la politique et par bien des aspects elle lui ressemble, mais en même temps, elle risque de lui échapper car elle est une violence potentiellement illimitée. Qu'en est-il alors du risque que constitue l'usage de l'arme nucléaire ? La guerre est-elle vraiment la continuation de la politique par d'autres moyens ? Bibliographie : De la guerre, surtout les Livres I et VIII, Clausewitz Penser la guerre, Raymond Aron En rapport avec le thème de la guerre et de la paix, voir le podcast de l'émission des Rendez-vous de Philopop : « La mondialisation est-elle un doux commerce ? »
Sun, 13 Mar 2022 - 50min - 32 - Les Rendez-vous de PHILOPOP : Angoissante liberté
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 20 février 2022 Angoissante liberté Réflexion à partir de la lecture de l'Etre et le Néant de J.P. Sartre (1943). En quel sens les hommes sont-ils libres ? Comment leur liberté se révèle-t-elle à eux ? Pourquoi ignorent-ils le plus souvent ce qu'elle est et tentent-ils de la fuir? 1- La liberté est « l'être de la réalité humaine » a- La conscience fait de l'homme un être libre. Elle n'a pas l'être d'une chose, elle est un mouvement qui la porte au dehors d'elle même en ce qu'elle est toujours « conscience de quelque chose ». Elle est ainsi « l'être qui est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est » (conscience d'un arbre, elle est en même temps cet arbre qu'elle n'est pas et elle n'est pas cet arbre dont elle se distingue).b- En tant que j'ai conscience de moi, je suis en même temps ce moi dont j'ai conscience et je ne le suis pas. La liberté est cette impossibilité pour l'homme de coïncider avec son être, qui fait qu'il a toujours à être 2- C'est dans l'angoisse que les hommes découvrent le fait irrémédiable de leur liberté a- L'exemple du vertige : la différence entre la peur et l'angoisseb- « Je m'angoisse parce que mes conduites ne sont que possibles ». La découverte d'une liberté sans attaches : il ne tient qu'à moi de m'éloigner du précipice ou de m'en approcher : rien ne détermine mon choix.c- Nous voudrions pouvoir échapper à notre liberté, l'angoisse nous révèle que c'est impossible : « Nous sommes condamnés à être libres ». Nous n'avons pas le choix d'être libres ou non, nous n'avons pas le choix de ne pas choisir. 3- La « mauvaise foi » comme tentative d'échapper à sa liberté et d'être comme une chose a- Elles est ce mensonge à soi-même qui est rendu possible par le mode d'être de la réalité humaine (sa liberté)b- Parmi les exemples donnés par Sartre, celui de l'homosexuel qui, honteux d'être homosexuel dans une société homophobe, dénie son homosexualité (il prétend n'être aucunement ce qu'il est et se définit comme ne l'étant pas)c- Dans l'ordre de l'action, la mauvaise foi se traduit par « l'esprit de sérieux » (exemple de l'antisémite dans les Réflexions sur la question juive, 1946) 4- La liberté en situation a- Ne pas confondre la liberté ontologique de l'homme qui constitue sa réalité et l'usage qu'il fait de sa liberté « en situation ». La situation qui s'impose à lui ne détermine pas le sens qu'il choisit de lui donner (exemple du rocher)b- Loin que le passé détermine le présent, c'est le futur (qu'on projette de réaliser) qui décide du sens du passé (l'exemple de la crise mystique de l'âge de 15 ans et celui de la continuation ou de la rupture du lien conjugal) 5-Il y a des situations qui révèlent au plus haut point notre liberté (La République du silence, dans Situations III) a- « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande (…) A cause de tout cela, nous étions libres »b- « Il n'y a pas de situation inhumaine ». C'est la conscience qui décide seule de son sens : il est possible que je résiste à la torture pour ne pas trahir mes camarades (« Si on me torture, tiendrai-je le coup? ») Bibliographie : - L'Etre et le Néant de J.P. Sartre (1943) chez Tel/ Gallimard, plus particulièrement la 1ère partie chapitre 1 (« l'origine du néant ») et chapitre 2 (« la mauvaise foi »), ainsi que le début de la 4ème partie (« Etre et faire : la liberté ») - Les Réflexions sur la question juive (le portrait de l'antisémite) 1946, collection Essais en Folio - https://www.youtube.com/watch?v=Qc0WvffrlIU, archive France Culture « la liberté selon JP Sartre », texte de Sartre lu par lui-même, paru la 1ère fois en 1944 dans Les Lettres françaises et publié ensuite sous le titre « La République du silence » dans Situations III chez Gallimard
Sun, 20 Feb 2022 - 49min - 31 - Les Rendez-vous de Philopop : L'état d'urgence : une menace pour la sûreté des citoyens ?
Les Rendez-vous de PHILOPOP- émission du 23 janvier 2022 Réflexion à partir de la lecture de l'Esprit des Lois de Montesquieu (1748), Etat d'urgence contre le terrorisme (novembre 2015), état d'urgence sanitaire (depuis mars 2020) … L'état d'urgence est en principe un état temporaire qui, pour faire face à un péril imminent, confère des compétences exceptionnelles au pouvoir exécutif et aux autorités administratives, et conduit exceptionnellement à restreindre des libertés. Mais l'inscription au droit commun des mesures d'exception d'abord présentées comme provisoires et la pérennisation de l'état d'urgence ne conduisent-elles pas l'Etat à suivre inexorablement la pente de ce que Montesquieu appelait le « despotisme » ? Jusqu'où l'Etat peut-il aller sans se transformer en instrument d'oppression ? Pour Montesquieu, le mal à combattre est toujours l'arbitraire, sous quelque forme que ce soit, car il est source de violence et de crainte. Aussi définit-il la liberté politique comme son antidote : elle est « cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté » (XI, 6). Comment l'établir et la maintenir ? Comment instituer l'Etat si l'on veut qu'il protège la liberté politique et ne puisse tomber dans « l'abus de pouvoir » ? Nous allons suivre la démarche de Montesquieu dans les Livres XI et XII de L'Esprit des Lois. 1- L'institution de l'Etat est nécessaire pour établir la liberté et mettre un terme à l'arbitraire et à la violence auxquels les hommes seraient livrés s'il ne réglait pas leur coexistence par des lois (Montesquieu ne distingue pas Etat et gouvernement). Au comble de l'arbitraire, il y a le gouvernement despotique où « un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices » (II, 1). A ce gouvernement s'opposent les « gouvernements modérés » qui sont réglés par des lois (nous les appelons aujourd'hui Etats de droit) 2- Il faut que dans ces Etats une constitution distribue les pouvoirs dans des mains distinctes pour assurer vraiment les conditions de la liberté politique. a- Le despotisme ne désigne pas seulement le gouvernement despotique, il est aussi une menace qui pèse sur les gouvernements modérés quand il y a « abus de pouvoir ». Pour éviter ce mal, la solution est de le diviser et « d'arrêter le pouvoir par le pouvoir » par une constitution qui distribue les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) dans des organes distincts b- L'exemple de la Constitution d'Angleterre permet d'étudier les conditions de la liberté politique: 1- on y trouve un équilibre des pouvoirs législatif et exécutif par leur liaison et leur enchaînement (ils ne sont pas séparés, sinon ils ne pourraient pas se faire contrepoids) ; 2- on y trouve un partage du pouvoir législatif entre des forces sociales et politiques aux intérêts opposés (les nobles et le peuple) ; 3- le seul pouvoir qui est séparé des deux autres, est le pouvoir judiciaire (indépendance de la justice). 3- Il faut encore que cesse l'arbitraire qui affecte les lois pénales (« les lois criminelles ») : « C'est de la bonté des lois criminelles que dépend principalement la liberté du citoyen » (XII, 2). Pour cela : a- Il faut une procédure rigoureuse d'instruction qui protège l'innocence des citoyens (« Quand l'innocence des citoyens n'est plus assurée, la liberté ne l'est pas non plus ») b- Le criminel ne doit pas être confondu avec un ennemi : il est d'abord un citoyen dont il faut protéger les droits jusqu'au moment où cette protection cesse, une fois sa culpabilité établie et sa peine prononcée. Celle-ci ne doit pas être confondue avec une « rétention de sûreté » qui consiste à interner préventivement un individu considéré comme « suspect » ou « dangereux » (voir l'évolution sécuritaire du droit pénal contemporain) c- Il faut une qualification précise des crimes et une classification qui assure une juste proportion entre les crimes et les peines (la criminalisation des opinions et des actions « qui choquent
Sun, 23 Jan 2022 - 51min - 30 - Les Rendez-vous de Philopop : L'antisémitisme
Nous aborderons la lecture des Réflexions sur la question juive de Sartre. Quand le texte paraît en 1946, Sartre n'a pu mesurer l'ampleur du génocide des Juifs dans les camps de la mort. Mais même si son propos se limite à ce qu'il a pu observer de la situation des Juifs en France avant la guerre et sous l'occupation, il est très utile pour comprendre le phénomène de l'antisémitisme et réfléchir aux moyens de le combattre. 1- La formulation du problème : comment aborder la « question juive » ? (chapitre 2) Comme en témoigne la politique du gouvernement Pétain, qui promulgua un « statut des Juifs » et institua un « commissariat général aux questions juives », c'est l'antisémitisme qui est à l'origine de la « question ». a- Suffit-il de proclamer l'universalité des hommes, leur égalité de droits, pour protéger les Juifs de la haine des antisémites ? « Les Juifs ont un ami pourtant : le démocrate. Mais c'est un piètre défenseur » (…) « L'antisémite veut détruire le Juif comme homme pour ne laisser subsister en lui que le Juif, le paria, l'intouchable ; le démocrate veut le détruire comme Juif pour ne conserver en lui que l'homme » b- Une universalité qui comprend toutes les différences humaines ne peut se concevoir en termes de « nature humaine » mais de « condition humaine ». Comment dès lors aborder la différence des Juifs : en quoi consiste leur « situation commune » et comment l'expliquer ? 2- Les caractéristiques de l'antisémitisme : le portrait de l'antisémite (chapitre 1) a- Il se présente comme une opinion alors qu'il est en réalité une passion. Ses faux arguments. b- La passion antisémite est une peur de la liberté ; elle est « une nostalgie de l'imperméabilité » c- L'antisémitisme est un irrationalisme : il est une haine de l'intelligence qui oppose à l'abstraction l'enracinement du « vrai » Français d- Il est fondé sur le ressentiment : l'antisémite a besoin de nier le Juif pour se sentir exister e- C'est un manichéisme : il interprète l'Histoire comme le combat purificateur du Bien contre le Mal incarné selon lui par le Juif 3- Qu'en est-il du Juif que l'antisémite veut détruire ? « Le Juif existe-t-il ? Et, s'il existe, qu'est-il » ? (chapitres 3 et 4) a- En quoi consiste l'identité juive ? Si elle ne s'explique pas par la « race » (comme l'explique l'antisémite), vient-elle de la religion, ou d'une histoire commune ? b- Réponse de Sartre : « Le Juif se définit comme celui que les nations ne veulent pas assimiler(...) Le Juif est un homme que les autres tiennent pour Juif » . c- Face à une situation imposée historiquement par l'antisémitisme, les Juifs sont condamnés à un dilemme : choisir l'inauthenticité (fuir la situation, jouer à n'être pas Juif, chercher à tout prix « l'assimilation »), ou choisir l'authenticité (assumer sa spécificité juive : ses traditions, sa religion... « s'intégrer à la nation en tant que Juifs », et ce propos concerne « aussi bien les Arabes que les Noirs dès lors qu'ils sont solidaires de l'entreprise nationale et ont droit de regard sur cette entreprise, comme citoyens») Conclusion : H. Arendt jugera sévèrement la thèse de Sartre sur l'identité juive, mais elle le rejoindra dans la critique qu'il fait d'un universalisme qui s'en tient abstraitement à la proclamation des droits de l'homme (c'est celui du « démocrate »). Le véritable universalisme exige de lutter concrètement contre les discriminations que subissent aussi bien les Juifs que tous ceux qui en France en 1946 se trouvent opprimés : les Arabes, les Noirs, les femmes. Sartre plaide ainsi en conclusion pour un « libéralisme concret» Bibliographie Réflexions sur la question juive, de Sartre, collection Folio, 1946 L'Etre et le Néant, 3ème partie : « Le pour-autrui », de Sartre, collection Tel chez Gallimard Sur l'antisémitisme de H. Arendt, collection Essais chez Calmann-Lévy, 1951
Sun, 28 Nov 2021 - 50min - 29 - Les Rendez-vous de Philopop : Quand l'obéissance devient monstrueuse
Les Rendez-vous de PHILOPOP- émission du 31 octobre 2021 Quand l'obéissance devient monstrueuse Réflexion sur la « banalité du mal » à partir de la lecture de Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, de Hannah Arendt (1963, collection Folio) et de Nous, fils d'Eichmann, de Günther Anders (1964 et 1988, collection Rivages) L'expérience du XXème siècle (guerres mondiales, régimes totalitaires, génocides) nous conduit à conclure comme l'historien américain Howard Zinn (discours à l'Université de Baltimore en 1970) que « notre » problème c'est l'obéissance et non pas, comme on le pense habituellement, la désobéissance. L'exemple d' Eichmann, l'organisateur de la Solution finale, est souvent invoqué pour montrer comment l'obéissance peut devenir monstrueuse. Hannah Arendt parle à son propos de la « banalité du mal ». Mais, comme l'affirment aujourd'hui de nombreux historiens, Hannah Arendt ne s'est-elle pas égarée en voyant en Eichmann un bureaucrate insignifiant qui obéissait aveuglément aux ordres de sa hiérarchie ? Par « banalité du mal », n'entend-elle pas une forme d'obéissance bornée qui reviendrait en définitive à déresponsabiliser Eichmann ? Quels sont les vrais ressorts de l'obéissance monstrueuse qui a fait tant de ravages dans notre monde contemporain ? La lecture de l'Essai d'Hannah Arendt nous montrera que les critiques qui lui sont souvent adressées, ne tiennent pas vraiment compte de sa démonstration. L'expression de « banalité du mal » est trop souvent soumise à des contre-sens. Ces critiques correspondent en revanche beaucoup mieux aux textes que Günther Anders a consacrés lui même au cas Eichmann. Il sera ainsi très intéressant de comparer les œuvres et de les confronter. 1- Lecture d'Eichmann à Jérusalem : l'obéissance d'Eichmann était-elle une « obéissance quasi robotique » (selon la formule de l'historien David Cesarani) ? a- Une obéissance particulièrement zélée : 1- la bureaucratie en régime nazi ; 2- Eichmann est un gestionnaire performant (son activité à Vienne en 1938) b- Eichmann revendiquait la moralité de ses actions : 1- la citation qu'il fait de « l'impératif catégorique » de Kant et sa déformation ; 2- il était capable de désobéir aux ordres quand ils contredisaient la loi (c'est à dire la volonté du Führer), il désobéit ainsi en 1944 à Himmler c- Comment s'opère en un homme normal comme Eichmann la perversion de la loi qui exige de lui qu'il considère l'extermination des Juifs comme un devoir : 1- la perversion de la loi (« La loi du pays d'Hitler exigeait que la voix de la conscience dise à chacun : Tu tueras) ; 2- les procédés mis en œuvre par les nazis pour anesthésier la conscience morale ordinaire (les « règles de langage ») d- L' « absence de pensée » de Eichmann constitutive de la banalité du mal : ni stupidité, ni obéissance robotique, mais choix de ne plus juger, de ne plus avoir à penser aux conséquences de ses actes (exemple de l'épisode de sa conversation avec le capitaine Less) 2- Lecture de Nous, les fils d'Eichmann : Eichmann, exécutant robotique d'un système technique monstrueux a- La puissance de déshumanisation de la technique moderne menace de monstruosité notre monde contemporain b- les « deux racines du monstrueux » : la fragmentation technique des tâches a pour effet d'anesthésier moralement les individus (exemple d'Eichmann comme illustration) ; un monde en passe de « devenir machine » et de transformer les hommes en rouages Conclusion : Deux interprétations différentes du cas Eichmann, deux analyses quasi-opposées des ressorts de l'obéissance monstrueuse qui ravage le monde contemporain (un engagement zélé, monstrueux, où prévaut l'adhésion à l'idée totalitaire, d'un côté ; un système monstrueux de l'autre qui tend à fabriquer des hommes indifférents, bornés à des préoccupations techniques). Bibliographie : outre les deux œuvres citées, - Désobéir par Frédéric Gros chez Albin Michel - Adolf Eichmann, comment un homme ordinaire devient un meurtrier de mass
Sun, 31 Oct 2021 - 57min - 28 - Les Rendez-vous de Philopop : Présentation des activités et du programme de PHILOPOP 2021-2022
La première séance aura lieu le jeudi 23 septembre de 20H30 à 22H30 au lycée Claude Monet du Havre. N'hésitez pas à consulter le site internet de l'association:(https://sites.google.com/site/philopoplh/), pour prendre connaissance des règles sanitaires exigées. Outre les séances qu'elle organise régulièrement au lycée Claude Monet, PHILOPOP donne une émission mensuelle (lesRendez vous de Philopop) sur Ouest Track radio. 1- PHILOPOP, une association ouverte à tous Quelques précisions d'ordre pratique : Vous trouverez sur le site de PHILOPOP (https://sites.google.com/site/philopoplh/) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à début juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30) Les questions philosophiques : des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemples de la vérité, de la justice, de la liberté...) L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi 2- La formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion) Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante Il montre comment l'examen d'une notion (la vérité, la justice, la liberté, la mémoire...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes. 3- Le programme de la saison 2021-2022 Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents Le thème : La mémoire L'oeuvre : L'Etre et le Néant de J.P. Sartre, TEL/ Gallimard L'émission des Rendez vous de Philopop de ce dimanche 19 septembre (reprise le dimanche 26 septembre) n'a d'autre but que de vous expliquer la démarche de l'association (Philopop, association populaire de philosophie du Havre, créée en 2007) et de vous présenter brièvement le programme de la saison 2021-2022 Les 3 premières séances au lycée Claude Monet: Jeudi 23 septembre, Mardi 12 octobre, Jeudi 21 octobre Site internet de PHILOPOP: https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 19 Sep 2021 - 31min - 27 - Les rendez-vous de Philopop : A la recherche de la moitié perdue
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 27 juin 2021 A la recherche de la moitié perdue Du désir à l'amour Nous aborderons la lecture du mytheprésenté par Aristophane dans le Banquet de Platon. Elle sera l'occasion de réfléchir au sens de l'expérience amoureuse. Ce dialogue a été probablement rédigé vers 375 avant J.C. Le mythe explique la condition humaine par un passé surnaturel : si les amoureux ne veulent faire qu'un, c'est parce qu'autrefois ils furent un 1- La lecture du mythe : Ce qu'était notre nature originelle Zeus punit les hommes archaïques en les coupant en deux : les hommes devenus des demi-portions sont condamnés à rechercher la moitié dont ils ont été séparés. Le désir résulte du châtiment divin. Comme, dans cette quête désespérée, les hommes risquent de dépérir, Zeus doit inventer la sexualité pour permettre aux hommes de trouver un répit momentané grâce à l'orgasme et se reproduire L'amour est ainsi le «médecin des âmes» qui guérit la nature humaine en «rassemblant les parties de notre antique nature» 2- L'amour réalise-t-il vraiment l'union parfaite des moitiés? Peut-on lire le mythe au pied de la lettre? Les indices qui mettent en doute son enseignement apparent : l'étrange intervention d'Héphaïstos, le dieu forgeron; la tentative insensée des ancêtres d'escalader les cieux et de rivaliser avec les dieux. 3- L'attrait exercé par ce mythe sur la psychanalyse Lectures conseillées: Le Banquet de Platon (G/F) Malaise dans la culture de Freud Ethique III, propositions 9 et 13, de Spinoza Voir la vidéo-conférence « L'amour selon Spinoza dans l'Ethique » https://www.youtube.com/watch?v=zpeZWOVdTh0, où Spinoza fait la critique de la conception du désir et de l'amour sous-jacente au mythe d'Aristophane.
Sun, 27 Jun 2021 - 51min - 26 - Les Rendez-vous de Philopop : Vers un monde sans visage ?
Les Rendez-vous de PHILOPOP,émission du 30 mai 2021 Vers un monde sans visage? Masque sanitaire, gestes barrière, distanciation sociale, télé-travail, enseignement distanciel... Le monde à venir est-il appelé à devenir un monde sans visage? Pourquoi nous semble-t-il si important de rencontrer les autres et de voir leur visage? Sommes-nous engagés dans un processus de désincarnation inquiétant ? Pour répondre à cette interrogation, nous nous demanderons: 1- Que faut-il entendre par visage: est-il la même chose que la face, la figure, le faciès ? a- de la face au visage : l'originalité de la face humaine (la station debout libère à la fois la main et la face, voir Aristote (4ème siècle av. J.C) dans le traité Des parties des animaux, et aussi le paléontologue Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, 1964) b- l'étymologie du mot visage vient du latin «visus» qui désigne ce qui est vu. Le visage témoigne de notre humanité et de notre singularité. Il n'est pas réductible à la face qui est son support anatomique, ni à la figure qui est son vecteur d'expression. Il se caractérise par son expressivité c- Pourquoi le visage peut-il être expressif? Il est une totalité perpétuellement en mouvement qui ne se réduit pas à la somme des parties de la figure. Ses expressions sont des signes qui donnent à voir des émotions, sentiments, pensées... . Un visage ne peut devenir expressif si l'individu est privé de toute communication (l'exemple célèbre de l'enfant sauvage, Victor de l'Aveyron) d- Est-il possible de connaître l'intériorité d'un homme en observant les traits et les expressions de son visage ? : de l'impression première produite par un visage (exemple de Montaigne dans Essais III, chapitre 12 «Sur la physionomie») au projet d'une «science» du visage (= d'une «physiognomonie») qui prétend établir le caractère d'un homme à partir de l'observation des traits de son visage, et à celui des « théories raciales » qui prétendent établir son type racial. Ces prétendues théories réduisent le visage à la face et à la figure. 2- La négation du visage comme négation de l'humanité Priver un homme de son visage, c'est nier sa singularité d'homme et s'autoriser à le détruire. Voir le film Monsieur Klein de Joseph Losey, l'exemple de l'exposition «Le Juif et la France» de 1941 ; les témoignages des déportés rescapés sur les camps de concentration et d'extermination (Primo Levi, Si c'est un homme, Robert Antelme, L'espèce humaine) 3- Le mystère du visage a- « La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne même pas remarquer la couleur de ses yeux » (Levinas, Ethique et infini, 1981) b- «L'accès au visage est d'emblée éthique» : il est à la fois appel au meurtre et injonction de ne pas tuer. La barbarie exterminatrice s'accomplit d'autant plus facilement qu'elle prive les victimes de leur visage c- Le danger d'un effacement des relations humaines par le moyen des nouvelles technologies (le numérique) Bibliographie : Montaigne, Essais livre III, chapitre 12, Sur la physionomie Primo Levi, Si c'est un homme ; Robert Antelme, L'espèce humaine Emmanuel Lévinas, Ethique et infini
Sun, 30 May 2021 - 59min - 25 - Les Rendez-vous de Philopop : Prométhée, de la technique à la politique
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 25 avril 2021 Prométhée, de la technique à la politique Nous aborderons la lecture du mythe de Prométhée présenté par le sophiste Protagoras dans le dialogue éponyme de Platon. (édition Garnier/Flammarion, traduction de F. Ildefonse). Cette lecture nous permettra de réfléchir aux questions de la nature humaine, de la technique et de la politique. Ce dialogue a été probablement rédigé vers 390 avant JC. C'est la 3ème version du mythe de Prométhée, après celle du poème Les Travaux et les jours d'Hésiode (entre le VIIIème siècle et le VIIème siècle avant JC), et après celle de la tragédie Le Prométhée enchaîné d'Eschyle (au début du Vème siècle avant JC). 1- Lecture du mythe de Prométhée dans le Protagoras de Platon a- La distribution par Epiméthée des capacités qui doivent permettre aux animaux d'assurer leur conservation b- L'étourderie d'Epiméthée et le vol de Prométhée pour la réparer. Epiméthée a oublié de doter l'homme et il ne lui reste plus aucune capacité à distribuer. Son frère Prométhée « voit tous les vivants harmonieusement pourvus en tout, mais l'homme nu, sans chaussures, sans couverture, sans armes ». Le vol du savoir technique et du feu aux dieux Héphaïstos et Athéna par Prométhée permet aux hommes d'assurer leur conservation par l'invention des techniques c- La technique ne suffit pas à assurer la conservation des hommes. Il leur faut aussi l'art politique, sinon ils risquent de périr sous les coups des bêtes sauvages et .par la violence des autres hommes d- L'intervention de Zeus : son messager Hermès est chargé d'apporter aux hommes la vergogne et la justice, qualités morales qui permettent d'acquérir et d'exercer l'art politique. De quelle manière doit se faire le don de ces qualités ? Il y a deux solutions : ou les donner seulement à quelques uns comme c'est le cas de l'art médical, ou les donner à tous. Zeus choisit la 2ème solution, elle fonde la démocratie. 2- L'intérêt de cette lecture : a- Une réflexion sur la politique : est-elle une affaire d'experts ou est-elle l'affaire de tous ? (l'opposition entre Protagoras et Platon) b- Une réflexion sur l'homme et la technique : l'homme est-il un animal démuni qui doit compenser sa vulnérabilité naturelle par la technique, ou est-il au contraire un animal avantageusement organisé par sa constitution physique ? (la réfutation de la thèse de Protagoras par Aristote, dans le traité Les Parties des animaux, l'exemple de la polyvalence de la main) Lecture conseillée : Le Protagoras de Platon, édition G/F
Sun, 25 Apr 2021 - 40min - 24 - Les Rendez-vous de Philopop : La Mémoire
Notre réflexion s'appuiera sur la lecture du dernier ouvrage de Paul Ricoeur, La Mémoire, l'histoire, l'oubli (Editions du Seuil, 2000). Si la mémoire est, comme on la représente souvent, un magasin localisé dans le cerveau où sont inscrites les traces des impressions laissées en nous par les événements passés, comment ces traces peuvent-elles les représenter alors qu'ils ne sont plus ? Présenter des traces cérébrales comme des traces « mnésiques », ce n'est pas résoudre cette énigme, c'est la supposer déjà résolue. Une réflexion philosophique sur la mémoire doit au contraire s'y confronter. 1- La double énigme de la mémoire a/ L'énigme de la représentation présente d'une chose absenteLa métaphore de l'empreinte d'un sceau dans un bloc de cire, utilisée par Platon dans le Théétète, présuppose que le souvenir est comme l'image d'une chose qui a été gravée dans l'âme et laisse ainsi son empreinte b/ L'énigme du rapport de l'image du souvenir à une expérience antérieure « Chaque fois que l'on fait acte de mémoire parce qu'on a déjà vu, entendu ou appris telle chose, on perçoit que cela s'est produit antérieurement », Aristote dans De la mémoire et de la réminiscence, « Le souvenir est quelque chose qui tranche sur le présent, c'est ainsi que nous le reconnaissons comme souvenir », Bergson dans Matière et mémoire. c/ L'examen de cette double énigme permet de distinguer deux types de défaillance de la mémoire : 1-elle prétend connaître le passé, or sa représentation peut être infidèle ; 2- elle prétend le retrouver, or l'impression qui en a été laissée peut s'effacer, et l'effort de remémoration peut échouer à l'atteindre 2- L'oubli est-il l'ennemi de la mémoire ? 3- La survivance du souvenir : examen de la notion de « trace » a/ Trace psychique (=le souvenir comme impression vécue) et trace cérébrale (voir les neurosciences)b/ Le caractère problématique de la notion de « trace mnésique » : une trace matérielle peut-elle signifier un passé ?c- La trace psychique (le souvenir) a par elle même le pouvoir de survivre (voir Matière et mémoire de Bergson) : la mémoire est ainsi le passé qui se conserve tout entier en moi ; elle n'est pas une faculté de conservation qu'il faudrait localiser dans le cerveau. d- Dans cette perspective, l'oubli désigne le caractère inaperçu (inconscient) de la persévérance du souvenir, il met le passé en réserve (c'est un « oubli de réserve » , Ricoeur). Il faut distinguer deux formes de pathologie : la mémoire détruite (la maladie d'Alzheimer), et la mémoire blessée (l'exemple de l'hystérie, voir la 1ère leçon sur la psychanalyse de Freud) Lectures conseillées : La mémoire, l'histoire, l'oubli de Paul Ricoeur, Editions du Seuil 2000Psychopathologie de la vie quotidienne et 1ère leçon sur la psychanalyse de FreudMatière et mémoire de Bergson, chapitres 2 et 3 Funès ou la mémoire de Borgès
Sun, 28 Mar 2021 - 1h 01min - 23 - Les Rendez-vous de Philopop : Réflexion sur les causes et les effets des conflits religieux
Réflexion sur les causes et les effets des conflits religieux Confronté à la violence des guerres de religion qui opposent à son époque catholiques et protestants, Montaigne (1533-1592) abandonne toute perspective théologique axée sur la question des dogmes pour considérer seulement la religion dans ses effets pratiques. Plutôt que de chercher la vraie religion, il examine les effets de la religion sur le terrain politique. 1-La perspective traditionnelle sur la religion jusqu'à Montaigne : la justification de l’intolérance et de la persécution au nom de la vérité -La contrainte est nécessaire et légitime pour remettre les croyants égarés (les «hérétiques ») dans le droit chemin (Saint-Augustin (354-430): « il y a une persécution juste ») 2- La tolérance religieuse comme politique pour établir la paix civile a- Les deux sens du terme de tolérance: 3- La véritable nature des conflits religieux a- la distinction entre la foi («infusion extra-ordinaire» qui vient de Dieu, et n'est connue que par une minorité d'hommes exceptionnels incapables de nuire aux autres) et la croyance religieuse ordinaire (l'homme tient à Dieu par des moyens seulement humains; cette croyance repose sur le hasard et la coutume) Conclusion: si l'on sait que les conflits religieux sont l'expression de conflits d'intérêts, d'ambitions sociales et politiques transférés au champ religieux, il est non seulement possible d'agir sur leurs effets mais aussi sur leurs causes. PHILOPOP Le Havre (google.com)
Sun, 28 Feb 2021 - 1h 01min - 22 - Les Rendez-vous de Philopop : Réfléchir sur la Colonisation
Les Rendez- vous de PHILOPOP, émission du 31 janvier 2021 Réfléchir sur la colonisation A l'heure où il est question de regarder en face ce qu'a été la colonisation de l'Algérie par la France (1830-1962), la lecture de Tocqueville est instructive. Ses textes sur l'Algérie (1841 et 1847) jettent un éclairage exceptionnel sur le processus de la colonisation et permettent d'en comprendre la logique. Ainsi, comment Tocqueville peut-il soutenir l'entreprise coloniale en Algérie, alors qu'il a condamné l'expropriation des Indiens par les Blancs d'Amérique et fustigé l'esclavage des Noirs, à la fin du 1er tome de De la Démocratie en Amérique, paru en 1835 ? 1- La condamnation du traitement appliqué aux Indiens et aux Noirs par les Blancs d'Amérique (chapitre 10 du 1er tome de De la Démocratie en Amérique) l'expropriation et l'extermination des Indiens (« On ne saurait détruire les hommes en respectant mieux les lois de l'humanité ») comment l'abolition de l'esclavage des Noirs risque d'aboutir à la ségrégation 2- La justification de l'entreprise coloniale et la réflexion de Tocqueville sur les moyens de la réaliser (textes sur l'Algérie de 1841 et 1847) a- La justification de l'entreprise coloniale au nom de la grandeur de la France b- Une analyse « machiavélienne » des moyens de la mettre en œuvre : la guerre de conquête et « ses nécessités fâcheuses » « Dominer pour coloniser » : 1- ce que veulent dire « gouverner » et « coloniser » ; 2- la nécessité d'une « expropriation forcée » exercée une fois pour toutes au départ pour établir les fondements de la colonisation ; 3- attirer et fixer en Algérie une population européenne « afin d'y créer une colonie peuplée et florissante » 3- Comment Tocqueville envisage l'organisation juridique de la colonie et l'administration de la coexistence entre les colons européens et les « indigènes ». a- Un séparatisme juridique, une double législation : « On ne peut traiter les sujets musulmans comme s'ils étaient nos concitoyens et nos égaux » b- La lucidité de Tocqueville et ses craintes concernant l'avenir de la colonisation (« Nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable... » ; « Ce qu'on peut espérer, ce n'est pas de supprimer les sentiments hostiles que notre gouvernement inspire, c'est de les amortir ») c- La solution d'une « communauté d'intérêts » 4- Quelles leçons tirer de la lecture des écrits de Tocqueville sur l'Algérie ? a- La condition de l'Arabe d'Algérie : en partie comme l'Indien d'Amérique (exproprié), en partie comme le Noir d'Amérique (discriminé et au service de ce nouveau propriétaire qu'est le colon européen) b- Tocqueville est-il incohérent ? Le divorce entre son nationalisme et son colonialisme (textes sur l'Algérie) et sa défense des principes humanistes universels c- Sa philosophie de l'histoire (exprimée au début de De la Démocratie en Amérique) ne le conduit-elle pas à justifier la disparition de l'Indien d' Amérique et la soumission coloniale de l'Arabe d'Algérie (au nom de l'idée de civilisation) ? Conclusion. A la fin de son rapport sur l'Algérie en 1847, Tocqueville formule une mise en garde qui apparaît prémonitoire : si la violence coloniale ne cesse pas, elle risque d'engendrer la guerre entre les colons européens et les « indigènes ». On sait ce qu'il advint, un siècle plus tard. Lectures conseillées : De la démocratie en Amérique, Tome 1, chapitre 10, de Tocqueville Sur l'Algérie, Tocqueville, en G/F Nous et les autres, chapitre « Tocqueville », de Tzvetan Todorov, collections Essais au Seuil Sur la question du racisme, vous pouvez aussi écouter l'émission des Rendez-vous de PHILOPOP qui lui a été consacrée en juin 2020, et qui s'appuyait sur l'analyse de la condition des Noirs d'Amérique que fait Tocqueville à la fin du 1er tome de De la démocratie en Amérique, paru en 1835. Le lien : https://ouest-track.com/podcasts/les-rendez-vous-de-philopop-290/les-rendez-vous-de-philopop-le-racisme-comme-moyen-de-perpetuer
Sun, 31 Jan 2021 - 1h 12min - 21 - Les Rendez-vous de Philopop : Qui est barbare ?
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 27 décembre 2020 Qui sont les Indiens ? Des barbares qu'il est juste de soumettre, ou des hommes libres et égaux ? Cette interrogation fut au cœur de la controverse de Valladolid en 1550 : elle devait permettre de répondre à la question de savoir s'il était légitime ou non de leur faire la guerre avant de les convertir à la religion chrétienne. Vingt ans plus tard, c'est la même interrogation que reprend Montaigne (1533-1592) dans ses Essais sur les Cannibales (I, 31) et sur les Coches (III, 6). Nous suivrons ici sa réflexion. Ainsi, peut-on dire d'un homme ou d'un peuple qu'il est barbare ? Ce terme s'entend en deux sens différents :- soit il qualifie l'état d'un homme (ou d'un peuple) qui n'a reçu aucune éducation et n'est pas civilisé (barbare est ainsi synonyme de sauvage et s'oppose à civilisé), soit il désigne une conduite particulièrement cruelle (barbare est alors synonyme d'inhumain). Y a-t-il un lien nécessaire entre ces deux sens : l'inhumanité (la barbarie au 2ème sens) résulte-t-elle de l'absence de civilisation (la barbarie au 1er sens) ? Pour les Européens qui prennent pied en Amérique au XVIème siècle, la réponse est évidente : le cannibalisme que pratiquent les Indiens est la preuve manifeste de leur barbarie (de leur état sauvage). Pour Montaigne au contraire, ce jugement est fondé sur l'ignorance du mode de vie des Indiens. 1- Par quel raisonnement conclut-on que les Indiens sont des barbares ?(c'est celui que tient notamment le théologien Sepulveda lors de la controverse de Valladolid) Selon la définition héritée d'Aristote, l'homme est un « animal rationnel ». Mais parce que la raison ne se réalise pas naturellement au même degré chez tous les hommes, il y a des hommes naturellement inférieurs à d'autres : c'est, pense-t-on, le cas des Indiens qui, contrairement aux Européens, n'ont pas assez de raison pour se gouverner eux-mêmes et tombent ainsi dans la bestialité. On conclut alors qu'ils sont des barbares. Montaigne va montrer qu'il s'agit là d'un préjugé ethnocentrique qui nie la culture des Indiens. 2- La « présomption » est la source du préjugé ethnocentrique comme elle est celle du préjugé anthropocentrique La « présomption » conduit les hommes à juger comme inférieurs les êtres qui sont différents d'eux. En définissant l'humanité par la raison, on prétend d'abord que les hommes sont supérieurs aux bêtes (censées en être dépourvues), puis on juge inférieurs (barbares) les hommes censés n'en avoir pas assez (exemple : les Indiens cannibales). Aussi, pour vaincre cette présomption, la bonne méthode consistera à réduire d'abord la différence que l'homme s'imagine entre les bêtes et lui (destruction du préjugé anthropocentrique), avant de montrer l'extrême diversité qui sépare les hommes (destruction du préjugé ethnocentrique). Tout se concentre dans cette formule : « Il y a plus de distance de tel homme à tel homme qu'il y a de tel homme à telle bête » (cette réflexion est menée au début de l'Apologie de Raymond Sebond, II, 12) 3- La destruction du préjugé ethnocentrique : « Il y a une étonnante distance entre la manière d'être des Cannibales et la nôtre » a- La société des Tupinambas (Indiens du Brésil) ne ressemble à aucune de celles que nous connaissons, ni même à ce que les philosophes Platon et Aristote ont pu concevoirb- Il faut distinguer les termes de « sauvage » et de « barbare » : 1- le sauvage est celui qui n'est pas corrompu par l'histoire : il ne doit plus être jugé en référence au civilisé, mais à l'inverse le civilisé (l'Européen) doit l'être en référence à lui ; 2- la notion de barbare revêt deux sens : un sens ethnocentrique (« chacun appelle barbarie ce qui n'est pas dans ses coutumes ») et un sens moral qui n'est attaché à aucune culture particulière (en ce sens, les cannibales sont barbares, mais sur ce terrain, « Nous les surpassons en toute sorte de barbarie », voir les guerres de religion en Europe)c- La singularité du mode de vie des Tup
Sun, 27 Dec 2020 - 55min - 20 - Les Rendez-vous de Philopop : La Laïcité
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 29 novembre 2020 Laïcité La laïcité, principe juridique qui garantit la liberté de conscience, est souvent mal comprise et donne lieu à des confusions : elle est confondue avec une doctrine ou elle est encore assimilée à une valeur à laquelle il faudrait adhérer. Une clarification s'avère nécessaire 1- Pourquoi ce principe s'avère-t-il nécessaire ? a- La confusion des domaines religieux et politique, la collusion des Eglises et de l'Etat, conduisent à la négation de la liberté de conscience la transformation d'une religion en instrument d'oppression : l'exemple historique du christianisme (L'Eglise, gardienne du dogme, et reconnue comme Eglise officielle) les conséquences de cette transformation : injustices, violences, persécutions le « cléricalisme » comme perversion de la religion (analyse de Kant dans La religion dans les limites de la simple raison, 1793) b- Les différentes modalités de la confusion des domaines religieux et politique (théocraties, Etats confessionnels, liens concordataires entre l'Etat et les Eglises) 2- Séparer les domaines religieux et politique pour mettre fin à l'oppression et garantir la liberté de conscience a- La solution fragile et inégalitaire du principe de tolérance civile b- Le principe de laïcité de l'Etat garantit la liberté de conscience et l'égalité de traitement des convictions par la séparation juridique du domaine public (régi par la loi commune) et la sphère privée qui relève de la liberté de conscience (pour éclairer cette séparation, l'analyse de Spinoza est précieuse, voir le chapitre XX du Traité théologico-politique, 1670) c- l'examen des deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905, loi dite « de séparation » entre les Eglises et l'Etat 3- Examen de la question du « blasphème » à la lumière du principe de laïcité a- c'est une notion relative à une religion b- le « délit de blasphème » revient à ériger une conviction particulière en une loi qui s'impose à tous c- le respect de la liberté de conscience n'implique pas le respect des croyances et des conviction (la distinction des personnes et des convictions) d- en tant que principe qui garantit la liberté de conscience, la laïcité n'est pas une valeur sacrée à laquelle il faudrait adhérer (elle s'explique, elle n'est pas l'objet d'un culte) Quelques lectures conseillées : La préface et le chapitre XX du Traité théologico-politique de Spinoza (1670) La Religion dans les limites de la simple raison de Kant (1793) La laïcité, textes choisis et présentés par H. Pena-Ruiz, collection Corpus, GF- Flammarion Vous pouvez aussi trouver les liens des enregistrements et des plans de 8 conférences sur le sujet voisin de la tolérance sur le site de PHILOPOP (accessibles à tous) : https://sites.google.com/site/philopoplh/home/accs-aux-enregistrements ERRATUM: 1- La formule de Victor Hugo dans le discours qu'il a prononcé à l'Assemblée nationale contre la loi Falloux en 1850 est exactement la suivante: "L'Eglise chez elle et l'Etat chez lui". Un malheureux lapsus au cours de l'émission l'a déformée. 2- C'est bien en 1633 (et non en 1663) que Galilée, condamné pour hérésie à cause de ses travaux, doit abjurer "ses erreurs"
Sun, 29 Nov 2020 - 54min - 19 - Les Rendez-vous de Philopop : Qu'est- ce que le peuple ?
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 25 octobre 2020 Hommage à Samuel PATY, collègue d'histoire sauvagement assassiné parce qu'il enseignait ---------------------------------- Qu'est- ce que le peuple ? 1- Une notion ambigüe Un sens politique (communauté de citoyens, « populus ») et un sens social (le bas-peuple, la plèbe, « plebs » ou « vulgus ») Y a-t-il une volonté du peuple ? Le peuple existe-t-il comme sujet collectif ? Deux visions opposées du peuple : Michelet (Histoire de la Révolution française, 1847) et Flaubert (Education sentimentale, 1869) ; le peuple a-t-il une existence politique ou n'est-il qu'un mythe ? 2- La plèbe est-elle un danger pour le peuple ? L'ambiguïté du mot nous contraint à réfléchir à l'articulation des deux sens La notion de peuple a en réalité trois sens : juridique, ethnique, social (Anthropologie d'un point de vue pragmatique, 2ème partie, de Kant, 1797) . La plèbe (3ème sens) apparaît comme un danger pour le peuple (1er sens) car elle risque de devenir séditieuse Ainsi, pour Platon (La République), le peuple (populus) ne peut pas exister ; il n'est que le plus grand nombre incapable de se gouverner (ignorance et irrationalité) qui devient dangereux en se rassemblant sous l'influence de démagogues; seuls les « meilleurs » (l'élite des philosophes-rois) doivent gouverner 3- Le peuple (le « populus ») ne peut se concevoir qu'à partir de la plèbe « Peuple » est un nom péjoratif au XVIIIème siècle qui, jusqu'à la Révolution française, a un sens exclusivement social ; il désigne le bas-peuple (plèbe) La critique de cette représentation péjorative par l'abbé Coyer (Dissertation sur la nature du peuple, 1755) : « Le peuple (sens social) est composé d'hommes » Rousseau (Emile, 1762) va plus loin : « C'est le peuple qui compose le genre humain ; ce qui n'est pas le peuple est si peu de chose que ce n'est pas la peine de le compter ». Seuls les gens du peuple sont capables de sentir et d'identifier ce qui est humain. Chez eux l'amour-propre n'étouffe pas la pitié, contrairement aux « gens du monde » qui sont aveuglés par « la fureur de se distinguer » Conclusion : Le peuple (politique, qui suppose l'égalité des hommes) ne peut se concevoir qu'à partir de la plèbe (le peuple social) Bibliographie : Histoire de la Révolution française 1ère partie, de Michelet, à propos de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 Education sentimentale de Flaubert, à propos des journées de février 1848 Dissertation sur la nature humaine de l'abbé Coyer Emile de Rousseau La nature du peuple, par Deborah Cohen (éditeur, Champ Vallon) Les voies du peuple, par Gérard Bras (éditions Amsterdam) Film conseillé : Un peuple et son roi,réalisé et écrit par Pierre Schoeller, sorti en 2018 (extrait donné lors de la 2ème pause) Site de l'association PHILOPOP : https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 25 Oct 2020 - 52min - 18 - Les Rendez-vous de Philopop - Qui a fabriqué le virus ? Réflexion sur les « théories » du complot
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 27 septembre 2020 Qui a fabriqué le virus ? Réflexion sur les « théories » du complot Le coronavirus n'aurait pas été transmis à l'homme par le pangolin ou la chauve-souris, comme on le croit, il aurait été en réalité fabriqué dans des laboratoires, sous les ordres du gouvernement chinois ou à l'initiative de grandes firmes pharmaceutiques occidentales... Il y aurait donc un complot ! En prétendant dévoiler ainsi la véritable cause d'une épidémie (un complot) et identifier ses vrais responsables, les « théories » du complot séduisent un nombre important d'internautes. Parler de « complotisme », c'est au contraire considérer qu'il ne s'agit là que de croyances renvoyant à un complot imaginaire. Pourquoi est-il légitime de dénoncer les « théories » du complot ? 1- Pour comprendre cette dénonciation, il faut examiner d'abord la nature de ces « théories », leur mode de raisonnement, leurs ressorts affectifs (ce sont des croyances superstitieuses pour lesquelles il ne saurait y avoir de hasard), et voir enfin leurs conséquences nocives. 2- Cette analyse peut être illustrée par l'exemple du mythe de la « conspiration juive mondiale » qui fut au centre de la propagande nazie, et contribua à la mise en œuvre d'un génocide (la lecture du 3ème tome des Origines du totalitarisme (1951) de Hannah Arendt, qu'elle consacre à l'étude du « système totalitaire », sera ici très utile) 3- Si les « théories » du complot ne sont pas toutes aussi dangereuses, leur développement et leur diffusion (par internet surtout) dénotent aujourd'hui une défiance radicale à l'égard de tout énoncé émanant des autorités, quelles qu'elles soient, parmi lesquelles l'autorité dévolue aux sciences. Comment lutter dès lors contre ces « théories » ? Comment éviter leur pouvoir de nuisance ? On répond généralement par la formation de l' « esprit critique ». Mais il faut préciser ce qu'on entend par là, et comprendre que celui-ci n'est rien sans un apprentissage méthodique de la réflexion Il est nécessaire de prendre conscience des mécanismes de concurrence engendrés par internet entre la connaissance et la croyance, défavorables à la première (comme le montre le sociologue Gérald Bronner dans La démocratie des crédules) 4- L'accusation de complotisme est-elle enfin toujours fondée ? Ne peut-il pas y avoir un abus de cette accusation ? Conseils de lecture : Préface du Traité théologico-politique de Spinoza Le Système totalitaire, 3ème tome des Origines du totalitarisme de Hannah Arendt Court traité de complotologie de Pierre-André Taguieff (collection Mille et une nuits, chez Fayard) La démocratie des crédules de Gérald Bronner aux Presses Universitaires de France Les séances de PHILOPOP commencent le 29 septembre au lycée Claude Monet du Havre. La prochaine séance sera le 13 octobre. Pour toute information, consulter le site de PHILOPOP : https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 27 Sep 2020 - 55min - 17 - Philopop : La rentrée 2020-2021
Les Rendez-vous de PHILOPOP : présentation des activités de PHILOPOP 2020-2021 Il nous est encore impossible, à cette heure, d'indiquer la date de la première séance de PHILOPOP au lycée Claude Monet du Havre, et de vous présenter un calendrier sûr de ses activités, étant donné la crise du coronavirus. N'hésitez pas à consulter le site internet de l'association :(https://sites.google.com/site/philopoplh/), sur lequel nous ne manquerons pas de vous informer. Quoi qu'il en soit, l'association vous présente ici le la programme de la saison 2020-2021, et continuera par ailleurs son émission mensuelle des Rendez vous de Philopop sur Ouest Track. 1- PHILOPOP, une association ouverte à tous Quelques précisions d'ordre pratique : voir sur le site de PHILOPOP (https://sites.google.com/site/philopoplh/) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à début juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30) Les questions philosophiques : des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemples de la justice et de la vérité) L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi 2- La formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion) Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante Il montre comment l'examen d'une notion (la justice, la vérité, le peuple, la mémoire...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes. 3- Le programme de la saison 2020-2021 Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents Le thème : La mémoire L'oeuvre : Les Essais de Montaigne, édition Folio recommandée, en trois tomes L'émission des Rendez vous de Philopop de ce dimanche 30 août 2020 n'a d'autre but que de vous expliquer la démarche de l'association (Philopop, association populaire de philosophie du Havre, créée en 2007) et de vous présenter brièvement le programme de la saison 2020-2021. Site internet de PHILOPOP: https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 30 Aug 2020 - 33min - 16 - Les Rendez-vous de Philopop : Que signifie "être français"?
Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 19 décembre 2021 Que signifie : «être français»? L'identité nationale est-elle essentiellement une affaire d'origine? La nation est-elle une «mère»? Notre réflexion s'appuiera sur la lecture de la conférence d'Ernest Renan, prononcée à la Sorbonne en 1882, Qu'est-ce qu'une nation? Cette conférence fait souvent référence. 1- Le contexte historique: l'annexion à l'Allemagne de l'Alsace et de la Moselle en 1871 La discussion entre Renan et l'historien allemand David Strauss Si l'identité nationale est une affaire d'origine, D. Strauss a raison: l'Alsace et la Moselle sont allemandes 2- La méthode de la conférence: examiner les différents critères qui sont proposés de la nation afin d'établir celui qui est légitime - La nation n'est ni une race, ni une ethnie, ni une langue, ni une culture Définir l'identité nationale en termes d'origine culturelle, c'est enfermer les hommes dans une identité particulière figée et nier leur dimension universelle : « N'abandonnons pas ce principe fondamental, que l'homme est un être raisonnable et moral, avant d'être parqué dans telle ou telle langue, avant d'être membre de telle ou telle race, un adhérent de telle ou telle culture » La nation n'est rien sans la volonté des hommes. Sa définition légitime : «La nation est un principe spirituel (…) L'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours». 3 – La nation «est un plébiscite de tous les jours» fondé sur une mémoire commune Elle n'est pas une pure construction de la volonté : les hommes ne peuvent vouloir continuer de vivre en nation sans la mémoire d'un passé commun Il faut distinguer la question des origines de la nation de celle de son principe (qui est pour la 1ère fois affirmé par la Révolution française de 1789) La mémoire sur laquelle est fondée la nation, est une mémoire affective, nécessairement sélective et oublieuse, qui permet de préserver son existence 4- Examen critique de la thèse de Renan: si la nation a besoin d'être portée par une mémoire commune, l'histoire est-elle pour elle une menace, en tant que discipline critique? Les nations sont des constructions historiques dont l'unification s'est faite le plus souvent au prix de conflits violents (par exemple, la croisade des Albigeois aux XII et XIII èmes siècles, les guerres de religion au XVI ème siècle en France) Pour préserver leur existence, faut-il bannir les études historiques qui impliquent un regard critique à l'égard de la mémoire des hommes? L'adhésion à la nation exige-t- elle une forme d'idéalisation du passé qui repose sur l'oubli de ses pages noires? Un exemple d'occultation du passé : le «mythe résistancialiste » selon lequel la grande majorité des Français avaient combattu l'occupant nazi pendant la seconde guerre mondiale (Henry Rousso, dans le Syndrome de Vichy) Une nation qui n'assume pas son passé a-t-elle un avenir? Bibliographie : Qu'est-ce qu'une nation ?, par Ernest Renan, collection Champs/Flammarion Le syndrome de Vichy, par Henry Rousso, Editions Seuil Vichy, un passé qui ne passe pas, par Henry Rousso et Eric Conan, Collection Folio Cette émission a été donnée sous un autre titre (La nation est-elle une «mère»?) le 28 juin 2020 sur Radio Ouest track.
Sun, 19 Dec 2021 - 49min - 15 - Les rendez-vous de Philopop : Le racisme comme moyen de perpétuer la servitude
Les Rendez-vous de PHILOPOP Le racisme comme moyen de perpétuer la servitude « Le souvenir de l'esclavage déshonore la race, et la race perpétue le souvenir de l'esclavage » (Alexis de Tocqueville, 1805- 1859) Réfléchir sur le meurtre raciste de George Floyd à la lumière des analyses de Tocqueville dans le 1er tome de De la démocratie en Amérique (1835, chapitre 10 : « Quelques considérations sur l'état actuel et l'avenir probable des trois races qui habitent le territoire des Etats-Unis ») Etapes de la réflexion : 1- L'anomalie de l'esclavage des Noirs au cœur d'une nation démocratique Le projet de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique : l' « égalité des conditions » comme moteur des sociétés modernes (« J'avoue que dans l'Amérique j'ai vu plus que l'Amérique ») Indiens, Noirs et Blancs (le chapitre 10 du Tome I) 2- La condition d'esclaves des Noirs d'Amérique L'esclavage des Noirs d'Amérique comme vestige anachronique d'une société aristocratique au cœur de la démocratie Une aristocratie fondée sur la couleur de peau qui pérennise le statut d'infériorité des anciens esclaves par delà toute forme d'émancipation légale 3- « Les effets de la tyrannie » des Blancs sur les Noirs L'esclavage engendre l'avilissement et des Noirs ; Le préjugé raciste inverse la cause (l'esclavage) et l'effet (l'avilissement) Les effets dégradants de l'esclavage des Noirs sur les Blancs eux-mêmes 4-L'abolition de l'esclavage des Noirs risque de conduire à l'affrontement entre les Blancs et les Noirs : L'incompatibilité de l'esclavage avec la société démocratique : il est économiquement appelé à disparaître Le processus d'égalisation des conditions a pour effet d'exacerber le racisme : de l'abolition de l'esclavage à la ségrégation raciale Conclusion : Quel avenir pour la nation américaine ? «... il n'y a plus que deux chances dans l'avenir : il faut que les Nègres* et les Blancs se confondent ou se séparent » L'horizon esquissé par Tocqueville est-il indépassable ? « Nègre » : terme devenu aujourd'hui péjoratif pour désigner l'homme noir et réhabilité par L. Senghor et A. Césaire Quelques repères historiques : - 4 juillet 1776 : Déclaration d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique - 17 septembre 1787 : Constitution des Etats-Unis d'Amérique - 1861- 1865 : guerre de Sécession - 18 décembre 1865 : le 13ème amendement à la Constitution des Etats-Unis d'Amérique abolit l'esclavage - entre 1876 et 1965 sont établies les lois Jim Crow qui organisent la ségrégation raciale dans un certain nombre d' Etats du sud, et seront abolies en 1964
Sun, 14 Jun 2020 - 57min - 14 - Les Rendez-vous de Philopop : Que faisons-nous de notre temps ?
Que faisons-nous de notre temps ? Réfléchir à notre rapport au temps en lisant De la brièveté de la vie de Sénèque (1- 65) (édition Rivages/ poche) Les hommes se plaignent souvent de la brièveté de la vie, mais est-ce la vie qui est brève ou la manière dont nous la vivons qui la rend brève ? 1- Pourquoi la réflexion de Sénèque est-elle toujours pertinente pour nous ? 2- Lecture commentée de De la brièveté de la vie de Sénèque a- « La vie qui nous échoit n'est pas brève, nous la rendons brève » La vie est un capital que nous dilapidons : le temps est le seul bien que la nature nous a donné Les passions et l'asservissement aux jugements d'autrui conduisent les hommes à perdre leur temps et à passer à côté de leur vie A l'origine de cette attitude, une conception erronée du temps : « Vous vivez comme si vous alliez toujours vivre », et l'oubli de la condition de mortel. b- Quel est le temps vécu d'un mortel ? C'est le présent, mais il est extrêmement bref : « il est toujours en mouvement et cessa d'être avant d'être arrivé » Les « hommes occupés » sacrifient le présent au futur et raccourcissent ainsi leur vie. Le temps est le seul bien que nous possédions dans notre vie mais il est aussi ce qui nous en dépossède progressivement. Le sage fait du présent le lieu privilégié de son existence en combattant le mouvement destructeur du temps. Le temps vécu ne se mesure pas en durée, mais en intensité c- « Lessages sont les seuls à vivre » Le rôle bénéfique du passé : « Ils (les sages) ne se contentent pas de bien préserver le temps qu'ils ont à vivre, ils adjoignent à leur existence toutes les autres. » La fréquentation des sages du passé par la lecture permet de dialoguer avec eux, de participer à une véritable communauté des esprits qui transcende l'histoire, et de convertir ainsi la vie de mortel en « immortalité » La sagesse est la seule chose que le temps ne puisse détruire, contrairement aux œuvres qui ont été bâties par l'ambition Le triste spectacle de ces vieillards qui courent encore après les honneurs et « meurent avant d'avoir vécu » site de PHILOPOP: https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 24 May 2020 - 55min - 13 - Les rendez-vous de Philopop - La mondialisation est-elle un « doux commerce » ?
La mondialisation est-elle un « doux commerce » ? Par sa théorie du « doux commerce », Montesquieu ferait l'apologie du libre-échange qui, seul, pourrait apporter la prospérité et la paix entre les nations. Est-ce bien ce que veut dire Montesquieu lorsqu'il écrit : « L'effet naturel du commerce est de porter à la paix » (Esprit des Lois, Livre XX, chapitre 2). La lecture des livres consacrés par Montesquieu à la question du commerce dans l'Esprit des lois (1748) permettra de réfléchir à sa nature et à son rôle, et de nous demander si l'on peut voir en lui le moteur du progrès de la civilisation. Qu'en est-il ainsi de ce que nous appelons aujourd'hui la mondialisation ? Notre propos suivra 3 étapes : 1- La réflexion de Montesquieu montre d'abord les effets corrupteurs du commerce avant d'en aborder les effets bénéfiques (livre XX) 2- En quel sens le commerce « adoucit-il » les mœurs ? Montesquieu pense-t-il que le commerce apporte toujours la prospérité et la paix ? 3- Le « doux commerce » désigne-t-il un processus naturel qui entraîne le progrès de la civilisation ? La critique des contre-sens commis sur ce que Montesquieu entend par « doux commerce » Conclusion : à la lumière des analyses de Montesquieu, que penser de la mondialisation ? Que penser par exemple d'un traité de libre-échange entre le Canada et les pays de l'Union Européenne comme le CETA (traité ratifié par les députés français en 2019) ? Lectures conseillées : L'Esprit des lois de Montesquieu, livre XX et XXI, Le Capital de Marx, livre 1, huitième section, chapitre 31 site de PHILOPOP : https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 10 May 2020 - 59min - 12 - Les rendez-vous de Philopop : Sommes-nous coupables de vouloir maîtriser la nature ? - ACTE 2
Les rendez-vous de PHILOPOP Sommes-nous coupables de vouloir maîtriser la nature ? De la naissance de la science moderne au projet de maîtrise de la nature Le projet de maîtrise de la nature a- La nature est une mécanique universelle, indifférente à toute finalité, et non une déesse : les lois de la nature sont des rapports nécessaires, non les commandements d'une volonté b- La « maîtrise » de la nature n'est pas une domination c- Le projet de maîtrise de la nature est celui d'améliorer les conditions de vie des hommes et leur santé (Descartes, Discours de la méthode, 6ème partie) : grâce à la connaissance des lois de la nature, elle permet de se prémunir contre des effets nuisibles à l'homme (connaître le covid 19, ses mécanismes de transmission, etc, c'est pouvoir s'en protéger) et de produire des effets qui lui sont utiles (la connaissance des lois de la réfraction permet de construire des lunettes et de mieux voir) d- Peut-on confondre le projet de maîtrise de la nature avec celui d'une exploitation illimitée de la nature ? l'émission de radio citée: https://www.europe1.fr/societe/coronavirus-lhomme-nest-pas-maitre-et-possesseur-de-la-nature-rappelle-jean-viard-3961627 Oeuvres de référence : Dialogue sur les deux grands systèmes du monde , Galilée, 1632 Discours de la Méthode, 6ème partie, Descartes 1637 Du monde clos à l'univers infini par Alexandre Koyré 1973 site de PHILOPOP: https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 03 May 2020 - 42min - 11 - Les rendez-vous de Philopop : Sommes-nous coupables de vouloir maîtriser la nature ? - ACTE 1
Les rendez-vous de PHILOPOP Sommes-nous coupables de vouloir maîtriser la nature ? De la naissance de la science moderne au projet de maîtrise de la nature Un sociologue, évoquant la pandémie du coronavirus, déclarait récemment sur les ondes d'une grande radio nationale : « L'homme n'est pas maître et possesseur de la nature … On n'a peut-être pas respecté la nature comme elle le méritait, elle est en train de se révolter »*. Grisé par le développement de ses sciences et techniques, l'homme soumettrait la nature à une exploitation sans frein et sans discernement dont nous mesurons aujourd'hui les effets catastrophiques. Tel est l'acte d'accusation porté aujourd'hui contre le projet de maîtrise de la nature. Ce procès est-il fondé ? Notre réflexion se fera en deux temps : 1ère émission le 26 avril, la 2ème le 2 mai I- 1ère émission du dimanche 26 avril 2020 : A l'origine du projet de maîtrise de la nature, la révolution scientifique de Galilée : la fin du « cosmos » des Anciens et la naissance de la science moderne a- Pourquoi parler d'une « révolution » ? b- En quoi consiste cette révolution ? La redéfinition du mouvement par Galilée ; la transformation radicale de la méthode en physique
Sun, 26 Apr 2020 - 50min - 10 - Les rendez-vous de Philopop : Les animaux ont-ils des droits ?
Les rendez-vous de PHILOPOP en période de confinement Les animaux ont-ils des droits ? En nous invitant à réfléchir sur le statut que nous accordons aux animaux, cette question prend, dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, un relief particulier. La pandémie du coronavirus est une conséquence indiscutable du traitement administré aujourd'hui à de nombreuses espèces animales : en réduisant leur habitat naturel, en favorisant une plus grande promiscuité, les déforestations, le commerce des animaux, l'élevage industriel favorisent en effet la transmission de nouveaux virus qui deviennent, une fois passée la barrière des espèces, des agents pathogènes meurtriers en l'homme. Mais si la question se pose, c'est d'abord en raison de l'indignation soulevée par le spectacle des violences infligées aux animaux dans les abattoirs ou dans les grandes fermes consacrées à l'élevage industriel. Comment admettre qu'on puisse faire souffrir ainsi des êtres qui sont comme nous pourvus de sensibilité ? Afin d'assurer la protection des animaux, n'est-il pas nécessaire de reconnaître qu'ils ont des droits, et que l'on ne peut pas disposer de leur vie comme bon nous semble ? Que faut-il entendre précisément par droits des animaux? S'agit-il de les considérer seulement comme des objets de droit qui imposent des obligations aux êtres humains (code rural, code de l'environnement, code civil, code pénal), ou plus radicalement, de les reconnaître comme de vrais sujets de droit, analogues aux êtres humains? Une telle reconnaissance est-elle possible, et si c'est le cas, s'applique-t-elle indistinctement à tous les animaux? Notre réflexion suivra trois étapes : 1- Pour quelle raison ne reconnaît-on pas traditionnellement aux animaux des droits ? Ce refus s'appuie, comme nous l'examinerons, sur la distinction morale et juridique entre les personnes et les choses 2- Pourquoi ce refus peut-il paraître contestable ? Ne peut-on pas étendre aux animaux le statut de personne et leur reconnaître ainsi des droits ? (thèse « animaliste ») 3- Pourquoi est-il en définitive absurde de parler de droit des animaux ? Conclusion Lectures conseillées : Doctrine de la vertu, § 17 de Kant ; La Libération animale de Peter Singer ; Les droits des animaux de T. Regan ; Notre humanité et Trois utopies contemporaines (l'utopie animaliste) de F. Wolff chez Fayard ; Etre le bien d'un autre de Florence Burgat chez Rivages poche ; L'animalisme est un anti-humanisme, de JP Digard, CNRS Editions, Le silence des bêtes. La philosophie à l'épreuve de l'animalité, d'Elisabeth de Fontenay, chez Fayard. site de l'association PHILOPOP : https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 12 Apr 2020 - 55min - 9 - Les rendez-vous de Philopop - Peut-on représenter la volonté du peuple ?
Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 23 février 2020. Peut-on représenter la volonté du peuple ? Cette réflexion sur la démocratie représentative et sa crise s'appuiera en partie sur les analyses de J,J, Rousseau dans le Contrat Social (1762) Introduction : Les symptômes de ce qui est appelé communément une « crise de la représentation ». Ses causes évoquées et ses conséquences. Le problème : si, par démocratie, on entend selon l'étymologie du mot le pouvoir du peuple, celui-ci ne perd-il pas son pouvoir en étant représenté ? 1- La démocratie comme participation du peuple à l'exercice du pouvoir commun (l'exemple d'Athènes) : Le mode de désignation démocratique des magistrats n'est pas l'élection mais le tirage au sort « Le sort est une façon d'élire qui n'afflige personne ; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie » (Esprit des Lois, II, 2 de Montesquieu, 1748) 2- La représentation est un dispositif inventé au XVIIIème siècle pour éviter la démocratie En quel sens faut-il entendre la représentation ? Le représentant est-il un porte-parole qui ne peut s'écarter de la volonté du représenté (le peuple), ou décide-t-il à la place du représenté et en son nom ? « Le grand avantage des représentants, c'est qu'ils sont capables de discuter des affaires. Le peuple n'y est point du tout propre, ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie » (Esprit des Lois, XI, 6 de Montesquieu). La nature irrationnelle et passionnelle du peuple. Le gouvernement représentatif est le plus approprié à la condition des sociétés commerçantes modernes : la nécessité d'une professionnalisation de la politique (Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? Siéyès, 1789) 3- La démocratie représentative est-elle possible ? La souveraineté du peuple consiste dans le pouvoir de faire les lois ; l'essence démocratique de ce pouvoir (égalité des citoyens assemblés) La démocratie est pour Rousseau une forme de gouvernement qui ne peut « convenir qu'à un peuple de dieux » : il est nécessaire au peuple souverain (que Rousseau appelle République) de déléguer la fonction du gouvernement (qui n'est pour Rousseau que le pouvoir de faire exécuter les lois, voir le Contrat Social III, 4) La souveraineté du peuple ne peut pas en revanche être représentée (C.S.,III,15 de Rousseau) : la représentation la détruit et tend à rendre le peuple servile. « Les députés du peuple ne sont ni ne peuvent être des représentants ; ils ne sont que ses commissaires » (ils ne peuvent avoir une volonté indépendante du peuple, CS, III, 15) Pour prolonger la réflexion , on peut lire le chapitre 2 du Livre II, les chapitres 2 et 6 du Livre XI de l'Esprit des Lois de Montesquieu (1748) , les chapitres 4 et 15 du livre III du Contrat Social de Rousseau (1762), l'article n°10 du Fédéraliste de Madison (1787), les Principes du gouvernement représentatif de Bernard Manin (collection Champs-essais chez Flammarion, 1996) https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 23 Feb 2020 - 52min - 8 - Les Rendez-vous de Philopop : Peut-on critiquer les religions ?
Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 26 janvier 2020 Peut-on critiquer les religions ? Le journal Charlie-Hebdo est-il « islamophobe » ? Cette réflexion s'appuiera sur la lecture du Traité sur la tolérance de Voltaire (1762) et celle d'un certain nombre d'articles de son Dictionnaire philosophique (1764) 1- La critique du fanatisme religieux par Voltaire « Il est de l'intérêt du genre humain d'examiner si la religion doit être charitable ou barbare » (fin du chapitre 1 du Traité sur la tolérance) a/ Le « théisme » comme vraie religion (des principes universels simples et compréhensibles de tous) ; à l'opposé, il y a l'intransigeance dogmatique des religions établies (dogmes particuliers et obscurs érigés en vérités absolues) qui fait le lit de l'intolérance et du fanatisme. b/ L'analyse du fanatisme : il naît de la superstition et procède de la négation des limites de l'esprit humain c/ L'histoire du christianisme à partir du Concile de Nicée (325 après JC) est l'histoire d'une violence ininterrompue. L'intolérance naît avec lui car il prétend être la vraie religion et veut étendre la vérité à la terre entière (croisades, guerres de religion) d/ Deux affaires contemporaines dans lesquelles la religion permet de justifier le crime d'innocents : l'affaire Calas (1761) et l'affaire du Chevalier de la Barre (1766) 2- C'est la vraie religion qui permet de critiquer « l'abus de la religion » des religions établies a/ La tolérance est un commandement de la providence divine inscrit dans la nature humaine qui exige que nous regardions tous les hommes comme nos frères b/ La critique de la religion ne peut aboutir à l'idée qu'on peut s'en passer : « Partout où il y a une société établie, une religion est nécessaire ; les lois veillent sur les crimes connus, et la religion sur les crimes secrets ». Pourquoi l'athéisme est-il dangereux selon Voltaire pour la société ? 3- La religion est-elle indispensable pour construire le lien social ? a/ Une conviction forte et souvent partagée (à laquelle s'opposent les objections du philosophe Bayle dans son Commentaire philosophique sur la tolérance) b/ Le problème est peut-être aujourd'hui d'autant plus sensible que les religions apparaissent comme la composante essentielle d'une identité collective, comme l'expression d'une « communauté » c/ Quel statut accorder aux religions ? Sont-elles avant tout l'expression d'une communauté ou sont-elles des croyances qui relèvent d'un choix individuel ? La laïcité comme respect de la liberté de conscience, qui est liberté de croire ou de ne pas croire. Dans le prolongement de cette réflexion, on peut lire ou relire le Traité sur la tolérance de Voltaire et les articles suivants de son Dictionnaire philosophique : « fanatisme », « martyre », « secte », « superstition », « théiste », « tolérance ». https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 26 Jan 2020 - 39min - 7 - Les Rendez-Vous de Philopop : L'Homme est-il une exception ?
Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 29 décembre 2019. L'Homme est-il une exception ? Réflexion à partir de l'ouvrage de Philippe Descola, Par delà nature et culture (paru en 2005 chez Gallimard) Introduction : Y a-t-il une frontière absolue entre l'humain et le non-humain que justifie l'opposition entre nature et culture ? 1-Cette opposition est relativement récente dans l'histoire de la pensée occidentale Descola se propose de faire « une esquisse généalogique » du « grand partage » qui conduit l'Homme occidental à se séparer des autres êtres vivants : l'émergence de l'idée de nature 2- Cette opposition n'existe pas dans le cadre des conceptions « animiste » (exemple des Indiens Achuar) et « totémiste » (exemple des Aborigènes d'Australie) la conception animiste des Indiens Achuar : les animaux et les plantes sont comme des personnes la conception totémiste des Aborigènes : hommes, animaux et plantes font partie du même groupe totémique s'ils partagent des qualités morales et physiques similaires 3- L'opposition entre nature et culture est relative à la culture occidentale ; elle n'est qu'une des quatre manières possibles d'ordonner et de classer les êtres L'homme se perçoit comme une unité de corps et d'esprit et identifie les autres êtres à partir de ce qu'il perçoit de lui-même par analogie Dans l'animisme, les hommes sont semblables par l'esprit et différents par le corps, contrairement à notre conception pour laquelle ils sont différents par l'esprit (les hommes en ont un, les bêtes n'en ont pas) et assez semblables sur le plan physique Un paradoxe : la critique de l'usage ethnocentrique que fait l'Occident de l'opposition nature / culture, ne peut se faire que sur la base de son usage méthodique. En ordonnant à sa façon les êtres, la culture occidentale n'exprime qu'une manière d'ordonner la nature. Conclusion : l'intérêt moral et politique de cette réflexion https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 29 Dec 2019 - 50min - 6 - Les Rendez-vous de Philopop : L'affaire Dreyfus comme symptôme de l'antisémitisme
L'affaire Dreyfus comme symptôme de l'antisémitisme A l'occasion de la sortie du film de Roman Polanski (« J'accuse ») qui lui est consacrée, il est bon de réfléchir sur l'antisémitisme dont cette affaire est l'expression. La lecture de l'oeuvre de Hannah Arendt (1er tome des Origines du totalitarisme, L'antisémitisme) guidera ici cette réflexion. 1- La spécificité de l'antisémitisme qui s'exprime dans l'affaire Dreyfus a- On ne peut pas en faire le prolongement de la haine religieuse des Juifs qui existait au Moyen-Age. L'antisémitisme qui s'exprime lors de l'affaire Dreyfus est un nationalisme qui diffère en cela de l'antisémitisme nazi qui est inséparable du projet de l'hégémonie mondiale de la « race aryenne » b- Un résumé de l'affaire Dreyfus c- Antidreyfusards et dreyfusards 2- Comment se forme l'image antisémite du Juif : « le mythe Rothschild » ? a- La situation politique des Juifs, dans les Etats-nations au XIXème siècle, est prise entre deux séries de contradictions: la première oppose la logique égalitaire de l'Etat-nation et la logique économique de l'Etat ; la seconde, celle logique économique et la logique de la société moderne divisée en classes. L'Etat requiert ainsi l'existence des Juifs comme groupe séparé (les banquiers juifs) pour assurer son financement, dans la continuation des « Juifs de cour ». b- Le rôle d'intermédiaires des familles inter-européennes des banquiers juifs au XIXème siècle c- L'image antisémite du Juif se forme par un processus de métonymie : elle identifie tous les Juifs à des banquiers (d'où le mythe Rothschild). Cette image contredit la réalité en prêtant aux banquiers juifs un désir d'instrumentaliser l'Etat. 3- Comment expliquer le développement de l'antisémitisme en France à la fin du XIXème siècle? a- La transformation de l'Etat qui,en entrant dans une phase « impérialiste », devient l'outil de la classe bourgeoise. L'antisémitisme se développe au moment où le rôle des banquiers juifs est en déclin b- Le scandale de Panama comme arrière-fond de l'affaire Dreyfus c- La double dimension de l'antisémitisme : une idéologie politique pour laquelle les Juifs symbolisent la collusion de la finance et de la politique ; un pouvoir de mobilisation de ce qu'Hannah Arendt appelle la « populace » (les déclassés qui se trouvent parfois ruinés par les scandales financiers de l'époque) Interrogation : le choix discutable de la figure du lieutenant-colonel Picquart (par Polanski) permet-il d'appréhender le rôle de l'antisémitisme dans l'affaire Dreyfus ? Bibliographie : le 1er tome des Origines du totalitarisme, L'antisémitisme (dont le dernier chapitre est consacré à l'affaire Dreyfus), de Hannah Arendt (ouvrage paru la 1ère fois en 1951). Sur l'affaire Dreyfus (approche historique), L'affaire Dreyfus par Alain Pagès chez Perrin, L'histoire de l'affaire Dreyfus de 1894 à nos jours par Philippe Oriol aux Belles Lettres, Alfred Dreyfus, l'honneur d'un patriote par Vincent Duclert chez Perrin
Sun, 01 Dec 2019 - 48min - 5 - Les rendez-vous de Philopop : Robot, mon frère ? Les machines seront-elles un jour capables de penser ?
Robot, mon frère ? Les machines seront-elles un jour capables de penser ? 1- Pourquoi nous paraît-il aujourd'hui possible de construire des machines qui pensent ? On estime être en mesure d'expliquer bientôt la production de la pensée par des processus matériels Le développement des neurosciences Le modèle de l'ordinateur 2- Il s'agit là en vérité d'une croyance illusoire La dimension subjective de la pensée fait obstacle à son explication par des processus physiques L'intelligence humaine n'a rien à voir avec l'intelligence artificielle : c'est une intelligence enracinée dans la condition biologique de l'homme («Je ne suis pas logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote en son navire », 6ème Méditation métaphysique de Descartes) La pensée ne résulte pas simplement de connexions synaptiques ; le sens qu'elle produit montre qu'elle est avant tout rapport au monde (l'exemple du langage, 5ème partie du Discours de la méthode de Descartes) Conclusion : ce n'est pas demain que nous pourrons nous entretenir avec des robots !
Sun, 27 Oct 2019 - 39min - 4 - Les rendez-vous de Philopop : rentrée de l'association Philopop
Présentation des activités de PHILOPOP (association populaire de philosophie du Havre) et du programme de la saison 2019-2020 1- PHILOPOP, une association ouverte à tous Quelques précisions d'ordre pratique : voir sur le site de PHILOPOP (https://sites.google.com/site/philopoplh/) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30) Les questions philosophiques : des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemples de la justice et de la vérité) L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi 2- La formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion) Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante Il montre comment l'examen d'une notion (la justice, la vérité, le peuple...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes. 3- Le programme de la saison 2019-2020 Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents Le thème : Qu'est ce que le peuple ? (10 séances) L'oeuvre : le Prince de Machiavel (9 séances), édition du Livre de Poche recommandée (pour disposer de la même traduction) Les 5 premières séances : mardi 17 septembre, jeudi 26 septembre, mardi 8 octobre, jeudi 17 octobre., mardi 5 novembre. A bientôt !
Sun, 08 Sep 2019 - 34min - 3 - Les rendez-vous de Philopop : La liberté humaine au risque du progrès des biotechnologies
1- Le progrès des biotechnologies au service d'une amélioration de l'espèce humaine ? 2- La réflexion de Hans Jonas (Le Principe Responsabilité) : le pouvoir redoutable de la technologie moderne appelle une nouvelle éthique qui permette de « préserver pour l'homme l'intégrité de son monde et de son essence contre les abus de son pouvoir » 3- En quoi une technique comme le clonage menace-t-elle une « vie authentiquement humaine » ? Références : Le Principe Responsabilité de Hans Jonas, édition Cerf (1979) et L'art médical et la responsabilité humaine, édition Cerf (1985) https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 25 Aug 2019 - 37min - 2 - Les rendez-vous de Philopop : l'Etat de droit est-il menacé par une banalisation des mesures d'exception ?
1- De la menace du terrorisme aux mesures d'exception : « La sécurité est-elle la première des libertés » ? 2- Réfléchir avec Montesquieu (Esprit des lois) : « la liberté politique consiste dans la sûreté, ou du moins l'opinion qu'on a de sa sûreté » (elle n'est pas la sécurité). Les exigences à satisfaire pour garantir la sûreté des citoyens : la « bonté des lois criminelles » ; une constitution pour éviter l'abus de pouvoir. 3- En quoi l'idéologie sécuritaire est-elle une menace pour l'Etat de droit ? https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 28 Jul 2019 - 42min - 1 - Les rendez-vous de Philopop : L'affaire du paquebot le Saint Louis en 1939 : réflexion sur les droits de l'Homme et la question des migrants et des réfugiés
1- Que révèle l'affaire du Saint Louis ? le problème inédit des réfugiés en Europe dans les années 30 l'incapacité des démocraties occidentales à les accueillir et à les intégrer : ils sont traités comme des « indésirables » et enfermés dans des camps d'internement 2- Pourquoi les droits de l'Homme (tels qu'ils figurent dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789) sont-ils impuissants à protéger les hommes qui se trouvent privés de nationalité et de citoyenneté et demandent refuge ? 3- Les droits de l'Homme sont-ils condamnés à rester une pieuse abstraction sans portée réelle (déclaration universelle de 1948) ? 4- Conclusion : l'intérêt d'une réflexion philosophique pour éclairer la question et permettre d'exercer son jugement de manière réfléchie 1- Le 2ème tome des Origines du totalitarisme de Hannah Arendt, L'impérialisme, particulièrement la fin de cet ouvrage, chapitre : « Les embarras suscités par les droits de l'Homme ». Collection Essais chez Fayard. Ouvrage paru la 1ère fois en 1951 2- Récidive, 1938, par Mickaël Foëssel aux Presses Universitaires de France, ouvrage paru cette année 3- Etude d'un démographe, François Héran : Avec l'immigration : mesurer, débattre, agir » aux éditions La découverte, 2017 https://sites.google.com/site/philopoplh/
Sun, 30 Jun 2019 - 42min
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