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Littérature Sans Frontières • Fréquence Terre
- 486 - Le Flibustier de Joseph Conrad (Levoir)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
Dans la collection « Les Oubliés du Nobel », il y a Joseph Conrad et « Le Flibustier » aux côtés de Kafka, Marcel Proust, Émile Zola, Léon Tolstoï… et c’est amplement mérité, selon moi !Joseph Conrad fut navigateur et ses voyages l’emmenèrent en Australie, en Palestine, à Calcutta, Bangkok, Singapour, Madras, au Congo…, avant d’être un écrivain de grand talent et d’explorer des âmes tourmentées, telles celles des quatre ou cinq principaux personnages de ce roman écrit en 1923.
Il y est question de royauté, de république, de sans-culottes, de Nelson, de Bonaparte, du vieux flibustier à la retraite dans son village natal, du moins, le croyait-il, jusqu’au jour où un lieutenant de la marine vint le trouver et lui parler d’une mission dangereuse en mer : « Un coup à porter pour gagner une grande victoire navale » au détriment des Anglais mouillant face à Toulon. Mais, une question tarauda aussitôt le flibustier : « Et si les Anglais étaient en réalité complètement stupides, ou très malins » ?
Pour la petite histoire, il faut savoir que Joseph Conrad est né en Ukraine de parents polonais, qu’il s’engagea dans la marine française avant de se faire naturaliser… anglais !Sat, 03 Aug 2013 - 1min - 485 - Boris Vian par Philippe Boggio (Livre de Poche)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
Boris Vian reste une légende, selon maints commentateurs contemporains. Il n’était donc pas vain de lire ou de relire « Boris Vian » écrit par Philippe Boggio pour Flammarion en 1993 et réédité en Livre de Poche. Pour l’occasion, je me suis attaché à des aspects quelque peu méconnus de ce personnage, à la fois musicien, poète, ingénieur, auteur du « Déserteur », de « J’irai cracher sur vos tombes », etc.
. Son enfance : des parents adorables, une enfance heureuse, de rêve, où lui et ses proches ne faisaient pas la différence entre le dimanche et les autres jours. Il côtoya Jean Rostand, Yehudi Menuhin, des zazous, des enragés du « vrai » jazz, celui des Noirs…
. Sa santé : Boris Vian souffrait d’une insuffisance aortique, de typhoïde, de rhumatisme articulaire et il décéda à l’âge de 39 ans.
. Ses études : un premier bac latin-grec à 15 ans, un second en philosophie, mathématiques et allemand deux ans plus tard, puis diplômé d’une haute école scientifique.
. L’amour du jazz : il adhéra au Hot-Club de France dont Louis Armstrong était le président d’honneur.
. Quelques rencontres marquantes baliseront sa courte existence : celle de Michelle, sa première épouse, puis Ursula, sa seconde femme, celle du « Major », un jeune borgne complètement déjanté qui fascinait les garçons et horrifiait les filles. En guise de glaçon, il trempait son œil de verre dans son verre de pastis.
. Lors de l’Occupation allemande, Boris Vian fut, à la fois, un étudiant-marié-père de famille sans moyens financiers.
Enfin, un dernier regard sur cet emblème situé entre Juliette Gréco et Jean-Paul Sartre : « Il ne faut pas laisser la littérature sérieuse aux gens sérieux », déclara-t-il derrière son masque d’éternel jeune homme triste.Sat, 27 Jul 2013 - 2min - 484 - L’Incroyable Histoire de Mademoiselle Paradis par Michèle Halberstadt (Livre de Poche)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
J’ai littéralement dévoré « L’Incroyable Histoire de Mademoiselle Paradis » merveilleusement écrite par Michèle Halberstadt et publiée en Livre de Poche.
« Rien n’y fera. Ni le silence ni le bruit. Ni la glace ni la chaleur. Ni les prières ni les sanglots. Ni la science ni la médecine. La nouvelle, en huit jours, fera le tour de Vienne. La fille unique du conseiller de l’Impératrice, la petite Maria Theresia von Paradis, a perdu la vue. »
Nous sommes au XVIIIe siècle, Mademoiselle Paradis a dix-sept ans, elle est belle, gracieuse, devenue une pianiste virtuose et réputée, appréciée par Mozart, quand un certain Messmer, pauvre enfant venu d’Allemagne, devenu homme puissant, envié, reçu à la Cour, à la fois artiste de talent, scientifique, magnétiseur, guérisseur…, décide de s’occuper du handicap de la jeune fille. Ils tombent follement amoureux l’un de l’autre : « En amour, seule la souffrance est source d’enseignements », explique alors l’auteur.
Et, petit à petit, la lumière retrouvée va faire à nouveau place aux ténèbres. La jalousie et la hargne des mandarins de la médecine officielle vont-elles définitivement anéantir le couple ?Mozart a écrit un concerto pour Maria Theresia, le K 456 : fait avéré ou légende ?Sat, 20 Jul 2013 - 1min - 483 - La conjuration de la Sixtine par Philipp Vandenberg (Livre de Poche)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
« Garder le silence n’est-ce pas le plus horrible des mensonges ? » interroge Philipp Vandenberg dès la première page de son roman « La conjuration de la Sixtine » paru en Livre de Poche.
Oui, bien sûr, alors c’est une longue histoire, entrecoupée de maintes citations et expressions latines et italiennes, de références bibliques également, qui nous mène au cœur de la célèbre chapelle Sixtine et, bien entendu, de la magistrale peinture de Michel-Ange. Celle-ci est l’objet d’une énigme menée de main de maître ; énigme dont le décryptage risquerait d’être préjudiciable à la curie et à l’Église tout entière, dit encore l’auteur.
Effectivement, quelle signification peut-on donner aux caractères A-I-F-A-L-U-B-A retrouvés parmi les fresques au plafond ?
L’énigme se poursuit, avec de multiples rebondissements, quand un cardinal se retrouve aux prises avec des écrits conservés secrètement, comme le furent des livres de Copernic, des documents de Galilée, les prophéties attribuées à Malachie, l’enregistrement des aveux extorqués par l’Inquisition par la torture, des déclarations faites aux enfants bergers de Fatima et, donc, je cite « un effroyable mystère se cachant derrière Michel-Ange et son art ».
Le savoir affole l’ignorance, explique aussi Philipp Vandenberg. Au lecteur de faire la part entre des faits historiques et la fiction !Sat, 13 Jul 2013 - 1min - 482 - Les Cités disparues : déjà la lutte des classes à Pompéi (3/5)
À dix kilomètres du Vésuve et un demi kilomètre de la mer, Pompéi fut une cité avec ses rues bordées de maisons, ses thermes, plus de soixante tavernes, son amphithéâtre, le forum, la Maison des Pygmées, la Maison-bar d’Amarantus, le Temple de Venus, celui d’Isis, une boulangerie, des bâtiments municipaux et son célèbre lupanar, tel est le décor d’un chapitre de l’essai Les Cités disparues d’Annalee Newitz paru chez Calmann-Lévy.
Un constat particulièrement intéressant à la lecture de cet ouvrage : « En un sens, l’archéologie des données représente la démocratisation de l’histoire. Elle se penche sur les activités des masses et s’efforce de reconstituer leur vie sociale, voire psychologique. »
Ainsi, dans les années 1700, des fouilles furent entreprises et sous la cendre durcie ce fut une incroyable révélation. Tout avait été préservé de cette vie quotidienne au temps de l’apogée de l’Empire romain.
On retrouva même sur la façade d’une propriété appartenant à une certaine Julia Felix, une inscription peinte : « À louer dans le domaine de Julia Felix, fille de Spurius : élégante suite de bains pour clientèle de prestige, tavernes, mezzanines et appartements à l’étage pour un bail de cinq ans. »
Quant à la Maison des Colonnes en mosaïque, elle ressemblait à un centre commercial avec de multiples boutiques.
La particularité des fouilles contemporaines réside en cette phrase prononcée par un chercheur : « Pour moi, l’important n’est pas les César ni autres empereurs sur qui nous en savons déjà trop, mais les gens dont nous ne savons rien. Même si nous ne connaîtrons jamais leurs noms, nous pouvons essayer de reconstituer un peu leur vie. »
C’est, bien sûr, le fil rouge de ce chapitre qui nous plonge au fil des découvertes dans un quotidien où, déjà, il y avait la lutte des classes.
Ainsi, un individu né esclave à Pompéi pouvait gravir les échelons et parvenir presque au sommet de la hiérarchie sociale, alors qu’un conflit éclata entre nantis et démunis pour l’accès aux plages.
Et, précise l’auteur : « Pompéi trépassa au beau milieu d’un litige qui opposait riches et pauvres, hommes et femmes, immigrants, Romains et autochtones. »
Assurément, il n’y a rien de nouveau en ce XXIe siècle !
Wed, 28 Dec 2022 - 2min - 481 - COP 27-Analyse – Cités disparues : quelles leçons pour le présent ? (1/5)
J’ai particulièrement apprécié Les cités disparues, un ouvrage d’Annalee Newitz paru chez Calmann-Levy, avec en sous-titre « Voyage insolite aux origines de nos civilisations ».
Ici, il n’est pas question d’une immersion parmi les rares peuples racines qui survivent sur la planète, tel celui d’Amazonie dont le président Lula a promis de s’occuper de manière enfin positive, mais d’une autre approche qui consiste à plonger le lecteur dans une passionnante découverte de quatre brillantes cités d’autrefois.
À savoir, Çatal Höyük en Turquie considérée comme l’une des premières villes de l’histoire de l’humanité, ensuite Pompéi, puis Angkor et Cahokia aux États-Unis.
Avec Annalee Newitz, on sort de l’imaginaire, de récits d’aventures en vogue à une certaine époque.
La mise au point est explicite en ce sens : « Le mythe des cités perdues occulte la réalité des voies empruntées par les populations pour détruire leur civilisation. »
La cité d’Angkor n’a-t-elle pas disparu à cause d’une crise climatique ?
Cet essai propose une réalité non romancée de « quatre exemples de désertion urbaine, spectaculaires entre tous, de l’histoire humaine. »
Cette réflexion met en relief des problématiques actuelles et, du coup, éclaire la situation de différentes villes tout en évoquant l’avenir.
Comme le souligne cet ouvrage : « Nous fonçons vers un futur dans lequel les métropoles seront devenues invivables, mais où les solutions de remplacement se révéleront pires encore. »
Les quatre cités, Çatal Höyük, Pompéi, Angkor et Cahokia accueillirent pourtant des civilisations brillantes « dont le sombre avenir n’était nullement fixé par le destin. »
Quatre cités qui feront, chacune, l’objet d’une chronique spécifique, car, après tout, c’est de leurs erreurs que nous pouvons éventuellement tirer les meilleurs enseignements… ceci à l’heure de la COP 27 !
Tue, 08 Nov 2022 - 2min - 480 - COP 27-Interview : Bernard Tirtiaux : L’espérance en un « renouveau »
En 1993, j’avais été particulièrement ravi par la lecture d’une belle quête initiatique racontée par Bernard Tirtiaux dans son roman Le Passeur de Lumière, un écrivain que les auditeurs de Fréquence Terre connaissent bien puisque je leur ai aussi partagé mon enthousiasme pour ses autres ouvrages, tels Les Sept Couleurs du vent, Le Puisatier des abîmes, Aubertin d’Avalon…
Bernard Tirtiaux est, outre cet auteur humaniste, un maître verrier dont j’avais également présenté l’œuvre monumentale intitulée La Cathédrale de Lumière dressée dans la forêt d’Oignies-en-Thiérarche, non loin de la cité ardennaise de Fumay.
Il est encore acteur et chanteur, et, à l’occasion de l’inauguration de la stèle Pierre de Rosette du Climat ou 50 ans de déni climatique par les politiciens, manifestation qui s’est déroulée sous les fenêtres des Communautés européennes à Bruxelles, nous avons quelque peu devisé de l’état actuel de la mobilisation citoyenne pour la sauvegarde du climat, de l’engagement plein d’espoir de la jeunesse et de son prochain ouvrage dans lequel ce thème vital ne sera pas exempt. (écoutez le podcast ci-contre).
Mon, 07 Nov 2022 - 4min - 479 - Sauver la liberté d’expression (2)
Avez-vous constaté la détermination avec laquelle les pouvoirs politiques, socio-économiques, religieux…, discréditent et tentent d’annihiler les initiatives citoyennes qui les contrecarrent légitimement dans leurs funestes desseins ou entreprises destructrices et égocentriques ?
C’est qu’ils dérangent ces activistes, lanceurs d’alertes et autres militants qui luttent, entre autres, pour le respect des droits fondamentaux et la sauvegarde de la planète, contre la militarisation de la société civile et l’omnipotence des lobbys politico-industriels !
Ils sont prêts à tout, ces pouvoirs, pour faire taire ceux qui dénoncent et s’opposent à leurs juteuses affaires qui mettent à mal les libertés et l’écosystème et qui érigent les armes et les violences qui en découlent en véritables dogmes, le business de l’armement et la propagande militariste n’ont jamais été aussi « florissants », semble-t-il !
Ceux, également, qui brandissent un ethno-nationalisme exacerbé attisant la haine et le rejet de l’« autre », qui actionnent tous les leviers possibles pour produire et encourager une consommation addictive – souvent inutile – et qui, en plus, creusent sans vergogne le gouffre entre les classes sociales.
Cependant, les pouvoirs ne s’en laissent pas conter. Pour d’aucuns, qui dit museler la contestation et l’engagement citoyens, dit souvent piétiner allégrement les principes de la liberté d’expression et de la liberté de conscience.
Celles-ci sont d’ailleurs régulièrement les premières à être ciblées par un gouvernement autoritaire ou un régime non démocratique.
Pour Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice de recherche au CNRS[1], dans son essai Sauver la liberté d’expression, Collection Espaces Libres, Albin Michel, dont il a déjà été question dans cette chronique, il y a lieu de « délégitimer » les discours haineux, les théories complotistes et autres fake news transformés en opinions, et cela consiste à neutraliser ces propos et les désarmer de leurs nuisances en les ramenant par des arguments crédibles à ce qu’ils sont : l’expression de préjugés, d’humiliation, de nocivité, de dogmes…
C’est, encore, dénoncer une prétendue liberté d’expression qui n’est que l’expression d’une conviction basée sur des concepts étrangers au dialogue, c’est-à-dire à un réel débat d’idées.
Néanmoins, ce dernier est-il transposable dans notre société hyperconnectée et hyper-consommatrice de réseaux sociaux où déferlent, souvent sans la moindre nuance, des messages qui s’érigent en vérité absolue ?
Et, lorsqu’on sait qu’il existe des algorithmes qui relaient et amplifient les propos particulièrement favorables à ceux qui font réagir le plus vivement, voire violemment, les internautes, on ne peut certainement pas considérer ces réseaux sociaux comme l’éden de la liberté d’expression.
Régulièrement, Facebook, surtout, est le théâtre d’échanges virulents, haineux, irrationnels, provocateurs, entre « amis », chacun voulant dicter son opinion ou, à défaut, réduire son interlocuteur au silence.
Il y a aussi ceux qui, à longueur de journée, partent en croisade contre, au choix, le vaccin anti-covid, les Arabes ou les Occidentaux, Greta Thunberg, le PSG, l’heure d’été/d’hiver, l’énergie éolienne…, sans le moindre espoir de glisser un argument qui contredirait leur logorrhée.
En présence de pareille situation, et malgré les tentatives d’un réel échange d’idées, on pourrait avoir tendance à conclure par cette phrase de Romain Roland (1866-1944), auteur, Prix Nobel de littérature et pacifiste : « Une discussion est impossible avec quelqu’un qui prétend ne pas chercher la vérité, mais déjà la posséder », mais, n’est-ce pas une sorte de fuite ?
Alors, rappelons-nous la déclaration d’Elie Wiesel (1928-2016), journaliste, auteur et philosophe, « grande voix morale de notre temps et conscience du monde »[2],...Thu, 27 Oct 2022 - 5min - 478 - Le Souffle d’Ange de Gilles Laporte
Dans son dernier roman Le Souffle d’Ange paru aux Presses de la Cité, Gilles Laporte évoque une passion. Et, quoi de plus enthousiasmant qu’un tel sentiment soit conté par un auteur passionné et passionnant ?
Un auteur qui se revendique « ouvrier de la plume » et qui sans relâche depuis des décennies, distille des histoires où le monde manuel tient la place de choix qu’il mérite.
La main n’est-elle pas la prolongation de l’esprit, comme aiment à le souligner les ouvriers et artisans du Compagnonnage ?
Ange, c’est le doux prénom d’une jeune fille qui, lors d’une visite familiale au Pays de Caux, tomba littéralement amoureuse d’un instrument de musique : un orgue.
Ce fut déjà une chose peu banale en ce mois de juillet 1898, et cela le devint davantage quand, au lieu de devenir institutrice comme le rêvaient ses parents, elle entama une solide formation de facteur d’orgues.
C’est que, lors de cette visite, elle avait entendu jouer de cet instrument dans une abbaye. Le visage inondé de larmes, elle avait déclaré que c’était beau en désignant l’endroit qui déversait du Jean-Sébastien Bach.
Alors, tout s’accéléra dans la vie de la jeune Ange : une agression de la part d’un gars jaloux qu’elle puisse aimer Fortunato, qu’elle épousa, et continua à la harceler dangereusement des années plus tard, une plongée corps et âme dans l’Art du Facteur d’Orgues avec un long apprentissage à la clef, loin des siens, mais tout cela ne la détourna pas de sa passion.
Mieux, elle y ajouta un concept : « Je serai ce que je dois être, facteur d’orgues, et j’aiderai à faire entendre ce qui libère plutôt que ce qui soumet ! »
Les dés étaient-ils pour autant jetés ? C’était sans compter avec la prétendue « Der des Ders », soit la Première Guerre mondiale, ce massacre perpétré au nom de nationalismes exacerbés, de la volonté de militaires assoiffés de gloriole et de marchands de canons qui se repaissent du sang versé par les autres.
Et, dans cette tourmente, Fortunato était probablement une cible des tirs d’artillerie allemands…, loin, très loin, de l’état de grâce déversé par la musique de Bach dans la nef d’une église…
Thu, 20 Oct 2022 - 2min - 477 - Une BD d’utilité publique
À la page 50 de la bande dessinée La nuit des blaireaux de Serge Monfort parue aux Éditions du Crayon vert, j’ai lu quelques lignes édifiantes qui, du coup, me motivèrent davantage à évoquer cet ouvrage.
Il s’agit de Valaire, toute petite commune du Loir-et-Cher, où l’on aime les blaireaux. On y trouve d’ailleurs de très anciennes blaireautières qui abritèrent des générations de ces petits ours de nos campagnes. La maire a tenté d’interdire la pratique cruelle de leur chasse, la vénerie sous terre, mais le préfet décréta qu’elle n’avait pas le pouvoir en ce domaine, il fut servilement suivi par un juge.
Pourtant, le blaireau est protégé dans la plupart des pays européens et une écrasante majorité de Français souhaite que cette barbarie cesse.
À Fréquence Terre, nous ne pouvons qu’être d’accord avec cela et la BD prit, donc, une autre envergure que celle du simple divertissement, car nous la considérons même comme d’utilité publique.
Toutpoil est le nom générique d’une série BD animalière jeunesse qui spécifie qu’elle est « semi-réaliste ».
À vrai dire, Serge Monfort est un véritable documentaliste doublé d’un pédagogue et de l’art de faire sourire malgré la gravité du sujet.
C’est un exploit car le sort des blaireaux n’est guère enviable avec l’existence tumultueuse que l’auteur fait vivre à travers une famille de ces petits mammifères.
Une existence dont les dangers sont multiples : chasse, circulation routière, pollution…
Cependant, il y a des solutions qui les préservent, à condition que les politiciens et magistrats lisent cet ouvrage pour être convaincus de l’urgente nécessité de protéger la faune sauvage.
Mon, 17 Oct 2022 - 2min - 476 - PPDA : « Trente-cinq ans de prédation sexuelle »
La voix que vous venez d’entendre est celle d’Hélène Devynck, autrice de l’essai Impunité paru au Seuil et invitée de l’émission « La Grande Librairie » diffusée hier, le 21 septembre 2022, sur France 5.
Dans cet ouvrage, elle fait part de son viol qu’elle attribue à Patrick Poivre d’Arvor, ancien présentateur du JT de TF1 et omniprésent dans le monde littéraire, elle apporte aussi une vingtaine de témoignages de femmes ayant subi le même sort qu’elle avec une constante dans le modus operandi, elle attire également l’attention sur l’omerta inhérente à pareille situation, les complicités cachées sous les termes «Vous inventez », « Vous étiez semi-consentante », « Vous n’êtes pas une oie blanche », « Vous êtes une écervelée », « Vous cherchez la lumière », « Vous êtes beaucoup dans la séduction », « C’est de la vie privée », Cela ne nous regarde pas », « C’est de la vieille histoire », « On passe à autre chose »…
J’ai particulièrement bien connu cette douloureuse problématique pour, en 1994, avoir publié le livre Moi, Nathalie, violée par mon père paru aux Presses du Lion et qui donna la parole à une jeune mère de famille qui avait subi l’inceste paternel quasiment toute son adolescence. Ici, aussi, il y avait la fameuse disposition juridique stipulant que dix ans après les faits, eh bien, la Justice s’en lave les mains car il y a prescription.
De plus, autant la victime, que l’éditrice et moi-même, avons subi des pressions, voire des menaces pour nous obliger au silence. Cela décupla nos forces et le livre rencontra une énorme attention du public et des médias.
L’auteur, lui, est décédé de sa belle mort dans son lit sans avoir été inquiété par la Justice.
Hélène Devynck, et toutes les autres femmes, quelque soixante-dix, paraît-il, vivent ce même genre de déni, de climat de complaisance à l’égard de celui qu’elles accusent, de banalisation et, pour finir, d’impunité.
Voici un extrait significatif du témoignage de cette ancienne journaliste au courage et à la solidarité exemplaires : « Raconter un viol est une réalité dangereuse. J’ai témoigné pour que ça cesse. On a parlé et il ne se passe toujours rien. Le classement sans suite a été une claque. Comment font celles qui restent seules ? »
Oui, comment font-elles toutes ces victimes dans ce qui s’apparente trop souvent comme de la « lâcheté d’un groupe social », spécifie l’autrice, la tendance à confondre l’autorité avec la vérité, l’indifférence ?
« Il faut mettre en adéquation les paroles et les actes », ne pas tourner la page après avoir lu ce témoignage, à avoir écouté cette chronique : il faut agir.
Agir de manière concrète auprès de vos élus – ils sont payés pour cela – pour que cesse cette loi de la prescription élevée comme un dogme, il s’agit quand même de viols, pas d’un vol de pomme à l’étalage.
Photos : captures d’écran et P.Gf.Thu, 22 Sep 2022 - 3min - 475 - Sauver la liberté d’expression (1/5)
L’essai Sauver la liberté d’expression de Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice de recherche au CNRS, publié dans la collection Espaces Libres chez Albin Michel, pose quatre questions fondamentales dans notre société contemporaine :
* Comment éviter que l’expression libre ait pour effet d’empêcher les autres de parler ?
* Comment laisser s’exprimer tous les points de vue sans pratiquer de censure préalable des propos ?
* Comment éviter que la parole publique expose à son auteur une stigmatisation sans appel ?
* Comment résister ?
L’autrice répond à ces questions en quatre cents pages et je vais tenter de vous livrer quelques extraits qui peuvent éclairer notre lanterne.
« Toutes les opinions, même les plus discutables, même les plus choquantes, doivent être tolérées sur els campus comme en société – du moins tant qu’elles sont des opinions, et non des propos de haine travestis en opinions… »
« Même les plus ardents défenseurs de la liberté d’expression admettent qu’il y a des choses à ne pas dire : les fausses nouvelles, la pornographie infantile, la diffamation, les injures, en particulier les injures raciales… Tous considèrent que bannir de l’espace public les propos nocifs libère la vie sociale de la violence des mots sans nuire pour autant à la diversité des opinions ni obliger au conformisme : la conversation continue, et il reste toujours possible de dire et d’entendre quelque chose de différent. »
Autre considération émise par l’autrice est que « l’une des premières vertus de la liberté d’expression est de permettre que l’on rencontre un jour son contradicteur. »
D’autres réflexions à ce sensible aspect de la vie en société seront diffusées dans de prochaines chroniques.
Wed, 21 Sep 2022 - 2min - 474 - Avez-vous lu Marx ? Et Engels ?
Guerre en Ukraine, Poutine, Kremlin, Gorbatchev, perestroïka…, la Russie, ex-URSS, est plus que jamais sous les feux de l’actualité et d’aucuns entendent évoquer le « temps du communisme ».
À ce propos, il me revient que peu de gens ont lu le pourtant très célèbre Manifeste du Parti communiste écrit par Karl Marx (1818-1883) et Friedrich Engels (1820-1895), soit l’amorce d’un mouvement révolutionnaire dont les soubresauts sont encore perceptibles en 2022.
Philosophie Magazine a récemment eu l’idée de présenter un cahier central en deux parties le synthétisant : « Bourgeois et prolétaires » et « Prolétaires et communistes ».
Il est très intéressant de découvrir ce que pensaient ces deux philosophes en 1848, date de la publication de leur essai, et de comparer avec notre époque.
« Nous assistons aujourd’hui à un processus qui veut que les rapports bourgeois de production et d’échange, de propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d’échange, ressemble au sorcier qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a évoquées », écrivirent-ils il y a près de cent soixante quinze ans.
Remplacez la société bourgeoise d’alors par le patronat des multinationales actuel, et vous avez le même processus où la machine capitaliste est tellement lancée dans ses délires, qu’elle ne peut même plus s’arrêter et écrase tout sur son passage, y compris la Nature.
Poursuivons la lecture du Manifeste : « L’industrie moderne a fait du petit atelier du maître artisan patriarcal la grande fabrique du capitaliste industriel. Les ouvriers ne sont pas seulement les esclaves de la classe bourgeoise, de l’État bourgeois, mais encore, chaque jour, à chaque heure, les esclaves de la machine, du contremaître et surtout du bourgeois fabricant lui-même. Ce despotisme est d’autant plus mesquin, odieux, exaspérant qu’il proclame plus ouvertement le profit comme étant son but suprême. »
Ici, aussi, ces phrases peuvent être aisément transposées dans notre système ultralibéral qui, récemment, fit dire à l’auteur Philippe Pozzo di Borgo, inspirateur du film Intouchables, que « la finance a envahi toutes les sphères de l’activité humaine, y compris éthique, culturelle, spirituelle. Non seulement elle est impuissante à créer du bien entre les êtres humains, mais elle l’interdit. »
Quant à Marx et Engels, ils disaient que « le pouvoir étatique n’est qu’un comité chargé de gérer les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. La bourgeoisie a supprimé la dignité de l’individu devenu simple valeur d’échange ; aux innombrables libertés dûment garanties et si chèrement conquises, elle a substitué l’unique et impitoyable liberté de commerce. »
Assurément, il y a des écrits historiques qui sont véritablement prémonitoires. Une philosophie basée sur la solidarité et que certains despotes n’hésitèrent pas bafouer, comme l’Histoire nous l’a également appris.
Thu, 08 Sep 2022 - 3min - 473 - Génération Z, génération psy
La Génération Z est celle des personnes nées entre 1997 et 2010. Elle succède à la Génération Y, celle des « milléniaux », c’est-à-dire des personnes venues au monde dans les environs de 1980 et fin des années 1990, et elle précède la Génération Alpha, celle des personnes nées de 2010 à celle de ceux qui naîtront au mitan des années 2020, la première génération née entièrement au XXIe siècle.
Ça va ? vous suivez ce classement concocté par des sociologues et psychologues. Très bien !
La Génération Z est aussi appelée « Génération psy » par certains spécialistes.
La raison plausible est la suivante : cette génération est celle d’adolescents qui serait la plus consciente de l’état dramatique de la société, plus particulièrement par l’angoisse générée à cause de la crise climatique.
Si elle est plus consciente à une échelle collective, c’est aussi parce qu’elle l’est à une échelle individuelle et cela provient en partie du fait que ces jeunes consultent pas mal de thérapeutes.
D’ailleurs, les psychologues expliquent qu’ils reçoivent davantage de jeunes en consultation, les trois quarts ont moins de 20 ans, alors que le psychologue Mathieu Blard déclarait récemment qu’un Français sur trois avait déjà fait appel à un psy.
Dans l’excellent ouvrage Le Feu ou rien – Portrait d’une génération engagée paru aux Éditions Mango Society (2022), il est aussi spécifié cette particularité énoncée par un jeune de cette fameuse Génération Z, voire la précédente : « Nos grands-parents bloquaient les usines, nos parents lançaient des pavés. Notre génération, elle, crée du remue-ménage à coups de millions de hashtags. »
Il est aussi expliqué la raison de leur fréquentation accrue des thérapeutes par le fait que ces jeunes ont quasiment subi toutes les crises : la climatique, la sociétale, la sanitaire, l’économique, la menace d’une guerre nucléaire, tout cela à la fois !
Cependant, si elle fréquente les psys, elle est aussi engagée à sa manière pour repenser le système : elle s’absente en masse des élections ou bien vote blanc, mais elle réclame que l’abstention et ce vote blanc soient comptabilisés car ils sont le reflet d’un désaccord, d’un outil de protestation.
Néanmoins, force est aussi de constater que cette jeune génération a ses habitudes de consommation avec des technologies dites nouvelles à profusion, celles dans lesquelles elle est née, en somme, et qu’elle est plus individualiste car elle place ses droits avant ses devoirs, au contraire des baby-boomers, par exemple.
Mais, ne nous y trompons pas, les jeunes qui sont engagés revendiquent les droits à la révolte, à l’action directe, et ils évoluent parfois en dehors des appareils conventionnels, pensons au mouvement engendré par Greta Thunberg et à Extinction Rebellion.
Quelque 63% des jeunes français estiment d’ailleurs que ce sont les citoyens qui devraient prendre les décisions pour le pays.
Est-ce à dire que les militants plus âgés, les soixante-huitards, par exemple, sont passés à côté de la plaque ? Non, bien entendu, car la féministe qui dans les années 1960-1970 s’est battue pour l’IVG et la pilule, a eu et a encore la même importance que la féministe contemporaine adepte de l’intersectionnalité, celle qui prend en compte le genre, la couleur de peau, l’orientation sexuelle, la validité d’une personne, c’est-à-dire une combinaison de stratégies et d’identités.
En somme, ces luttes anciennes et celles de la Génération Z me paraissent complémentaires même si les babyboomers militaient davantage pour l’universalisme et prônait l’unité.
En conclusion, cette jeunesse de la Génération Z n’est pas là, précisent les auteurs, pour brosser dans le sens du poil, bien au contraire : « Elle est là pour soulever le tapis et montrer tout ce qui a été placé dessous et combien ça pue et pollue. Internet est donc une révolution, disent-ils encore, une révélation et pas n’importe laquelle.Sat, 03 Sep 2022 - 4min - 472 - Inattendus Chemins de Compostelle
Le très ancien et célèbre Chemin de Compostelle, pèlerinage chrétien dévolu à saint Jacques le Majeur dont la dépouille serait miraculeusement arrivée en Galice, remonte à sept siècles après son martyre.
Au fil du temps, cette longue pérégrination (800 km en territoire espagnol depuis les Pyrénées, mais il faut généralement y ajouter les centaines de kilomètres depuis Paris, Vézelay, Arles et le Puy-en-Velay, les autres départs historiques du Camino francès ou Chemin français) a changé par rapport à son objectif initial, celui de la dévotion et de la repentance.
De chrétienne, cette démarche introspective qui a pour devise « Mourir et revivre à un autre être humain » s’est alors transformée en itinéraire culturel, label donné par la Communauté européenne, et, aussi, à mon instar, un parcours entrepris dans un cadre philosophique, sportif, de découverte du patrimoine humain et mobilier.
Pareille longue marche se prépare minutieusement même si, à présent, modernité oblige, Internet vous en fournit le mode d’emploi de A à Z, adresses de gîtes proposant des masseurs ou masseuses (… des pieds, bien entendu) en option.
Pour ma part, à la fin des années 1980, ce fut un bon vieux guide en papier et certainement pas un GPS qui dirigea mes pas pour accomplir les 1.600 kilomètres à mon programme.
Mais, peu importe !
La beauté de sites, la profondeur initiatique de cette pérégrination, la découverte d’un passé historique et artistique exceptionnel, les enseignements de potentielles rencontres…, restent identiques sur le fond depuis des siècles et leur impact sur le travail intérieur paraît identique, selon de multiples témoignages.
Je pensais donc bien connaître le sujet. Erreur !
La lecture du « Petit Livre des Chemins de Compostelle » de Marie Chamberlain publié en juin aux Éditions Papier Cadeau, ouvrage agrémenté de dizaines d’images, réserve un lot de surprises.
Effectivement, s’il est dit que le Chemin pour s’en aller à Santiago de Compostella débute au premier pas en sortant de chez soi, outre les itinéraires inhérents aux quatre départs historiques cités, cet ouvrage en propose quelques-uns, moins connus mais tout autant chargés de la magie compostellane.
À savoir, la Voie des Plantagenêts dont le départ est situé au Mont-Saint-Michel, sillonne par Fougères, Vitré, Niort, Aulnay, il y a encore la Voie du Piémont pyrénéen qui débute à Narbonne et s’en va en Pays cathare, puis Lourdes, Ordiarp et Saint-Just-Ibarre.
Une première précision importante à l’auteure qui écrit : « …depuis le XIIe siècle, on ne sait pas pourquoi la coquille devint l’emblème du pèlerin… », ce qui est quand même particulièrement interpellant car, la légende qui traverse les siècles, spécifie que le corps de Jacques le Majeur arriva sur les bords de la Galice, très précisément à Iria Flavia, là où les coquilles Saint-Jacques se ramassent sur la plage.
Autre précision, lorsqu’elle écrit encore que « l’embarcation sans guide l’y transporta », à vrai dire, toujours selon la légende, ce sont des anges qui la tirèrent.
Quoiqu’il en soit, ces deux détails font aussi partie intégrante de la magie compostellane merveilleusement composée de mythologie, de sacré, de folklore et de ressentiments personnels.
Ultreïa ! donc, comme clament les pèlerins et autres marcheurs et randonneurs en arrivant à Compostelle et en expression de joie.
Extrait musical Youtube : Le chant des pèlerins de Compostelle par Jean-Claude Benazet.
Sat, 27 Aug 2022 - 5min - 471 - Yves Le Car, libertaire et poète
J’étais adolescent quand j’entendis pour la première fois Le Dormeur du Val d’Arthur Rimbaud, un poème qui, non seulement me bouleversa, mais contribua à mon engagement pour une société fraternelle, pacifiée autant que faire se peut, et solidaire.
Yves Le Car, plume bien connue du magazine de l’Union pacifiste de France, est un libertaire actif auprès des réfugiés, qui milite pour un monde sans armées et sans frontières, mais qui est aussi poète. Un poète-militant, en somme.
Son dernier recueil de poésies Lichens de Soleil me fut préfacé de ces mots : « Un petit livre de contre-battant pacifiste qui brise les P de Damoclès pour en faire le P de Poésie et le P de Paix. »
Ces propos annoncent le ton des quelque 130 pages qui suivent :
« Des gosses de vingt ans s’engagent
poussés par le chômage
boostés par de faux mages qui leur font miroiter
des voyages… »
Un autre extrait :
« Quel toupet !
À vos yeux le premier des suspects
Ce n’est pas celui qui veut la paix… »
La chanson Le Déserteur de Boris Vian, avec la fin remaniée par Mouloudji, marque encore maints esprits en ces temps troublés. Pas suffisamment, hélas.
Yves Le Car, lui, s’adresse directement audit écrivain, musicien de jazz et parolier, également auteur de la Java des bombes atomiques, chanson antinucléaire par excellence :
« Monsieur Boris Vian
Je vous fais une lettre
Qui vous fera renaître
Au moins quelques instants
Le temps de concevoir
Un monde libertaire
Exempt de militaires
Exempt de tout Pouvoir… »
Lichens de Soleil : 15 euros, envoi y compris disponible chez l’auteur : Yves Le Car, 320 ancienne route de Sarrians – 84 810 Aubignan – France.
Photo : Triennale de l’affiche politique, Mons, photo Pierre Guelff.
Extrait musical : Le Déserteur, Boris Vian, Youtube.Thu, 25 Aug 2022 - 2min - 470 - Rencontre avec Bob Dylan : « Je parle à la place des morts ! » (2/4)
Ainsi, le 15 octobre 2022, je vais rencontrer Bob Dylan. Du moins, sauf conférence de presse « miraculeuse », lui sera sur scène et moi dans la salle.
D’ici-là, je prépare déjà ce moment avec celui qui marqua mon militantisme pacifiste il y a plus d’un demi-siècle, en lisant son autobiographie Chroniques parue chez Folio et en réécoutant ses chansons.
« Il n’y avait rien d’aimable ni d’accommodant dans les chansons que je chantais, écrit-il. Rien de sympa, rien de doucereux. Ah, on peut le dire, ça n’était pas commercial. Les folksongs, pour moi, ce n’était pas du divertissement. Elles traduisaient des réalités différentes, elles me servaient de précepteur, de guide vers une république d’un autre ordre, une république libérée. »
Comment se dessina le destin de Bob Dylan en ce début des années 1960 ?
Il y répondit du fond du « Gaslight », une boîte où il interprétait des sets de vingt minutes dans une salle bondée et enfumée : « Un mur plein, sans promesse, sans menace non plus – du bla-bla. Sans aucune garantie, pas même celle que la vie n’est pas une vaste plaisanterie. »
Néanmoins, il donna un indice ou l’autre sur la suite de son destin : « La justice, c’est très bien, seulement, cette fois, c’est moi qui la fais… les morts n’ont plus rien à dire, donc je parle à leur place, okay ? Une chanson peut rendre fidèlement compte de choses complexes. Je savais ce que je faisais et je n’allais pas battre en retraite, ne serait-ce qu’une seconde, pour qui que ce soit (…) J’ai essayé d’expliquer que je n’étais pas, à mon sens, un chanteur-engagé, en revanche, j’écoutais très souvent des chants de révolte, et ceux-là me touchaient vraiment. Il ne s’agissait pas d’engagement mais de rébellion. »
Cependant, tout changea, voire bascula même, lorsqu’il lut cette formule : « Je est un autre ».
Ainsi, après son premier album, quelques rapaces du show-business tournèrent autour de celui qu’ils pressentaient comme une future star, au point de lui recommander de dénoncer son contrat signé avec John Hammond.
La réplique de Bob Dylan fut cinglante : « On m’aurait donné une fortune que ça n’aurait rien changé. Hammond avait cru en moi et l’avait prouvé par des actes. Mille ans pouvaient bien s’écouler, jamais je ne l’aurais trahi. »
La grandeur de ce chanteur-rebelle, comme il se définissait à cette époque, se mesura aussi dans cette fidélité.
Photo : Prise d’écran de Youtube, également extraits musicaux.Tue, 16 Aug 2022 - 3min - 469 - Le Temps des convoitises
Le Temps des convoitises, est un roman de Frédérick D’Onaglia publié dans la collection Terres de France des Presses de la Cité, qui campa le principal de son récit à Fontvieille, un beau village provençal qui, je cite, « a gardé l’âme de ses fondateurs, des paysans, des vignerons, des commerçants, des meuniers, des bergers, voire des carriers, les bâtisseurs de l’Arles antique ».
Là, dans cette nature superbe, il y a les Cygalines, un endroit convoité par Alexis Bastide, propriétaire d’une manufacture de tissus, afin d’y développer un projet immobilier mastodonte.
Projet élaboré au grand dam de maints villageois, dont Élie Césaire, père de Claire, journaliste engagée à Provence Matin, quotidien dirigé par Louis Aymard, également farouche opposant au projet de Bastide.
« Le rôle d’un journaliste consiste à agiter les consciences, dit-il, pas à les endormir avec du prêt-à-penser ! »
Ajoutez-y le préfet Eugène Lescure, assoiffé d’éloges et de pouvoir se voyant bien à Matignon ou à l’Élysée, son épouse Victoire de Montauban, pédante au mental de général menant ses troupes au combat depuis son bureau cossu.
Il y a encore Julien Bastide, le fils rebelle d’Alexis qui, lors de l’inauguration d’un musée dévolu à l’entreprise familiale, y alla d’un scandale retentissant : « Tous des pourris, ces capitalistes ! Non contents d’exploiter leurs semblables, ils s’approprient la nature, la bousillent pour s’en mettre plein les poches. En moins d’un siècle, ils l’ont épuisée, et l’impact de leur pitoyable existence sur Terre aura des répercussions sur des générations et des générations. »
Au fils des pages, les échanges entre les autorités, le commanditaire du projet, les citoyens attentifs à leur environnement, prirent un tour polémique : « Les véritables intentions de la maire sont de faire exploser la population afin d’obtenir plus de subventions. Pour cela, elle est prête à détruire un site naturel, au lieu de chercher à le protéger ! »
Petit à petit, tout au long des 400 pages, une intrigue se dessine et la journaliste tente de débusquer ce que des années d’omerta et de petits et grands comptes entre amis ont tissé au détriment de Dame Nature, entre autres.
Bien décidée à en découdre avec Alexis Bastide, Claire lui sauvera quand même la vie, assurément, un fameux tournant dans cette saga provençale.
Mon, 15 Aug 2022 - 2min - 468 - Rencontre avec Bob Dylan (1/4)
Le 15 octobre prochain, je vais rencontrer Bob Dylan. Enfin ! Lui qui berça de ses chansons engagées mes premières années de militantisme, mon objection de conscience, mon Mai 68.
À vrai dire, lui sera sur scène pour son tour de chant mondial, moi dans la salle, à quelques pas de lui, et je me prépare à ce moment privilégié.
Je vous en partage déjà quelques instants.
Outre certaines de ses chansons mythiques dont je traduisais déjà les paroles lors des défilés contre la Guerre au Vietnam, je viens de découvrir une belle écriture dans son autobiographie intitulée Chroniques publiée chez Folio.
Bob Dylan est né en 1941 dans le Midwest, non loin du Canada, au temps des Hitler, Churchill, Mussolini, Staline, Roosevelt qui, je le cite, étaient de « gigantesques figures, des hommes qui ne connaissaient que leur détermination, pour le meilleur ou le pire. »
Pour ces derniers, il écrit : « Décidés à agir seuls, indifférents à toute opinion, à la richesse et à l’amour, réduisant le monde à des décombres, lointains descendants des Jules César, Charlemagne, Napoléon, ils découpaient le globe comme un mets délicat. Des barbares violents qui impriment sous leur pas leur idée de la géographie. »
Bob Dylan détaille cette période : « En 1951, j’étais à l’école primaire. On nous forçait à nous réfugier sous les pupitres quand les sirènes hurlaient, parce que les Russes avaient décidé de nous bombarder. Les mêmes Russes aux côtés desquels mes oncles s’étaient battus à peine quelques années plus tôt. C’était maintenant des monstres prêts à nous trancher la gorge et à nous réduire en cendres. Ça nous paraissait bizarre. »
Âgé d’une vingtaine d’années, il débarqua à New York et explique : « Il fut dit que la Deuxième Guerre mondiale avait marqué de son sceau l’extinction des Lumières. J’avais lu Voltaire, Rousseau, John Locke, Montesquieu, Martin Luther…, des visionnaires, des révolutionnaires… »
Alors, au tout début des années 1960, tout débuta pour Bob Dylan-le-chanteur : « À Greenwich Village, on chantait et on passait le chapeau. Le week-end, on faisait la tournée des clubs du crépuscule à l’aube, on pouvait empocher vingt dollars peut-être. Soit je faisais fuir les gens, soit il venait voir de plus près. Le folk était vu comme un genre mineur, médiocre, écrit-il, mais John Hammond, dénicheur de talents comme Billie Holiday, Benny Goodman, Count Basie, Lionel Hampton, m’ouvrit la porte et me dit que j’étais l’héritier d’une longue tradition : jazz, blues et folk, et il comprenait la sincérité. Or, je chantais le soufre et l’enfer dans une langue revêche. Je n’étais personne, je venais de très loin et j’avais commencé tout bas. Mais le destin allait bientôt parler… »
Photo : capture écran Youtube (ainsi qu’extraits musicaux).
Sun, 07 Aug 2022 - 4min - 467 - Un Hexagone, deux France par Edgar Morin
« Depuis la Révolution de 1789, deux France se sont succédé ou ont coexisté : la France humaniste et la France réactionnaire. La campagne pour l’élection présidentielle de 2022 montre combien la seconde a aujourd’hui pris le pas sur la première… »
C’est ainsi que commence le dernier ouvrage d’Edgar Morin, Réveillons-nous ! publié chez Denoël.
L’écrivain, grande figure médiatique, ne cesse de clamer sa foi en une prise de conscience planétaire inhérente à l’humanisme dont il est un chantre depuis de nombreuses décennies.
Voici quelques extraits de l’ouvrage pour expliciter davantage la pensée d’Edgar Morin :
« Le nationalisme déshumanise l’ennemi en temps de guerre et sous-humanise l’étranger en temps de paix. »
« Le danger ne vient pas des robots, mais du risque que les humains deviennent des robots. »
« Civiliser la Terre, transformer l’espèce humaine en humanité devient l’objectif fondamental et global de toute politique aspirant non seulement à un progrès, mais à la survie de l’humanité. »
« Nous devrions savoir non seulement que tout progrès gagné est fragile, mais aussi que le progrès technoscientifique peut être l’instrument des barbaries et peut conduire aux régressions et aux désastres. »
Wed, 20 Apr 2022 - 1min - 466 - Des perles
Covid par ici, Omicron par-là, puis les Zemmour et Le Pen, des scandales sanitaires et dans les maisons de repos, le mépris d’accusés dans l’interminable procès des attentats de 2015 , l’atroce guerre en Ukraine et son lot de propagande éhontée, depuis plus de deux ans, « ils nous emmerdent » ces moments pénibles de la Société, comme dirait le président Macron.
Alors, entre une menace de guerre nucléaire et un pouvoir d’achat qui s’amenuise (pas pour tout le monde, puisque les riches deviennent de plus en plus riches), prenons un peu de temps d’ouvrir un bouquin qui devrait faire fonctionner nos zygomatiques : « Les perles des bulletins de notes », dans la Collection Les Perles », c’est-à-dire des enseignants qui écrivent aux élèves des remarques du genre : « Élève brillant… par son absence ! »
Qu’ils en profitent car, comme en Belgique, il est question de supprimer purement et simplement les bulletins scolaires, comme on dit dans le royaume.
Alors, voici quelques perles, même si je soupçonne que certaines émanent surtout de l’imagination d’auteurs autres qu’enseignants, mais pourquoi se priver de ces rares moments de détente dans une période tellement anxiogène, n’est-ce pas ?
« Occupe une chaise, enfin il me semble… »
« A la prétention d’un cheval de course et les résultats d’un âne »
« Encéphalogramme plat »
« La greffe avec le radiateur est en train de prendre »
« Il faut penser au travail plus qu’au vernis à ongle »
« Dernier entré, premier sorti ! »
« Ne fait rien, mais le fait bien »
« Cet élève a deux cerveaux, l’un est parti à la recherche de l’autre »
« En nette progression vers le zéro absolu »
« Fait des efforts désespérés pour se rapprocher de la fenêtre »
« Très attentif au vol des mouches »
« Année sans histoire, et sans géographie d’ailleurs »
« Retrouve une belle énergie pour courir à la cantine »
« Rend des copies blanches, mais jamais en retard »
« Avant d’apprendre vos leçons, n’oubliez pas d’ouvrir votre classeur »
« Un vrai touriste aurait au moins pris des photos »
« N’a jamais ses crayons, n’a jamais ses cahiers, n’a jamais ses livres, mais a une circonstance atténuante : n’a jamais son cartable »
Et, enfin, la perle des perles, selon moi, quand l’enseignant écrit : « Vous usez mes stylos rouges ! »
Thu, 07 Apr 2022 - 2min - 465 - Raoni : « Je vous délivre ce message, partagez-le ! » (Partenariat POUR)
Les ouvrages et documentaires filmés consacrés aux peuples dits premiers sont de plus en plus nombreux.
Dans la présente rubrique, il a déjà été question de Sagesses d’ailleurs de Frederika Van Ingen, un bestseller du genre, à présent, voici L’esprit sauvage du photographe Maurice Rebeix paru chez Albin Michel.
Lui, aussi, ne s’est pas contenté de consulter des essais sur la question ou de piocher sur internet et Wiklipedia pour produite son livre, il sillonne la planète depuis trois décennies à la rencontre des peuples autochtones, ceux dont les Occidentaux feraient mieux d’écouter les messages teintés d’une culture et d’une spiritualité qui feraient le plus grand bien à notre Société prétendue « civilisée ».
À vrai dire, elle a salopé la planète et sans remords poursuit le massacre et le pillage de ses richesses, même celles vitales, comme le bois en Amazonie.
Le livre de Maurice Rebeix est lourd de plus de quatre cents pages de témoignages, de déclarations comme celle-ci de Wabanakwut Kinew, Anishinaabé, un habitant d’une Première Nation concentrée autour des Grands Lacs canadiens et américains : « Les langues indigènes contiennent la compréhension du monde de nos ancêtres. »
J’ai aussi apprécié l’hommage rendu à l’agronome René Dumont qui, au mitan des années soixante-dix, sensibilisa les populations à l’écologie en véritable précurseur : « Avons-nous le droit de jouer sur des paris l’avenir de l’humanité ? »
Il ne fut guère entendu par les décideurs politiques et les industriels et les lobbyistes gravitant dans leur giron, au point que c’est une gamine de 16 ans, Greta Thunberg, qui dut, quatre décennies et demie plus tard, secouer les consciences.
Mais, Maurice Rebeix eut aussi l’excellente idée de demander à l’emblématique chef Raoni de préfacer son ouvrage.
En voici de très larges extraits qui, effectivement, devraient toucher de plein fouet lesdits décideurs et politiciens, mais, aussi chaque citoyen :
« Toute ma vie je me suis battu pour défendre notre forêt. Celle de mes ancêtres, où vit mon peuple et que nous devons protéger pour le futur de nos enfants.
D’année en année, je la vois de plus en plus attaquée. C’est notre avenir même qui est menacé. Les agressions contre nous se multiplient. Je suis très vieux à présent, mais je veux continuer à faire entendre ma voix. C’est l’avenir de toute l’humanité qui est en question. Pas seulement notre avenir, nous qui vivons dans cette forêt tropicale d’Amazonie, mais l’avenir de tous.
Que des Blancs commencent à penser comme nous, à voir le monde avec les mêmes yeux que nous, c’est un espoir pour nos peuples.
Que des Blancs peu à peu changent de mentalité, qu’ils cessent de penser au profit qu’ils peuvent tirer de la destruction de la forêt pour comprendre qu’elle est un être vivant, comme vous, comme moi, et alors nous pourrons continuer de vivre auprès d’elle, nous pourrons continuer d’apprendre d’elle, de nous soigner grâce à elle. Alors, nous pourrons à notre tour la soigner. Alors les choses pourront changer.
Il est temps de tous nous souvenir d’où nous venons en tant qu’êtres humains. Il est temps de nous rappeler que respecter la forêt, que respecter la terre de nos ancêtres, c’est respecter ce dont nous venons.
Je pense que la Terre va se révolter contre nous, les humains, si on ne fait rien. C’est le message que je veux délivrer au monde, partagez-le autour de vous. »
Thu, 24 Mar 2022 - 3min - 464 - Pollution dans une société sous haute tension
Davantage habitué à lire des essais que des romans, dans Pollution, le roman de Tom Connan paru chez Albin Michel, je fus gâté : à la fois une histoire fictive particulièrement bien enlevée, avec trois personnages principaux, David, un Parisien saturé de sa vie urbaine, Iris, adepte des réseaux sociaux, des selfies, de live sur Instagram, Tik Tok et You Tube, tous deux se retrouvant dans une ferme « pour une mise au vert à la campagne » non loin de Cherbourg, mais, ce livre, c’est surtout un véritable documentaire d’une rare précision sur les affres vécus par le duo et tous les citoyens de la région lors de la pandémie et les ravages de la centrale nucléaire de Flamanville.
À savoir, des vaches mortes ou dans un mauvais état, des êtres humains frappés de cancers, des terres rares, des champs électromagnétiques, de la contamination aux métaux, des lobbies du nucléaire, bref, le vocabulaire trop bien connu des écologistes qui luttent encore contre ledit nucléaire, même si l’Europe en a fait, sans le moindre remords, une énergie prétendument « verte ».
Le duo parisien se retrouva avec Alex, le fils des fermiers. Lui, il rêvait de quitter le bled et de faire carrière dans l’événementiel. Eux trois, vécurent, coincés, entre leur addiction aux technologies nouvelles et un scandale sanitaire. À une sorte de mort lente de notre modèle de civilisation, en somme.
Je cite : « On vivait dans un monde étrange où des boîtes privées, dont les finalités purement commerciales ne faisaient aucun mystère, en savaient plus sur l’humanité que la totalité des États réunis. Les gouvernements n’arrivaient même pas à anticiper les lits nécessaires pour pouvoir absorber l’épidémie en cours, en revanche, les GAFA connaissaient mes goûts politiques, mes affinités sexuelles, mes peurs, mes désirs professionnels et, bien sûr, mes allées et venues. Mais cet invraisemblable transfert de pouvoir ne choquait pas grand monde à la surface de la terre. »
La confusion mentale était amplifiée par les complotistes de tout poil, explique encore l’auteur. Même par ceux qui n’y connaissaient rien et se lançaient dans des analyses scientifiques complexes que seuls les meilleurs experts pouvaient en théorie mener.
La même chose concerna les dégâts de fuites à la centrale nucléaire : le déni systématique des politiciens régionaux, biberonnés au lobbying et arcboutés aux concepts de la rentabilité économique et à l’emploi au détriment de la santé publique et du bien-être citoyen.
« Certains avaient tellement envie d’entendre ce qu’ils voulaient entendre que lorsque leur désir n’était pas satisfait, et que la vérité scientifique n’allait pas dans leur sens, ils niaient l’évidence en affirmant tout et n’importe quoi. »
Jusqu’au jour où, ce fut l’alerte générale…
Wed, 16 Mar 2022 - 3min - 463 - Pour ne pas vieillir idiot
Le Dictionnaire des expressions imagées d’ici et d’ailleurs de Maria Grazzini paru aux Éditions Omnibus en 2015, est à lire ou à relire au moment où d’aucuns se déchaînent sur les réseaux sociaux et utilisent des termes ou idiomes dont ils ne connaissent même pas la signification.
Et, comme nous explique l’autrice, le terme « idiome » est une expression particulière à une langue et un groupe social et a la même origine que le terme « idiot », avec humour, car il en faut en ces temps troublés, elle nous assure qu’en lisant son dictionnaire, « nous ne vieillirons pas idiots…
Tournons ensemble les 180 pages et espérons que cette chronique ne va pas vous courir sur le haricot, c’est-à-dire vous exaspérer. Pourquoi le haricot, au juste ? Parce qu’en argot c’est un orteil.
Serons-nous pour autant copains comme cochons ? En ce cas, cochon est une déformation phonétique du terme « soçon » qui vient du latin « socius » qui signifie « associé ».
Si vous êtes dans le rouge, cela veut dire que vos finances sont déficitaires, ça on ne le sait que trop bien, mais pourquoi cette expression ? Parce que, naguère, les déficits étaient rédigés à l’encre rouge dans les écrits comptables. Aujourd’hui, en Belgique, le président d’un machin, comme aurait dit de Gaulle, a décrété que l’enseignant qui écrivait en rouge dans le journal de classe d’un écolier, le traumatisait. Soit.
A-t-il des chauves-souris dans le beffroi, une vis desserrée ou a-t-il lampé du pétrole ce donneur de leçons ? À savoir, selon le dictionnaire, est-il fou à lier ? Non, bien entendu, et en me lisant il pourrait croire que j’ai une dent contre lui. En d’autres termes, la dent est synonyme d’agressivité.
Généralement, les animaux montrent les dents pour faire peur, d’où, « avoir une dent contre quelqu’un », donc s’acharner sur lui.
Ce n’est, bien sûr par le cas, mais pas non plus de là à avoir le béguin pour lui. Une autre expression courante dont vous trouverez l’explication page 12 de l’ouvrage de Maria Grazzini…
Thu, 03 Feb 2022 - 2min - 462 - Ne plus vivre à genoux
Depuis de très nombreuses années, j’apprécie la collection Terres de France des Presses de la Cité. Certes, il s’agit souvent de romans dits de « terroir », mais que l’on ne s’y trompe pas, il n’est pas question de faire l’apologie d’un nationalisme à la Pétain ou Zemmour, du moins dans ce que j’ai lu.
Un kibboutz en Corrèze de Jean-Luc Aubarbier est la démonstration que la solidarité et la fraternité citoyennes peuvent supplanter le fascisme, même celui véhiculé par les autorités. Mais, ce n’est pas facile à mettre en place, comme le développe l’auteur qui s’est basé sur des faits historiques au cœur du village de Nazareth en Corrèze, avec en filigrane « Nuit et brouillard » chanté par Jean Ferrat : « Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel, certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou, d’autres ne prient pas, mais qu’importe le ciel, ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux. »
À genoux, justement, c’est la photo de couverture qui montre un jeune couple sur les genoux échangeant un tendre baiser parmi les bottes de foin lors de la fenaison.
Alors ? Qu’en est-il dans les 465 pages de cette histoire ?
En 1933, de jeunes allemands, garçons et filles, juifs, communistes, intellectuels, fuient le nazisme prôné par Hitler et débarquent à la ferme Valbénac dans ce village situé à une dizaine de kilomètres de Brive :
* Ce sont des boches ! lance un villageois.
* Ce sont des juifs allemands et communistes ! surenchérit un nanti que l’on dit plus influent que, le maire, lui, favorable à l’arrivée de ces jeunes.
* On est envahis par les youpins ! conclut une paroissienne.
Deux à trois mois plus tard, alors que la jeune communauté allemande forme un kibboutz, Albert Malaterre, sous-préfet de Brive, arrive à la ferme et, du haut de sa prestance d’émissaire de la République, déclare à David, le responsable de cette ferme-école destinée à former des jeunes pour gagner le Moyen-Orient : « Vous attirez ici une cohorte d’étrangers, des gens plus ou moins indésirables qui peuvent mettre en danger l’ordre public… »
Inutile de dévoiler davantage la trame de ce roman exceptionnel que tous les citoyens se devraient de lire afin qu’ils puissent argumenter davantage leur opposition aux idées nauséabondes qui circulent de plus en plus avec une banalité affligeante dans notre société.
Sauf, peut-être, que Sarah, membre de la communauté, fréquente de plus en plus Frédéric, le fils du sous-préfet, et ce sont eux deux qui s’embrassent dans le foin, jusqu’au moment où cet amour est aux prises avec les sbires du nazisme et du pétainisme.
L’un s’engage dans la résistance gaulliste, l’autre dans la résistance communiste, Albert Malaterre doit rendre des comptes à la Libération, et Frédéric, lui, attend avec angoisse Sarah, devenue son épouse, déportée à Auschwitz après un séjour à Drancy…
Sat, 11 Dec 2021 - 3min - 461 - Feu de joie
Quand un auteur évoque une région qui est chère à vos bons souvenirs, cela ajoute une petite touche à l’intérêt que l’on porte à son récit, n’est-ce pas ? Cependant, faut-il agir, comme je l’ai fait naguère, c’est-à-dire partir du Puy-en-Velay pour accomplir une pérégrination philosophique et culturelle de quelque 2 000 kilomètres à pied vers Compostelle, pour goûter pleinement à l’histoire contée ? Non, bien entendu, cependant, retrouver ou sillonner par la grâce d’une lecture des endroits connus permet, peut-être, d’encore mieux imaginer la description des êtres et de la Nature réalisée par l’écrivain.
Avec Feu de joie de Pierre Petit aux Presses de la Cité, je fus donc en terrain de connaissance, si j’ose dire, puisque l’histoire se déroule en Haute-Loire, mais, par après, tout l’art du conteur est de vous accrocher pleinement à son roman. Et, selon ma lecture, ce fut réussi.
Quand, entrant pour la première fois à l’école primaire, mais en retard d’un trimestre, Stéphane, tremblant de peur du haut de ses six ans, fut consolé par Isabelle qui l’avait précédé dans la classe, il n’allait jamais oublier ce geste délicat.
Toute leur jeunesse, Stéphane et Isabelle furent liés par une amitié indestructible, même quand leurs chemins se séparèrent, lui pour un internat à Clermont-Ferrand, elle pour le lycée de Saint-Étienne, ensuite, lui pour des études universitaires de français, elle pour les mathématiques.
Certes, lors de différentes vacances, ils se revoyaient, passant quelques moments agréables à gambader, voire flirter, en toute amitié, ils s’écrivaient trois ou quatre fois l’an alors qu’ils étaient séparés par des boulots d’enseignants situés à des centaines de kilomètres l’un de l’autre, elle dans la région parisienne, lui dans le Nord, jusqu’au jour où Stéphane demanda et obtint sa mutation au collège de Fontbonne, au pays natal, y rejoignant Isabelle, professeur de mathématiques depuis deux ans.
Les chaleureuses retrouvailles se firent au bistrot Giraud sur le faubourg, puis, il l’emmena à la pêche aux écrevisses à bord de sa mythique 2 CV, là-bas, loin de la ville, dans un coin isolé où scintillait une rivière parmi les pins.
Au menu de ces heures tant espérées par les deux amis d’enfance, une belle truite, des écrevisses à raison de six balances pour chacun, selon la règle, un pique-nique, quelques baisers fougueux, beaucoup de tendresse réciproque, et l’amour, là, à la belle étoile.
« Qu’est-ce que je t’avais dit ? On est tout seuls ! » lui dit-il.
Ce qui n’était pas du tout le cas. Je laisse au lecteur la suite des événements, sans quoi, ce serait dévoiler ce qui constitue une littérature du réel qui mêle à la fois une enquête quasiment judiciaire, un indéniable aspect romanesque, la sociologie des personnages, le tout sur fond de guide d’une région aux multiples attraits et lieux, parfois bien insolites.
Ce livre relève donc de la littérature de terrain comme le laissa sous-entendre Pierre Petit dans son prologue : » Même si ce roman est inspiré par des faits réels, décors et personnages restent imaginaires. Enfin, presque… »
Thu, 23 Sep 2021 - 3min - 460 - Les Silences de Julien (Gilles Laporte)
Quand j’aime, je le dis. Quand je n’aime pas, je le dis aussi.
De quoi s’agit-il ? Du nouveau roman de Gilles Laporte Les Silences de Julien aux Presses de la Cité.
Ainsi, je n’ai pas du tout aimé Léopold Malard, dont il est fortement question tout au long de cet ouvrage de quelque 456 pages.
C’est le prototype de l’arriviste, doublé d’un égoïsme qui écrase tout sur son passage pour arriver à son but : la gloriole, le paraître, le fric, la suffisance.
Un personnage qui, dans la vie réelle, me fait changer de trottoir.
Il débuta sa carrière professionnelle comme ouvrier dans une usine de pompage-embouteillage, participa aux luttes syndicales, s’y révéla un battant, un agitateur aux yeux des patrons. Bref, jusqu’ici, il m’était très sympathique.
Puis, pour l’amadouer, ces mêmes patrons le firent rentrer dans le rang en lui proposant une formation complémentaire et, comme il était déjà ambitieux, lui qui, adolescent, avait déclaré à son père qu’il voulait sortir « des sentiers merdeux », il mordit avec délectation à l’hameçon que lui tendait la direction de l’usine.
Il reçut une promotion et devint même le fossoyeur de celles et ceux qu’il avait prétendu défendre.
Mais, Léopold n’en avait cure, même quand il eut à ses côtés Marianne, une épouse attentionnée, davantage tournée vers les choses de la Vie qu’un plan de carrière, il avait atteint son premier objectif : diriger, ordonner, décider de « la vie et de la mort de salariés soumis au bon vouloir d’actionnaires dont il assumait désormais les désirs, objectifs et paroles. »
Ah ! Comme il jubilait en se pavanant dans son Alfa Romeo rouge Duetto ! Son père l’avait traité de prétentieux le jour où Léopold lui avait littéralement craché au visage qu’il ne serait jamais paysan puis, quand il débarqua chez ses parents « en costard, mocassins à glands, chemise blanche au col serré par une cravate à rayures à la manière des Anglais… »
Cette rarissime visite à ses géniteurs avait un autre but : « Je suis Léopold Malard, cadre de direction d’une multinationale…, et je veux ma part de l’héritage pour acheter une maison à Roissy, pas loin de l’aéroport et du siège de mon entreprise… »
Le sang du père ne fit qu’un tour : « Fous-moi le camp ! Ta part sera pour ton gosse, ce sera pour lui et personne d’autre ! Dehors ! »
Il faut dire que Léopold avait quitté sa femme et son tout jeune enfant, Julien, pour que rien ni personne ne l’empêche d’accéder à la plus haute marche dans le monde capitaliste.
Il n’en avait rien à faire que Marianne soit aux prises avec une angoisse incommensurable quand son amie, George, infirmière dans un centre psychiatrique, trouva que Julien, 3 ans, devait être vu par de grands spécialistes du comportement.
Il était tout aussi odieux quand le terme « autiste » fut lâché au sujet de son enfant.
Et Marianne de tenter, encore et encore, de sauver ce qui pouvait l’être dans son couple : « Léopold est tellement autocentré, qu’il est juste capable de compliquer le problème, au lieu de le résoudre ! »
Que voilà, donc, une manière bien gentille pour ne pas clamer que Léopold était un sale type !
Bon ! J’en ai suffisamment dit, sans quoi je vais finir par trop dévoiler la suite de ce livre touchant, bouleversant.
Sachez, cependant, que Gilles Laporte est un auteur humaniste et que dans tous les ouvrages que j’ai lus de sa plume, il y a toujours une certaine « morale » qui découle de son récit.
Celle qui explique, argumente, prend du recul, fouille les gens et leurs idées, et, bien entendu, leurs comportements, qui tente, aussi, de comprendre sans pour autant admettre, qui, parfois, réconcilie entre eux les acteurs de son histoire mais, également, le lecteur qui a pris en grippe l’un d’eux, car, dans le fond, même chez les êtres humains les plus abjects, il peut y avoir une minuscule lumière qui surgit dans les ténèbres.
Et puis, Julien,Tue, 14 Sep 2021 - 4min - 459 - La langue du pic vert : étrange et émouvante
La langue du pic vert, voici un roman que l’on n’est pas près d’oublier à l’issue des 280 pages écrites par Chantal Dupuy-Dunier aux Éditions la déviation, tout comme Sylvain qui, en visitant une Maison de la Ligue pour la Protection des Oiseaux entendit ces mots prononcés par le guide : « Le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. »
Outre une superbe et très symbolique illustration de couverture, cette phrase ne pouvait, aussi, qu’attirer l’attention de l’auteure qui travailla comme psychologue en hôpital psychiatrique et de fournir un titre particulièrement prégnant à son ouvrage : La langue du pic vert.
Que je vous résume : si cet oiseau fabuleux possède une langue extraordinaire, Sylvain va connaître une destinée tout aussi hors du commun. Il n’a pas connu sa mère, Martine, morte en lui donnant la vie, très lourd « héritage » à porter : « Comment peut-on naître d’une morte ? »
Et puis son père, Julien, qui, à 46 ans, commence à embrouiller ses idées, confondant mardi avec dimanche, oubliant l’endroit du stationnement de son véhicule, se rendant à son boulot alors qu’il n’y est pas attendu, en d’autres mots, c’est la déchéance, encore une situation très lourde à supporter pour Sylvain : « Papa, c’est mon anniversaire. » Papa ne répond rien.
À deux, ils vont sur la tombe de Martine, endroit quasiment inconnu du fils. Il ne connaît pas le chemin qui mène à la sépulture. Julien, oui. Pareil à un automate, il va s’asseoir sur le bord du caveau et, comme un mantra, répète « Il ne faut pas renverser la bruyère ! »
Parallèlement, Sylvain fréquente une bibliothèque, il écrit quelques poèmes, manipule un boulier chinois, ah ! pourquoi cet objet tient-il une certaine place dans le roman ? Tout comme Stanislav, d’ailleurs…
Le jeune homme recherche un emploi, son père étant placé au « Cloître », une institution adaptée à son état, il devient agent de service dans l’hôpital où, justement, Julien travailla.
Il se met à lire des ouvrages consacrés au Râja-yoga, ensuite, comme une suite parfaitement tracée par le Destin, il désire ardemment se promener dans les bois « afin de rencontrer son oiseau totem ».
Alors, cette recherche s’apparente à une quête initiatique qui, vers la fin, fait même, chose rarissime, rire Sylvain aux éclats, « un rire qui ressemble à celui du pic vert ».
L’éditeur de ce roman spécifie que « la poétesse Chantal Dupuy-Dunier manie en virtuose le jeu du langage. Mystérieux et original, son premier roman est dédié à ceux dont le rêve est appelé folie. »
Pour ma part, je termine cette chronique par une citation de Jean Jaurès : « Les progrès de l’humanité se mesurent aux concessions que la folie des sages fait à la sagesse des fous. »
Wed, 01 Sep 2021 - 3min - 458 - C’est la touchante histoire de Jean l’écaillon…
Le machinisme, l’industrialisation, les technologies nouvelles, certains matériaux traditionnels (pierre, bois, terre cuite, paille) remplacés par du plastique et du béton hautes performances et ses superplastifiants, telle est l’évolution, du moins sur une échelle du temps et non au point de vue de la qualité et de la pérennité des constructions, ont fait que des métiers ancestraux et des entreprises artisanales ont été quasiment rayés de notre société consumériste.
Résultat tangible : des cathédrales, demeures, châteaux et ponts moyenâgeux tiennent encore leur rôle, alors que des buildings et viaducs modernes se fissurent, se dégradent à une vitesse folle et que des viaducs s’effondrent.
Alors, tant qu’il est en encore temps, tournons les pages d’un passé pas si lointain qui, déjà, est considéré comme de l’histoire remontant à la création de l’Univers, pour certains.
J’exagère un tantinet certes, mais en bon Ardennais, je force un peu le trait dès qu’il s’agit de défendre, promouvoir ou se souvenir cette vaste région de France, de Belgique, du Luxembourg et d’Allemagne, pour la mettre en évidence comme il se doit, à l’instar de l’auteure Jacqueline Hiver aux racines familiales ardennaises.
Il y a peu, elle a publié aux Éditions Jacques Flamant un livre qui, justement, évoque « les Ardennes ardoisières entre poèmes et légendes » sous le titre de Jean l’écaillon.
Un écaillon est le principal ouvrier d’une ardoisière et le terme écaillon vient d’écailler, car on écaille les ardoises.
Pour moi, féru de récits historiques, de témoignages et de vécus consacrés au monde du travail, à l’esprit compagnonnique, aux luttes sociales, à la condition ouvrière et artisanale, ce fut un moment « fort » de me replonger dans les Ardennes de Jean l’écaillon, mort de silicose comme tant de ses collègues avant d’arriver à la retraite ou peu après celle-ci.
« Gueules noires au regard triste,
Brisées par le démon capitaliste.
Plus de foi, plus d’espérance,
Endurer la souffrance.
Ce n’est pas le bagne, non !
Les bagnards triment au jour
C’est pire. C’est le fond. »
Dans ce livre touchant, abondamment illustré, il y a aussi ces femmes, belles et fortes comme des chênes, attendant, parfois vainement, que leur homme remonte de la fosse.
Et pourtant, dans le silence des forges et du souvenir que les Ardennes furent d’horribles champs de bataille, Jacqueline Hiver n’en démord pas :
« Ma terre ardoisière
Je t’aime comme on aime
Un pays où mes racines ont grandi ! »
Et puis, en bonne poétesse et en adepte des légendes, elle nous évoque Rimbaud, un Ardennais pure souche, et des légendes, telle celle de la Poule noire, mais ceci est une autre histoire.
Photos extraites du livre Jean L’Écaillon (Éditions Jacques Flament) de Jacqueline Hiver.
Thu, 05 Aug 2021 - 3min - 457 - De la science-fiction à la réalité
Isaac Asimov (1920-1992) fut un Russe naturalisé Américain, biologiste et chimiste, un cratère sur Mars et un astéroïde portent son nom, il fut président de l’American Humanist Association, et aussi un écrivain qui créa le célèbre personnage de science-fiction le professeur Seldon, futurologue, adepte du psychédélisme.
Dans l’une de ses œuvres, Asimov fit dire à Seldon les causes de la disparition future de la Civilisation :
l’armée et sa méga-force de destruction, armée appuyée par des partisans et des fanatiques ;
* les forces de l’ordre, les services secrets et les milices qui répriment toute contestation, y compris les pacifiques ;
* les historiens-fonctionnaires qui déforment les faits, truquent la réalité, inventent des mythes et des idoles, transforment une légitime revendication en une colère d’ivrognes ;
* les journalistes et chroniqueurs qui se taisent, pratiquent l’omerta ou marchent « dans la ligne, le doigt sur la couture » ;
* les multinationales, les cartels et les trusts, les coalitions des « petits lâches silencieux » (sic).
La science-fiction rejoint bien la réalité, ou vice versa.
Thu, 08 Jul 2021 - 1min - 456 - Les Promesses de l’innocence
Voici Clotilde, Naïma et Judith, trois amies d’une vingtaine d’années qui, depuis des années, vivent leur jeunesse dans une sorte de gaieté communicative, le regard porté vers un avenir prometteur.
Comment pourrait-il en être autrement puisque, en principe, à cet âge-là, que l’une soit née dans une famille chrétienne, l’autre chez des Musulmans et que la troisième soit juive, peu importe, ces différences ne les touche pas.
Alors, c’est le temps des promesses du genre « Toutes pour une, une pour toutes », « Amies un jour, amies toujours », « À la vie, à la mort ».
De la mort, parlons-en, d’ailleurs puisque le tournant du roman Les Promesses de l’innocence d’Éric Le Nabour paru aux Presses de la Cité, se déroule le jour de la Toussaint, celui qui est considéré, à tort, comme le jour des défunts, alors qu’il s’agit de la fête de tous les saints, mais, on ne refait pas les vieilles traditions.
Cependant, Clotilde, que ses parents verraient bien mariée à un officier, Naïma qui doit faire une croix sur son rêve de devenir infirmière afin de veiller sur son père malade et ses frères, alors que Judith se sent étouffée par le poids de la thora et veut goûter sans entrave sa relation amoureuse avec son ami arabe, ce jour de la Toussaint est le 1er novembre 1954 et se déroule en Algérie.
Ce 1er novembre 1954 est appelé la « Toussaint rouge », car c’est le moment historique où le Front de libération nationale (le FLN) manifesta pour la première fois son refus du colonialisme imposé depuis des décennies par l’omnipotent colonisateur français. C’est le début de la Guerre d’Algérie, celle qui fit jusqu’en 1962 des centaines de milliers de victimes militaires et civiles, dont tellement d’autochtones qui ne demandaient qu’à vivre libres dans leur propre pays.
Alors ? La belle amitié entre les trois principales figures du roman allait-elle subir les dégâts collatéraux de cette guerre coloniale ? Allaient-elles être séparées par les événements ? Se livreraient-elles, elles aussi, à des représailles ?
L’auteur vous expliquera en 400 pages ce triple destin qui, aujourd’hui encore, mais de manière non fictive, habite l’existence de maintes personnes de part et d’autre de la Méditerranée.
Thu, 24 Jun 2021 - 2min - 455 - L’économie totalement tournée vers le mieux-être est l’obstacle majeur au bien-être
Quand, au tout début des années 1970, je lus et entendis quelqu’un énoncer qu’une société conviviale était une société où l’être humain contrôlait l’outil et non l’inverse comme le faisait le trio capitalisme-communisme-religion et l’hyper-industrialisation, que l’école devait être démocratisée au profit d’un apprentissage s’apparentant au compagnonnage, qu’il mit au point un programme pour le Tiers Monde avec une formation concrète basée sur des idées neuves et des énergies nouvelles opposé à la philosophie expansionniste américaine et à l’endoctrinement de l’Église catholique, je fus directement impressionné.
Cette personne était Ivan Illich (1926-2002) qui, à l’heure actuelle, retrouve un écho sociétal assez conséquent.
Il est vrai, qu’en 1973, il s’était révélé un incontestable visionnaire :
« Je crois que la croissance s’arrêtera d’elle-même. En un temps très court, la société perdra confiance non seulement dans les institutions dominantes, mais également dans les gestionnaires de la crise.
Ce qui est évident pour quelques-uns, sautera un jour aux yeux du monde, à savoir que cette économie totalement tournée vers le mieux-être est l’obstacle majeur au bien-être. »[1]
Ce philosophe, penseur de l’écologie politique, libertaire, critique de la société industrielle, fut d’abord un prêtre considéré comme rebelle puis comme un drôle de personnage puisqu’il n’hésita pas à interpeller directement le pape sur sa non-dénonciation de l’arme nucléaire, ce qui n’a guère été du goût du Vatican.
Ivan Illich développait des théories où dominait le concept de convivialité, où il réclamait avec force de sortir des idées préconçues, clamait que la planète était en danger et préconisait un projet urbain à forte connotation écologiste (marche, vélo, transports en commun…), il en appelait à une société qui ne crée pas d’inégalité mais renforce l’autonomie de chacun en accroissant le champ d’action sur la réalité.
Pour lui, la guerre tend à égaliser et homogénéiser les cultures tandis que la paix est la condition dans laquelle chaque culture s’épanouit de sa propre inégalable manière.
Selon Franco La Cecla, anthropologue et incontestable spécialiste de la pensée d’Ivan Illich, qu’il côtoya beaucoup, la méthode de celui-ci se voulait radicale en appelant à un monde écoconscient articulé sur des relations de proximité.
Illich disait qu’il fallait distinguer l’école de l’éducation et il faisait remarquer qu’elle était devenue un lieu de compétition, un lieu où l’acquisition de diplômes devenait plus importante que l’acquisition du savoir.
Il développa cette analyse en soulignant que le ministère de l’éducation était principalement préoccupé par la comptabilisation du nombre de reçus au BAC : la course à ces statistiques continuelles empêcherait considérablement les enfants de s’installer dans la Vie, selon lui.
Il ne dénonça pas l’école, mais la manière (comme l’Église, ajouta-t-il) dont elle pervertit en institutionnalisant les études et en ne faisant pas la connexion entre elles, en imposant une discipline qui ne laisse pas l’enfant s’épanouir au monde actuel, d’où, de plus en plus de décrocheurs et d’inégalité dans ce système de transmission.
Pour lui, l’enseignement et la pratique de la production, la culture orientée vers la consommation de biens et de services, la société technologique avec ses spécialisations à outrance, étouffent la disponibilité à la convivialité.
Ivan Illich fut un penseur engagé qui avait le sens du concret et du réel, celui d’un monde de résistants à la guerre du Vietnam et à la folie du nucléaire, celui des objecteurs de conscience d’inspiration libertaire.
Il avait choisi une voie laïque par ses positions sur l’avortement, le célibat, le ministère féminin, la contraception, la pauvreté, selon Franco La Cecla.
Il était franchement contre l’acharnement thérapeutique le comparant...Thu, 17 Jun 2021 - 5min - 454 - Obéissez sans réfléchir ! (3/3)
Dans Désobéir de Frédéric Gros, il est bien entendu fait référence à Henry David Thoreau, celui-ci expliquant l’opposition majeure entre l’État et les politiciens qui se secouent et bougent quand ils sont animés par des lobbyistes et des carriéristes ambitieux, et les individus habités par leur conscience.
La morale trouve son assise dans la conscience, alors que la politique est un mode de fonctionnement gigantesque et glacé, selon le pionnier de la désobéissance civile.
À l’argument de la légalité des lois votées selon des procédures réglées (majorité simple, majorité des 2/3, unanimité…), il répliqua que ce qui devait l’emporter était la supériorité éthique et non une loi arithmétique.
Quant à la dissidence civique, elle est une posture éthique par laquelle la désobéissance civile décourage par avance toute récupération politicienne.
Les trois grands foyers de l’obéissance aveugle en sont : l’Administration, la Religion et l’Armée.
Leur mot d’ordre est le même : obéissez sans réfléchir, dit-il.
Le dissident civique est celui qui désobéit parce qu’il ne peut plus continuer à obéir, est-il encore expliqué.
Les notions d’obligation éthique, de responsabilité sans limites apparaissent également dans le constat qu’il posa : la neutralité est un choix, c’est celui de la complicité passive.
J’ai été particulièrement attiré par la démonstration reprise du tout premier numéro des Temps modernes en 1945 : Flaubert et Goncourt pouvaient être considérés comme responsables de la répression qui suivit la Commune, parce qu’ils n’avaient rien écrit, pas un seul mot, pour l’empêcher.
À cela, il fut rétorqué que ce n’était par leurs affaires.
Répliques cinglantes des Temps modernes : le procès de Calas était-il l’affaire de Voltaire ? La condamnation de Dreyfus était-elle l’affaire de Zola ? L’administration du Congo, était-elle aussi l’affaire de Gide ?
Le piquant dans cette référence aux Temps modernes, c’est que ce magazine fut fondé par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir et, qu’eux-mêmes, ne furent pas des modèles de résistants, c’est le moins que je puisse dire.
Sat, 12 Jun 2021 - 2min - 453 - Edgar Morin : Leçons d’un siècle de vie
Tout arrive ! À la veille de ses 100 ans, Edgar Morin m’est apparu pour la première fois de mon existence par la parole et non par l’écrit durant un bon bout de temps[1]. Impressionnant !
Une heure trente pour évoquer son itinéraire durant un siècle, ses soixante livres, son universalisme, son engagement pour les révolutionnaires espagnols, celui en tant que résistant qu’il commenta de la manière suivante : « Je voulais vivre en résistant et pas survivre en me planquant » et l’occasion de rappeler que l’on peut résister pacifiquement : « J’ai foi dans la fraternité humaine », clama-t-il encore avec une conviction communicative, tout en reconnaissant avoir sous-estimé l’horreur du nazisme, mais il avait 20 ans à l’époque et n’avait pas encore assez d’expérience dans la vie, malgré la perte traumatisante de sa mère à l’âge de 10 ans.
Exclu du Parti communiste français après sa rupture avec le communisme de Staline, cet allergique au fanatisme expliqua clairement que la France identitaire ne peut être que fermée sur elle-même, alors que la France humaniste est multiculturelle comme son origine d’ailleurs : « La France n’est-elle pas formée par l’Alsace, la Bretagne, Nice, le Languedoc et d’autres régions ? »
L’inventeur du mot « yéyé » aborda le concept de la liberté qui est, selon lui, dans la volonté de considérer le monde et, aussi, l’état de la planète : « Elle est emportée dans un déferlement techno-économique libéral et la pandémie démontre que malgré lui, l’infiniment petit, comme le virus, reste important et nous rend fragile. »
Pour Edgar Morin, les prises de conscience sont absolument nécessaires, celle, entre autres, de changer de voie pour retrouver la solidarité et non plus vivre le gigantesque vide politique actuel, reprendre le chemin vers l’humanisme et surtout pas vers la révolution violente, comme la pensée de Marx qui fut dénaturée par Staline et consorts.
Il donna plusieurs pistes pour tendre vers cette nouvelle voie :
* Savoir vivre, c’est oser réaliser ses aspirations, le « je » et le « nous » doivent être complémentaires et non l’égoïsme qui est la source de toutes les solidarités. La disparition de la convivialité, c’est la disparition de facteurs humains.
* Il y a aussi le besoin de reconnaissance qui est indispensable, d’après Edgar Morin. C’est-à-dire que les gens qui sont humiliés, dédaignés, traités comme des objets, doivent absolument bénéficier d’un humanisme régénéré. À savoir, reconnaître l’humanité dans autrui.
* Troisième piste : considérer que passion et raison sont indissociables, qu’il y a lieu de revenir à une vie poétique, à s’enthousiasmer, à s’étonner, à s’émerveiller, à aimer, à entretenir l’amitié, tout en ayant de la compassion pour les humiliés et prendre conscience de l’unité dans la diversité.
À l’issue de ce moment privilégié avec un homme qui dit redouter le néo-totalitarisme, avait espéré un autre changement sociétal après la récente crise, il y eut cette confidence : « Je garde la capacité de révolte intérieure face à la cruauté du monde et la sagesse consiste à contrôler mes passions par la raison et à nourrir la raison par mes passions. »
Visiblement, Edgar Morin n’apprécie pas qu’on dise de lui qu’il est un sage, et il en profita pour exprimer son avis sur la sagesse : « C’est l’expérience de la vie ! »
[1] La Grande Librairie, France 5, 9 juin 2021.Thu, 10 Jun 2021 - 4min - 452 - La sur-obéissance : une seconde nature ? (2/3)
L’essai Désobéir écrit par Frédéric Gros pour Champs essais, dont il a déjà été question dans notre rubrique, attire l’attention sur un paradoxe.
Comme se fait-il que des gens obéissent le doigt sur la couture et sans broncher à des diktats alors que s’ils s’unissaient, ils mettraient à bas ceux qui les oppriment ?
La majorité dite silencieuse qui, pourtant, possède une force en elle avérée est amorphe face à une élite qui, elle, est rapidement solidaire et d’attaque.
Cette majorité silencieuse est-elle prisonnière de sa peur ? À vrai dire, l’élite bénéficie de forces armées, d’une police à sa dévotion, d’une justice de classe, de censeurs professionnels et même de mouchards, souligne l’auteur, tous des gens issus du peuple où se recrutent des espions, des gardiens de l’ordre, des officiers de justice.
Frédéric Gros dit qu’à force de servitude, cela devient une seconde nature chez trop de personnes, au point de ne plus connaître le sens du concept « liberté ».
Et, ne nous le cachons pas, il y a aussi tous ceux qui adhèrent de leur plein gré à la soumission, voire la promulgue, car ils y trouvent un exutoire, une participation active, lucrative, enthousiasmante, selon les cas.
Alors ? Il est certain qu’il n’est pas aisé de désobéir quand on voit pulluler des contremaîtres tyranniques, des dominants incompétents, que la cupidité et la jouissance du pouvoir sont la règle, ainsi que la soif de domination et le goût immodéré des richesses.
Ici, j’ouvre une parenthèse par le constat exprimé par des psychologues qui avancent que dans le silence, les blessures, les différences et les injustices se creusent. Qu’il y a lieu de rompre ce silence-là, plus particulièrement l’omerta, et qu’il est nécessaire de casser l’attitude et l’habitude du suivisme et de l’obéissance par conformisme.
C’est-à-dire, le règne du « on » anonyme qui est un « nous » qui se conjugue comme un « il » incluant simultanément le « tu » et le « vous » et qui absorbe le « je ». C’est donc à la fois tout le monde et personne !
Chacun est responsable de sa sur-obéissance, comme de son obéissance. Automaticité de la parole, prêt-à-penser, éléments de langage façonnent les idées préconçues au détriment d’une opinion.
Pour Frédéric Gros, la sur-obéissance est se rendre coupable d’auto-déresponsabilisation.
Il y a également le consentement qui, pour l’auteur, est une aliénation volontaire, une contrainte pleinement acceptée. Question essentielle : est-il possible de vouloir librement contre sa propre dignité ? Peut-on opposer liberté et dignité ?
Fameux débat qui déboucha sur ce passage de Frédéric Gros : « Consentir, c’est consentir librement à être dépendant d’un autre. »
L’idéologie du consentement est de faire comprendre qu’il est toujours trop tard pour désobéir.
Cependant, faut-il rappeler, comme il le fit dans son essai, que l’obéissance aux dirigeants est réservée et provisoire, que le citoyen délègue mais peut toujours reprendre la main ?
La démocratie est une exigence de liberté, d’égalité, de solidarité. Cette exigence qui fait désobéir est la démocratie critique. La désobéissance civile, qui en découle logiquement, est un mouvement structuré d’un groupe et la contestation personnelle est de l’objection de conscience.
La désobéissance civile, c’est désobéir publiquement ensemble, faire société, communiquer à l’opinion son indignation, s’adresser à la conscience de tous, refuser la violence, ne pas se laisser gouverner en acceptant l’inacceptable mais en pratiquant le vivre-ensemble.
Tue, 08 Jun 2021 - 4min - 451 - Une parole de vie
Boris Nicaise est un auteur bien connu pour ses ouvrages consacrés au symbolisme et, même, à l’épopée napoléonienne, puisqu’il raconta l’histoire de l’un de ses ancêtres ayant servi dans les rangs de l’empereur français. Une époque dont il est amplement question en ce bicentenaire de la mort de celui qui, pour d’aucuns, reste un dictateur et misogyne ayant rétabli l’esclavagisme, pour d’autres, un génie.
Aujourd’hui, il est question du Serment, un livre récemment paru aux Éditions Maison de Vie, assurément un thème, ô combien, d’actualité à l’heure où tant de personnes renient leur parole donnée, voire leur signature au bas d’un document officiel ; que ce soit du sportif professionnel qui, sans le moindre remords, attiré par un appât financier, casse son contrat avec tel club pour en rejoindre un autre, au grand dam de supporters qui l’avaient acclamé, également du politicien qui, après avoir signé, même devant notaire, un accord de coalition avec tel parti, balaie cette procédure d’un revers de la main pour s’allier à un autre parti et, de la sorte, s’assurer un plus confortable nombre d’élus dans son camp.
Avec justesse, Boris Nicaise explique que la spécificité première du serment est de faire appel à la parole, la reçue et la donnée, véritables fondements du lien entre les êtres et de la vie en société.
Pour lui, il s’agit d’une base solide, d’une prise de conscience et il n’hésite pas à clamer que « sans serment auquel s’en remettre ou s’engager, la loi de la jungle est assurée ! »
Et, nous sommes encore au cœur de l’actualité dans cette société contemporaine qui érige l’individualisme en dogme, lorsqu’il rappelle que le serment est une merveilleuse manière de le modérer « en liant chacun à l’autre par un geste et un parler qui inspirent d’emblée confiance. »
Cependant, il constate qu’en France, les hauts fonctionnaires de l’État ne sont plus tenus de prêter serment dans le cadre de leur profession, que le serment de promesse inscrit dans la loi a été effacé des tablettes, que le serment de véracité sur les déclarations d’impôts est passé de vie à trépas, alors, il se demande si le serment est rejeté, obsolète, discrédité ou bien, faut-il le réhabiliter en urgence.
En dix chapitres, parfaitement documentés, à la lecture aisée et tellement riches d’exemples concrets, Boris Nicaise en arrive à comparer le serment à une « parole de vie » et s’adresse à notre conscience : « Que seraient les relations humaines sans l’accès à la confiance ? »
Tue, 18 May 2021 - 3min - 450 - Patrick Buisson : la fin du monde ou la fin d’un monde ? (Partenariat POUR)
Notre monde va mal, très mal même. Outre une urgence climatique avérée que nient pourtant les décideurs politiques et leurs pendants des multinationales, la crise profonde de société préexistait déjà à la pandémie qui frappe la planète depuis 2019, sauf que le Covid-19 n’a fait que l’amplifier, selon Patrick Buisson dans son imposant essai La fin d’un monde paru chez Albin Michel.
Cet auteur historien et politologue souligne que cette situation résulte de la liquidation d’un monde ancien où les concepts de gratuité, de solidarité, d’entraide et de dévouement étaient des piliers du mode de vie. Toutes ces valeurs ou du moins pas mal d’entre elles, furent petit à petit remplacées par la globalisation et la mondialisation ces quatre à cinq dernières décennies.
Jusque là, c’est-à-dire la première vingtaine de pages d’un livre qui en contient plus de cinq cents, je peux être globalement d’accord avec Patrick
Buisson.
Puis, après, « trop c’est trop », comme on dit couramment de l’autre côté de la frontière de l’Hexagone, en Belgique, là où travaillent et résident des centaines de milliers de Français et qui connaissent bien cette expression qui signifie que c’est excessif et que cela dépasse les bornes de l’entendement et du bon sens.
La thèse de l’auteur est, en effet, radicalement différente de la mienne et aussi de Fréquence Terre qui m’accueille et de notre partenaire POUR.
À savoir, que la société actuelle paie, entre autres, la déchristianisation de l’Occident et la désacralisation au profit de l’idolâtrie de la marchandise. Dans cet essai on sent d’abord poindre des regrets à l’égard de la politique de décolonisation du fait que le général de Gaulle mit en chantier les accords d’Évian en 1962 en donnant à l’Algérie son indépendance.
Je passe sur Mai 68 qui, pour Besson, fut un monde de pseudo-révolutionnaires, une génération d’enfants de la télé et que tout cela ruina la commensalité familiale, vida les bistrots et les églises, concurrença les vieilles sociétés villageoises, bref, une civilisation qui se désagrégea et où le modèle parental ne fut plus une source d’imitation mais de répulsion.
Cette thèse ne rappelle-t-elle pas les discours « assassins » d’un certain Pétain ?
Patrick Buisson ajoute, avec une certaine ironie, selon moi, que l’indépendance des femmes fut érigée en bien sacré et il évoque même un véritable génocide ethnoculturel dans les années 1960 et 1970. Rien que ça !
À la page 30, j’ai compris que cet essai La fin du monde, présenté comme, je cite « le grand livre contemporain des objecteurs de modernité » fait l’apologie d’une société aux antipodes des valeurs que Fréquence Terre et POUR développent depuis de très nombreuses années sur leurs ondes et dans leurs colonnes.
Chacun peut, bien entendu, prendre connaissance de cet écrit où l’auteur est décrit comme un « décrypteur » et juger si les nombreux chapitres correspondent à sa philosophie. Sachez déjà, qu’il aborde un « ethnocide bienveillant », « le krach de la foi », un « humanisme descendant », que « sans le latin, la messe nous emmerde », « une génération défroquée », la « désinflation mariale », « un projet politique : tuer le Vieux », « une croisade idéologique : criminaliser le passé », « une destitution biologique : la pilule », « les déchéances des paternités », « de l’agit-prop au vagit-prop », sans oublier l’« éloge du con ou la sexualité sans mâle », « la fabrique de l’homme mou », et ce sous-titre qui termine cette brique que, personnellement, j’ai trouvée parfaitement indigeste et donnant la nausée : « Qui sème le vent, récolte la tapette »…
Je signale quand même que Patrick Buisson est présenté comme « engagé à l’extrême droite depuis son adolescence »[1], qu’il reçut la Légion d’Honneur des mains de Nicolas Sarkozy et fut fait commandeur de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand par le pape Benoît XVI,Sat, 15 May 2021 - 4min - 449 - Gérard de Nerval déboulonné !
Que je vous explique ma lecture du Voyage de Nerval récemment paru aux Éditions La Déviation.
D’un côté, Gérard de Nerval (1808-1855) présenté comme une figure majeure du romantisme et nouvelliste français du XIXe siècle, ésotériste et symboliste, clamant qu’il croyait à au moins dix-sept religions. Ses dernières années furent vécues dans la déchéance matérielle, physique et psychique. Il se serait suicidé à l’âge de 47 ans.
De l’autre côté, Denis Langlois, encore bien vivant, lui, avocat et écrivain, militant pacifiste, objecteur de conscience, observateur judiciaire international lors de procès politiques, Prix littéraire des droits humains. Il est l’auteur du Voyage de Nerval.
Entre eux deux, ce livre en forme d’analyse minutieuse, pointue, un ouvrage passant au crible d’une critique rigoureusement argumentée de Voyage en Orient, des Nuits du Ramazan, de Druzes et Maronites, de Scènes de la vie orientale : les Femmes du Caire, puis les Femmes du Liban, écrits par ledit Nerval, celui qui fut considéré à son époque comme un « voyageur érudit ».
L’analyse de Denis Langlois est aussi le résultat d’une longue présence sur le terrain, c’est-à-dire le Liban, ce qui permet à celui-ci de mettre les choses au point. Au poing, même.
Ainsi, au fil de ses 210 pages, n’hésite-t-il pas à justifier le « déboulonnage » de ce Nerval, qui, je le répète, encore considéré comme un « grand » de la littérature française.
Alors, fusent les « charlatan », « faux-cul », « Judas ! » et « plagiaire », des propos tels, « Je doute, Nerval, que ton écrit soit exact. Toi, tu te contentes d’une description passe-partout… », ou, encore « Pauvre Nerval, quelle minable explication indigne de toi ! Quelle justification de faux jeton ! », « Assez. Tu nous lanternes, Nerval », « Tu exagères toutefois et je trouve même que tu es franchement indécent… »
Denis Langlois évoque aussi l’achat d’une esclave par Nerval, qu’il fut traité de « renégat » pour avoir soutenu le dernier roi de France, Louis-Philippe, avant de retourner sa veste et d’aborder la cocarde de la démocratie.
Avant de clôturer son livre, l’auteur se rendit au Père Lachaise, là où Alexandre Dumas, Nadar, Théophile Gautier, entre autres, payèrent une concession pour que Gérard de Nerval puisse reposer en paix pour l’éternité.
Est-ce le cas, lui qui est à trois pas, de l’autres côté de l’allée, où repose Honoré de Balzac ? Encore tout un symbole ! Ce qui n’empêche pas Denis Langlois d’être aussi confraternel, voire admiratif à certains moments à l’égard du poète décédé il y a plus de seize décennies.
Pour conclure, Le voyage de Nerval est un livre qui m’a incontestablement plu, car, loin des pamphlets qui pullulent davantage sur le ton peu crédible de messages de réseaux sociaux et qui ne servent qu’à assouvir les fantasmes de décervelés, le récit de Denis Langlois est toujours finement écrit, avec humour et tendresse parfois, mais avec une rigueur de juriste s’appuyant sur des faits avérés. Et, croyez-moi, pour utiliser une formule bateau : son livre se lit comme un roman !
Sat, 01 May 2021 - 3min - 448 - L’Homme qui marche : des petits miracles
Ce n’est pas à un joggeur-randonneur au long cours qu’il faut apprendre que la marche et la course à pied sont souvent synonymes de réflexions, méditations, prises de décisions et, surtout, de bien-être physique et mental, voire de techniques de revalidation dans certaines maladies, surtout cardio-vasculaires.
Qu’en est-il avec L’Homme qui marche un roman de Jean-Paul Delfino, surnommé le « conteur des petits miracles », récemment paru aux Éditions Héloïse d’Ormesson ?
D’emblée la citation de Jean Giono donne le ton : « Si tu n’arrives pas à penser : marche. Si tu penses trop : marche. Si tu penses mal : marche encore », citation qui ouvre les 270 pages de ce récit en forme de balades, de promenades, de déambulations, parfois surprenantes, d’autres fois enchanteresses, mais jamais inintéressantes sur le plan humain.
Noël : c’est l’anniversaire de Théophraste Sentiero, 41 ans, et, bien entendu, le pantagruélique repas du jour dédié à la naissance de Jésus, celui qui, pourtant, paradoxe de la Nativité, prêcha la sobriété.
Soudain, les jambes de Théo se mirent à trembler sous la table. Des secousses qui perdurèrent le lendemain, et encore le surlendemain.
La médecine y perdait son latin et même pied, si j’ose dire, au contraire d’un vieux libraire qui, lui, avec une sagesse probablement puisée dans de vieux manuscrits ou grimoires, allez savoir, conseilla à Théo de marcher. Oui, tout simplement mettre un pied devant l’autre, de se laisser aller au rythme de ses saccades et au gré du vent.
Ainsi, Théo déambula à travers rues et quartiers de Paris, parfois en banlieue, avec la marche comme un remède ou une thérapie à son trouble moteur. Et, là, visiblement, il y avait quelque espoir de canaliser ces tremblements intempestifs.
Bien sûr, quand il s’arrêtait pour s’hydrater dans un bistrot et glissait ses jambes sous la table, eh bien, « Dame tremblote » reprenait sa danse au point qu’au Gay-Lu, madame Jouve, tenancière du bistrot, crut faire de l’humour en lui demandant s’il avait attrapé la danse Saint-Guy, une infection qui touche le système nerveux, et lui indiqua les toilettes !
Ainsi, dans ce roman écrit par celui qui collectionne les prix littéraires, vous allez suivre les pérégrinations de Théo. Vont-elles les mener à la guérison ? Je peux seulement vous dire, sans risque de divulguer la réponse à cette question, qu’elles lui feront découvrir quelques personnages lui ouvrant « un horizon insoupçonné », comme l’indique Jean-Paul Delfino.
Tue, 27 Apr 2021 - 3min - 447 - Un nouveau héros pour Dame Nature
On ne peut qu’être admiratif en ces temps particulièrement difficiles pour l’édition, qu’un éditeur, Evalou, lance une toute nouvelle collection, a fortiori s’il s’agit de bandes dessinées pour les plus jeunes et, qu’en plus sur le prix de vente unique de 12 euros l’album, un euro est reversé à une association philanthropique de sauvegarde de la Nature.
Cette collection, titrée « Captain Paul » invite à découvrir les aventures de Paul Watson, fondateur de la remarquable ONG de lutte pour la protection des océans, plus particulièrement contre le braconnage.
Les auditeurs de Fréquence Terre se souviennent certainement, que cet activiste chevronné, donna de longues interviews à notre chroniqueur Daniel Krupka, le spécialiste de la défense du milieu marin dans sa rubrique Longitude 121.
Ici, quel plaisir de retrouver cet homme, fondateur en 1977 de l’association Sea Sheeperd (si chéfeurde) ce qui signifie « Berger des mers », c’est-à-dire, tout simplement, quelqu’un qui protège des animaux.
Paul Watson, est entouré de très nombreux bénévoles dans le monde, des membres de l’association, bénévoles, partent à l’assaut des vagues et des étendues marines avec un courage hors pair, parfois durant des mois, pour protéger ce qui peut encore l’être face au massacre planétaire des mers et océans.
Son bateau porte le drapeau des pirates, symbole qui faisait peur au temps des corsaires, mais, ici, qui est le symbole d’un combat pour la vie face à des braconniers sans le moindre scrupule qui pêchent et chassent des animaux, alors que certains sont protégés par des quotas rigoureux et parfaitement légitimes dans le cadre de la protection de la Nature.
Quatre albums viennent déjà d’être publiés et évoquent les baleines, les tortues, les phoques et les requins.
Ce support ludique, et magnifiquement illustré pour des enfants de 3 à 8 ans, avec des histoires « vraies » à leur portée, est certainement appelé à devenir un succès amplement mérité.
Sat, 24 Apr 2021 - 2min - 446 - La Terre est fatiguée : allons-nous enfin ouvrir les yeux ? (1/3)
Il y a deux conceptions pour définir la mondialisation :
• La conception unitaire, c’est-à-dire un monde uni dans une approche géographique, idéologique, économique avec interpénétrations des cultures, des technologies, des gouvernances…
• La conception pluraliste, elle, est favorable à l’altermondialisme. À savoir, opposition au libéralisme, recherche d’alternatives globales et systémiques, autonomie des peuples, démocratisation des institutions, protections de l’environnement, arrêt de la surexploitation des ressources, solidarité, davantage de coopération que de concurrence…
Pourquoi étendre à la mondialisation le combat pacifique mené contre l’armée, pourvoyeuse de désastres humains et matériels, par exemple ?
Parce qu’elle cause davantage les injustices sociales et les inégalités financières, qu’elle œuvre à 99% en faveur d’une élite richissime, qu’elle impose de faire payer partout l’argent cher à ceux qui n’en ont pas, qu’elle argumente, l’air pénétré de condescendances humiliantes « qu’on ne peut pas aller contre les chiffres du calcul froid des risques » afin de licencier sans le moindre remords et délocaliser les entreprises, que cette mondialisation imaginée par le grand capitalisme génère des désespoirs sociaux et des misères, dont elle n’a que faire et qui n’ébranlent même pas sa conscience, pour peu que ses responsables en aient une.
Telle est l’entrée en matière de Frédéric Gros, auteur de Désobéir, paru aux Éditions Flammarion (2019).
Ainsi, il constate que la mondialisation « innocente celui qui engrange des bénéfices », c’est l’arrogance face au désespoir, les règles de solidarité s’effritent, et ces décideurs agissent de plus en plus pour inculquer la notion que « le sens à la vie passe par la consommation à outrance ».
En présence de cela, la Terre est aussi très fatiguée, voire exténuée, d’être salie, polluée, encrassée, violée. La base vitale est atteinte, le cycle de la renaissance des espèces vivantes et des ressources naturelles est brisé.
Alors, pourquoi encore se taire ? Se résigner ? Allons-nous continuer à laisser faire, à nous comporter en spectateurs blasés, à regarder ailleurs, ou allons-nous enfin ouvrir les yeux ?
Cette passivité devient mortelle. N’est-il pas temps de réagir ? De désobéir et de devenir des « dissidents civiques » ?
« Désobéir est une déclaration d’humanité, déclare encore Frédéric Gros. Désobéir peut-être une victoire sur soi, une victoire contre le conformisme généralisé et l’inertie du monde. »
Une fois encore, Fréquence Terre monte au créneau pour, comme le dit si bien Michel Lancelot dans sa célèbre émission Campus sur Europe 1 dans les années 1960, dont l’audimat se situait aux alentours des deux à sept millions d’auditeurs par soirée : « Je participe personnellement dans mon domaine de la radio à un engagement moral en proposant des témoignages, pamphlets, réflexions, enquêtes et interviews, qui donnent à l’auditeur les principaux aspects de notre époque et mes sentiments, inévitablement par ce que j’ai vu, entendu et vécu, apparaissent ça et là. »
Comme dit Albert Camus : « En tant que journaliste, il faut prendre conscience de son appartenance au monde de son temps, renoncer à une position de simple spectateur et mettre sa pensée ou son art au service d’une cause. Il faut s’engager. »
Et de journaliste engagé à citoyen engagé, le pas doit à présent être franchi en urgence.
Tue, 13 Apr 2021 - 4min - 445 - Développer la conscience (2/2)
Récemment, je posais la question suivante sur les réseaux sociaux : « La fraternité et la solidarité sont de plus en plus sacrifiées sur l’autel d’une « liberté » individuelle méprisant le respect de l’Autre, s’agit-il d’un nouveau paradigme sociétal ? »
Comme d’habitude, suis-je tenté de dire, il n’y eut pas d’échanges sur le fond et, le hasard faisant à nouveau bien les choses, j’ai reçu au même moment en service de presse La fraternité globale (Éditions érès, 2021) de Michel Joli, docteur en médecine qui exerça une carrière à l’armée, quitta cette dernière pour cofonder l’association « France-Libertés » dont le slogan est « Défendre les droits humains et les biens communs du vivant » prônant de la sorte un monde plus solidaire. Le logo de cette association représente deux arbres : le chêne symbole de justice et l’olivier incarnant la paix.
Le sous-titre de l’essai est « (La Fraternité globale) Expliquée à ceux qui veulent changer le monde ».
Certes, le monde a évolué avec d’indéniables avancées et progrès notoires en matière de médecine, pour ne citer qu’un exemple, mais il y a lieu, pour l’auteur, d’établir le ‘‘bien commun de l’humanité’’ en urgence face à la destruction de la planète, à l’augmentation des inégalités sociales, au manque de perspectives concrètes pour le mieux-vivre ensemble tant promis.
Dans des temps très lointains existaient dans le monde entier les ‘‘communs’’, c’est-à-dire des biens tels les sources, terres agricoles, espaces boisés… n’appartenant à personne et entretenus par la collectivité.
Le principe de ‘‘commune fraternelle’’ était donc de mise.
Puis, tout cela fut accaparé par des moines, des aristocrates, des industriels… à leur profit, bien sûr, menant les peuples à la servitude. À ce jour, ce sont principalement des multinationales qui ont pris le relais.
Les confinements, surtout le premier, dus à la pandémie Covid-19, ont démontré qu’un certain ‘‘retour aux sources’’ était possible en allant à l’essentiel de nos besoins et non à ceux dictés par le capitalisme.
La lecture de cet ouvrage me donne donc l’occasion de le commenter en m’appuyant également sur un texte de juin 2020, titré Trois choses démontrées par le confinement,[1]que j’avais publié.
Ainsi, dans un article, Jacques Littauer[2], avait établi un constat en trois points : ‘‘ Le confinement aura démontré trois choses. Un : notre économie s’effondre dès qu’elle cesse de vendre des trucs inutiles à des gens surendettés. Deux : il est parfaitement possible de réduire fortement la pollution. Trois : les personnes les moins bien payées du pays sont les plus essentielles à son fonctionnement.’’
Dans le même contexte, il dit encore que ‘‘ de nombreux cadres se sont rendu compte que tout tournait mieux sans eux, et qu’ils étaient à la merci, pour leurs besoins quotidiens, de personnes à qui ils n’accordent guère de considération en temps normal : caissiers, livreurs, éboueurs.’’
Quant à Michel Joli, il propose ‘‘d’organiser la vie quotidienne dans la proximité et le partage et il est indispensable d’organiser, au bénéfice de tous les membres de la communauté humaine, une régulation intelligente du patrimoine de la planète en veillant à son maintien, à son renouvellement et à l’absence d’effets toxiques de l’activité humaine (pollutions, réchauffement, catastrophes techniques et sanitaires). C’est un vaste chantier technique et politique qui pourrait disposer de tous les atouts de la planification intelligente et moderne pour gérer, observer, quantifier, répartir et satisfaire équitablement les besoins de la population humaine, sans nuire à son environnement vital.’’
Alors, comment agir concrètement avec tout cela ? Sans hésitation, Michel Joli prône l’altermondialisme comme unique solution ‘‘ à la fois pour lutter contre le capitalisme et pour développer la conscience d’une communauté de dest...Sun, 11 Apr 2021 - 4min - 444 - Comment unir tous les humains ? (1/2)
Une personne qui apprécie Ivan Illich attire déjà mon attention, parce que dans les années 1970 j’étais enthousiasmé et interpellé par la lecture de celui qui influença positivement toute une génération au grand dam des dominants.
De plus, quand cette personne ajoute qu’elle fut séduite par l’humanisme et le courage de René Dumont, un pionnier de l’écologie en France, et qu’elle dédie son livre à Greta Thunberg, porte-parole écologiste de la jeunesse militante, je me suis dit que j’allais lire son ouvrage avec un intérêt décuplé.
Cette personne, c’est Michel Joli qui vient de publier aux Éditions érès un essai consacré à la Fraternité globale, avec en sous-titre « Expliquée à ceux qui veulent changer le monde ».
D’emblée, un constat au sujet de ce concept de la Fraternité : « Nous pouvons aujourd’hui considérer que, au cœur de la complexité de la civilisation, la Fraternité constitue la seule caractéristique universelle qui unit tous les humains. Le phénomène fraternel est bien ce sentiment de solidarité incrusté au fond de chaque être humain. »
Hélas, sous les coups de boutoir de l’économie libérale productiviste et d’un égocentrisme exacerbé chez de nombreux citoyens, cette fraternité est en « voie de disparition ».
Pourtant, explique Michel Joli, « la solidarité a un effet direct en matière de secours, elle fonde aussi un sentiment de proximité utile, de cohésion et de solidité de la trame sociale qui nous supporte, loin d’être une forme de soumission à un ordre extérieur, elle est surtout une affirmation de soi ».
J’ai apprécié sa phrase qui devrait être méditée par tous les citoyens, particulièrement les nombrilistes : « Il ne peut y avoir de bonheur individuel sans bonheur collectif. »
L’auteur assène également une raison à la perte du sens fraternel que Fréquence Terre constate depuis deux lustres : « Dans les pays développés, la fraternité devint sans objet, remplacée par la concurrence économique et l’adhésion forcée à l’individualisme libéral. »
Mais, au juste, qu’est la Fraternité aux yeux de l’auteur ?
« C’est le temps disponible, le partage, l’engagement, la solidarité, les limites éthiques, le bon usage des techniques et de la science, le rapport à la nature… C’est aussi la participation de tous aux débats essentiels, mieux mobiliser la raison en lieu et place de l’avidité pour fixer les limites humanistes au progrès dans le respect des ressources de la Terre. »
Et, Michel Joli d’expliquer que tout cela fut possible et démontré lors de ces derniers mois, je le cite « dans le dos de nos dirigeants empêtrés dans leur ego, leurs compétitions stériles et leur persistance obstinée dans l’erreur. »
C’était sans encore connaître les réactions égoïstes de plus en plus marquantes pour boycotter les mesures sanitaires en ces temps de pandémie, je suppose.
À bientôt pour la suite de cette lecture importante, celle qui pousse à la réflexion critique et non à l’endoctrinement ou à la manipulation.
Thu, 01 Apr 2021 - 3min - 443 - Qui trompe qui ?
Mon frère, ce zéro est le titre accrocheur du roman de Colin Thibert paru aux Éditions Héloïse d’Ormesson et qui, en plus, affiche un bandeau en forme de question qui interpelle d’emblée le lecteur : « Qui trompe qui ? »
Oui, qui trompe qui, au juste ? Colin Thibert, entre autres spécialisé dans la Série noire, explique qu’Antoine Percier, autoproclamé expert en toilettes sèches, le nec plus ultra écologique en ce domaine, casquette vissée sur le crâne, un gars pas très gâté par la nature avec ses dents pourries et son bégaiement, est convaincu d’une chose dans son existence passablement chahutée : son pote Canard, Sylvain Canard de son vrai nom, est sur un coup de plusieurs millions d’euros.
Il tente même de convaincre Jean-Jacques, le viking blond, grand, baraqué, autre membre du trio, mais celui-ci n’est pas du tout enclin à braquer une banque, un fourgon blindé, un commerce de produits de luxe, genre bijouterie.
Alors, Canard, tatoué, percing, crâne rasé, l’œil perpétuellement aux aguets, explique posément en enfilant les cannettes de bière, que Thibault Dastry, un milliardaire, patron de journaux, de stations de radio et de télévision, a un frère, Julien.
Jusqu’ici, rien de bien spécial dans la trame du polar, je vous l’accorde, mais, le lecteur doit savoir que le magnat de la presse cache soigneusement son parent à raison de 7.580 euros par mois dans un asile, car le pauvre est « taré » et que cela ferait mauvais genre que la planète entière l’apprenne.
Alors, le plan de Canard est de révéler au monde entier cette situation, tout bonnement. Enfin, c’est ce qu’il croit.
Voilà. Vous en connaissez déjà assez sur ce qui vous attend dans ce roman qui, vraiment, sort de l’ordinaire.
Allez ! Un tout dernier indice : Thibault Dastry avait magouillé avec des banques monégasques pour rebondir dans des paradis fiscaux et davantage éluder le fisc et, surtout, qu’à un moment donné, il dut choisir entre son frère et ses secrets bancaires.
Tue, 23 Mar 2021 - 2min - 442 - Angela Davis : « Je suis optimiste car nous avons généré de nouveaux espoirs »
Angela Davis d’Éric Fottorino, livre publié en 2020 par Légende (Photo P.Gf), ne peut qu’attirer l’attention en librairie compte tenu de son grand format et des nombreuses photos qui l’illustrent, mais aussi par le sujet consacré à ce célèbre personnage qui reste une icône pour maintes personnes.
Angela Davis, âgée de 77 ans, militante américaine emblématique des Droits humains, professeure de philosophie à Santa Cruz avec « Histoire de la prise de conscience », continue de défrayer la chronique, non seulement par ses nombreuses publications et apparitions publiques, mais également par son engagement citoyen qui perdure depuis les années 1970.
À cette époque, elle fut emprisonnée durant près de deux années aux motifs de « meurtre, kidnapping et conspiration » lors d’une action du « Black Panther Party », un mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine.
Cette arrestation eut un retentissement international et la jeune femme reçut le soutien de personnalités comme Louis Aragon et Jean Prévert et celui de centaines de milliers de manifestants, dont je fus, à travers le monde.
Après son procès qui se déroula en 1972 où elle fut innocentée, elle poursuivit sans relâche son combat pour la paix, contre le racisme, pour les droits des femmes…
Si la pandémie au COVID-19 m’empêcha une rencontre prévue l’année dernière avec elle à Bruxelles en « présentiel », comme on dit à présent, après maints contacts et grâce à l’autorisation et l’aimable intervention de Stéphane Decrey du Forum des Droits humains à Genève[1], voici la quintessence d’une « rencontre virtuelle » avec Angela Davis (photo : capture d’écran P.Gf).
* Jeunesse et ségrégation raciale
« Le fait d’être entrée dans un mouvement qui désirait transformer l’histoire, est venu de mon enfance en Alabama quand ma mère me disait que la ségrégation raciale n’était pas éthique, que ce n’était pas l’ordre sous lequel nous devions vivre et que nous devions changer cette situation, en somme que nous devions défier le racisme structurel. »
* Un mouvement collectif
« J’ai toujours développé la perspective d’une lutte internationale collective pour transformer le monde dans les nombreuses campagnes où je me suis impliquée. Ce fut d’ailleurs une conscience collective qui m’aida à rester en vie et à échapper à la chambre à gaz. »
* Émergence d’une conscience collective
« Compte tenu du nombre impressionnant de violences policières à l’égard des Noirs, d’aucuns disent que rien n’a changé. Pour ma part, je constate que de plus en plus de personnes blanches ont rejoint le mouvement antiraciste lors des manifestations ayant lieu suite aux assassinats de George Floyd et d’autres et, ensuite, ma position est que nous devons apprendre à reconnaître nos victoires, même les petites, même si elles n’arrivent pas à transformer les conditions que nous souhaitons changer, nous devons quand même reconnaître que notre activisme radical fait la différence et permet l’émergence d’une conscience collective du caractère institutionnel, systémique et structurel du racisme. »
* Optimisme
« Naguère le racisme était traité comme un défaut individuel. Aujourd’hui, je suis optimiste car nous avons généré de nouveaux espoirs. Partout, dans le monde avec les images des huit dernières minutes de la vie de George Floyd on a reconnu que le lynchage était toujours un phénomène aux États-Unis, que la Justice ne devait pas se réduire à traduire un individu mais un système structurel où des policiers sont fondamentalement entraînés et formés pour exercer la violence. Or, la sécurité des communautés ne peut pas être obtenue par la violence. »
* Pollution planétaire
« Le capitalisme a aussi eu pour moteurs l’esclavagisme et le colonialisme et il faut reconnaître que les idées racistes ont pollué toute la pl...Thu, 18 Mar 2021 - 6min - 441 - Robert Badinter : « Je crois à l’exemplarité des Hugo, Camus et Zola »
La Grande Librairie sur France 5 de ce mercredi 10 mars 2021, était exclusivement consacrée à Robert Badinter, l’avocat qui obtint l’abolition de la peine de mort en France, écrivain, grand amateur de théâtre et ardent lecteur des Victor Hugo et Albert Camus, militants de cette noble cause, qu’il cita devant les élus du peuple pour argumenter ses propos, mais aussi d’Émile Zola, auteur de J’accuse et défenseur de Dreyfus, injustement accusé d’avoir trahi la nation.
« Je crois à l’exemplarité » déclara d’emblée d’émission Robert Badinter. Et, avec Camus, il fut servi puisque, à travers la présente chronique, c’est encore une occasion pour feuilleter À Combat (Folio), son important essai reprenant les éditoriaux du temps où le Prix Nobel de Littérature fut journaliste au quotidien Combat.
J’y ai lu à la date du 23 mai 1945 : « La civilisation matérielle que nous poussons sans arrêt devant nous, ne se sauvera que si elle parvient un jour à libérer plus profondément tous ceux qu’elle asservit » ou, encore, dans le même éditorial, « Voulez-vous sérieusement être haïs par des hommes, comme vous avez haï des hommes ? Si non, accueillez ces hommes auprès de vous et faites-en vos égaux. »
Un mois plus tard, le 27 juin 1945, Camus écrivait : « Il faut faire de bonnes lois si l’on veut avoir de bons gouvernés » et, concernant le Procès Pétain auquel il assista en partie, tout en vilipendant « ce vieillard vaniteux », il dit attendre « un jugement explicite dont les attendus soient évidents pour tous » et lança « Toute condamnation à mort répugne à la morale ».
Robert Badinter rendit donc un hommage appuyé à ce genre d’écrivain engagé : « Mon parcours doit beaucoup à la lecture, elle est inhérente à ma vie. Je quittais les manuels de Droit pour Camus, dont l’Étranger et La Peste. Camus fut une grande source dans ma vie. Ce n’était pas seulement de la lecture de divertissement, mais elle fit partie de la formation de mon caractère et de mon idéal et me fit prendre conscience de la valeur du mot ‘‘juste’’… »
Sa reconnaissance envers Victor Hugo fut aussi omniprésente durant cette émission : « Je suis hugolâtre, car je suis convaincu qu’il a sauvé bien plus de vies humaines que n’importe quel avocat ! »
Et puis, autre comportement exemplaire aux yeux de l’avocat : Émile Zola.
« Un exemple parce que rien ne le força à se jeter dans l’affaire Dreyfus. Il fut poursuivi par une haine allant peut-être jusqu’à sa mort. Zola a été un moment de la conscience humaine et il a payé le prix de la vérité ! Il fut un grand exemple de courage. »
Et de conclure sur une généralité qu’il est bon de rappeler : « Le livre est un monde et s’en priver, c’est se priver d’une joie. »Thu, 11 Mar 2021 - 3min - 440 - Les outils pour éduquer
En ces temps particulièrement difficiles à vivre, d’aucuns se tournèrent vers l’artisanat pour meubler, c’est le cas de le dire, des journées de confinement, voire le bricolage pour réparer ou construire un objet usuel. Donc, l’utilisation d’outils est redevenue fort à la mode, en dehors d’une pratique habituelle et professionnelle.
À première vue, dans Les outils de l’apprenti, un essai de Thomas Wisniewski paru à la Maison de Vie, il est question d’une approche totalement différente au bon apprentissage d’un maillet ou d’un ciseau pour ceux qui travaillent la pierre ou le bois, par exemple.
Supposons que l’on doive tailler un bloc de pierre brute pour l’équarrir et la placer au millimètre près dans un ensemble ou qu’elle serve de support, le maillet et le ciseau seront donc à manier avec dextérité. Cela va de soi.
Mais, ce qui ne va pas de soi, pourrait-on croire, c’est que pour l’auteur, derrière cette situation c’est surtout la pierre brute qui est un « outil », puisque, selon lui, elle sert l’utilisateur à apprendre à éduquer le regard et à manier avec justesse maillet et ciseau, donc à produire un travail de qualité.
L’un ne va pas sans l’autre, suis-je tenté de dire. Et, c’est ici que l’on comprend mieux l’approche de l’auteur quand il développe aussi la nécessité « d’ouvrir l’oreille » et que l’on se rend compte que l’outil devient une sorte de guide pour l’utilisateur, et non uniquement l’inverse. Thomas Wisniewski utilise une comparaison pour illustrer son propos : « La pierre brute se présente comme un livre et le maillet est l’un des outils pour déchiffrer l’intérieur. Le maillet apporte l’énergie pour investir la pierre brute et quérir les richesses qu’elle contient. »
En maniant pareil outil avec justesse, on apprend donc à diriger sa volonté. Quant au ciseau, notre deuxième exemple, il est bien entendu complémentaire au maillet.
Il reste alors au lecteur à opérer la jonction vers le symbolisme qui est cher à Thomas Wisniewski qui écrivit aussi deux ouvrages consacrés au Nombre d’or et à la Science secrète des bâtisseurs.
Tue, 09 Mar 2021 - 2min - 439 - Multimédia : « La Pensée et les Hommes »
À l’heure où l’information se propage à la vitesse de la lumière, qu’elle ne connaît pas toujours les limites entre l’éclaircissement d’idées, l’apport d’argumentations crédibles et la manipulation de l’opinion, que le temps de la réflexion est de plus en plus réduit à portion congrue au détriment de l’échange et du dialogue, voire de la simple recherche sur le plan de la culture générale, il est parfois bon de prendre une bouffée d’oxygène, de recharger ses batteries et de faire le point sereinement.
Pour ce faire, comme un conseil que vous donne une connaissance qui vous recommande un livre qui l’a touchée, un film qui l’a fait réfléchir sur un sujet bien spécifique, un morceau de musique qui l’a émue, une exposition qui la fascinée, je recommande à tous les Francophones, quel que soit le continent, de se connecter sur www.lapenseeetleshommes.be pour se faire une opinion sur cette manière d’aborder l’information.
À vrai dire, il s’agit du site de « La Pensée et les Hommes », une association qui a pour objet principal de diffuser des principes de tolérance, de fraternité, de progrès social et scientifique, où, d’ailleurs, la dimension environnementale de la société n’est pas absente, de permettre, surtout en ces temps perturbés, un libre examen et d’avoir un esprit critique.
Ce site propose une programmation multimédia, ce qui est assez rare, avec des émissions télévisées et radiophoniques, des présentations et débats sur des livres et revues et, ô sujet combien d’actualité, donc, de parcourir les « Toiles », c’est-à-dire le web, avec un regard éducatif et critique sur le monde.
Assurément, il s’agit bien d’une démarche journalistique et citoyenne que l’on pourrait cataloguer « d’utilité publique » !
Sat, 06 Mar 2021 - 2min - 438 - L’Impossible Pardon de Martine Delomme (Presses de la Cité)
Les proverbes sur le pardon foisonnent en sens divers et démontrent la complexité à aborder ce sentiment. Pour Victor Hugo, le pardon est un repos, pour Gandhi, il est plus viril que le châtiment, pour Françoise Chandernagor, il n’est pas un bout de chemin, mais il est le chemin !
Et pour Martine Delomme dans son roman L’Impossible Pardon paru aux Presses de la Cité, qu’en est-il ?
Elle y raconte l’histoire de Fabien qui, après avoir brusquement quitté Marion, son grand amour, erra et finit par s’établir à Bergame, de reprendre et gérer un domaine viticole, de se retrouver des années plus tard à Bordeaux pour un Carrefour professionnel de vins et spiritueux, d’y rencontrer Romain, le tonnelier avec qui il est en affaire et qui est devenu un bon copain.
Celui-ci l’invite à visiter son entreprise et, dans un scénario cousu de fil blanc, en se rendant à l’hôtel pour y passer la nuit avant de rentrer en Lombardie, Fabien voit une jeune femme et un petit enfant traverser la rue, elle ressemble à s’y méprendre à Marion, puis, bien sûr, il se retrouve en présence d’elle pour le repas du soir chez le tonnelier. La jeune femme, devenue mère de famille, est son épouse.
« Cet homme qu’elle avait tant aimé marchait vers elle un bouquet de fleurs dans les bras. Elle l’avait cru mort, et maintenant il montait l’escalier du perron… » précise l’auteure.
Et puis, ce sourire ci, cette voix là, tout un passé qui remontait à la surface des anciens amants, alors qu’à l’étage s’endormait Lucas, le petit garçon aperçu près de l’hôtel…
Suit le scénario de la « difficulté à trouver le chemin du pardon » explique Martine Delomme, qui est présentée par Les Presses de la Cité comme l’auteure de romans « qui sont de beaux portraits de femmes modernes et courageuses. »Tue, 23 Feb 2021 - 2min - 437 - Ni chasse, ni pêche, ni violence
Au siècle dernier, Henry Spira (1927-1998) fut un influent militant pour le droit des animaux, encore et toujours un modèle pour des associations de défense animalière actuelles. L’ouvrage « Théorie du tube de dentifrice » ou « Méthode de l’homme qui a fait plier le FBI, L’Oréal et McDonald’s », de Peter Singer (Le livre de Poche) explique ce combat. Voici notre deuxième chronique à ce sujet.
Alors en proie à des collègues de travail qui voulaient faire le coup de poing avec des personnes qui leur empoisonnaient l’existence, Spira répliqua fermement : « Que va-t-on leur prouver en leur cassant la jambe ou en leur fracassant le crâne ? Les émotions, c’est bon, mais il faut réfléchir avant d’agir. Ne soyez pas ce qu’ils sont. »
Non seulement il rallia à sa démonstration ses collègues, mais leurs arguments développés sans violence physique finirent par faire effet sur la partie adverse.
Après avoir été marin et journaliste, il devint enseignant. Si son entente avec les étudiants était bonne, il quitta quand même l’école. La raison ? « J’ai l’impression, dit-il, que les humains ont une conscience et peuvent se débrouiller, alors que les animaux, eux, ne peuvent tout simplement pas le faire et qu’ils ont besoin d’aide. »
Son programme se déclina en quelques points clairs et nets : végétarisme, fin de l’expérimentation animale, élimination de tout vêtement et produits issus de peaux d’animaux, abolition de « sports » comme la chasse au cerf et le tir au canard, bannissement de la pêche, etc…, soit le début d’un militantisme totalement pacifique qui plier de très grandes multinationales et administrations.
Tue, 16 Feb 2021 - 2min - 436 - Histoire d’une (future) photo mythique
On connaît quelques photos mythiques qui traversent le temps et l’espace : celle du baiser des amoureux parisiens de Doisneau, celle du Che qui figure encore sur des millions de T-shirts, drapeaux et posters, également celle de la toute petite fille, nue et en pleurs, sur une route vietnamienne en plein bombardement au napalm américain, et que dire du cliché de la réunion historique du trio Brel-Ferré-Brassens qui est encore abondamment publiée, tout comme, en ces moments difficiles, de la jeune militante pacifiste plaçant une fleur dans le canon d’un soldat en guise de symbole de paix…
Je viens d’en découvrir une autre qui ne déparerait pas dans ce très subjectif et non exhaustif relevé. Je vous la décris, et, bien entendu, vous pourrez la voir sur notre site www.frequenceterre.com
Nous sommes dans les années 1940, en pleine seconde Guerre mondiale et sur un trottoir de la capitale. À l’avant-plan, une jeune femme d’une vingtaine d’années, assez jolie malgré un visage relativement fermé et un regard qui fixe l’objectif avec, semble-t-il, sévérité. Habillée sobrement, portant une sacoche et un petit sac, elle avance d’un pas décidé. Se rend-elle à l’école où elle est surveillante et institutrice, à l’église car elle est croyante, faire la file pour le ravitaillement de produits alimentaires ?
Derrière elle, à deux ou trois mètres, un gradé allemand en uniforme portant képi avec le sigle de l’aigle et de la croix gammée la suit. Il baisse légèrement la tête sur le côté tout en la scrutant, comme s’il analysait méticuleusement la démarche et les gestes de la piétonne.
Celle-ci est Andrée Geulen qui, aujourd’hui, approche les cent ans et dont Mathilde de Jamblinne, auteure de l’essai Femmes dans la Résistance (Éditions Jourdan), retrace l’histoire émouvante, le courage et l’inflexible détermination dans son objectif : « La désobéissance comme devoir », soit un véritable modèle de comportement humaniste.
Face aux rafles de la Gestapo, à l’étoile jaune portée par certains de ses écoliers, à l’imposition du STO, service du travail obligatoire dévolu à la machine d’extermination concoctée par le nazisme et le fascisme, Andrée Geulen devint membre active d’un groupe qui tentera de sauver un maximum d’enfants juifs menacés de déportation vers Dachau, Buchenwald et autres lieux infernaux imaginés par Hitler, ses sbires et la complicité de collaborateurs.
« Je n’ai fait que mon simple devoir », dit-elle encore. Et elle ajoute : « Désobéir aux lois de l’époque était la chose normale à faire. »
Par ce type d’engagement, elle sauva trois cents enfants et son réseau de 3 000 à 4 000 futures victimes de l’Holocauste.
Le livre de Mathilde de Jamblinne est une évidente piqure de rappel à l’égard de tous ceux qui se complaisent dans le révisionnisme et la propagation de l’idéologie de la peste brune qui envahit à nouveau nos régions.
Tue, 09 Feb 2021 - 3min - 435 - L’initiation écologique passe aussi par le « charognard »
Sans une protection majeure débutée dans les années 1950 par une prise de conscience, et dans les années 1960 par des lois, le vautour aujourd’hui aurait complètement disparu.
Car, comme le signale « Vautours.info » qui a pour slogan « Mieux les connaître pour mieux les protéger », l’image négative de charognard ne l’aidait pas.
« C’est avec des formations et un enseignement auprès des différentes générations que nous arriverons à lui faire retrouver sa place dans notre quotidien », explique-t-on chez ces spécialistes des rapaces.
Car, ne l’oublions pas, les vautours jouent un rôle sanitaire important que maints bergers et éleveurs reconnaissent volontiers, puisque ce sont les seuls animaux à pouvoir faire disparaître rapidement les cadavres et, de la sorte, limiter les épidémies et les pollutions organiques.
« Ce ne sont donc pas des tueurs », argumente-t-on aussi à « Nature en Occitanie ». Que du contraire ! Ils font partie intégrante de l’écosystème et les vautours ont donc un rôle écologique fondamental.
Cet exemple précis est l’occasion de rappeler que l’écologie est un concept qui englobe une multitude de paramètres. Certes, la plus connue est la protection de l’environnement incarnée, ces derniers temps, par l’action militante de Greta Thunberg et de millions de jeunes à travers la planète qui manifestent pour le climat.
Parmi les autres paramètres, il y a celui de l’histoire des théories et pratiques écologiques développée au fil des siècles, tout comme les rites, croyances populaires, la mythologie et légendes ancestrales qui ont tracé un chemin aux mouvements écologiques actuels.
Ainsi, les animaux, pour qui des associations luttent sans relâche pour leurs protection, bien-être et respect, relèvent aussi d’un enseignement venu des temps anciens, comme l’explique Didier Michaud dans la « Tradition initiatique » paru à la Maison de Vie.
Écoutons ce qui se disait au sujet du vautour dans l’Égypte alexandrine, plus particulièrement autour du hiéroglyphe du vautour : « Lorsque les Égyptiens écrivaient la mère, la vue, la limite, la prescience, l’année, la voûte céleste, le miséricordieux…, ils peignaient un vautour. »
Et l’écrivain Horapollon d’expliquer au Ve siècle les raisons de ce symbolisme, dont celui de l’année : « Le vautour distribue son année en 365 jours. Pendant 120 jours, il fait sa gestation, pendant 120 autres jours, il nourrit ses petits, et pendant les 120 jours qui restent, il prend soin de lui-même sans être en gestation et sans nourrir de petits et se préparer à une nouvelle conception. Quant aux derniers cinq jours, il les consacre à se laisser féconder par le vent. » C’est joli comme histoire, mais ça l’est davantage quand l’écrivain écrit que le vautour est miséricordieux, lui que l’on décrit pourtant comme un « charognard ». En effet, lorsqu’il n’a plus assez de nourriture à offrir à ses petits, il coupe sa propre cuisse et procure ainsi à ses enfants du sang à boire pour qu’ils ne périssent pas.
Certes, depuis lors, la science a mis les choses au point sur la gestation, la fécondation par contact de la zone cloacal, le fait qu’il est le seul à pouvoir regarder le soleil sans problème, son système génital qui n’est pas externe, néanmoins cet exemple du vautour vu dans l’Antiquité a aussi permis de peaufiner, au fil des siècles, ce qui façonne l’écologie de ce XXIe siècle. Des avis, des observations, des études… aussi nombreux que variés, ont donc affiné nos théories actuelles, celles traitant de l’écologie y comprises.
Et, comme le précise Didier Michaud dans son livre « La tradition initiatique », « tout, dans la vie, se manifeste par la diversité ; ne pas laisser de place à la diversité, c’est nier la vie. »
Tue, 26 Jan 2021 - 4min - 434 - Dans les pas du fils
Une fois n’est pas coutume, c’est de bande dessinée qu’il va être question dans « Littérature sans Frontières » avec « Dans les pas du fils » de Clémentine Fourcade publié chez Calmann Levy. À savoir, une adaptation du livre éponyme de Renaud et Tom François écrit avec Denis Labayle.
N’étant pas qualifié pour vous décortiquer le graphisme, bien que celui-ci soit agréable à parcourir par une simplicité colorée sans être simpliste, cette bande dessinée vaut par le chemin initiatique dont voici les premières lignes :
Trois mois de traversée à cheval des steppes du Kirghizistan et bien d’autres péripéties plus tard, et voici l’ultime propos du fils Tom :
« Alors, voilà, il aura fallu trois mois du Kirghizistan, deux accidents de moto, une rupture de ligament
s croisés, puis encore un autre été passé avec les chevaux, loin de tout. Moi ça fait maintenant cinq ans que je suis parti en voyage avec mon père, on se voit régulièrement, et j’ai enfin des projets, et l’envie de lui en parler. »
Sat, 16 Jan 2021 - 2min - 433 - La lutte de classe, pas la guerre de classe (Partenariat avec POUR)
Après une première approche dans notre rubrique « Terre citoyenne », voici la deuxième chronique consacrée à l’essai Anarchisme non-violent et pacifisme libertaire de Sebastian Kalicha qui vient de paraître à l’Atelier de création libertaire (www.atelierdecreationlibertaire.com)
Chronique avec quelques citations extraites du deuxième chapitre reprenant plus de cinquante biographies d’Étienne de la Boétie (1530-1563) à Judith Malina (1926-2015) en passant par Henry David Thoreau, Gandhi, Tolstoï, Simone Weil, Camus, Bertrand Russel, Aldous Huxley.
* Pierre Ramus (1882-1942), éditeur, l’un des plus grands théoriciens de l’anarchisme non-violent au XXe siècle : « Ils sont bien mal placés ceux qui, en général, prennent fait et cause pour la violence de l’État pour nous considérer comme identiques à eux-mêmes, nous autres qui luttons en faveur de la non-violence… »
* Olga Misav (1876-1950), féministe : « La volonté populaire est toujours plus forte que les mitrailleuses et les canons. »
* Bart de Ligt (1883-1938), auteur : « Plus il y a de violence, moins il y a de révolution. Le ‘‘pacifisme bourgeois’’ se révèle incohérent, il constate une absurdité car les rapports d’exploitation de classe sont établis et préservés par la violence et la guerre. Nous résistants à la guerre nous acceptons la lutte de classe mais pas la guerre de classe. »
* Simone Weil (1909-1943), philosophe : « La guerre révolutionnaire est le tombeau des révolutions. »
* Bernard Russell (1872-1970), philosophe : « Le capitalisme offre le canal par lequel l’agressivité trouve son exutoire. »
* Herbert Read (1893-1968), historien et critique d’art : « On croit souvent que la révolte implique le recours à la violence. Mais il s’agit là d’une conception surannée et insuffisante de la révolte. En ce monde violent où nous vivons, la non-violence est la forme de révolte la plus efficace. »
* Judi Bari (1949-1997), environnementaliste : « Si l’on veut sauver la planète, il faut également aborder les causes profondes des problèmes auxquels nous faisons face, y compris le problème de patriarcat et celui d’une société destructrice et exploiteuse. »
* Howard Zinn (1922-2009), historien et politologue : « Lorsque les Noirs se sont organisés dans les États (américains) du Sud contre la ségrégation raciale, ils n’ont pas attendu que le gouvernement leur donne le feu vert, ils n’ont pas non plus déposé des plaintes devant les tribunaux ou attendu que le Congrès promulgue une loi en ce sens. Ils ont mené des actions directes (là où seulement les Blancs avaient le droit de s’asseoir) et refusaient de bouger. Ils sont montés dans les bus, créant une situation telle qu’ils voulaient qu’elle soit. »
Tue, 12 Jan 2021 - 2min - 432 - Protester, indigner, résister, contester… (en partenariat avec POUR)
Le hasard fait parfois bien les choses. Ainsi, lors d’une visite à la librairie de mon quartier bruxellois ouverte, car en Belgique le livre n’est pas considéré comme « non essentiel », je suis tombé sur un tout petit livre de 12 cm de haut et 8,5 de large, épais d’à peine 1 cm : « Tu sais que tu es soixante-huitard quand… » écrit par Gisèle Foucher pour les Éditions First.
Inutile de vous dire que j’ai déboursé les 4 euros sans rechigner et que, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, j’ai lu les 88 pages ne comptant, chacune, au maximum, qu’une dizaine de lignes et beaucoup de dessins.
Et, ouf !, de questionnaires en quiz, je suis considéré comme un « vrai » soixante-huitard !
Il n’aurait plus manqué que ça, moi qui, avant de devenir journaliste-militant, entre autres au magazine POUR dont le slogan, dès les années 1980, fut « Pour écrire la liberté » et, depuis 2007, à Fréquence Terre qui œuvre à la prise de conscience écologique, un mode de vie alternatif à la société consumériste, je fus ouvrier en usine et sur chantiers a à peine un euro l’heure et à raison d’une cinquantaine d’heures par semaine dans des conditions de travail quasi moyenâgeuses, et qu’en Mai 68 je suis entré en pétard avec les parti et syndicat socialistes belges qui firent savoir à la classe ouvrière qu’ils avaient d’autres chats à fouetter, problèmes communautaires typiquement belges obligeant et toujours pas résolus en cette fin de 2020, d’ailleurs.
Bref, les « camarades » socialistes firent de moi un objecteur de conscience, un tiermondiste, un gauchiste pacifique, un défenseur de la veuve et de l’orphelin, sans conteste, un vrai des vrais soixante-huitards qui ne compte plus ses manifs et engagements concrets.
Ceux, liste non exhaustive, pour un salaire et des conditions de travail décents, pour la liberté d’expression, pour la laïcité et contre tout intégrisme, pour le Larzac aux paysans, pour le droit de mourir dans la dignité, pour la non-violence, contre le nucléaire, contre la guerre au Vietnam, contre le capitalisme et ses potes lobbyistes des multinationales, contre le fascisme, en soutien aux victimes d’injustices, en soutien à Charlie Hebdo, ayant même marché une semaine en 1976 entre Metz et Verdun aux côtés des Cabu, Wolinski, Cavanna…, lors de la Marche pour la démilitarisation, également aux côtés de Greta Thunberg et des jeunes pour sauver notre climat du cataclysme, et encore, récemment, pour garder l’aspect village à mon quartier convoité par les promoteurs immobiliers de mèche avec des politiciens…
Bon j’arrête cet étalage d’autojustification, mais tout ça pour vous dire, amis auditeurs et amies auditrices, lecteurs et lectrices, que dès la première question dudit petit livre (ils auraient pu faire la couverture rouge et non orange, mais cela aurait peut-être trop rappelé le funeste Petit Livre rouge de Mao), d’emblée, donc, je fus dans le mille, je cite Gisèle Foucher : « À défaut de dépaver les rues pour marquer ton mécontentement, tu fiches le bazar – le bordel, quoi ! – sur les réseaux sociaux. Râler est ta raison de vivre. »
Si le terme « râler » paraît relever du poujadisme, il a comme synonymes « protester, objecter, opposer, indigner, rebeller, résister, contester, manifester » et là, je me sens en parfaite harmonie avec ces termes et cet autre passage du livre : « Tu sais que tu es soixante-huitard quand lorsqu’on te demande quelle est ta véritable orientation politique… » et que tu réponds que c’est la défense de la liberté.
Tue, 29 Dec 2020 - 4min - 431 - « Le savoir-vivre ensemble prime sur le patriotisme »
Dans la très intéressante émission « Invitation au voyage », chaque jour de la semaine sur ARTE, un documentaire a été récemment consacré à Romain Rolland (1866-1944), historien, écrivain, humaniste et militant pacifiste qui a connu les deux guerres mondiales.
« À la limite nord-ouest du Morvan, se trouve un petit territoire qui offre tout ce que l’on peut espérer de la Bourgogne… » est-il d’emblée commenté sur de magnifiques images.
Tout, c’est-à-dire, du bon vin, une riche tradition culinaire, des chefs-d’œuvre de l’art roman, des bocages « aux reliefs harmonieux plantés de forêts et d’églises »…
C’est à Clamcy que Romain Rolland est né et a vécu une partie de sa jeunesse.
Clamcy, cité médiévale d’eau où « le passé se lit à livre ouvert », est une petite ville de moins de 4 000 habitants qui, par sa structure, témoigne de l’organisation sociale du temps de l’écrivain.
Il y a une ville basse, le centre qui est la ville moyenne et puis les quartiers situés sur les hauteurs.
La ville haute est le lieu des puissants et des notables qui composent les classes politiques, religieuses et économiques. La ville basse, elle, c’est celle habitée par le peuple. Celui-ci est assez frondeur et est principalement formé des flotteurs qui occupent le quartier dit de « Bethléem ». Ces artisans sont souvent regroupés en confréries très solidaires.
Pourquoi autant de flotteurs ? Parce que l’Yonne coule dans la vallée aux pieds de la cité et le flottage consistait à acheminer les troncs d’arbres du Morvan jusqu’à Paris, où on le sait, ce n’est pas la Seine qui passe sous les ponts de la Ville lumière, mais bien la même Yonne !
Ceci étant précisé, l’entreprise de flottage permit de ramener les idées républicaines de la capitale à Clamcy et son symbole le plus marquant est le drapeau tricolore qui, encore aujourd’hui, est placé toute l’année au sommet de la collégiale Saint-Martin. C’est, en quelque sorte, « une prise de la république sur ce lieu de culte ».
Romain Rolland termina son existence à Vézelay en 1944 et ce fut l’heure du bilan pour cet homme empreint de l’idéal pacifiste, récompensé du Prix Nobel de Littérature en 1915 pour son ouvrage « Au-dessus de la mêlée », véritable manifeste qui corroborait sa philosophie : « Le savoir-vivre ensemble l’emporte sur le patriotisme ».
Peu avant de mourir, il écrivit : « Je suis accablé. Je voudrais être mort. Il est horrible de vivre au milieu de cette humanité démente et d’assister, impuissant, à la faillite de la civilisation. »
Laïque convaincu, il s’est toujours intéressé à la spiritualité dialoguant avec d’autres cultures, fut-il encore dit dans l’émission d’ARTE, comme en témoignent ses liens avec Gandhi, avec Freud, avec un moine franciscain, également poète, au nom significatif : « Frère Pacifiste ».
En revanche, ses liens amicaux avec Stefan Zweig volèrent en éclats en 1933 quand il déclara : « Il est trop clair que nos chemins se sont séparés. Il ménage étrangement le fascisme hitlérien qui cependant ne le ménagera pas… »
Dans l’immense œuvre de Romain Rolland, je relève les propos suivants : « Même sans espoir, la lutte est encore un espoir. Quand l’ordre est injustice, le désordre est déjà un commencement de justice. La religion de la Non-violence n’est pas seulement pour les saints, elle est pour le commun des hommes. C’est la loi de notre espèce, comme la violence est la loi de la brute. »
Enfin, à l’heure où l’on assiste sur les réseaux sociaux à un déchaînement de fake news et de messages franchement nauséabonds et complotistes, il n’est pas vain de relire cette citation de Romain Rolland, en l’occurrence, véritable visionnaire : « Une discussion est impossible avec quelqu’un qui prétend ne pas chercher la vérité, mais déjà la posséder. »Tue, 15 Dec 2020 - 4min - 430 - Victor Hugo, Ceux qui vivent sont ceux qui luttent de Pierre Guelff
Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas vous parler aujourd’hui d’un roman, mais d’un très bel essai, Victor Hugo, Ceux qui vivent sont ceux qui luttent, paru aux éditions F Deville. Avec la participation de trois descendants de l’Immortel, Pierre Guelff nous offre ici un ouvrage richement illustré, dont les droits d’auteur seront intégralement versés à une association de bénévoles venant en aide aux sans domicile fixe. Et, dès les premières phrases de la préface écrite par l’un des héritiers de Victor Hugo, on peut comprendre cette implication, profondément humaniste, de l’auteur. Au fil des pages de ce livre, on découvre alors tout ce qui rapproche son auteur et son sujet. En effet, il y sera question de trois piliers se liant les uns aux autres, à savoir l’amour de la Nature, la défense du Peuple et la philosophie humaniste. Comme le dit Jean Baptiste Hugo : « Dans notre folie, notre aveuglement et notre arrogance, nous avons cessé de vénérer la Terre et nous commençons à comprendre qu’il est urgent, à présent, de retrouver cette unité sacrée. » La première partie, et la plus imposante, nous fait voyager des Ardennes à la vallée du Rhin, de la Flandre aux côtes ouest de la France, en passant par les Pyrénées, l’Espagne et le Mont-Saint-Michel. Au travers d’extraits choisis, l’auteur parvient à nous donner la charmante impression que l’on effectue ce périple en la présence de Victor Hugo lui-même. On voit ce qu’il décrit, on sourit à un certain franc-parler, et on comprend déjà l’unité formée par les trois concepts de ce livre. Car, outre le côté captivant de ce circuit, il y est question d’une inquiétude certaine face à l’industrialisation de nos contrées, inquiétude pour la Nature mais aussi pour l’Homme. Dans la deuxième partie, on perçoit alors que Victor Hugo n’a pas toujours fait l’unanimité, sans doute, notamment, à cause d’un revirement politique. Comme l’explique Pierre Guelff : « […] qui n’avance pas recule, alors, dans une introspection que l’on devine un ardent combat intérieur, il rompit avec cette droite de plus en plus réactionnaire et se tourna franchement et résolument vers le progressisme et les valeurs humanistes, dont la défense du peuple. » Et Victor Hugo de développer : « Mauvais éloge d’un homme que de dire : son opinion n’a pas varié depuis quarante ans. C’est dire que pour lui il n’y a eu ni expérience […], ni réflexion, ni repli de la pensée sur les faits. Rien n’est absolu dans les choses politiques, excepté la moralité intérieure de ces choses. L’opinion d’un homme peut donc changer honorablement, pourvu que sa conscience ne change pas. » Le voyage continue encore ici, avec d’autres fragments des correspondances de l’écrivain éternel, montrant son intérêt pour le travail manuel, les ouvriers, les gens pauvres et miséreux. Il est également préoccupé par la condition de l’Homme – et de la Femme – libre ou prisonnier, par les tortures de toutes sortes, par la peine de mort. Et tout dans ce livre fait encore terriblement écho dans notre monde actuel. Quoi de plus parlant, pour conclure, que ces extraits du discours d’ouverture de Victor Hugo au Congrès de la Paix : « Les hommes ont commencé par la lutte, comme la création par le chaos. D’où viennent-ils ? De la guerre ; c’est évident. Mais où vont-ils ? À la paix ; cela n’est pas moins évident. Quand vous affirmez ces hautes vérités, il est tout simple que votre affirmation rencontre la négation ; il est tout simple que votre foi rencontre l’incrédulité ; il est tout simple que, dans cette heure de nos troubles et de nos déchirements, l’idée de la paix universelle surprenne et choque presque comme l’apparition de l’impossible et de l’idéal ; il est tout simple que l’on crie à l’utopie […]. » « L’ère des révolutions se ferme, l’ère des améliorations commence. Le perfectionnement des peuples quitte la forme violente pour prendre la forme paisible. » Julie Tielemans pour Fréquence Terre.
Tue, 10 Mar 2020 - 3min - 429 - « Le Bonheur en Cévennes » de Christian Laborie (Éd. Omnibus)
Les Éditions Omnibus ont eu la remarquable idée de réunir en un volume, trois romans de Christian Laborie sous le titre générique Le Bonheur en Cévennes : L’Appel des drailles dont il a déjà été question, Les Drailles oubliées et L’Arbre d’or.
Pour le deuxième cité, c’est un tocsin qui sonne dans tous les villages et annonce la Première Guerre mondiale et la mobilisation générale, au grand désarroi de la population : « Abreuver de sang les sillons n’est pas un travail pour un paysan ! » clame le vieux Célestin.
Alors que les hommes valides de 20 à 45 ans partent au front, les femmes et les anciens tentent de les remplacer dans les tâches quotidiennes qui étaient les leurs. Antoine et Joseph reprennent même le chemin des drailles, mais avec un intense sentiment d’amertume à voir les forces vives que sont leurs fils, neveux, voisins… « défendre la patrie » selon ceux qui restent le cul enfoncé dans leur fauteuil capitonné au Parlement ou au ministère, bref, faire la guerre n’a pas de sens : « C’est pas une honte ! Nous faucher nos fils et nos maris en pleine force de l’âge ! Qu’avons-nous à faire de leur politique ? Qu’ils nous fichent la paix et qu’ils aillent la faire eux-mêmes leur saloperie de guerre ! »
Cependant, plutôt que se lamenter indéfiniment, les anciens retroussent leurs manches car, après l’estive, il y a les vendanges.
Cela durera jusqu’en 1918 et, comme si la « Der des Ders » était bien un leurre lancé par ces mêmes politiciens, marchands d’armes et autres militaristes, voici l’écho des gesticulations menaçantes d’un certain Adolf Hitler qui annoncent une autre débâcle, dont Vichy, le Vél d’Hiv et autres drames pour le peuple.
Au fil des pages, on en arrive à la création de la Maison de la Transhumance afin que ne s’oublie pas ce patrimoine, alors que les drailles font place aux chemins de grandes randonnées, les fameux GR…
Musique Michaël Mathy : http://www.michaelmathy.be/#music
Tue, 21 Jan 2020 - 2min - 428 - Une méditation lumineuse sur la vie
L’auteur japonais Haruki Murakami est mondialement connu et fut considéré comme un potentiel lauréat du Prix Nobel de littérature. Mais, du roman à l’autobiographie, il a franchi le pas, si j’ose dire, avec Autoportrait de l’auteur en coureur de fond (10-18) où il explique d’emblée que pour assumer sa profession d’écrivain, il revendit son club de jazz de Tokyo, arrêta de fumer, se mit à la course à pied quotidiennement, devint marathonien et triathlète : « Écrire franchement, sur le fait de courir, c’est, je crois, également écrire sur soi-même en tant qu’homme. Voilà ce que j’ai pris conscience en cours de route. »
D’aucuns avancent que ce livre est « une méditation lumineuse sur la vie », même s’il joue les faux humbles et modestes en se disant « miteux, pitoyable, moche, fébrile, inutile dans tout ce que j’ai pu faire dans la vie… », compte et recompte celles et ceux qu’ils dépassent ou qui le doublent en course, l’œil vissé sur son chrono, il nous distille avec lyrisme et enthousiasme son expérience remarquable : « Grâce à l’expérience, on apprend à compenser ses insuffisances ».
J’ai retenu quelques passages de ce livre très important dans son immense carrière, y déclare-t-il :
* « La fierté, ou ce qui y ressemble, qu’éprouve le coureur de fond à être allé jusqu’au bout de sa course reste pour lui le critère fondamental.»
* « Une grande partie de mes techniques de romancier provient de ce que j’ai appris en courant chaque matin.»
* « Malgré la différence de niveau des uns et des autres, il y a des choses que seuls les coureurs partagent et comprennent.»
* « Si l’on doit vivre longtemps, plutôt que de traverser toutes ses années dans le brouillard, mieux vaut les passer avec des objectifs bien clairs en tête, en étant tout à fait vivant. Dans cette perspective, je crois que courir constitue une aide véritable.»
* « Je reste conscient de n’être qu’un minuscule fragment de cette gigantesque mosaïque qu’est la nature. Je ne suis rien d’autre qu’un des éléments parmi tous les phénomènes naturels interchangeables, comme l’eau de la rivière qui coule sous le pont en direction de la mer, là, où, tôt le matin, je pratique un jogging paisible. Des jeunes filles me dépassent (…) et je poursuis mon chemin à mon rythme tranquille, le long des berges… Une génération prend la place de la précédente. C’est ainsi que le monde marche. Je ne dois donc pas me sentir affecté de ce que ces jeunes filles me dépassent.»
* « Je possède une certitude : tant qu’après une course j’aurai en moi le sentiment d’avoir couru du mieux possible, je continuerai à participer à des marathons, sans me laisser abattre. Malgré mon âge, malgré les forces déclinantes.»
Musique : Michaël MathyTue, 14 Jan 2020 - 3min - 427 - Cabu, l’homme qui dessinait librement
Cinquième année que Cabu nous manque (et tous les autres de Charlie Hebdo abattus le 7 janvier 2015). Fécond dessinateur de presse, amoureux inconditionnel du jazz, militant pacifiste, son ami Jean-Luc Porquet, auteur de Cabu, une vie de dessinateur paru chez Gallimard, écrit qu’il « était toujours du côté ensoleillé de la rue », néanmoins qu’un an avant sa tragique disparition, il avait confié « être optimiste mais qu’il pensait tous les jours à la mort ».
Dès les années soixante-dix, j’ai apprécié Cabu (1938-2015) qui, avec Cavanna, Reiser, Wolinski et d’autres, firent l’essence même de Charlie Hebdo et lui donnèrent une dimension jamais égalée, selon moi.
Avec le recul, je me rends compte de hasards ( ?) de l’existence qui me firent mettre mes pas dans ceux de Cabu puisque, objecteur de conscience et coopérant technique de 1969 à 1971 à Bejaïa, cité de Kabylie, ce fut précisément là que Cabu fit partie d’un régiment semi-disciplinaire en 1958, et écrivit à sa sœur : « Je suis entouré d’abrutis, aussi bien gradés que deuxième classe. »
Invité à décorer une école maternelle de Constantine, il y glissa un éloge à la désobéissance en pleine Guerre d’Algérie, une façon de s’élever contre le rôle « criminel et non pacificateur » de l’armée française, alors qu’il clama aussi qu’il comprenait le désir d’indépendance « parfaitement légitime » des Algériens, allant jusqu’à en faire part à un gradé en lui spécifiant que les autochtones étaient chez eux.
Son antimilitarisme se forgea également à la vue d’un hélicoptère français balançant dans le vide des résistants algériens « pour s’en débarrasser » et, parce qu’il était dans la colonne de troufions en montagne obligés de la gravir et d’apporter des jerrycans d’eau au sommet sous le cagnard car, un hélico ne pouvait s’y poser… sauf pour un général apportant au colonel qui dirigeait les soldats une bouteille de champagne frais !
En 1976, dans la canicule, Cabu et moi faisions partie des centaines de participants à la « Marche internationale non violente pour la démilitarisation » entre Metz et Verdun durant une semaine et nous scandions « Plus jamais ça » en passant près des milliers de tombes et autre ossuaire sous les cris de nervis nous traitant de « poules mouillées », « gonzesses », « dégonflés ». Ce qui fit dire à Cavanna : « Ce qu’ils nous reprochent, c’est de ne pas aimer tuer ; la guerre est leur grande fête de la virilité ».
Près de trois décennies plus tard, Cabu tombaient sous les balles et Jean-Luc Porquet releva qu’il avait été assassiné « pas par un braqueur ou un fou, mais très exactement pour ce qu’il était, un homme qui dessinait librement ».
Dessins : Cabu (armée et champagne), couverture de Cabu, une vie de dessinateur et Xavier Lambours (Marche Metz-Verdun).
Musique : Robot de Michaël Mathy, http://www.michaelmathy.be/#music.
Très intéressante émission sur Radio Libertaire :
Sun, 05 Jan 2020 - 3min - 426 - Internet : le chaos général ! (4/5)
Poursuivons la lecture attentive de l’essai Psychologie de la Connerie écrit par un collectif de spécialistes aux Éditions Sciences Humaines.
« La connerie à l’ère des réseaux sociaux, c’est la formulation de jugements sans appel réduisant la vie à l’apparence » et, justement, qu’en pense Howard Gardner, professeur en cognition et en sciences de l’éducation, quand on lui demande si Internet est la défaite de l’intelligence. Il répond qu’Internet c’est le « chaos général créant la confusion dans une quasi absence de réflexion », alors que l’objectif principal de l’éducation, outre l’alphabétisation, est de procurer les outils permettant de distinguer le vrai du faux, de juger ce qui est beau en art, dans la nature…, et de pouvoir justifier ses préférences, enfin d’orienter son jugement et son action dans les domaines moraux et éthiques. »
Pour Sébastien Dieguez, neuropsychologue, « la connerie n’est pas, ou pas seulement, le contraire de l’intelligence, on peut être très intelligent et très con : il suffit pour s’en convaincre de mettre n’importe quel intellectuel à un poste politique ou d’encourager tel expert à s’exprimer sur un sujet qu’il ne connaît pas, ce qui produira de la bêtise intelligente dont l’essence est une indifférence à l’égard de la vérité.
Alain Roger, auteur du Bréviaire de la bêtise est tout aussi formel : la connerie est la suffisance à l’état pur : « Je dis ce que je pense et je pense ce que je dis et si je ne suis pas d’accord avec quelque chose, c’est bien la preuve que c’est faux… »
Nous lisons encore sous différentes plumes que l’imbécile, du fait qu’il est imbécile, ne dispose pas des ressources mentales qui lui permettraient de s’apercevoir de son imbécillité.
Quant à la connerie, elle cherche à se faire passer pour de l’intelligence. « Le con n’a pas le moindre début d’idée concernant ce qui lui permettrait d’être moins con. Il ne sait d’ailleurs pas qu’il est con. Ainsi, le dernier des imposteurs peut se faire passer pour un petit génie, un géant de la philosophie ou une pointure des neurosciences. Les théories du complot cherchent à se faire passer pour des investigations sérieuses et soucieuses de faire éclater la vérité, mais sans jamais fournir le moindre effort en ce sens. »
Musique : Michaël Mathy :http://www.michaelmathy.be/#music
Tue, 17 Dec 2019 - 2min - 425 - Une société d’exclusion (8/8)
Pour cette ultime chronique dévolue à l’essai Sagesses d’ailleurs de Frederika Van Ingen (J’ai Lu), qui se base sur des récits de « passeurs de Mémoire» ayant vécu avec des peuples racines, il y a cette mise au point : « Plus vous côtoyez la mort, plus ou aimez la vie, car vous êtes conscient de ce qu’est la vie, de ce qu’est cette énergie dans la matière. »
Quant à Boris Choleka, professeur de yoga devenu chaman, il explique : « Tu deviens indépendant à partir du moment où tu comprends que tout est connecté et que tu es relié. La liberté, c’est l’expérience vécue de cette reliance à chaque instant. »
Éric Julien, ancien géographe, à présent responsable de l’École de la nature et des savoirs, côtoya les Indiens semi-nomades de la Sierra Nevada, des Kogis, qui lui déclarèrent : « Avec nos terres, nous pouvons retrouver l’histoire. Une personne sans histoire, sans mémoire, est une personne malade. »
Si leurs terres furent spoliées et occupées en grande partie par les colons, ils croient avec force que s’ils pouvaient refaire leur travail dans la Sierra, cela permettrait de maintenir l’équilibre du monde.
« Rien que ça ! » s’exclama Frederika Van Ingen, et de poser une hypothèse valable pour tout son livre : « Il s’agit sans doute de mythes traditionnels à ranger au rayon des croyances naïves, comme on a coutume de le faire quand une idée questionne trop fortement nos certitudes. »
La réponse vint de la bouche d’Éric Julien : « Pour les Kogis, la Terre est un corps vivant, culture, spiritualité et réalité quotidienne ne font qu’un. Ainsi, quand ils réinvestissent les terres, les forêts refleurissent à une vitesse à faire pâlir le plus brillant des agronomes. »
Et, cette dernière constatation : « On met nos parents à la maison de retraite, on paie quelqu’un pour élever nos enfants, on n’a plus le temps… Les peuples racines, eux, vivent dans une société d’inclusion, tandis que nous avons créé une société d’exclusion. »
Musique : Michaël Mathy
Tue, 10 Dec 2019 - 2min - 424 - Confidences d’un manipulateur de médias (5/5)
Nous voici arrivés au terme de la lecture de Psychologie de la Connerie (Éd. Sciences Humaines), essai écrit par une trentaine de spécialistes, avec cette question : « Qui sont les pires manipulateurs médiatiques ? » La réponse fuse : les médias ! Cette affirmation vient de Ryan Holiday, chroniqueur et auteur de Croyez-moi, je vous mens : confession d’un manipulateur des médias (Globe, 2015).
Il explique qu’aux États-Unis, quasiment 100% des journalistes utilisent des blogs ou sites pour s’informer or, la majorité de ceux-ci n’ont pour but que de devenir viraux, ou bien, falsifier Wikipedia ou payer des twittos pour qu’ils twittent ce qui les arrange !
« Je l’ai fait très souvent, avoue-t-il, et certains des actes les plus répréhensibles commis par un gouvernement, s’accompagnent du silence des médias. Le monde bidon influence le monde réel, il existe même des algorithmes écrivant des articles à la place des journalistes. »
Sa conclusion paraît inattaquable : « Ceux qui écrivent pour le web se réveillent le matin en ne songeant pas à des considérations de morale ou de qualité, mais au nombre de clics. » Alors, la manipulation sur Internet est l’enfance de l’art : se faire passer pour un expert et créer un faux scandale. De nombreux journalistes vont foncer tête baissée puisqu’ils ne contrôlent même pas cette source.
Sur Wikipedia, Ryan Holyday, le faux expert déclaré, s’y présente comme « manipulateur de médias » ! Alors, où sont les vrais cons dans cette situation ?
Voici, pour terminer, quelques autres réflexions en ce domaine de la connerie :
* Emmanuelle Piquet, psychopraticienne : « Que faire contre les connards et leurs homologues féminins ? Il faut prendre un virage à 180° et reprendre le contrôle du cercle vicieux en cessant de se recroqueviller, de ne rien dire, d’espérer que cela passe. En ripostant, répliquant, en se déployant au lieu de subir ces comportements.»
* Alison Gopnik, professeure de psychologie et de philosophie, évoque un article du New York Times reprochant à Donald Trump, encore lui ! un comportement de gamin de 4 ans, et bien, « c’est très désobligeant pour les enfants de cet âge ! dit-elle. Les connards sont obnubilés par leur propre personne et leurs propres objectifs, tout l’inverse des enfants !»
* Un clin d’œil de Jean-Claude Carrière, écrivain et scénariste, qui explique que « ce qui est très surprenant chez un con, c’est quand il dit une chose intelligente… Mais, la pire des bêtises, c’est de se croire intelligent !»
* Tobie Nathan, professeur de psychologie, précise à son tour : « Plus on est con, plus on veut montrer qu’on ne l’est pas, c’est une question de fierté. Il n’y a pas de moyen pour combattre la connerie. Il faut se cacher des cons, c’est tout. Les cons n’aiment pas ceux qui ne sont pas cons.»
Tue, 03 Dec 2019 - 3min - 423 - « Le Voyageur des Bois d’en Haut » de Jean-Guy Soumy (Les Presses de la Cité)
Camille limousinait comme maçon à la ville à 16 ans, c’est-à-dire que, paysan, il avait quitté ferme, herbages, étables des Bois d’en Haut pour devenir ouvrier durant quelques mois afin d’aider sa mère à rembourser un prêt afin de ne pas hypothéquer ses terres, car son mari était mort dans les eaux tumultueuses du Rhône, l’hiver 1858 avait été très rigoureux et elle avait été obligée de vendre quelques têtes de bétail pour subsister. « Le malheur, c’est comme le choléra, il s’attrape aisément »…
Voici le décor planté par Jean-Guy Soumy auteur d’un roman qui m’a énormément plu, Le Voyageur des Bois d’en Haut aux Presses de la Cité.
À Lyon, le jeune Camille côtoya des ferblantiers, plâtriers, peintres d’ornement, menuisiers et ces limousins maçons où, chaque année depuis des décennies, son père oeuvrait également avec la truelle et le fil à plomb et, malgré l’omerta autour de sa mort, les langues finirent par se délier.
Petit à petit, Camille qui fréquentait aussi des Maîtres tailleurs de pierre et l’École du Trait, apprit que son père avait une double vie, celle des Bois d’En Haut et celle de Lyon, et il désira ardemment en savoir davantage sur cette situation, au point de se poser la question : « Mon père est-il vraiment décédé ? »
Au total de ce livre, pas moins de soixante-sept courts chapitres donnant un fameux rythme à une histoire prenante, passionnante, puissante, au point que le lecteur a l’impression de vivre le récit au présent, alors qu’elle se déroula il y a cent soixante ans !
J’apprécie beaucoup ce genre de récit initiatique qui rend en même temps hommage au monde ouvrier, artisanal et agricole, une sorte de Mémoire du « petit peuple » et, en Jean-Guy Soumy, j’ai découvert un véritable intercesseur de Savoir. (Musique : Michaël Mathy)
Tue, 26 Nov 2019 - 2min - 422 - Le serment ou la sacralisation de la vie de Joseph Noyer (MdV Éditeur)
Qui ne se souvient pas de ces maquignons qui, en une poignée de mains ponctuaient une négociation sur parole et tenaient ce deal pour contrat : la parole donnée valait toutes les signatures et tous les sceaux au bas de documents notariaux et autres.[1]
Avec Le serment ou la sacralisation de la vie de Joseph Noyer paru à MdV Éditeur, voici un essai qui, je cite, « explore les dimensions rituelles et symboliques de cet acte fondamental ».
Parmi les onze chapitres (Le contenu des serments, À qui adresse-t-on le serment ? Serment et parjure, La fidélité au serment…), il y a celui intitulé « Serment éternel ou limité dans le temps ? Donner ou prêter serment ? » qui a un double intérêt. L’auteur y apporte une réponse qu’il y a lieu de lire ou relire, voire méditer, pour en saisir toute la quintessence : « Donner s’accorde avec un temps illimité ou, plutôt, avec un temps sans temps, un temps au-delà du temps. En réalité, le temps auquel appartient le serment est un état qui est de l’ordre de l’éternité… »
Quant à l’expression « prêter le serment », elle ne correspond pas à la réalité traditionnelle. En effet, « donner est irréversible, prêter est un donner provisoire : on prête un bien en attendant qu’il nous revienne. Or, le serment ne peut être que donné et, lorsqu’il est donné, il ne peut l’avoir été que d’une manière définitive », conclut Joseph Noyer, spécialiste en symbolique depuis des décennies.
Musique : Michaël Mathy.
[1] Bien entendu, il y eut de « mauvais » maquignons ne respectant pas ce deal, d’où l’usage péjoratif de ce mot.Tue, 19 Nov 2019 - 1min - 421 - « Et le ciel se refuse à pleurer… » de Gérard Glatt (Les Presses de la Cité)
Étrange et poignante histoire développée par Gérard Glatt aux Presses de la Cité avec Quand le ciel se refuse à pleurer… quand, le 17 août 2016, Joseph Tronchet, paysan savoyard, découvrit Germaine, son épouse, « une mauvaiseté avec un bon cœur », écrasée par un immense sapin, là-haut où pâturaient leurs vaches avec le Mont Blanc pour décor.
Tronchet avait vécu « trente-quatre années de rouspétance » et quand le médecin constata le décès, il lui déclara : « Elle m’aura fait chier toute une vie durant, mais quand je l’ai vue sous le sapin, qui penchait dangereusement et qu’il aurait fallu couper, j’ai eu qu’une hâte : la sortir de là ! Et qu’une idée : la refuser morte ! »
Néanmoins, au moment de la toilette de la défunte par Tronchet et Edmé, jeune voisin et ami de leur fils Antoine, celui-ci remarqua une profonde entaille dans le dos de Germaine.
Quant à Antoine, il fut étonné de l’empressement de son père à vouloir incinérer son épouse et, autre constatation, un étrange médaillon contenant un secret et que portait au cou cette dernière, avait disparu.
Quel secret ? Pourquoi cette entaille profonde ? Coup de couteau ? Par qui ? Et pourquoi le sapin a-t-il été tronçonné aussi rapidement ? Par qui ?
Au fil de ce roman de quelque 350 pages écrites à un rythme soutenu, sauf la fin pour expliquer la situation dans le détail, Tronchet semble être l’auteur de l’assassinat de Germaine. Mais, est-ce bien lui ? Et quelle est cette révélation d’une certaine Marguerite, une sage-femme ?
Musique : Michaël MathySun, 10 Nov 2019 - 2min - 420 - « Assassins ! » de Jean-Paul Delfino (Éditions Héloïse d’Ormesson)
« Allongé dans son immense lit Renaissance juché sur une estrade en bois, les mains jointes sur la poitrine, il n’avait peur de personne. Les générations futures jugeraient. Lui, il avait apporté son écot à l’humanité. Les chiffres, d’ailleurs, parlaient d’eux-mêmes. Avec son infinie douleur de vivre, avec quelques maigres joies grappillées çà et là, il avait bâti une œuvre. Vingt tomes. Mille deux cents personnages. »
Lui, c’est Émile Zola. Il était parti de rien pour se hisser au sommet avec ses millions de livres vendus. Cela fit des jaloux et envieux, dont Edmond de Goncourt qui déversait des propos fielleux à son égard, le traitant de « vilain Italianasse », comme on dit une connasse, une pétasse. Sans compter les insultes du style « Zola est un imbécile colossal, un incomestible pourceau, un malfaiteur littéraire, un souilleur d’âmes, un roublard, un scribouillard dont les livres sentent la boue et la bestialité… »
Toute sa vie, Zola avait travaillé, comme l’explique Jean-Paul Delfino dans son exceptionnel roman Assassins ! paru aux Éditions Héloïse d’Ormesson : « C’était finalement la seule chose qui payait lorsque l’on naissait pauvre, sans particule, à moitié nu. Écrire pour être digne de la maxime qu’il avait fait graver sur son fauteuil : ‘‘Si Dieu veut, je veux.’’ »
Mais, le principal, outre ses ventes faramineuses, n’était-il pas aimé par le peuple, les humbles, les opprimés, lui qui les avait toujours défendus ?
Alors, l’extrême droite et ses acolytes allaient abattre Zola et tous ceux qui défendaient la fraternité universelle en clamant que « l’armée, l’éducation et l’Église seraient purgées des Juifs, des métèques, des francs-maçons et des protestants » que « tous seraient remplacés par des Français, de vrais Français, des Français de souche… »
Assurément, un tout grand roman qui, s’il relève de la fiction, n’en possède pas moins un indéniable aspect historique, parfois insoupçonné, fascinant et surprenant.
Musique : Michaël Mathy.Sun, 03 Nov 2019 - 2min - 419 - « Même les arbres s’en souviennent » de Christian Signol (Albin Michel)
Lucas, 30 ans, revend avec un plantureux bénéfice sa star-up et prend le temps de s’occuper de son arrière-grand-père, Émilien, 94 ans, et l’entraîne là-haut, dans un hameau vidé de ses habitants et animaux domestiques du Limousin, où se trouve encore la maison familiale.
– Il faut que tu écrives ce qui s’est passé ! dit Lucas à Émilien.
– À quoi bon ? répond l’aïeul.
– Parce que pour pousser haut, les hommes, comme les arbres ont besoin de racines profondes et vigoureuses. C’est important pour moi, pour nous, pour tous ceux qui sont de nulle part et sont perdus dans des villes tentaculaires où ils n’existent que dans la virtualité. On a perdu le contact avec le monde vivant ; les arbres, les forêts, les rivières, les pierres, les bêtes, les hommes.
Alors, sous la plume de l’ancêtre défilent neuf décennies qui content une histoire indispensable à la Mémoire et un exemple touchant de transmission entre des générations aux antipodes.
Même les arbres s’en souviennent, de Christian Signol paru chez Albin Michel, rend Émilien quelque peu philosophe : « Je me félicite du fait que mes enfants et petits-enfants soient davantage maîtres de leur destin que nous ne l’étions, nous, dans ces années où manger à sa faim, ne pas avoir froid l’hiver, apprendre à lire et à écrire satisfaisaient les rêves les plus grands. »
Après quelques mois, Lucas revient aux nouvelles et Émilien lui avoue qu’il puise dans certains souvenirs du passé, des raisons d’espérer en l’avenir et il entraîne le lecteur pour une promenade dans le passé propice aux confidences, à la Mémoire des êtres, des lieux, de la Nature et des événements.
Ce roman m’est apparu remarquable, l’un des plus beaux et touchants de Christian Signol, selon moi.
Sun, 27 Oct 2019 - 2min - 418 - Êtes-vous un sale con certifié ? (3/5)
« Êtes-vous un sale con certifié ? », non il ne s’agit pas d’une insulte à nos auditeurs et lecteurs, mais d’une question posée dans l’essai Psychologie de la Connerie paru aux Éditions Sciences Humaines et signé par un collectif de psychologues, neuropsychologues, philosophes, sociologues, auteurs…, dont Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, qui évoque la connerie comme délire et débute fort son propos en clamant : « Il n’y a rien de plus fréquent ni de plus sérieux que la connerie » !
Pour Patrick Moreau, professeur de littérature, « celui qui dit des conneries n’a pas réellement l’impression de tromper ses interlocuteurs. Il dit plutôt n’importe quoi. Certes, sans le moindre souci pour la vérité mais, aussi, avec un sentiment de supériorité de celui qui a tout compris. »
Le psychiatre Jean Cottraux, lui, se base sur une enquête effectuée auprès de cent de ses collègues et médecins d’un hôpital parisien et vingt autres personnalités de la psychiatrie, et il explique que « le con serait quelqu’un qui manque d’intelligence émotionnelle », avec un besoin d’être admiré, avec des éléments possibles d’exploitation, tromperie tyrannique, hostilité, agressivité, exhibitionnisme, séduction, anxiété…, un état se partageant en plusieurs catégories : cela va de jouer au con pour en tirer des avantages sociaux au con glorieux à l’ego en inflation perpétuelle, en passant par le con toxique ou le sale con qui se délecte de la souffrance des autres. La passion de ce dernier est l’humiliation.
Alors, si vous voulez savoir si vous en êtes, un test datant de 2007 peut vous l’indiquer : « Êtes-vous un sale con certifié ? » par Robert Sutton (Vuibert) et la version date de 2012.
Bon test à tous et, surtout, n’oublions pas que dans ce livre la Connerie s’écrit avec un C majuscule !
Musique : http://www.michaelmathy.be/#music
Sun, 20 Oct 2019 - 2min - 417 - Psychologie de la Connerie (2/5)
Poursuivons la lecture surprenante, parfois décapante, de l’essai Psychologie de la Connerie (Éditions Sciences Humaines) écrit par un collectif de psychologues, sociologues, auteurs, philosophes…
À côté des textes inhérents à la seule Connerie, il y a la relation d’expériences et de tests sur le comportement humain avec, par exemple, le constat que les gens choisiront de voyager avec un avion qui aura 97% de chance d’arriver à destination, plutôt que celui qui aura 3% de malchance de s’écraser, alors que, bien sûr, le résultat est équivalent. Sans conteste, une formulation peut modifier notre jugement.
Mais, revenons au pays de la Connerie avec :
* Ewa Drozda-Senkowska, professeure de psychologie sociale : « La connerie, la vraie, c’est cette effrayante suffisance intellectuelle qui ne laisse absolument aucune place au doute et qui est pire qu’un mensonge car celui ou celle qui raconte des conneries se désintéresse de la vérité. »
* Pierre Lemarquis, psychologue et essayiste : « Un (autre) conflit ruine les maigres capacités de notre cerveau, sa duplicité. Il se trouve en effet nanti de deux hémisphères pourtant connectés : ou ces faux jumeaux ne s’accordent pas. C’est Thatcher contre le Che. »
* Yves-Alexandre Thalmann, docteur en sciences naturelles et professeur de psychologie, s’interroge : « Et si la stupidité n’était pas un manque d’intelligence, mais une façon particulière d’exercer celle-ci ? La stupidité, constate-t-il, est bien plus subtile qu’il n’y paraît. Elle ne se réduit pas à un manque d’intelligence pas plus que l’intelligence (QI) ne prémunit contre les tentations… »
* Brigitte Axelrad, professeure de philosophie et psychologie, explique qu’une personne reconnue très intelligente peut croire en des choses bizarres, en des théories farfelues, exprime des idées dénuées de tout fondement. Elle rappelle que le président américain Jimmy Carter croyait aux OVNIs et, en 1977, a même écrit une lettre aux extraterrestres placée dans la sonde Voyager 1 qui, pourtant, en 2025, n’émettra plus et poursuivra son voyage de milliers d’années…
De quoi rendre perplexe, dit Brigitte Axelrad, en citant également un célèbre sociologue qui disait que l’on pouvait croire en des choses folles sans être fou.
Pour notre part, une 3e chronique est prévue car, visiblement, la Connerie, elle aussi, n’a pas de frontières !
Musique : http://www.michaelmathy.be/#music
Sun, 13 Oct 2019 - 3min - 416 - Capitalisme, États complices, mafias et « génocide » (6)
Frederika Van Ingen, journaliste et auteure de l’important et imposant essai Sagesses d’ailleurs (J’ai Lu), résume en quelques phrases une situation s’apparentant à un véritable « génocide » par le capitalisme, sous le couvert d’États, dont la France. Voici, dans son intégralité, cette déclaration :
« Nous avons peu conscience de la violence qu’ont subi ces peuples (racines) et qu’ils subissent encore. En Amazonie, on estime que 50 à 90% des Amérindiens, selon les ethnies, sont morts de maladies apportées par les Européens depuis le XVIe siècle. Un peu partout sur la planète, ils pâtissent de notre développement : destruction de leurs milieux de vie, exploitation minière et industrielle de leurs sols et territoires, pollutions, militarisation, barrages, vols de leurs terres, d’objets traditionnels, tourisme, pillage de leurs connaissances ancestrales…
Mais ils souffrent aussi du racisme, de l’acculturation forcée et de violences.
Rien que pour le Brésil, par exemple, 80 tribus ont été anéanties au XXe siècle. Certaines ont été empoisonnées volontairement à l’arsenic et aux insecticides, une a été dynamitée depuis un avion puis les survivants achevés avec une barbarie inouïe, une autre a été contaminée sciemment par le virus de la variole, une autre alcoolisée puis tirée au fusil…
Actuellement, au Brésil comme dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, les intimidations et meurtres continuent.
Chercheurs d’or, forestiers, agriculteurs, mais aussi mafias et bandes armées convoitent leurs territoires et font peu de cas de ceux qu’ils voient encore comme des archaïques. Quand ce ne sont pas les grandes entreprises internationales (françaises également), en accord avec les États, qui construisent leurs infrastructures (barrages, extractions minières, etc.) au nom du développement, quitte à noyer et détruire leurs terres ancestrales. »
« Manger pour vivre » hurle un mur (photo Fréquence Terre) près de la Communauté européenne, ses lobbies et politiques étroitement unis, mais les peuples racines n’ont souvent même plus de murs pour y exprimer quoi que soit, n’ont plus à manger ou ont été radiés du genre humain.
Tout autre commentaire est superflu !
Musique : Michaël Mathy.Sat, 05 Oct 2019 - 3min - 415 - « Le Rêve de Toinet » de Mireille Pluchard (Les Presses de la Cité)
Avec Le Rêve de Toinet de Mireille Pluchard paru aux Presses de la Cité, ce fut une véritable découverte. Une remarquable découverte, même, que l’écriture de cette auteure qui, je la cite, « aime raconter les gens ».
Et, pour raconter la destinée de Toinet, jeune chevrier cévenol devenu un brillant potier au XVIIIe siècle, la romancière met plus de 580 pages qui plongent le lecteur dans une fabuleuse épopée ou, effectivement, tous les sentiments humains sont décrits avec une rare observation.
Ainsi, en pleine Guerre des Religions, ce dialogue entre deux sœurs qui se retrouvaient après des années de séparation tramée par des catholiques à l’égard de ceux qui, selon eux, pratiquaient la « fausse religion », les religionnaires :
– Ton mari est-il un homme de parole et de confiance ?
– C’est un sage doublé d’un pacifiste.
– Un « tiède », alors, comme disent les papistes ?
– Un « tiède » est ce qu’on lui reproche, mais j’admire sa tolérance et je bénis sa bonté. Quel homme aurait pris le risque de vous amener ici, toi et ton prédicant de mari ?
Enfant espiègle devenu un homme-enfant à 7 ans, à la mort atroce de son père, Toinet se chargea des siens, mais de « bonnes âmes », un notaire véreux, un curé et un consul, décidèrent que la famille serait éparpillée ; le gamin fut envoyé en apprentissage chez un potier, maître Jean : « Regarde, écoute et tais-toi » lui dit-il d’emblée.
Ce que fit le jeune séparé de sa famille mais, rapidement troublé par Apolline : « Les lèvres de la fillette étaient chaudes et douces… »
Les années passèrent et Toinet poursuivit son apprentissage chez maître Espérandieu à Anduze, là où on parlait plus de gain et de profit que de travail bien fait.
En l’an de grâce 1715, Toinet, 17 ans, devint maître à son tour, son chef-d’œuvre s’apparentant à une géniale œuvre d’art, un orjol. Comme il faisait de l’ombre à son fils, Espérandieu l’obligea à faire le Tour de France durant cinq années. Apolline jura de l’attendre.
Toinet prit comme nom compagnonnique « Cévenol orjolier du soleil » et, à son retour, après maintes aventures, il s’installa à son compte, retrouva la future mère de leurs enfants, devint un bon père mais exigeant, plus spécifiquement avec son aîné. Celui-ci se rebella, car il préférait la Nature aux tour de potier et vernis. D’où une situation familiale particulièrement tendue…
Assurément, depuis longtemps, je n’avais plus été autant scotché au récit et personnages d’un roman !
Musique : http://www.michaelmathy.be/#music
Sun, 29 Sep 2019 - 3min - 414 - « La Fiancée anglaise » de Gilles Laporte (Les Presses de la Cité)
Le « dernier » Gilles Laporte est souvent attendu par tous ceux appréciant la plume de cet auteur qui, depuis de nombreuses années, trouve aussi une place de choix dans « Littérature sans Frontières » avec, entre autres, Des fleurs à l’encre violette, La Clé aux âmes, Sous le regard du loup, Un parfum de fleur d’oranger, Les Roses du Montfort…
Avec La Fiancée anglaise, roman paru aux Presses de la Cité, le lecteur quitte les falaises de Douvres, traverse la Manche, voit le Cap Gris-Nez et se retrouve en compagnie de Robert Forester qui est parti à la recherche du passé d’Adolphe Lamesch, marin lorrain sur « La Combattante », un torpilleur des Forces françaises libres qui sauta sur une mine allemande, envoyant par le fond plus de soixante de ses collègues et lui-même.
Robert Forester, très jeune orphelin d’un père, pilote de la Royal Air Force, également décédé lors de la Seconde Guerre mondiale, est fonctionnaire de Sa Gracieuse Majesté et, contre l’avis de sa mère, se lance sur les traces de l’existence de l’artilleur en Lorraine, là, où il est peut-être oublié. Car, lui, il ne l’a pas oublié !
Mais, pourquoi, la mère Forester s’est-elle toujours fermement opposée à ce que son fils se rende en France et, même, à tenter d’entrer en contact avec la famille d’Adolphe Lamesch ? Cette interdiction annonce-t-elle un secret ? Qu’est-ce qui pousse Robert Forester à trahir sa parole et à se retrouver sur les terres d’Alphonse du côté de Châtel-sur-Moselle ? Trouvera-t-il encore des proches du marin, cinquante ans après sa mort tragique ? Pourquoi se sent-il directement « comme chez lui » dans cette Lorraine pourtant inconnue ?
Toutes ces questions, et bien d’autres, ouvrent la voie à un récit riche de faits historiques, de sentiments profonds, d’une forme de suspense au sujet de situations extraordinaires.
Déjà couronné de plusieurs prix littéraires, gageons qu’avec ce nouveau roman, Gilles Laporte ne laissera pas indifférents certains jurys…
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Sun, 15 Sep 2019 - 2min - 413 - Psychologie de la Connerie (1/5)
Psychologie de la Connerie (Éditions Sciences Humaines, France, 2018) est un ouvrage collectif d’une trentaine de psychologues, auteurs, philosophes, sociologues… Cet essai a été dirigé par Jean-François Marmion, psychologue et rédacteur en chef de la revue Le Cercle Psy, qui signe l’introduction « Votre con dévoué » et déclare : « Qu’elle suinte ou qu’elle perle, qu’elle ruisselle ou déferle, elle est partout. Sans frontières, et sans limites. Tantôt doux clapotis presque supportable, tantôt fange stagnante écœurante, tantôt séisme, bourrasque, raz-de-marée engloutissant tout sur son passage, brisant, bafouant, salissant, la connerie éclabousse tout le monde. Pire, il se murmure que nous en sommes tous la source. »
J’ai extrait l’un ou l’autre propos marquant d’intervenants et je vous invite à entrer de plain-pied au pays de la Connerie, celui des cons de compétition et en majesté, de la bêtise-crasse et de l’arrogance injustifiée.
Mais, on lit sous le titre du livre « Un monde sans connards est possible »…
* Serge Ciccotti, psychologue et chercheur, déclare que le « bon gros connard méprise les sans-dents, ces ‘‘salauds de pauvres’’.» De plus, pour lui, ce connard est aussi celui qui conduit rapidement son véhicule et vous dépasse, alors que le conducteur se rend en urgence à l’école de son enfant qui s’est blessé : « Les cons, dit-il, ont également une grande capacité à voir des cons partout !»
* Jean-François Dortier, fondateur et directeur du Cercle Psy et des Sciences Humaines, explique que s’il existe des formes d’intelligence multiples, « il doit y avoir aussi une belle variété de conneries» : l’arriéré, le beauf qui est bête, méchant, raciste et égoïste, le con universel, la connerie artificielle avec ses « machines apprenantes» qui, je le cite « ne sont pas intelligentes, puisqu’elles ne comprennent pas ce qu’elles font », il y a également la connerie collective, le crédule, le débile, l’imbécile et l’idiot, le zinzin, c’est-à-dire le zozo, le zigoto, le zouave. Tout cela peut être mis au féminin.
* James Aaron, professeur de philosophie, nous apprend que « l’intelligence n’empêche pas d’être connard sévère, elle peut même y contribuer en lui mettant dans le crâne qu’il est au-dessus de la mêlée.»
* Pascal Engel, philosophe, affirme que « le sot intelligent peut être très savant et très cultivé ; il peut même briller en société. On peut même aussi prendre la foutaise comme le stade suprême de la bêtise, Donald Trump par exemple.»
Bien sûr, toute ressemblance avec nos auditrices et auditeurs, lectrices et lecteurs, est purement fortuite. Alors, rendez-vous dans une prochaine chronique au pays de la Connerie !
Musique : Michaël Mathy.
Sun, 01 Sep 2019 - 3min - 412 - Dictatures et censures, prisonniers et amitiés (Partenariat avec POUR Écrire la liberté)
Pour terminer cette série de chroniques consacrées aux Geôles d’Alger (Éditions Riveneuve) du journaliste Mohamed Benchicou, directeur et éditorialiste du Matin, auteur du livre « Bouteflika, une imposture algérienne » (photo Le Matin), injustement enfermé deux années au terrifiant pénitencier d’El-Harrach, il me plaît à rendre hommage à ce confrère et à toutes celles et tous ceux qui l’aidèrent dans son combat pour la Démocratie. Ils furent très rares au début, soit ils se taisaient par peur, lâcheté ou copinage avec le Pouvoir omnipotent, soit ils étaient à leur tour enfermés ou, pire, se suicidaient ou étaient suicidés.
Puis, grâce à un Comité de soutien aux journalistes algériens, tout en montrant de la solidarité avec les détenus maltraités dans les prisons et parle système judiciaire, ce Comité, donc, ne cessa de clamer cette situation dictatoriale, a fortiori quand le quotidien Le Matin fut rayé de la carte médiatique sur injonctions de Bouteflika et de ses sinistres acolytes.
Dictatures et censures cohabitent intimement, on ne le sait que trop bien.
Je cite Mohamed Benchicou : « Les démunis, comme tous les exclus que j’ai croisés en ces lieux, les catacombes souterraines du tribunal d’Alger et les geôles d’El Harrach, qu’ils soient chômeurs, délinquants ou catins, ces démunis m’ont pourtant toujours offert leur unique richesse : l’amitié. Ils souffraient visiblement de voir enfermé un journaliste pour ses articles et vivaient cette injustice comme une profanation des derniers espoirs sacrés qui maintiennent dans mon pays, la flamme en des lendemains meilleurs. Les haillons de la misère couvrent d’incroyables vertus. »
Et de citer pour conclure, le privilège de la plume libre, celui d’une réponse d’Albert Camus lorsque, invité à faire le bilan de son expérience à la tête de Combat, le quotidien de résistance, il avait simplement répondu : « Au moins, nous n’avons pas menti ! » et ce propos de Nelson Mandela : « Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »
Albert Camus, Nelson Mandela, Mohamed Benchicou, toutes proportions gardées, sont de la même famille des vrais défenseurs de la Liberté.
Musique : Michaël Mathy.
Sun, 25 Aug 2019 - 411 - Marcher la tête haute (En partenariat avec POUR, Écrire la liberté)
« Dans la solitude glacée de ma cellule, j’ai souvent médité sur le charme pervers de la plume. Elle aurait pu tout aussi bien me déposer au cimetière. Dans notre société asservie à toutes sortes de religions, le délit d’écrire est réservé aux âmes pécheresses ; celles qui, tôt ou tard, subiront le châtiment de l’impardonnable apostasie. Chez nous, la plume avance au milieu d’une forêt de glaives qui ne rêvent que de la décapiter… »
Chez nous ? C’est en Algérie. La plume ? C’est celle de Mohamed Benchicou, journaliste, écrivain, fer de lance d’Alger Matin, premier quotidien indépendant algérien, fondateur du Matin, auteur de « Bouteflika, une imposture algérienne », ardent militant de la transparence, de la liberté de penser, donc, d’écrire, et de la solidarité.
Sa cellule ? Celle de la terrifiante prison d’El-Harrach, là où croupissent des êtres humains qui, pour beaucoup, ont eu le tort de marcher la tête haute. Ce que détestent le Pouvoir et ses sbires.
Et l’auteur de clamer : « Dans un pays où la corruption règne sur les hommes et nargue la morale, les dirigeants savent protéger leurs amis délinquants, même les plus encombrants ; et lâcher leurs serviteurs démunis, fils du peuple d’en bas », tout en expliquant que « le pouvoir politique a toujours su disposer de juges aussi talentueux dans l’art d’incarcérer les innocents que dans celui de protéger les vrais coupables. »
Et, comment ne pas approuver Mohamed Benchicou lorsqu’il écrit : « Ne rien dire des subterfuges par lesquels s’éternisent les autocraties dans nos pays, c’est accepter d’en être complice. »
C’est également l’avis à Fréquence Terre que certains tentèrent aussi de faire taire, mais jusqu’à présent, malgré quelques aléas, les « routards de l’écologie » que nous sommes, selon Télérama, on tient le coup. Et qui dit écologie, dit humanisme, bien entendu !
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Sun, 18 Aug 2019 - 2min - 410 - Brocardons la bêtise humaine ! (En partenariat avec POUR écrire la liberté)
Depuis la nuit des temps, on sait que ceux qui rampent devant le Pouvoir, quel qu’il soit, se prostituent littéralement par lâcheté, concupiscence ou intérêt et n’hésitent pas à fouler à leurs pieds, voire écraser, les concepts de liberté et de solidarité.
Cette indignité doublée, dans certains cas, d’inhumanité, touche tous les continents et l’Histoire foisonne d’exemples en ce sens, tel celui de Mohamed Benchicou, victime d’une violente injustice, qui a connu « Les geôles d’Alger », titre de son témoignage aux Éditions Riveneuve.
Un homme qui osa tenir tête à ces rampants, tricheurs, manipulateurs, affairistes, corrompus, prétendus puissants prêts à sacrifier leurs propres enfants pour assouvir leur soif de Pouvoir, d’argent et de gloire, l’un n’allant plus sans l’autre, visiblement.
Des journalistes, écrivains, compositeurs, dessinateurs, photographes, poètes, citoyens engagés…, paient encore de leur vie, pour certains, leur volonté de « brocarder la bêtise humaine et l’appétit vorace de potentats de toutes confessions », d’autres, mutilés physiquement ou psychologiquement, en réchappent de justesse, ou s’exilent et, alors, endurent la menace de représailles ou, pire, finissent par se suicider ou sont suicidés !
« Les geôles d’Alger » est plus qu’un livre apportant l’inestimable témoignage d’un journaliste engagé, comme son équipe, pour la liberté d’expression et celle du peuple, ce qui va de pair, mais un devoir de Mémoire sur lequel Fréquence Terre s’appuie aussi dans son inébranlable volonté d’indépendance et de mobilisation pour une société fraternelle.
Le journal Le Matin, quotidien algérien, lui, subit les pires attaques (assassinats de certains de ses journalistes, manigances du Pouvoir pour le discréditer, jusqu’à l’empêcher de paraître…) comme l’explique Mohamed Benchicou : « Dans le monde de l’argent sale, les amitiés sont souvent solides (…) C’est pour toutes ces impertinences dans un monde courtisan, pour ces voiles soulevés sur la tromperie, mais aussi pour toutes nos imprévoyances, c’est pour tout ça qu’a été décapité ‘‘Le Matin’’. Aujourd’hui encore, écrit-il dans son livre, je pense que sa disparition dans l’honneur apporte plus à la cause de la liberté qu’une existence dans l’indignité. »
Et, souvent, trop de ses confrères jouent encore la détestable politique de l’autruche et rechignent à soutenir ceux qui luttent pour une société libre !
Musique : Michaël Mathy.
Tue, 13 Aug 2019 - 3min - 409 - « L’homme n’a pas envie de gouverner : il a envie de contraindre ! »
Lire pour la première fois La Condition humaine d’André Malraux dans l’édition de 1946 parue chez Gallimard, fut pour moi une révélation concrète au-delà des informations ponctuelles glanées durant des décennies, comme je l’ai déjà expliqué dans une première chronique intitulée « Il n’est pas trop tard » au sujet de ce chef-d’oeuvre.
Après trois cents pages de descriptions précises qui fixent avec un luxe de détails la situation dans Shanghai en pleine insurrection, la dernière centaine de pages est un long suspense qui s’amplifie pour donner un profond sentiment de révolte face à la torture et aux gens jetés vivants dans le feu de la chaudière de locomotives.
Et, durant ce temps, des hommes d’affaires évoquaient un Consortium, la politique du risque et la protection de l’épargne !
Quelques propos balisent ces dernières pages de toute leur puissance évocatrice qui fit d’André Malraux, un « grand » de la littérature et qui, rappelons-le, fut un militant antifasciste : « On fait de bons terroristes avec les fils de suppliciés », « Un homme qui va sans doute vous faire tuer ressemble décidément à n’importe quel autre », « L’homme n’a pas envie de gouverner : il a envie de contraindre » et « Il est très rare qu’un homme puisse supporter sa condition d’homme ».
Musique : Michaël Mathy.
Sat, 10 Aug 2019 - 1min - 408 - « Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts ! » (POUR)
Depuis des mois, de manière remarquablement pacifique, le peuple algérien fait entendre au Pouvoir et à ses acolytes, qu’il ne veut plus de leur régime. Une fois encore, cette fronde est très vive en Kabylie, là où j’ai travaillé comme technicien de 1969 à 1971, sans toutefois mesurer la puissance de caractère de ses habitants. Chose est faite, quelques décennies plus tard. En effet, un ami Kabyle, Larbi Adouane, ancien collègue à Bejaïa, devenu à son tour auteur, vient de me faire parvenir « Les geôles d’Alger » de Mohamed Benchicou (Éditions Riveneuve), un journaliste engagé à l’instar d’Albert Camus, et qui fut incarcéré deux années dans la terrifiante prison d’El-Harrach pour n’avoir pas courbé l’échine devant ledit Pouvoir et ceux qui sont de connivence avec lui.
Cependant dans mon subconscient, au fur et à mesure de mes échanges épistolaires avec mon ami et la lecture des informations concernant la « Décennie noire » et le présent mouvement de contestation dans ce pays d’Afrique du Nord, j’avais comparé la Kabylie aux Ardennes, dont je suis originaire.
Ainsi, à la mi-juillet, j’ai réalisé un reportage consacré aux Hautes Ardennes sous le titre « Immortelle âme ouvrière et artisanale » et précisé : « Ici défilent l’Histoire de gens qui l’ont façonnée au fil des siècles, parfois tourmentés, telle la Bataille des Ardennes, du labeur d’un peuple d’artisans et d’ouvriers que l’on dit ‘‘têtu comme un Ardennais’’, alors qu’il s’agit de courage et de ténacité à la tâche… »
Et, grâce à la lecture du touchant ouvrage de Mohamed Benchicou, dont il sera amplement question dans une prochaine chronique, j’ai compris que mon ressentiment n’était pas erroné. Je le cite : « La Kabylie, région orgueilleuse, jalouse de sa culture et de sa langue amazighes, que les dictatures algériennes ont toujours méprisées, on est toujours prêt au combat pour son honneur, son identité, son histoire et, pour tout dire, son indépendance. Les Kabyles, au fil des siècles, contre les envahisseurs de toutes races et de toutes confessions, ont toujours su protéger leurs racines des perversions et de l’oubli. »
Et il précise aussi au sujet du caractère du Kabyle : « Le Kabyle apprend à affronter les écueils de la vie, à durcir sa résistance et à se forger, très tôt, une personnalité originale, l’attachement à la langue, un amour passionné pour sa terre, un refus constant de la soumission, un mode de vie, une poésie et une littérature singulières par lesquelles la mémoire s’est transmise de générations en générations. »
Enfin, comment ne pas être touché par ces « gavroches kabyles » clamant : « Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts ! » ?
Poser la question est y répondre.
Musique : Michaël Mathy. http://www.michaelmathy.be/#music
Wed, 07 Aug 2019 - 3min - 407 - « Cathédrale » de Chantal Dupuy-Dunier (Éditions Pétra)
« Chaque fois que je découvre l’architecture d’une cathédrale, je demeure saisie d’admiration pour ses bâtisseurs. Quelque chose, qui est indépendant du fait religieux – l’auteure de cet écrit se dit d’ailleurs devenue « incroyante » -, me fascine, me baigne, me parle. Je sais le passage sous l’édifice de cours d’eau semblables au langage poétique, de lignes de forces agissantes à l’image de la poésie. Je sais les bâtiments érigés sur les vestiges d’autres bâtiments, dans un lieu identique, souvent sacré bien avant Jésus-Christ. Je sais l’âge des pierres, leurs vies successives.
(…) Mythes et histoire coexistent dans les cathédrales, ce qui les rapproche encore davantage de l’imagerie poétique.
(…) Si j’étais née, ou j’avais grandi dans une autre culture, j’aurais écrit ‘‘Mosquée’’ ; ‘‘Temple’’, ‘‘Synagogue’’, ou ‘Temple bouddhiste’’. Des édifices comme Sainte-Sophie d’Istanbul (qui fut une église), la Synagogue de Jéricho, le Temple de la Montagne parfumée creusé dans le rocher, pourraient assurer le même rôle, porter une symbolique analogue. »
Suivent ces explications de la poétesse Chantal Dupuy-Dunier, auteure de Cathédrale (Éditions Pétra), quelque trois cents pages de textes, souvent magnifiques, parfois surprenants dans leur présentation, jamais futiles, que du contraire !
Il s’agit de trois suites logiques dans l’érection d’une cathédrale moyenâgeuse : le choix du terrain à bâtir selon un rituel bien précis, la construction et la contemplation du chef-d’œuvre, le tout agrémenté d’extraits de textes de Victor Hugo, Claude Baudelaire, Charles Péguy, François Villon, François-René Chateaubriand, Paul Claudel, Gérard de Nerval, entre autres.
Ce livre est une sorte d’ode à ce Patrimoine extraordinaire qui ne laisse personne indifférent, tels ces passages spécialement choisis :
« Un bâton à la main
je traçais des signes dans le sable.
Le bâton que je tenais
possédait le pouvoir de chanter.
Il était l’archet de la terre. »
et
« Bertrand le Bourguignon et Géraud l’Hirondelle[1],
poètes de la pierre,
Vous vous êtes posé les mêmes questions,
Avez ébauché les mêmes réponses.
Bâtir était votre écriture
et cette cathédrale
une enluminure sur la page du ciel (…) »
[1] Premier et deuxième Maîtres d’Œuvre.
Musique : Michaël Mathy.
Sun, 30 Jun 2019 - 406 - « Crimes et châtiments » de Marc Metdepenningen (Éditions Racine)
Vingt-cinq chapitres et autant d’affaires criminelles dans Crimes et châtiments (Éditions Racine) de Marc Metdepenningen, chroniqueur judiciaire depuis trente-cinq ans au quotidien Le Soir, consultant à Europe 1, RTL, Le Parisien…
Quel que soit l’endroit où se déroule un crime, c’est toujours un drame, seul le châtiment peut varier selon les lois pénales et, fort d’une solide expérience doublée d’un art de la synthèse, l’auteur retrace les actes de trois brocanteurs accusés d’agressions dans un presbytère, de deux crimes en plein Océan Atlantique, d’une guéguerre violente entre partisans d’un cimetière paroissial et ceux pour un municipal dit « trou aux chiens », d’un policier ripou criminel, d’un couple diabolique composé d’un maire et de l’épouse d’un artisan, celui-ci échappant de justesse à l’empoisonnement et aux coups de feu, le procureur général s’écriant pour l’occasion : « L’ouvrier aussi a droit à la protection de la loi ! »…
Il y a aussi, les affaires d’une teinturière surprenant son mari dans les bras de sa jeune sœur, de trois personnes massacrées chez un notaire, de la vengeance du « cocu de la capitale », son épouse le trompant avec le peintre réputé Félicien Rops, entre autres, d’enfants assassinés, pour un déni de grossesse, par exemple, d’autres, « les petites anglaises », envoyées se prostituer dans des bordels, d’une fausse erreur judiciaire aux relents politiques, d’un jeune ouvrier lillois amoureux fou d’une « fille légère » bruxelloise lui ayant transmis une maladie vénérienne, d’une empoisonneuse à la digitaline qui « tuait les vieux et faisait pleurer les enfants »…
Pas de fiction, mais la réalité précise l’auteur : « Les drames d’hier semblent souvent être la première version de ceux qui surviennent aujourd’hui. L’âme humaine de ces ancêtres, lorsqu’elle est criminelle se nourrissait des mêmes égarements que ceux qui sont exposés à notre époque dans les cénacles judiciaires. L’amour trompé, la jalousie, l’appât du gain, la vengeance sont depuis la nuit des temps des sentiments exacerbés qui guident la main criminelle. Il n’y a pas de ‘‘grands’’ et de ‘‘petits’’ procès : tous permettent de s’intéresser au destin de ceux qui les ont commis et à ceux qui en ont été les victimes. »
Cet essai de quelque 225 pages en est le reflet et son intérêt réside, outre une écriture agréable à lire, dans la multiplicité de comportements qui fait le quotidien de tout un chacun et qui, parfois, peut amener une personne dans le box des accusés ou, hélas, devenir victime.
Wed, 26 Jun 2019 - 3min - 405 - Pour un vigoureux et efficace lobby citoyen
Le mensuel du centre d’Action Laïque (www.laicite.be) Espace de Libertés, consacre de nombreuses pages à un dossier également abordé à plusieurs reprises sur nos antennes : le lobbyisme.
Nous y apprenons qu’« environ 30 000 lobbyistes travaillent à Bruxelles pour influencer la législation européenne. »
Naguère, nous avions répercuté les propos d’un parlementaire progressiste européen qui disait : « On les met à la porte, ils rentrent par les fenêtres ! » Fenêtres largement ouvertes de l’intérieur, ce n’est pas José Manuel Barroso qui nous démentira.
Tour à tour, Espace de Libertés rappelle quelques affaires peu reluisantes : le dieselgate, le glyphosate cher à Monsanto-Bayer, le tabac, les implants mammaires, les droits d’auteur… et, quand on apprend que 31% des parlementaires de la législature 2009-2014 ont ensuite travaillé pour des lobbys, même 50% pour d’anciens commissaires, on se demande qui va pouvoir mettre bon ordre dans cette situation où, sans conteste, la déontologie et la démocratie sont en péril, ci ce n’est un vigoureux et efficace lobby citoyen !
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Mon, 17 Jun 2019 - 1min - 404 - Abeille, concorde et harmonie (Thomas Grison, MdV Éditeur)
À l’heure où seuls les éco-sceptiques nient la disparition progressive des abeilles dans maintes régions tant la pollution fait des ravages, voici un ouvrage qui tombe à point puisqu’il traite du Symbolisme de l’abeille (MdV Éditeur) et l’auteur, Thomas Grison, précise que si le lion est considéré comme le roi des animaux, la toute petite abeille suscite depuis toujours l’admiration des amoureux de la nature, des amateurs de miel, mais, également, des poètes et des philosophes.
Ainsi, Pline l’Ancien (23-79) la vénéra pour son miel, la cire qu’elle produit et le modèle de société qu’elle développe dans la ruche. Il écrivit même qu’elle a une morale !
Au XVIIIe siècle, la Franc-Maçonnerie l’adopta comme puissant symbole d’idéal de fraternité, d’entraide et d’organisation d’une Loge où doivent toujours régner concorde et harmonie. Ce qui, dans le fond, ferait tant de bien à la planète !
Sun, 09 Jun 2019 - 1min - 403 - « Être plus » : actus positives
Le magazine Être plus (www.agendaplus.be) a la particularité d’être indépendant et distribué gratuitement dans des magasins bio, salles d’attente de praticiens de santé naturelle et de contenir une double page d’actualités positives.
Ce mois, dans une rubrique à caractère international, tel que le concept « honte de prendre l’avion » en faveur du train en Suède qui se traduit par une baisse du transport aérien pour une nette augmentation du ferroviaire, on apprend que la petite ville de Saône-et-Loire, Tramayes, serait la première collectivité à être passée à une énergie 100% renouvelable, que le Vanuatu est le premier pays au monde à interdire les couches jetables, les gobelets, emballages, couverts polluants, que le Sikkin, état indien de 600 000 habitants est le premier au monde à être 100% bio, que l’Australie plantera un milliard d’arbres sur son territoire d’ici 2050, qu’Adidas va vendre 5 millions de paires de baskets fabriquées à partir de plastique repêché dans les océans et ne plus utiliser que du plastique recyclé dans ses produits pour 2024, que la population des tigres sauvages au Népal a doublé cette dernière décennie grâce à la protection de l’espèce, eh bien, on en redemande pareilles infos, non ?
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Sun, 02 Jun 2019 - 402 - « L’or du lin » de Joël Raguénès (Calmann Levy)
Entre des essais politico-sociaux et des ouvrages dits de « vécu » qui font l’actualité, il n’est pas vain de prendre le temps de lire un roman, même s’il a été édité une ou deux années auparavant, voire davantage. Ainsi, on se recharge l’esprit avec une littérature qui a le grand avantage d’être intemporelle.
Ainsi, en est-il avec L’or du lin la remarquable saga écrite par Joël Raguénès dans l’imposante collection « France de toujours et d’aujourd’hui » des éditions Calmann Levy où l’on retrouve des auteurs bien connus de nos auditeurs, tel le regretté Jean Anglade, mais aussi Françoise Bourdon, Annie Degroote, Jean-Paul Malaval…
Pour apprécier L’or du lin, il faut aimer les récits qui content une transmission. Dans ce cas-ci, c’est celle du négoce de toiles de lin et voiles de chanvre au XVIIe siècle, qu’Yves, 57 ans, quelque peu usé par des décennies de voyages et de contacts avec fournisseurs et acheteurs, a transmis à son fils Melaine par l’exemple : « C’est la méthode la plus simple, la plus sûre et la plus rapide pour inculquer à un débutant les principes de base d’un métier, même si chaque être humain a sa propre façon de l’exercer. »
Cependant, quand son futur successeur lui demanda d’où lui provenait cette bosse du commerce, Yves fut bien obligé de lui parler de son oncle Baptiste, corsaire à Saint-Malo.
Alors, ici, commence réellement ce qui, durant plus de quatre cents pages, va tenir en haleine le lecteur et, dans le fond faire oublier l’actualité socio-politique et les « vécus » !
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Sun, 26 May 2019 - 2min - 401 - « Un violon en forêt » de Didier Cornaille (Les Presses de la Cité)
Le dilemme quand vous lisez plusieurs fois un même auteur et que vous avez l’apprécié, est de savoir s’il en sera de même avec l’ouvrage que vous débutez, malgré ce qu’en dit la quatrième de couverture.
Ainsi, j’avais adoré Les Trois Chats de Chamasson écrit il y a une paire d’années par Didier Cornaille et allais-je y ajouter Un violon en forêt ?
Certes, comparaison n’est pas raison, mais force de constater que, si ce nouveau récit de terroir relève d’une tout autre histoire, il m’a autant enthousiasmé.
Magie de la plume ? Choix d’un récit qui accroche ? Les deux à la fois ? Allez savoir et, dans le fond, peu importe.
En revanche, la guéguerre que se livraient les villageois de Chausseney et Montfort se partageant les côtés d’une immense forêt et les roches de Montcouvert, ce n’était pas n’importe quoi depuis des générations !
À ce combat de coqs, s’ajoutaient des détails qui donnent la raison que telle famille ne daigne même pas saluer telle autre famille, que l’on change de trottoir, ou, plutôt de chemin afin de ne pas rencontrer tel villageois…
Ajoutons que routes, rails, nouveaux commerces, débuts du tourisme dans l’un de ces villages du Morvan attirent automatiquement la jalousie et l’envie de l’autre, et cela devient une quasi querelle permanente.
Jusqu’au jour où, un jeune de l’entité défavorisée tombe amoureux d’une belle de l’autre côté de la frontière et l’épouse, c’est cependant encore considéré comme une traîtrise, mais, son petit-fils qui adore revenir en week-end se promener avec son cheval dans la région, tombe, à son tour, amoureux, mais d’une jolie violoniste de la ville, Guillermina, squattant une ferme abandonnée Elle trouve l’acoustique de la région exceptionnelle, eh alors, cela va tout changer ! En 300 pages vous allez vivre la métamorphose d’une région sous le splendide label de « convivialité », en somme.
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Sun, 12 May 2019 - 2min - 400 - Conscience verte et capitalisme dévastateur (4)
Les peuples racines, ceux qu’il arrive de mépriser en les appelant « les sauvages », avaient un principe de vie fondamental qui, outre le respect de l’environnement, était l’esprit collectif. Dans l’ouvrage Sagesses d’ailleurs de Frederika Van Ingen[1] qui a rencontré des « Passeurs de Mémoire », il est souligné que l’homme contemporain se doit de puiser la philosophie de sauvetage de notre planète malmenée dans le principe de vie de ces peuples : arrêtons nos individualisme et narcissisme exacerbés pour revivre en collectivité, cela permettra de se débarrasser des dogmes, de différences et autres sectarismes et fera place à la vie, à l’univers, à la perception de l’autre et de soi, à une intelligence collective.
En somme, il s’agit d’un retour aux pratiques de reliance et au langage de la nature, sans pour autant rejeter systématiquement des progrès technologiques et scientifiques.
Carl Gustav Jung (1875-1961) avait parfaitement assimilé certains enseignements de peuples racines quand, en 1925, il se rendit en Arizona et au Nouveau-Mexique et s’intéressa à la pensée des Indiens Pueblos, Navajos, Hopis…, puis au Kenya à la rencontre de peuples indigènes : « Ce fut à partir de ces rencontres qu’il élabora l’idée d’un inconscient collectif à toute l’humanité. »
Mais, l’ouvrage de Frederika Van Ingen est aussi particulièrement instructif en signifiant que pour les Amérindiens contemporains, l’importance vitale de la sauvegarde de la culture originale qui, au fil des décennies, disparaît de plus en plus, se fait de manière dramatique au point que des statistiques dressées en 2009 et 2014 montrent que le taux de suicide est très élevé chez les jeunes Apaches de moins de 25 ans : treize fois plus que dans l’ensemble de la population américaine du même âge.
Deux raisons sont avancées à cet inquiétant constat : ces jeunes ont perdu la fierté d’être apaches et le fait de ne plus pouvoir vivre leurs traditions.
En d’autres endroits, la situation fut partiellement sauvée, ainsi, au cœur de l’Amazonie, les Surui étaient environ 5 000 et en trois ans, de 1969 à 1972, ils sont passés à 242 depuis que débarquèrent les colons coupant leurs arbres et apportant leurs maladies, jusque là inconnues de ce peuple racine.
Après un dur combat pour sauver ce qui pouvait encore l’être, un plan sur cinquante ans de gestion de ce patrimoine a été mis péniblement en place en 2000 pour une adaptabilité au monde industriel et un respect de la Terre-Mère.
La fameuse conscience verte de ces peuples qui, en l’associant à la vision occidentale capitaliste devrait pouvoir sauver un minimum de ce patrimoine humain exceptionnel. Le défi est grand mais il est vital. Pour eux et pour nous.
[1] J’ai Lu, France, 2018.
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Sun, 05 May 2019 - 3min - 399 - Grândola Vila Morena : Terre de fraternité où le peuple commande
Il y a peu de temps, le Portugal célébrait le 45e anniversaire de la « Révolution des Œillets », c’est-à-dire ce moment historique de 1974 où, pacifiquement, la dictature fut remplacée par la démocratie.
Et tout, ça avec l’aide précieuse d’une chanson : « Grândola vila morena » du poète José Afonso dit Zeca.
« Terre de fraternité,
Grândola ville brune
En chaque visage l’égalité
C’est le peuple qui commande »
Dans un livre qui vient de paraître aux Éditions Otium, Grândola vila morena, Mercedes Guerreiro et Jean Lemaître nous retracent, heure par heure, le déroulement de cet extraordinaire instant de libération de tout un peuple qui, durant près de cinq décennies, avait vécu, plutôt survécu, dans le régime de terreur de Salazar et de ses sbires, dont la tristement célèbre PIDE devenue DGS, police politique secondée par les traditionnels indicateurs.
Et, ce fut grâce à la diffusion sur antenne de la chanson de Zeca, que le signal de départ de cette révolution put avoir lieu dans la nuit du 24 au 25 avril. Aussitôt, vingt-quatre unités des armées (marine, aviation, infanterie), réparties dans tout le pays, se mirent en marche et renversèrent la dictature de manière, j’insiste, totalement pacifique.
Inutile de dire que cette opération avait été minutieusement préparée, car les fonctionnaires de la censure, les indics, les policiers en civil, des fidèles du fascisme… quadrillaient le pays et veillaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D’ailleurs, la « Révolution des Œillets » n’a tenu qu’à un fil, comme il est expliqué dans le livre.
L’auteur, Jean Lemaître, lors d’une présentation de cette nuit exceptionnelle, attira l’attention, entre autres, sur le fait que les jeunes militaires qui avaient réalisé le soulèvement avec le peuple, se sont ensuite retirés dans leurs casernes et qu’actuellement, les forces de l’ordre et armées portugaises défilent lors des commémorations en rangs serrés « fières de ne plus être le bras armé d’une dictature ».
Outre le récit de ce moment d’Histoire, les auteurs s’attardent sur la personnalité de José Afonso et le sens profond donné aux paroles de sa chanson.
En lisant cet ouvrage, on se dit que l’on ne voudrait plus revivre pareille période de terreur et, pourtant, la peste brune semble à nouveau, petit à petit, envahir l’Europe et que l’on s’éloigne insidieusement de cette « terre de fraternité où à chaque coin de rue on rencontre le visage de l’égalité. »
Musique : extrait de « Grandôla vila morena » (youtube)
Thu, 02 May 2019 - 5min - 398 - Gaston-le-philosophe
Le magazine Philosophie vient de rééditer le surprenant ouvrage Gaston, un philosophe au travail. Non, il ne s’agit pas d’un gag digne de Franquin, le père spirituel de ce personnage désopilant de la BD, mais d’un livre qui analyse ce phénomène qui « ne dénonce rien, mais exprime une forme de résistance à l’ordre de l’entreprise ».
En somme, Gaston Lagaffe incarne un peu la désobéissance civile. Et, qui dit désobéissance civile, dit pacifisme dont n’est pas exclu l’humour. Que du contraire !
D’emblée d’ouvrage, le lecteur apprend que ce gaffeur invétéré est « une réponse possible à la question du sens, sinon de la vie, du moins, du travail. »
Alors, sociologues, anthropologue, philosophe des sciences, spécialistes de l’histoire des médias et des sciences, ingénieur, romancier, musicologue… analysent à partir de planches l’existentialisme cher à Gaston Lagaffe qui, dans le fond, est un adepte de la slow attitude, un doux subversif, un amoureux de la musique, un bricoleur qui préfigure le hacker, un activiste pacifiste, un poète, un inventeur…
Tout cela dans une série d’ouvrages aux sujets aussi sérieux que Montaigne, le Coran, Spinoza, l’Iliade et l’Odyssée…, il aurait été intéressant de connaître l’avis de Franquin, l’auteur de centaines de planches dévolues à son cher Gaston, sur toute cette analyse de spécialistes qui ont savamment décortiqué son œuvre que lui, hypothèse plausible, ne désirait produire que pour faire rire suite à une observation pointue de ses contemporains et une imagination fertile.
Peut-être que Gaston, un philosophe au travail, ne fait que corroborer la maxime que « Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », plutôt gaiement, sans chercher midi à quatorze heures !
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Sun, 28 Apr 2019 - 2min - 397 - « Lucie Lumière » de Gérard Georges (Les Presses de la Cité)
Il est des livres qui ne laissent aucune trace dans votre esprit, en revanche, comme le flux et le reflux de l’océan, certains vous reviennent tant ils vous ont marqué. Lucie Lumière de Gérard Georges (Presses de la Cité) est de cette dernière catégorie dans la mesure où, non seulement c’est remarquablement rédigé dans un style direct et avec une sorte de suspense quasiment à chaque page, mais l’histoire touche au plus profond de notre conscience.
Comment est-il possible que des êtres humains, prétendument civilisés, peuvent s’acharner sur une gamine qui, déjà marquée au fer rouge par le destin, puisque enfant de l’Assistance publique, doit subir sarcasmes, violences, humiliations, de la part de parents dits adoptifs et de leur entourage ?
Bien sûr, en adoptant cette enfant, cela rapporte un peu d’argent, mais quand les affaires vont bien et que l’avenir économique est prometteur, cet acharnement relève bien de la maltraitance, d’une sorte de sadisme qui ne peut qu’ébranler le lecteur.
Heureusement, Lucie a du caractère, est douée, a des projets chevillés en elle comme autant de défis, tout en restant aimable et serviable. Cependant, elle est déterminée et de ce village d’Auvergne où tout le monde lui est hostile, exception faite d’un enseignant qui a fini par comprendre la situation et lui tend la main, Lucie va s’extirper de ce milieu et sortir de l’enfer de maîtresse manière.
Il reste à souhaiter que tous ceux qui sont réellement dans sa situation puissent, un jour, connaître pareil dénouement.
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Sun, 21 Apr 2019 - 2min - 396 - Hommage à Notre-Dame : fiction, réalité et espoir
Durant des décennies, dans des articles, ouvrages, émissions radiotélévisées, conférences…, j’ai évoqué la cathédrale Notre-Dame de Paris, plus spécifiquement le remarquable chef-d’œuvre que nous transmirent les Compagnons-Bâtisseurs ou francs-maçons opératifs, exceptionnels artisans du Moyen Âge et leurs successeurs.
Construite à dessein sur un lieu « telluriquement » fort, elle était à l’image de leur devise : « La main est le prolongement de l’esprit ».
En faisant remarquer que le flot de visiteurs était dirigé à contresens des énergies, celui des aiguilles d’une montre, je soulignais aussi que plein de messages des imagiers moyenâgeux étaient taillés à l’extérieur de l’édifice et échappaient au circuit touristique balisé.
Ainsi, la toute petite représentation de la Connaissance (ou de la Philosophie, selon d’autres approches) au bas du trumeau central où une dame assise, les cheveux à l’horizontale signifiant les ondes telluriques, tenant deux livres, un ouvert (contrairement de ce qui a été dit par erreur sur antenne et dans le podcast) représentant l’exotérisme, un fermé (idem) signifiant l’ésotérisme, partie de la philosophie inconnue des profanes, une échelle à neuf barreaux posée sur sa poitrine, neuf étant le nombre de la Connaissance, cette petite sculpture, donc, était un subtil message indiquant que l’on se trouvait sur un lieu fort, qu’après avoir assimilé les notions des deux ouvrages et gravi les échelons, la Connaissance était au bout du chemin initiatique.(**)
Il y avait aussi le souvenir des Templiers où le procès inique se tint sur le parvis, où les Bâtisseurs arrêtèrent l’édification des tours par solidarité avec ces suppliciés par le pouvoir royal avec la bénédiction papale, également le « Ça ira, ça ira » de la Révolution et puis, Victor Hugo, Quasimodo, Esmeralda…
L’écrivain qui avait magnifié (*) cette cathédrale, avait, en visionnaire, décrit l’incendie de ce chef-d’œuvre dans Notre-Dame de Paris :
« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle. »
En ce 15 avril 2019, la réalité dépassa la fiction, mais place, à présent, à la reconstruction-restauration grâce à la maîtrise des Compagnons-Bâtisseurs et artisans contemporains, dignes successeurs de leurs collègues d’il y a sept à neuf cents ans.
(*) En 1831, date de l’édition de Notre-Dame de Paris, Victor Hugo attira l’attention sur l’état « inadmissi...Tue, 16 Apr 2019 - 4min - 395 - Louis Renault : réhabilitation d’un oublié de l’Histoire
Une fois n’est pas coutume, c’est à une bande dessinée, disons documentaire historique, qu’est consacrée cette chronique : Louis Renault – Inventeur de génie et artisan de la Victoire (Éditions du Triomphe), un album aux remarquables dessins de Willy Harold Williamson bien connu des bédéphiles puisqu’il publia chez Dargaud, Lombard, Dervy, Tredaniel…, entre autres, et l’historien Patrick Deschamp pour le texte, assez fourni.
À Fréquence Terre, Willy Harold Williamson confia qu’il passa des centaines d’heures à illustrer les 48 pages de cet ouvrage dévolu à l’épopée d’un gamin quasiment autodidacte au patronyme mondialement connu : « À 8 ans, né en 1877, Louis installait déjà l’électricité chez ses parents. S’il ne fit pas de hautes études, il se révéla au fil du temps un bricoleur génial. Particularité : il apprenait tout sur le tas et, même aux faîtes de sa gloire, il se rendait parfois dans l’un de ses ateliers pour façonner une pièce à coups de marteau avec une enclume comme support. »
Outre l’histoire de ce génial inventeur qui déposa quelque 800 brevets durant sa vie, l’intérêt de l’ouvrage réside dans le témoignage de sa petite-fille, Christine Renault, qui, dans la préface, corrobore les dires du dessinateur et apporte quelques précisions : « Louis, orphelin très tôt, était solitaire, secret, allergique aux conventions, mais il était passionné de métallurgie et de locomotion. Il détestait les diplômes, les banques et les mondanités, mais il était pragmatique et ce qui lui importait avant tout c’était de créer en toute liberté. »
À 44 ans, Louis Renault était à la tête d’un empire industriel et, aujourd’hui encore, précise sa petite-fille, à chaque fois que l’on conduit une automobile, on se sert de « la prise directe », son invention qui lui garde un caractère universel.
Cette confidence ultime : « Louis Renault est un oublié de l’Histoire ».
Alors, cette bande dessinée, dont elle eut l’idée, vient partiellement combler cet oubli en attendant le deuxième tome.
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Sun, 14 Apr 2019 - 2min - 394 - Sagesses d’ailleurs : Pour vivre aujourd’hui (3)
Cette troisième chronique consacrée à l’essai, disons initiatique, Sagesses d’ailleurs de Frederika Van Ingen (J’ai lu) évoque les peuples racines qui subsistent encore, ci et là, sur la planète.
À ce propos, l’auteure cite Umberto Eco qui conseille « d’aller voir ce que ces peuples premiers ont à nous dire, pour qu’ils puissent nous dire, à nous, Occidentaux, qui nous sommes. »
Un membre de l’un de ces peuples premiers, ceux qui sont tant toisés et méprisés, se confia à Frederika Van Ingen et elle en conclut :
« C’est le moment pour les Occidentaux de se pencher sur les connaissances des peuples premiers. Ils auront besoin d’elles pour inventer un nouvel ordre social, plus humain. Inventer un système social avec justesse, dont le point central, plutôt que la production et la consommation, serait l’humain qui, par définition prendrait en compte les fonctionnements psychologiques de l’homme (…) en commençant par l’écoute de nos émotions, perceptions, ressentis, impalpables et pourtant si réels et agissants, sortes de portes ouvertes – ou fermées – vers l’invisible, dont l’exploration pourrait nous réapprendre l’équilibre. »
Autre approche développée de manière magistrale dans l’essai, celle de François Demange[1] qui nous livre la plus belle et naturelle démonstration qui soit en matière d’antiracisme : la voie rouge.
C’est-à-dire que, quelle que soit la couleur extérieure de l’être humain, blanc, jaune, noir, métis…, tous nous avons du sang rouge !
Cette explication-ci me paraît aussi fort utile à relever :
« Il est difficile de jeter à la poubelle des siècles d’histoire de peuples indigènes de l’Amazonie, par exemple, qui ont vécu en osmose avec la nature avant l’arrivée de l’homme blanc colonial.
Ils avaient leur propre médecine, leurs propres visions du monde.
Et quand nous, on vient avec nos médicaments (qui sont aussi nécessaires mais qui ne sont pas la voie unique) et avec notre certitude que c’est ainsi que le développement doit se faire, quand on impose ces formes-là, on se ferme en même temps à la connaissance. »
L’auteure ferme cette importante parenthèse de manière assez catégorique :
« On a perdu ce langage fondamental énergétique de la terre, cette ouverture. On est devenu très carrés. Or il y a beaucoup plus de profondeur que ça dans la nature, dans l’univers, mais il faut en faire l’expérience pour le redécouvrir. »
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[1] De l’ombre à la lumière, Éditions Mama, France, 2014.Sun, 07 Apr 2019 - 3min - 393 - « Et si la révolution était possible » (2/2), Denis Langlois (SCUP)
Il me fallait bien deux chroniques pour vous présenter l’essai Et si la révolution était possible de Denis Langlois aux Éditions SCUP, tant cet auteur de terrain (objecteur de conscience, ancien de Mai 68, pacifiste, avocat de toutes les causes perdues donc utopistes…), propose en 120 pages un important matériau de réflexion.
En cette deuxième chronique, pas de longs discours mais quelques citations qui donnent un éclairage édifiant sur la manière de réagir dans notre société capitaliste, égoïste et violente et en faire une communauté internationale fraternelle et humaniste.
« Il y a lieu de former suffisamment d’animateurs, des donneurs de souffle, pour que leur permutation soit possible et qu’ils ne deviennent pas des politiciens professionnels, car n’oublions pas que les chefs naissent parce que les autres militants leur ont donné naissance. Un mouvement révolutionnaire doit être à l’image de la vie : libre, changeant, accessible à tous, enrichi des réflexions et du travail de chacun ».
Et l’auteur de peaufiner sa proposition : « Par définition, un mouvement révolutionnaire a besoin de toutes les bonnes volontés. Il représente le peuple, il est le peuple. Il en accueille toutes les composantes. Si l’on veut mener à bien une révolution et construire une société satisfaisante, l’impératif est clair : faire en sorte qu’elle ne soit pas régie par des rapports de pouvoir et même que le pouvoir n’y existe plus. Quand on n’a plus peur de celui-ci, ou plutôt qu’on a maîtrisé et dépassé sa peur, quand on n’a plus vis-à-vis de lui cet habituel complexe d’infériorité, quand on le défie, il n’est déjà plus tout à fait le pouvoir. »
Alors ? Comment réagir ? Denis Langlois propose : « Organisons des contre-forces selon nos possibilités sans violence car généralement plus difficile à contrer par les pouvoirs en place, surtout si l’humour en fait partie. Soyons honnêtes, écartons la censure, édifions un socle de valeurs acceptables pour tous, écoutons les autres, posons de bonnes questions, écartons la revanche, ne manipulons pas, établissons des canaux de communication plus sûrs et plus crédibles, le droit pour tous, l’épanouissement dans l’égalité, le bien-vivre ensemble, passons du travail forcé au travail choisi, allons à l’essentiel, renonçons à l’inutile… »
Bref, d’une prise de conscience individuelle, tendons vers une prise de conscience collective. Tout ça et bien d’autres éléments sont développés dans cet ouvrage, véritable mode d’emploi réaliste pour une indispensable révolution. Pacifiste, cela va de soi.
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Sat, 30 Mar 2019 - 392 - La spiritualité peut agir écologiquement
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
La deuxième chronique consacrée à l’imposant essai Sagesses d’ailleurs de Frederika Van Ingen (J’ai Lu) se base sur quelques citations et réflexions pour baliser notre cheminement dans la société.
« La crise écologique est le reflet de notre crise intérieure. Tout petits on nous apprend à vivre séparés ou coupés de la sensibilité, donc de ce qui nous unit tous. On nous apprend à porter des masques, d’être forts, de ne pas pleurer. Alors, nous ne sommes plus connectés aux valeurs de respect et d’altérité. Mais la spiritualité peut agir écologiquement. La liberté, c’est d’être qui on est et ne pas chercher à être ou à ressembler à quelqu’un d’autre », explique l’auteure.
Elle cite l’exemple du peuple racine des Maasaï. Un exemple de société extraordinaire. En Occident, celui qui se gausse d’être civilisé ferait bien de s’en inspirer pour tenter de redresse la catastrophe mondiale actuelle qui prend de l’ampleur.
Ainsi, « chez les Maasaï, la faconde n’est pas valorisée, comme chez nous. Chez eux, le porte-parole est souvent celui qui ne parle pas. Il n’y a pas de fossé entre le « dire » et le « faire », car ils mettent en application leurs valeurs humaines et ils sont tellement eux-mêmes qu’ils les incarnent naturellement. Or souvent, cette attitude intérieure suffit, sans parole, à transformer l’autre. »
Bien entendu, dans notre monde dit civilisé (et ailleurs), il y a les multinationales qui occasionnent des dégâts énormes, mais l’un des principes du peuple racine est, souligne l’auteure, « un concept qui donnerait une couleur intéressante à nos débats politiques : ne pas rejeter la faute sur l’autre, mais s’améliorer pour tenter de la réparer. »
En somme, ce sont des guerriers pacifiques, des guerriers spirituels, parfaitement équilibrés et centrés face aux épreuves.
Certes, ce n’est pas inné. Alors, dès leur jeune âge c’est l’apprentissage en communauté de la cohésion, de l’équilibre, de la complétude et de l’unité intérieure.
Vaste programme à nos yeux, habitude séculaire de génération en génération chez eux, avec pour rituel immuable le lien avec le cosmos, alors que nous, trop souvent, on trace son chemin frénétiquement de manière égoïste, égocentrique, au point de détruire l’écosystème qui nous donne la vie.
Autre constatation : les masques tombent, puisqu’ils sont inutiles, devant des gens authentiques.
Enfin, différence majeure : en Occident, on inculque aux jeunes des concepts, des façons d’être, chez les Maasaï les enfants les acquièrent par l’observation des aînés et l’expérimentation. En Occident, ils ont peur, peur de ne pas réussir, peur de ne pas être à la hauteur, là-bas ils vivent !
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Sun, 17 Mar 2019 - 3min - 391 - « Les Portes du Temple – De l’ignorance à la Connaissance » de Franck Zimmer (MdV Éditeur)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée » clama Alfred de Musset, eh bien, avec Les Portes du Temple – De l’ignorance à la Connaissance de Franck Zimmer paru chez MdV Éditeur, ce sont de fameuses portes qu’ouvre l’auteur puisqu’il propose au lecteur de « franchir cet obstacle – qu’est la porte – et d’entrer dans un monde sacré, réglé par des rites et des symboles légués par la Tradition ».
Mais ce chemin ne comporte pas qu’une seule porte, il y en a pas mal qu’il faut passer au bon moment, puisque, selon lui, « chacune d’elles recèle un enseignement indispensable pour progresser sur la voie de la Connaissance… »
Vous l’aurez compris, ces portes sont des épreuves initiatiques qui, outre celle du Temple, comportent les quatre éléments (Terre, air, eau et feu) et, bien entendu, le cheminement ne peut se faire qu’en assimilant et comprenant différents symboles.
Personnellement, j’ai bien aimé les explications entourant la chouette, bel oiseau qui incarne le mystère de la Lumière originelle que les ténèbres ne peuvent pas arrêter. Parole de vie, elle est la mère de tous les symboles, selon l’auteur, qui, comme on le devine, est un passionné de symbolisme.
Sat, 09 Mar 2019 - 1min - 390 - « Et si la révolution était possible » (1/2) de Denis Langlois (Éditions SCUP)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
Qui, mieux qu’une personne de terrain, pouvait écrire Et si la révolution était possible que Denis Langlois (Éditions SCUP), objecteur de conscience, condamné et emprisonné pour insoumission et refus d’obéissance, participant de Mai 68, auteur, avocat, témoin d’atrocités des conflits en Yougoslavie, Irak, Liban…, chantre du pacifisme… qui, d’emblée lance « N’offrons pas à nos adversaires les alibis et les justifications qu’ils attendent pour cogner. »
En France, constate-t-il, le dernier soulèvement visant à transformer la société remonte à Mai 68. Échec avec un vague prolongement électoral en 1981 et l’élection de François Mitterrand comme président de la république : « Une énorme désillusion pour ceux qui espéraient un changement radical, écrit l’auteur. Aujourd’hui, les inégalités sociales sont plus marquées qu’il y a cinquante ans. Cela veut-il dire que la révolution est impossible ? » se demande-t-il.
Après une démonstration convaincante sur les échecs successifs de révolutions armées, violentes, il n’hésite pas à dire : « Comment peut-on affirmer que le pouvoir révolutionnaire est au bout du fusil, quand c’est l’ennemi qui tient le fusil ? »
Sa réponse est claire et nette : « Seules les révoltes non violentes, celles qui permettent aux opprimés de s’appuyer sur la force insoupçonnée du nombre, ont quelques chances de réussir. Les pouvoirs savent comment massacrer ceux qui prennent les armes contre eux, ils sont toujours désorientés devant une population qui emploie des méthodes différentes et pratique notamment les manifestations pacifiques. »
En cela, Denis Langlois rejoint un autre activiste pacifiste efficace, Srdja Popovic, auteur de Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit et sans armes, dont il a aussi été amplement question sur Fréquence Terre.
Et, surtout ne croyez pas que les non-violents sont des lâches, passifs, inertes et « se tournent les pouces en attendant que les événements surviennent par miracle. »
Jugez-en : « Pas besoin d’être un militant chevronné bardé de cicatrices. Il suffit de vouloir lutter sincèrement contre l’injustice et l’inégalité. Inspirons-nous du boomerang, amenons la violence à se retourner contre la violence, créons des mouvements et surtout pas des partis qui, eux, donnent rapidement naissance à des partis pris et de la partialité. Il faut des mouvements où il n’y a pas de hiérarchies entre les activités intellectuelles et manuelles, le rédacteur d’un article n’étant pas considéré comme supérieur à la distributrice de tracts, ou l’inverse. »
En somme, je retrouve dans cette proposition l’esprit compagnonnique qui m’est cher : « La main est le prolongement de l’esprit » et cela mérite bien une deuxième prochaine chronique sur cet essai tellement utile dans notre société déboussolée.
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Sat, 02 Mar 2019 - 3min - 389 - « La politique expliquée aux enfants (et aux autres) » de Denis Langlois et Plantu (SCUP)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
Excellente initiative des éditions SCUP de réunir l’écrivain Denis Langlois, ancien avocat, figure marquante du pacifisme, auteur de nombreux ouvrages sur la justice, et le célèbre illustrateur Plantu, collaborateur au Monde et à L’Express pour l’essai La politique expliquée aux enfants (et aux autres).
Dix chapitres avec, pour chacun, un dessin de Plantu, composent cet ouvrage qui, effectivement, peut s’adresser aux adultes, tant, parmi ceux-ci, certains ont une attitude d’enfants !
Et, je ne peux qu’approuver la mise en garde assénée d’emblée : « Dire « Je ne fais pas de politique », c’est comme dire « Moi, je ne respire pas ! » car, effectivement, la politique ce n’est pas que les politiciens, les partis, les élections, les marchandages, les coalitions, « c’est aussi la manière dont les êtres humains organisent leur vie sur terre et la politique n’est pas seulement une chose sale à rejeter. De toute façon, si tu ne t’occupes pas de la politique, elle s’occupera de toi ! »
Donc, il y a intérêt à lire ou à relire le livre du duo Langlois-Plantu comme une sorte de guide pour les jeunes, mais un guide ne se veut pas donneur de leçon ou qui a la prétention de tout expliquer, et pour « les autres », une piqûre de rappel, en somme.
Bien sûr, comme l’explique avec justesse Denis Langlois, « comme il serait agréable de vivre dans un monde où personne ne chercherait à dominer les autres, où chacun serait l’égal de chacun ! Malheureusement ce n’est pas le cas », alors défilent les chapitres avec des explications simples – sans être simplistes, nuance ! – sur les partis, la droite, la gauche, les extrémistes, les opinions, un autre sur les médias et leurs rapports au monde politique, s’agit-il de rumeurs, mensonges, manipulations, réalité des faits, neutralité ?
Et puis, voici quelques pages tout aussi sensibles à expliquer de manière, disons, « neutre » : police, ordre, sécurité, terrorisme, justice, lois qui sont les règles votées par les politiques, ne l’oublions pas, le rôle des juges, les guerres et mourir pour la patrie, le fameux patriotisme, ou le pacifisme « qui rejette toute forme de violence » et ne veut surtout pas dire qu’il est question de lâcheté !
Et, encore, la pollution et cet extraordinaire dessin de Plantu remplaçant le globe terrestre d’une mappemonde par une poubelle, visiblement nauséabonde.
Et, comment oublier les inégalités entre les êtres humains, entre les pays ? Enfin, face à tout cela, place à l’action politique. « Encore faut-il faire un effort », souligne l’auteur. C’est-à-dire, agir en connaissance de cause. Après avoir lu cet essai, par exemple.
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Sun, 17 Feb 2019 - 3min - 388 - « Sagesses d’ailleurs » (1) de Frederika Van Ingen (J’ai Lu)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
Rencontres avec des mondes qui puisent leurs connaissances au plus près des fondements de la mémoire humaine en compagnie de peuples racines, de gardiens du Savoir, c’est-à-dire, celui des liens à l’autre, à soi-même, à la nature, à la vie, au métier d’être un être humain, à l’art de vivre ensemble : quel fameux programme, tellement urgent à remettre en pratique !
Ce programme, c’est celui, entre autres, développé dans l’essai Sagesses d’ailleurs de Frederika Van Ingen[1] qui donne la parole à des passeurs, des personnes qui se savent seconds et non premiers dans la réception de ce Savoir, qu’elles ne seront pas les dernières – du moins, c’est à espérer – et qu’elles se doivent de transmettre.
Ces peuples racines[2], c’est, en quelque sorte, notre Patrimoine humain et la Mémoire collective qu’ils entretiennent encore à leur manière et que l’homme moderne, dit civilisé, a perdu.
Ces passeurs, c’est aussi vous, c’est aussi nous, si vous avez décidé de vous engager, comme on tente modestement, mais avec conviction et sans relâche, de le faire à Fréquence Terre depuis plus d’une décennie. Et, pour ce faire, pas besoin d’organiser de grandes manifestations ou de vivre au fond d’un bois en ermite, mais de simples gestes suffisent déjà après des prises de conscience, même parcellaires au départ, et s’engager, petit à petit, dans cette voie de la Sagesse qui consiste à sauver notre planète du désastre.
C’est un premier pas, mais il compte plus amplement que ne le supposent les climato-écolo-sceptiques.
D’un simple exemple (qui vaut parfois plus qu’un long discours !), l’auteure Frederika Van Ingen pose une question qui, dans le fond, est tout le dilemme qui se présente à nous en ce XXIe siècle. L’exemple est celui du briquet Cricket (devenu Bic) né dans les années 1960. Il était rechargeable et sa flamme réglable. Aujourd’hui, il est jetable et sa flamme préformatée.
« À l’image d’une civilisation qui consomme, qui jette, qui va plus vite… et qui réduit la liberté de choisir sa flamme. »
Et la question fondamentale est la suivante : « Est-ce que l’être humain s’accomplit dans un monde technologique ou est-ce qu’il s’accomplit dans un monde où il se sent en harmonie avec ce qui l’entoure ? »
Dans cet important essai, j’ai encore relevé ceci en guise de conclusion à la première partie d’une série de chroniques qui lui sera consacrée : « Pas de doute, nos conditions de vies ont progressé. Mais on se pose rarement la question de ce qu’on a perdu. Et l’une des choses essentielles, c’est la confiance profonde que la vie fonctionne quand bien même on ne peut pas tout comprendre. »
[1] J’ai Lu, France, 2018.
[2] Peuples premiers et autochtones, de moins de 370 millions de personnes réparties dans 5 000 groupes d’environ 70 pays.Sun, 10 Feb 2019 - 3min - 387 - « La Chambre du Milieu » de Marc Steinberg (MdV Éditeur)
« Littérature sans Frontières » est une chronique de Pierre Guelff.
« Être Maître, c’est avant tout être maître de soi », dit-on communément dans les milieux initiatiques. Mais, dans ces milieux, le moment où se réunissent les Maîtres entre eux s’appelle la « Chambre du Milieu » et cette réunion s’organise généralement au sein même du Temple.
Il ne s’agit donc pas d’un endroit comme la célèbre « Chambre-à-coucher-du-Roi » de Louis XIV où défilait un tas de personnes pour assister aux petit et grand levers du monarque : valets, chirurgiens, officiers de la Couronne, aumônier, barbier, intendant…, soit plus de vingt personnages !
« La Chambre du Milieu », dont il est question dans le livre signé Marc Steinberg chez MdV Éditeur, est le moment où se réunissent les Maîtres, mais sans les Apprentis ni les Compagnons, a fortiori les profanes, et, comme le précise l’auteur : « La lumière de la Sagesse l’éclaire et cette Chambre se réunit pour travailler. »
Ce travail consiste généralement à établir l’ordonnancement du calendrier, l’organisation interne, des « affaires de familles » éventuelles, c’est-à-dire des situations particulières et des séances de réflexion approfondie.
Cette collection de MdV Éditeur consacrée aux « Symboles universels », est déjà riche de près d’une centaine d’essais où des rites et rituels, les Nombres, des légendes, principes, fonctions… sont expliqués et s’avèrent, pour les uns, un apprentissage ou une découverte supplémentaire, pour les autres, un rappel ou une confirmation de notions parfois oubliées; cependant, il s’agit toujours de conduire le lecteur à mieux ou davantage percevoir et propager la Fraternité universelle, celle dont notre société a tant besoin.
Musique : http://www.michaelmathy.be/#music
Pour aller plus loin :
* Le voyage initiatique de Christian Jacq (MdV Éditeur)
*
Étape-clé dans le cheminement du Compagnon d’Olivier Pouclet (MdV Éditeur)
Sun, 03 Feb 2019 - 2min
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