Nach Genre filtern
Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien La Croix et fondateur de L’Autre Afrique livre sa vision sur l’actualité africaine de la semaine écoulée. Entre analyse, réflexion et mise en contexte, cette chronique est l’occasion de donner du sens et de prendre du recul sur les événements de la semaine, mais également de revenir sur des sujets parfois traités trop rapidement dans le flot d’une actualité intense.
- 97 - Sénégal: une victoire source d'angoisses
À moins de transformer rapidement le Sénégal en un paradis terrestre, les leaders actuels de ce pays pourraient, passé la lune de miel, voir surgir une génération spontanée d’opposants virulents au Pastef, propres à leur donner des insomnies, comme eux, naguère, en donnaient à Macky Sall.
Avec l’écrasante victoire du Pastef aux législatives, le duo Bassirou Diomaye Faye - Ousmane Sonko va pouvoir déployer son programme au service du peuple sénégalais. Que laisse donc présager, pour la démocratie sénégalaise, cette victoire à laquelle beaucoup s’attendaient certes, mais pas avec une telle ampleur ?
Ce triomphe marque, en tout cas, une très grande confiance des Sénégalais en ce duo aux commandes de leur pays. La victoire, dès le premier tour, de Bassirou Diomaye Faye à la présidentielle de mars dernier, avec plus de 54 % des voix, pouvait être perçue comme la volonté d’en finir avec le président sortant et le successeur qu’il s’était choisi. Avec l’écrasante majorité du Pastef aux législatives, le doute n’est plus permis : le peuple sénégalais désire ardemment confier son destin à cette équipe nouvelle. Contrairement à ce que l’on observe dans de plus en plus de démocraties, les électeurs ne se sont pas, ici, servi de leur bulletin de vote comme d’un lance-pierre pour régler des comptes ou se venger. Ils ont choisi un président, en mars, et plébiscité, en novembre, un Premier ministre. L’on ne peut donc se méprendre sur leur volonté de confier leur destin à ces deux hommes, qui vont devoir mériter cette confiance, par des résultats palpables.
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C’est maintenant que commence véritablement l’alternance. Sauf que les électeurs de base du Pastef, qui ont, ces dernières années, mené la vie dure à Macky Sall, semblent avoir des besoins d’une relative urgence. Ils ne vont peut-être pas pouvoir patienter longtemps, sous prétexte que le passif hérité du président Macky Sall serait lourd. Cette belle victoire oblige donc le duo aux commandes du Sénégal à des résultats concrets, rapidement.
Faut-il comprendre qu’ils risquent l’impopularité, tous les deux ?
Elle les guette, en tout cas. Car, une si écrasante majorité à l’Assemblée nationale peut s’avérer une source d’angoisse, face à des populations qui n’en peuvent plus de patienter et pourraient, assez vite, s’agacer des allusions aux difficultés héritées du prédécesseur, trop souvent servies, pas seulement au Sénégal, comme justification à la lenteur des solutions à leurs propres difficultés.
N'oublions pas que le Pastef a lui-même prospéré, ces dernières années, sur les insuffisances réelles ou supposées du pouvoir de Macky Sall, face aux revendications et autres frustrations des Sénégalais lassés d’attendre. C’est ainsi que cette formation, arrivée en dernier sur l’échiquier politique, a peu à peu éclipsé ou réduit à leur plus simple expression les prétendants habituels. Il ne peut donc, décemment, appeler aujourd’hui les Sénégalais à se montrer raisonnables, ou à modérer leurs exigences pressantes.
Évidemment, le duo Faye-Sonko aura un délai de répit. Mais, s’il tardait à agir massivement sur le quotidien du plus grand nombre, des nouvelles oppositions, encore plus impatientes, et des protestataires, encore plus virulents, pourraient émerger pour les gêner.
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Ce n’est tout de même pas une fatalité...
Non. Mais c’est une constante du jeu démocratique au Sénégal. Chaque pouvoir trouve ou génère, dans son opposition, une frange qui les embarrasse en jouant sur les frustrations. Abdoulaye Wade l’a été pour Abdou Diouf quand celui-ci n’était pas rallié, au gouvernement. Abdoulaye Wade a eu les siens, plutôt des dissidents issus du PDS, son propre parti, tel Idrissa Seck ou Macky Sall, qui lui ont, certes, donné moins d’insomnies que lui n’en a donné à Abdou Diouf. Mais Macky Sall a fini par battre maître Wade. Ousmane Sonko aura été, pour Macky Sall, ce que Wade fut pour Diouf. À moins que le Sénégal ne devienne en quelques années le paradis terrestre dont rêvent certains, il n’est pas exclu, passée la lune de miel, que surgisse une génération spontanée d’opposants virulents au Pastef. Ousmane Sonko pourrait, alors, méditer sur les insomnies qu’il donnait naguère à Macky Sall…
Sat, 23 Nov 2024 - 96 - Botswana, Maurice: le meilleur de l'Afrique
Des dirigeants bien formés, qui ont un parcours professionnel solide, sont aussi la condition pour une gestion saine des États et des démocraties crédibles, où l'on ne craint pas l'alternance.
Deux pays du continent ont connu, durant cette première quinzaine de novembre, une alternance impeccable, sans psychodrame. Il se trouve que tous deux incarnent un certain sérieux, tant du point de vue économique que démocratique. Pourquoi ce qui semble si évident au Botswana et à Maurice est-il si difficile à obtenir sur l’ensemble du continent ?
Ce serait possible – pas facile – si, partout, les dirigeants comprenaient que gouverner, c'est œuvrer pour le bien de leur peuple. Sans doute avez-vous entendu le leader de la coalition victorieuse mauricienne affirmer, au moment de prendre ses fonctions, qu’il entendait faire de son pays un endroit où il fait bon vivre pour les citoyens. Ce ne sont pas que des slogans de campagne, comme en sont coutumiers des politiciens qui s’accrochent au pouvoir, sans jamais justifier cette insistance à s’imposer à leurs concitoyens par les améliorations qu’ils apportent dans la vie de ceux-ci.
Se former pour mieux diriger
Pas plus que le Botswana, Maurice n’est pas le paradis terrestre, et encore ! Mais, chez les dirigeants de ces deux pays, le souci de l’intérêt général est la règle. Au Botswana, c’est la première fois que l’opposition accède aux affaires. Non pas parce que le BDP, sigle anglais du Parti démocratique du Botswana, aux affaires depuis l’indépendance, confisquait le pouvoir en trichant ou en volant les élections. Il travaillait simplement pour mériter constamment la confiance des populations. Et leur longévité à la tête du pays tenait, pour beaucoup, au niveau d’éducation et à la compétence des dirigeants du BDP.
Ce ne sont tout de même pas des analphabètes qui gouvernent dans les pays où l’alternance semble impossible et la démocratie, douteuse… Non, pas des analphabètes, mais beaucoup de demi-lettrés ou de pseudo-intellectuels. Les diplômes ne sont, certes, la garantie de rien. Mais une bonne formation et une carrière professionnelle solide obligent à plus de scrupules et à une certaine tenue.
Entendons-nous bien : il est, dans notre Afrique, des pays qui ont été mieux gérés par des employés des postes et des instituteurs dignes qu’ils n’ont pu l’être par des administrateurs civils bardés de diplômes. Mais, quand on est, comme certains de ceux qui ont été présidents du Botswana depuis l’indépendance, des juristes ou des économistes, formés à Oxford, qui ont exercé à la Llyod’s de Londres ou au FMI, quand on est un officier formé à l’Académie royale militaire de Sandhurst, en Grande-Bretagne, on a plus de peine à se présenter devant l’opinion en étant un tricheur patenté, incompétent et prospérant sur les malheurs et le dénuement de son peuple.
C’est quoi, gouverner dans le sens de l’intérêt général ?
Sur Maurice, un exemple de compétence, qui parlera à nombre d’Africains des pays membres, à l’époque, de la multinationale Air Afrique : lorsque la compagnie, de turbulences en turbulences, a fini de tout essayer, en vain, c’est à un ancien patron d’Air Mauritius que les États ont fait appel, pour tenter de sauver une des plus belles réussites de ce que l’on appellerait le panafricanisme vrai. Parce qu’Air Mauritius était un modèle de gestion. Maurice, cette lointaine île de l’océan Indien, était pourtant à peine aussi peuplée que le moins peuplé des États d’Air Afrique. Hélas ! Il était déjà trop tard. Et Sir Harry Tirvangandum n’a rien pu faire pour sauver Air Afrique. La réputation de sérieux des Mauriciens n’était pas usurpée, pour autant. Dans ce pays, on gouverne d’ordinaire dans le sens de l’intérêt général...
Dans un pays comme le Botswana, qui fait un usage intelligent de son diamant, les dirigeants veillent à ce que les richesses nationales profitent à tous, et pas seulement à un clan. Nous avons déjà eu à souligner ici que l’État octroie systématiquement une bourse à chaque bachelier pour poursuivre ses études supérieures, quelle que soit la situation financière de ses parents. Une façon, pour la nation, de montrer à sa jeunesse qu’elle croit en elle et investit sur son avenir. Et chaque fois qu’un responsable est mêlé, de près ou de loin, à un scandale, on l’oblige à démissionner, comme Peter Mmusi, qui a été aussitôt remplacé, en 1992, par Festus Mogae à la vice-présidence. Cette capacité à faire le ménage contribue à la fiabilité d’une démocratie.
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Sat, 16 Nov 2024 - 95 - Comment traiter avec Donald Trump
Le président élu des États-Unis, si prompt à dénigrer certaines nations, sait néanmoins faire preuve de mesure, lorsque le poids économique des interlocuteurs s'impose à lui. L'Afrique, pour l'affronter, devra apprendre à exister véritablement dans l'économie mondiale.
La messe est dite : les électeurs américains ont rouvert, ce 5 novembre, le Bureau ovale à Donald Trump. Un président qui ne s’est pas souvent distingué par la délicatesse des qualificatifs dont il use, pour parler de l’Afrique. Les Africains doivent-ils s’inquiéter de son retour prochain à la Maison Blanche ?
Seuls les Américains savent ce qui est le mieux pour leur pays. Ils l’ont élu. Ils vont l’avoir. De par le monde, il en est qui s’en réjouissent, en effet. Mais il en est aussi qui s’apprêtent, résignés, à s’accommoder de la nouvelle donne à Washington, avec un dirigeant prévisible, pour le pire et le meilleur. Pour l’Afrique, cette élection n’aura aucune incidence déterminante. Pas plus avec lui qu’elle n'en aurait eu avec Kamala Harris présidente.
Le président des États-Unis gouverne pour les intérêts de son pays et de son peuple. Quant aux réflexions désobligeantes de Donald Trump, si elles font mal, c’est parce que le chef d’un tel État ne devrait pas parler de la sorte des autres. Nombre d’autres dirigeants pensent comme lui, mais ne le disent pas. Ou alors, à l’abri des caméras et des micros. La question fondamentale n’est donc pas de savoir pourquoi certains pensent tant de mal des nations africaines et le chuchotent à huis clos, mais ce que doivent faire les Africains, pour inspirer un peu plus de respect.
Que doivent donc faire les Africains, pour inspirer le respect ?
Peut-être devraient-ils commencer par s’interroger sur la place de l’Afrique dans ce monde où l’on ne vous respecte que par rapport à ce que vous représentez et présentez comme intérêt. Où donc se pense, aujourd’hui, l’avenir de ce continent ? Quels leaders pour piloter une stratégie panafricaine dense, avec un chronogramme rigoureusement respecté ? Un continent sur lequel l’on fait silence, partout où il est question de perspectives et de stratégies planétaires, est un continent virtuellement perdu. Certes, quelques cercles de réflexion plus ou moins démunis analysent, ici et là, certains segments la vie des nations. Mais tout cela manque terriblement de moyens, de cohésion et de coordination. L’Afrique souffre d’un déficit chronique de dirigeants capables d’investir et de s’impliquer dans une réflexion d’avenir. Alors, chaque pays, chaque dirigeant s’agite dans ses limites géographiques étriquées, pour des résultats aussitôt compromis par l’incohérence de tel ou tel de ses voisins.
Comme si le train du développement, à jamais, était bloqué. À quai. Encore pire que ce que déplorait, en 1962, le célèbre agronome René Dumont, dans son ouvrage au titre finalement pas si violent : « L’Afrique noire est mal partie»… Il lui faut se réinventer, pour espérer se hisser durablement dans l’estime des nations.
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Croyez-vous que cela suffira pour échapper aux propos désobligeants de certains ?
Non. Mais, il faut, au préalable, ne plus prêter le flanc aux critiques faciles et parfois grossières. Ensuite, lorsque l’on scrute la prudence que met le même Trump à attaquer certains pays ou dirigeants, on comprend que certaines réalités lui imposent de la retenue. L’Afrique doit donc pouvoir peser véritablement dans l’économie mondiale pour compter. Avec toutes les ressources naturelles dont regorge son sous-sol, et tant de minerais que convoite la terre entière, elle ne peut persister à juste exporter les matières premières, sans même faire des réalisations, pour faire fructifier lesdites ressources.
Si Donald Trump évite certains qualificatifs trop discourtois, lorsqu’il parle, par exemple, de la Chine, c’est parce qu’il ne peut se le permettre : les Chinois détiennent une part, certes décroissante, mais toujours appréciable des près de 35 000 milliards de dollars de dette américaine. Tout homme d’affaires lucide sait que l’on ne parle pas n’importe comment à ses créanciers ou à son banquier. L’équilibre de la terreur, autrefois soutenu par les armements stratégiques et la dissuasion nucléaire a, aujourd’hui, un pendant économique et financier tout aussi efficace : les finances, la puissance économique. Là où les Chinois, jadis indexés comme une bombe démographique à retardement, sont, de fait, devenus « actionnaires des États-Unis », l’Afrique doit-elle continuer à n’être qu’une spectatrice passive de son destin ?
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Sat, 09 Nov 2024 - 94 - Retour sur le «combat du siècle»
Mercredi 30 octobre, sur RFI, les auditeurs ont pu vivre au diapason du « combat du siècle », organisé fin octobre 1974 à Kinshasa, dans le Zaïre de Mobutu Sese Seko. Grand reportage, Appels sur l’actualité, Couleurs tropicales… Toute la journée, ils ont pu vivre ou revivre, à travers les journaux et diverses émissions de la station, d’émouvants moments. Pourquoi donc considérez-vous tout cela un magnifique cadeau à plusieurs générations d’Africains ?
Parce que c’en est un. Des premières lueurs de l’aube jusqu’au cœur de la nuit, nous avons pu vivre ou de revivre ce combat et tous les spectacles, autour. Souvenirs émus, pour les anciens, nos aînés et nombre d’entre nous. Les jeunes frères, qui en avaient seulement entendu parler, ont pu le vivre, comme s’ils y étaient. Pareil pour nos enfants et les plus jeunes. Cette journée était meilleure qu’une simple résurrection intelligente de sons et d’images d’archives du gala de boxe et des concerts. C’était un autre festival vivifiant sur les grandes retrouvailles entre les citoyens de l’Afrique indépendante et leurs frères de la diaspora, déportés durant l’esclavage. Certains Congolais ont déploré que la RDC ait oublié de célébrer l’événement. Mais toute l’Afrique l’a célébré, avec intensité et passion, à travers RFI.
Le rappel de ce passé un peu glorieux aurait pu inspirer aux Congolais la petite introspection qui les poussera à en finir avec le destin peu enviable qu’imposent à leur peuple des dirigeants peu soucieux de mettre leurs actes en adéquation avec leurs discours. Car, avec d’aussi gigantesques richesses, le très éloquent Mobutu aurait pu faire de son Zaïre le phare du continent, s’il ne se cantonnait pas au seul verbe, aux beaux discours.
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Mobutu a réussi à attirer la lumière sur son pays. Il l’a même fait briller, et pas qu’en octobre 1974…
Mais, qu’en est-il resté ? Oui, un an tout juste avant le « combat du siècle », Mobutu avait, en effet, ébloui l’Assemblée générale des Nations unies, par un discours de la veine de celui que tiendra Thomas Sankara, onze ans plus tard. C’est là que, évoquant les circonstances de l’accession de son pays à l’indépendance, il avait soutenu que l’ancien colonisateur avait déployé des efforts pour démontrer que mon peuple était incapable de se gouverner. « En une nuit, mon pays s’est effondré, comme un château de cartes. Et les experts en matière de colonisation en ont hâtivement déduit une incapacité congénitale du peuple zaïrois, et soutenu que l’indépendance des pays neufs était une mauvaise opération ». Et il impressionnait par son sens des formules. Comme lorsqu’il expliquait qu’à son accession à la souveraineté internationale, le Zaïre, quatre-vingt fois plus grand que la Belgique qui l’a colonisé, comptait moins de dix cadres ayant achevé des études supérieures, et pas un seul cadre zaïrois dans l’administration, l’armée ou le secteur privé.
Voir le charismatique Mobutu accueillir, en terre africaine, Mohamed Ali, James Brown et toutes ces brillantes vedettes afro-américaines et africaines, ne rendait que plus admirative une jeunesse continentale au sang bouillonnant de panafricanisme. C’était peu avant la diffusion, sur les télévisions africaines, de la mini-série Roots, tirée de l’œuvre d’Alex Haley. Cette vivifiante exaltation du cordon ombilical entre les Noirs d’Amérique et le continent africain de leurs origines était presqu’une religion.
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Cela explique-t-il que les Afro-Américains aient aussi facilement vu en Mobutu un leader à admirer ?
Il avait du bagou, et savait séduire ses hôtes étrangers. Surtout, ces rencontres afro-américaines au Zaïre survenaient quelques mois après la chute de l’empereur Haïlé Sélassié d’Éthiopie, un dieu vivant pour nombre d’Africains de la diaspora, surtout pour les panafricanistes des Amériques. Mobutu a échoué à marquer l’Histoire, parce qu’il se contentait du verbe. Trop narcissique, trop obnubilé par le côté jouissif du pouvoir être comme un héros durable.
Vingt-sept ans après sa chute, ses compatriotes peuvent regretter son envergure flamboyante, que n’a aucun de ses trois successeurs. En commun avec lui, ils n’ont que la dévorante envie de s’éterniser au pouvoir, sans montrer en quoi leur présidence sans fin concourt au mieux-être d’un peuple qui n’en peut plus de les subir.
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Sat, 02 Nov 2024 - 93 - Présomption d'incompétence…
Alors que tant d'hommes moyens, médiocres et parfois quelconques s'accrochent au pouvoir dans de nombreuses nations, la capacité des femmes à bien gouverner est toujours mis en doute, y compris dans certaines grandes démocraties…
Dans l’évocation, ici, de l’élection présidentielle américaine, le candidat républicain Donald Trump est omniprésent, alors que sa challenger démocrate, Kamala Harris, peut bien l’emporter. Mieux, elle entrerait dans l’Histoire, en devenant, ainsi, la première femme présidente des États-Unis. Si nous parlions un peu d’elle ?
Cette négligence relève des pièges qui guettent constamment le journaliste, enclin à accorder plus de place à ceux qui ne se tiennent pas comme il faut, contrairement aux plus sérieux. Il en est ainsi des États, des gouvernements, comme des dirigeants. Les cancres ont décidément le don de monopoliser l’attention, au détriment des meilleurs, qui mériteraient parfois d’être davantage mis en valeur, ne serait-ce que pour servir d’exemples, sinon de modèles à tous.
Si elle l'emportait, Kamala Harris deviendrait non seulement la première femme à occuper le Bureau ovale, mais aussi la première femme noire et la première femme d’ascendance asiatique. Puisque sa mère Shyamala Gopalan était Indienne, et que son père Donald Harris était un Noir de Jamaïque. Elle assume d’autant plus librement ses racines africaines que même sa mère indienne a élevé Kamala et sa sœur Maya dans cet esprit.
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Shyamala et Donald étudiaient dans une des plus prestigieuses universités des États-Unis, à Berkeley, mais c’est dans les cercles artistiques et intellectuels noirs où se pensait la lutte pour les droits civiques qu’ils se sont connus. Comme au célèbre Rainbow Sign, où Kamala Harris, comme d’autres enfants d’activistes, croisait alors une multitude de célébrités : l’écrivain James Baldwin ; l’immense pianiste, compositrice et chanteuse Nina Simone ; la compositrice Odetta ; ou encore Shirley Chisholm, première femme candidate dans des primaires démocrates.
Trump a dit qu’il ne savait pas trop si elle était noire ou indienne
Avec un père économiste, qui enseignait à Stanford, et une mère médecin, biologiste, oncologue, qui a enseigné entre Berkeley et McGill, au Canada, Kamala Harris aurait pu étudier dans n’importe quelle bonne université. Mais, à 18 ans, c’est à Howard, une des plus célèbres universités noires des États-Unis qu’elle a choisi d’entrer. Choix politique, identitaire, sans ambiguïté. Et il faut les avoir rencontrés, pour comprendre à quel point les étudiants de Howard étaient fiers de fréquenter cette université, qui a formé, entre autres, Toni Morrison, prix Nobel de littérature 1993, ou l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane.
Chez Kamala Harris, l’indianité s’imbrique avec les vibrations africaines. D’ailleurs, son grand-père maternel, P.V. Gopalan, acteur de la lutte pour l’indépendance de l’Inde, a également servi et vécu en Afrique. Cela notamment à Lusaka, capitale de la Rhodésie du Nord, l’actuelle Zambie, où il coordonnait l’aide aux réfugiés fuyant la guerre de libération en Rhodésie du Sud, le Zimbabwe. Kamala avait à peine 6 ans, lorsque son grand-père indien est devenu conseiller de Kenneth Kaunda, le charismatique premier président de la Zambie. Noire, Indienne, il suffit de scruter ses pas de danse pour comprendre qu’elle ne se contentait pas de clamer : « I’m Black and Proud ! ». Elle vibrait.
Pourtant, certains Noirs hésitent à voter pour elle
Kamala Harris n’est pas dans une stérile complainte identitaire. Elle se bat ! Ainsi, lorsqu'elle découvre que 92 % des victimes d’homicides n’avaient pas fait des études secondaires, elle ne se contente pas, comme tant d’autres, d’appeler à traîner en justice une police raciste : elle conçoit une politique dissuasive contre l’absentéisme scolaire chronique, pour obliger les parents à veiller à l’assiduité de leur progéniture. « Afin, disait-elle, que les jeunes gens comprennent qu’ils peuvent faire autre chose dans la vie que devenir des criminels».
À une petite écolière qui lui demandait quel conseil il donnerait à une jeune dame qui voudrait devenir présidente des États-Unis, Gerald Ford, successeur d'un Richard Nixon emporté par le scandale du Watergate, avait répondu qu’il fallait, d’abord, qu’un président, homme, la choisisse comme vice-présidente. Et que le président en question décède en cours de mandat, pour que celle-ci lui succède. Que de sincérité !
Mais le plus triste est que notre humanité continue de soumettre les femmes à une sourde présomption d’incompétence. Alors que tant d’hommes moyens, médiocres et parfois quelconques, parviennent au pouvoir et s’y accrochent, sans jamais répondre aux attentes de leurs peuples. C’est ainsi que tous feignent, par exemple, d’ignorer qu’au cours des deux dernières décennies, un des rares dirigeants convaincants et compétents, à l’échelle planétaire, reste, définitivement, Angela Merkel : une femme !
Sat, 26 Oct 2024 - 92 - États-Unis: des élections à conséquences
L'homme qui a aidé à créer le mythe Donald Trump pour la télé-réalité demande pardon aux Américains, « pour avoir aidé à créer un monstre ».
Le compte à rebours est lancé : le 5 novembre, les Américains se rendront aux urnes, pour élire leur président pour les quatre prochaines années. D’où vient donc cette impression que cette élection aura des conséquences déterminantes sur la paix mondiale ?
D’ordinaire, l’opinion, sous toutes les latitudes, vit chaque présidentielle aux États-Unis comme si elle était déterminante pour le destin du monde. Et, de fait, elle l’est, puisque le locataire de la Maison Blanche, de par le poids de son pays sur l’échiquier diplomatique international et dans l’économie mondiale passe pour être le leader du monde libre. Avec l’actualité agitée que nous vivons, et toutes ces tensions qui fragilisent les équilibres régionaux, la personnalité du prochain président des États-Unis peut, soit ramener un tout petit peu de sérénité, ou précipiter le monde vers un peu plus d’incertitude. Certains des protagonistes des tensions actuelles ne s’y trompent pas, qui ont leurs préférences, et seraient heureux de voir dans le Bureau ovale Donald Trump ou Kamala Harris, pour leur permettre de persister dans la voie qu’ils ont choisie, ou de refréner quelque peu les ardeurs de leurs adversaires. Deux personnalités en tout points dissemblables, que les sondages peinent à départager. Autant dire que le meilleur reste possible, mais le pire aussi.
N'a-t-on pas un peu trop tendance à diaboliser Donald Trump ?
Ses actes et ses propos justifient la perception que l’on peut avoir de lui. Pour le reste, lui-même ne se prive pas de diaboliser tous ceux qui viennent d’ailleurs, ne pensent pas comme lui, ou ont l’outrecuidance de ne pas le soutenir. D’ailleurs, il suffit de survoler la liste de tous ceux qui l’ont soutenu par le passé, ont travaillé avec lui et tout donné pour lui, et qui se retrouvent à le combattre aujourd’hui avec virulence, pour comprendre. Son propre vice-président l’a désavoué, et Dick Cheney, l’ancien vice-président de George W. Bush, connu pour être un républicain pur et dur, s’est rangé derrière la candidate démocrate. Tout comme sa fille Liz Cheney, qui a justifié son rejet de Donald Trump par cette formule assassine : «les Américains veulent un président que leurs enfants peuvent regarder avec fierté». Ses amis, Trump les embarrasse ou leur fait peur.
Les défections les plus spectaculaires sont celles de jeunes dames courageuses, qui occupaient des postes en vue à la Maison Blanche sous son administration, et disent aujourd’hui préférer leur patrie à leur parti. Nombre de ceux qui ne le combattent pas craignent sa capacité de nuisance, mais le détestent. Ils réprouvent sa radicalité dans le verbe, ses affirmations définitives parfois à mille lieues de la vérité. Ils le trouvent potentiellement dangereux pour la paix mondiale et pour la paix sociale, tant il a du mal à concevoir les relations humaines et interétatiques autrement que dans des rapports d’allégeance ou d’hostilité. Pour certains, il a pris en otage le Parti républicain d’Abraham Lincoln. Ce parti de valeurs est devenu le parti de Trump, assénant les contre-vérités avec un aplomb déconcertant.
Il y a pourtant un public qui le suit, des foules…
Oui ! Au-delà des États-Unis, le danger qui guette notre monde tient au fait que les dirigeants populistes ont du succès. Une partie de l’opinion adhère ou donne l’impression d’adhérer, y compris à leurs mensonges flagrants. Quel que soit le côté inacceptable de ce que disent certains dirigeants politiques, il y a toujours une partie de l’opinion qui les suit et s’abreuve à la fontaine de leurs excès. Comme si le monde avait pris congé des dirigeants d’envergure. Les imposteurs, les démagogues, les populistes ont quartier libre. Les gens qui sont en politique pour servir l’intérêt général sont de moins en moins nombreux. Mais les actes inappropriés, les propos indécents ne restent jamais sans conséquences pour les peuples. La facture des excès et autres guerres inutiles devra être, tôt ou tard, réglée. Ancien directeur du marketing de la chaîne américaine NBC, John Miller, qui a aidé à fabriquer le mythe Donald Trump dans l’émission de télé-réalité « Apprentice », a pris sa plume, ces jours-ci, pour demander pardon aux Américains, « pour avoir aidé à créer, vingt années durant, un monstre », dit-il. En voici la facture…
Sat, 19 Oct 2024 - 91 - Cameroun: Ahmadou Ahidjo, lui, avait Paul Biya...
Pour la énième fois, les dignitaires du pouvoir de Yaoundé ont échoué à protéger leur président des rumeurs malveillantes sur sa santé, sinon sur sa vie. Comme si, pour certains de ses proches, ces psychodrames à répétition étaient du pain béni. Et pourtant, seule la bonne information tue la rumeur. Pas un silence contraint…
Par un communiqué, rendu public ce 9 octobre, le ministre camerounais de l’Administration territoriale interdit tout débat sur l’état de santé du chef de l’État dans les médias privés. Comme pour clore les réactions à la chaîne de ses collègues, qui ont rivalisé d’indignation, à la suite des rumeurs sur l’absence prolongée du président Paul Biya. À quoi faut-il donc s’attendre, à présent ?
L’on peut s’attendre à tout, comme… à rien, puisque les Camerounais ont cessé, depuis longtemps, de compter les psychodrames autour de cette seule question. Quant aux médias privés, déjà fragilisés, les représailles judiciaires brandies auront sur eux l’effet dissuasif escompté. Même s’ils ont pu s’étonner du manque manifeste de coordination, sinon de cohésion entre les ministres montés au créneau, pour condamner les rumeurs. Et certains ne manqueront pas de se demander le zèle de tel ministre n’est pas juste un moyen, pour celui-ci, un moyen comme un autre de réhabiliter aux yeux du président Biya. Après tout, cette distraction résulte du fait que quelqu’un a oublié de bien faire son travail, qui aurait rassuré les Camerounais et désamorcé toute tentative de manipulation de ce qui n’est qu’une information à communiquer aux citoyens. Est-ce la bonne manière que de sommer ceux-ci de se taire ou de s’abstenir de poser des questions, lorsqu’ils sont sans nouvelles de leur président ? Un ministre a rappelé, à l’occasion, qu’il y a des mécanismes qui permettent de poursuivre ceux qui annoncent le décès d'un chef de l'État sans s'assurer de ce qui se passe. Mais comment, justement, procède-t-on, ici, pour s’assurer de ce qui se passe ?
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À91 ans, Paul Biya n’a-t-il pas, après tout, le droit d’aller se soigner ou se reposer, y compris à l’étranger ?
Aucun de ses concitoyens ne lui conteste ce droit. Et pourquoi devrait-on contester aux Camerounais le droit de prendre des nouvelles de leur président, y compris de sa santé, ne serait-ce que pour le porter dans leurs prières ? Une information simple et claire aurait suffi, pour prévenir les rumeurs, que le ministre de l’Administration territoriale prête à des personnes sans scrupule, colporteurs de nouvelles mensongères et d’élucubrations visant à semer la confusion et le doute dans les esprits, à installer le pays dans l'incertitude. Il reste à s’assurer que l’injonction à se taire ne sème tout autant la désolation.
Au regard du nombre de fois qu’une absences prolongée du chef de l’État camerounais à l’étranger – en l’occurrence, en Suisse – a donné lieu tant de fois à ce type de psychodrame, l’on se serait attendu à ce que l’entourage du président ait pensé un moyen, simple, d’anticiper les angoisses et les interrogations de leurs concitoyens, sans attendre, chaque fois, que les rumeurs s’affolent. Après tout, s’il survenait – qu’à Dieu ne plaise ! – un malheur, cette population serait la première à subir les conséquences des sourdes rivalités et des antagonismes violents au sein même du pouvoir, où l’on ne spécule pas moins sur l’avenir du pays sans Paul Biya.
Ces derniers mois, nombre de ces dignitaires ont pourtant écumé le Cameroun, pour mobiliser l’opinion en faveur d’une nouvelle candidature du président Biya, en octobre 2025…
Effectivement. Et si les dieux du Dja-et-Lobo le lui accordent, il terminerait ce futur mandat à pratiquement l’âge de… 100 ans ! Ce n’est donc pas uniquement par voyeurisme que les Camerounais demandent à être éclairés sur l’état de santé de leur président, lorsqu’ils ne le voient pas des semaines durant.
Ahmadou Ahidjo, son prédécesseur dans ces fonctions, avait 58 ans, lorsqu’il a subitement démissionné, en novembre 1982, et passé les commandes à Paul Biya, parce que ses médecins lui auraient diagnostiqué un mal dont le traitement allait nécessiter des absences fréquentes. Ainsi, ce dirigeant craint, qui passait pour un leader autoritaire, sinon pour un dictateur, avait renoncé au pouvoir, pour ne pas avoir à diriger son peuple par intermittence. Ou en vacancier. Mais, lui, il avait Paul Biya…
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Sat, 12 Oct 2024 - 90 - Les doux rêves d'avenir de la Francophonie
Il est vrai que l’on se comprend mieux, en général, lorsque l’on parle la même langue. Mais où donc se formeront les génies que l'on comptabilise déjà comme l'élite, censée faire rayonner le monde francophone de demain ?
« La Francophonie n’est pas un repli sur soi, par rapport à la langue anglaise ; elle n’est pas non plus la Françafrique », affirmait, hier, Louise Mushikiwabo à la cérémonie d’ouverture du XIXème sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Comment comprendre que, 54 ans après sa création, cette organisation en soit encore à traîner ce que sa Secrétaire générale qualifie d’« idées reçues tenaces » ?
En général, c’est lorsqu’une institution peine à s’imposer par ses valeurs réelles qu’elle se retrouve à devoir se défaire d’une image négative répandue dans l’opinion. La francophoniea souvent eu, ces deux dernières décennies, à transiger avec les principes qu’elle professe. D’où les idées reçues, qui germent facilement dans une opinion d’autant plus suspicieuse qu’elle a cru, avec la Déclaration de Bamako, en l’an 2000, que cette institution pouvait aider à consolider l’État de droit et la démocratie sur ce continent. D’élections truquées, validées envers et contre les évidences, en rapports timides, sinon complaisants, sur des scrutins ouvertement contestables, les peuples, désabusés, en sont venus à faire à l’OIF une réputation parfois injuste, ou totalement infondée.
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Trois mois après sa prise de fonctions, la secrétaire-générale Mushikiwabo avait, elle aussi, dressé, en mars 2019, un tableau accablant des insuffisances de cette organisation. Celle-ci manquait de visibilité et de pertinence, selon elle, et devait s’interroger sur ses objectifs, son orientation et même sur son positionnement sur la scène internationale.
À trop vouloir ménager les seuls dirigeants, la francophonie a peut-être oublié d’épouser les attentes réelles des populations. Et cela au-delà des jeunes entrepreneurs, dont le génie, fatalement, serait éteint, s’il ne prévalait pas, dans l’espace dans lequel ils évoluent, un État de droit, la démocratie.
« Créer, innover et entreprendre en français », n’est-ce pas un thème plutôt fédérateur pour ce sommet ?
Autant l’épanouissement d’une jeunesse ingénieuse est fondamental, autant la langue que parlent ces génies demeure suspendue aux centres de recherches et autres viviers dans lesquels ils se forment et évoluent. Peut-être que la Francophonie devrait-elle mener une enquête sérieuse sur les jeunes francophones, Africains notamment, qui, faute de pouvoir se former en France ou au Canada, abandonnent leur formation ou vont en Inde, en Chine, dans le Golfe, en Turquie, au Japon ou dans quelque pays improbable.
Certains se souviennent sans doute de cet astrophysicien qui avait piloté, en 1997, le robot Sojourner de la Nasa, envoyé à la surface de Mars. L’on a découvert qu’il était Malien. Parlant très bien français, certes, mais américain, dans l’équipe de JPL (le laboratoire de propulsion de la Nasa) qui l’a formé et le faisait travailler.
Les États font une distinction entre migrants et étudiants
Il est des étudiants, parfois brillants, qui ne peuvent accéder au savoir que par le chemin des migrants. Mais, lorsque, pour des raisons politiciennes ou autres, on tient tout le monde à distance, on peut risquer de priver la francophonie de purs génies, chercheurs et créateurs de certaines origines francophones. Parmi les rejetés, certains iront aux quatre coins du monde préparer l’avenir dans des laboratoires et temples du savoir où les technologies de pointe se traitent en mandarin, en anglais, en japonais ou en allemand.
Que d’étudiants, d’écrivains, de chercheurs et de cerveaux féconds, déjà discriminés dans leur propre pays, sont ainsi privés de ce qui a été décrit dans les documents de ce XIXème sommet de la Francophonie comme la « bienveillante hospitalité fédératrice de la langue française » ! Exclus de la fameuse diversité et de la richesse de l'espace francophone, ils manqueront, et ne contribueront pas à faire vivre la langue française à l’échelle mondiale.
Tout comme certains excellents footballeurs d’origine africaine et autres qui font la gloire de l’équipe de France sortent de centres de formation en France, l’on ne peut espérer voir ces talents venir renforcer un jour un univers francophone qui ne les aura pas formés.
La sagesse populaire, en Afrique, dit que celui qui parle votre langue et l’adopte est, a priori, un ami. Car, en général, l’on se comprend toujours mieux, lorsque l’on parle la même langue.
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Sat, 05 Oct 2024 - 89 - Joe Biden: un honnête homme s'en va
Après le départ du président américain Joe Biden, pour espérer quelque chance de succès comme grande puissance, les États-Unis devront davantage faire preuve d'une certaine décence, de sobriété, sinon d’humilité, que de la morgue et de l’arrogance qu'affichent certaines voix dans la campagne présidentielle.
Pour ses adieux à la communauté internationale, le président des États-Unis Joe Biden a tenu cette semaine un discours poignant devant l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York. Notamment sur sa renonciation à briguer un second mandat. Doit-on, pour autant, assimiler cette sortie à un grand moment d’Histoire ?
Lorsque l’homme le plus puissant de la planète prend congés de l’instance qui rassemble les peuples et les nations de ladite planète, l’Histoire est en marche, quoi que l’on dise. Il se trouve que la densité et la sincérité son discours étaient de celles que l’Histoire retient. Et ces adieux contenaient quelques leçons essentielles, valables pour l’univers entier, donc pour l’Afrique, quand il rappelle à leurs devoirs ceux qui ont en main le destin des peuples.
« Être président[des États-Unis]a été le plus grand honneur de ma vie. J’aime ce travail, mais j’aime encore plus mon pays », a-t-il dit, avant d’affirmer que le temps était venu, pour lui, de laisser le leadership à une nouvelle génération. Et d’inviter ses pairs à ne jamais oublier qu’il est des choses bien plus importantes que rester au pouvoir : « C’est votre peuple. Qui compte plus que tout le reste », a-t-il insisté les priant « tous de ne jamais oublier qu'ils sont là pour les représenter, aux Nations unies ».
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Il n’empêche, l’état actuel du monde qu’il lègue n’est pas très rassurant
Joe Biden l’admet, au point d’emprunter, pour dresser l’état des lieux, un extrait du poème du prix Nobel de littérature irlandais William Butler Yeats, La Seconde venue : « Tout se disloque. Le centre ne peut tenir. L’anarchie se déchaîne sur le monde, comme une mer noircie de sang… Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises ». Bien que centenaire, cette œuvre de la poésie moderniste, datant de 1919, dépeint un monde inquiétant, qui pourrait bien être celui d’aujourd’hui.
En dépit de ce tableau désespérant, le président sortant des États-Unis reste persuadé que le centre, ici, tient, et que l’apparent chaos actuel peut encore être surmonté. Voilà pourquoi, à la suite de William Butler Yeats, il a cité Nelson Mandela, dans une de ses plus vibrantes invites à la persévérance : « Cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse », disait le leader sud-africain prix Nobel de la Paix, pour qui bien des situations peuvent paraître insurmontables, jusqu’à ce qu’elles soient surmontées. Vaincre l’adversité, pour parachever ses rêves, tel est le message emprunté par Biden à Mandela, pour son testament diplomatique, en ces temps incertains. « Chaque génération a ses défis à relever, et nous serons toujours plus solides, ensemble, que seuls, dans ce monde », conclut le dirigeant américain.
N'est-ce pas un peu insolite d’entendre ainsi Joe Biden parler de démocratie au reste du monde ?
Celle-ci a certes été quelque peu malmenée, aux États-Unis, notamment en raison de la conception toute particulière qu’en avait son prédécesseur, qui se trouve être encore un des deux prétendants à sa succession. Peut-être est-ce pour cela que Joe Biden a eu l’humilité de préciser que la démocratie n’appartient en exclusivité à aucun pays, à aucun peuple.
Si ce discours d’adieux dans le cénacle du Palais de verre de Manhattan, a quelque chance de trouver sa petite place dans l’Histoire, c’est parce qu’il était celui d’un honnête homme, dont les dirigeants et peuples du monde, globalement, saluent la décence. Et, dans les relations internationales, jamais l’on n'a eu autant besoin de décence, sur cet échiquier guetté par l’anarchie, l’isolationnisme, l’outrance et même une certaine tentation du mépris.
Autant la sobriété et l’humilité de Biden, dans ce dernier discours à l’ONU, pèseront de leur poids dans la place que lui fera l’Histoire, autant, après lui, l’influence des États-Unis, comme grande puissance, dépendra de l’aptitude du leader de ce pays à une certaine décence, à des rapports de simplicité aux autres. Encore faudrait-il, à quelques voix véhémentes que l’on entend, ici et là dans la campagne présidentielle, comprendre que miser sur l’arrogance et une certaine morgue offre de moins en moins de chances de succès.
Sat, 28 Sep 2024 - 88 - Justice, richesse des nations solides
La crédibilité d’un État se mesure davantage à sa capacité à traiter de la manière la plus équitable ses pires adversaires qu’à son aptitude à leur rappeler sans cesse en quoi eux ont été injustes ou mauvais.
Dans une interview, cette semaine sur RFI, Marc Ona Essangui, « numéro deux » du Sénat de transition au Gabon, a laissé entendre que ce dont se plaint l’ex-président Ali Bongo, dans sa lettre ouverte diffusée ce 18 septembre, est exactement ce que son régime a fait vivre, quatorze années durant, aux familles gabonaises. L’ex-figure de la société civile ne risque-t-elle pas de se voir accuser de prôner la loi du talion ?
Marc Ona semblait insister, surtout, sur le fait que la douleur d’Ali Bongo face à la détention de son épouse et de son fils n’était ni supérieure ni inférieure à celles infligées à de nombreuses familles, éprouvées durant ses deux mandats. Il est affligeant de devoir rappeler à ceux qui exercent le pouvoir aujourd’hui que les situations d’oppression qu’ils créent ou imposent aux autres peuvent, demain, se retourner contre eux. Ali Bongo est peu crédible, lorsqu’il prêche le pardon, la tolérance et supplie les Gabonais de ne pas céder à l’esprit de vengeance, en punissant son épouse et son fils. Et s'il peine tant à s'attirer la compréhension de ses concitoyens, c’est en raison du rapport quelquefois violent qu’il avait au pouvoir politique. Il n'a pas fait, à leur égard, preuve de beaucoup de compassion. Sa sincérité est sujet à caution, mais cela n’enlève rien au droit des siens à jouir d’une justice impartiale, si tant est qu’ils sont justiciables. Ce que dit cette ultime initiative du désarroi du président déchu du Gabon est que les mensonges que vous proférez au pouvoir, la violence que vous faites subir aux autres, finissent fatalement par vous desservir, et cela survient, en général, au moment où vous avez le plus besoin d’être cru.
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Pourquoi faire payer ses fautes à son épouse et à son fils, alors qu’il dit assumer pleinement ses fautes et ses échecs ?
La crédibilité de cette responsabilité assumée a posteriori ne convainc manifestement pas, de la part d’un homme à qui l’on ne connaissait pas une telle humilité. Et le hold-up électoral qu’il s’apprêtait à perpétrer n’aurait fait que proroger les insuffisances qu’il dit assumer. Pour bien des Gabonais, le coup d’État du 30 août 2023 était salvateur. Lorsqu’ils étaient dans l’incapacité de résoudre les problèmes de leur peuple, quelques dirigeants africains célèbres ont passé la main, plutôt que de s’octroyer des mandats indus, perdus dans les urnes : Léopold Sédar Senghor, Julius Nyerere quelques autres… Quant à l’innocence de son épouse et de son fils, certains des putschistes qui l’ont renversé étaient les témoins privilégiés de leur rôle, au moment où Ali Bongo, diminué par la maladie, n’exerçait plus la réalité du pouvoir. C’est aussi ce que Marc Ona, à mots à peine couverts, a laissé entendre sur RFI, à propos de Sylvia et Noureddin Bongo, en précisant qu’ils étaient en détention pour des délits et non pour avoir été l'épouse et le fils d'Ali Bongo. Il a tout dit, en affirmant que le président déchu avait abandonné son pouvoir au profit de ses enfants, de son épouse et de ses amis.
Pour Marc Ona, la transition œuvre pour que le prochain président de la République ne retombe pas dans les mêmes travers...
Oui, selon lui, les militaires seraient en train de tout reconstruire, car les institutions laissées par Ali Bongo seraient dans un état de délabrement total. Il n’empêche. La preuve du sérieux de ce qu’ils entendent faire de leur patrie passe par la justice, des procès équitables pour tous, puissants ou misérables. Même en période de remise en état des institutions, le justiciable a droit à des informations claires sur ce qui l’attend. Le flou ne peut que conforter ceux qui, par le passé, déniaient toute justice aux autres. L’enjeu immédiat, ici, est donc d’ôter tout doute, quant aux suspicions de règlements de comptes que suggère la lettre ouverte de l’ex-président. Car la crédibilité d’un État se mesure davantage à sa capacité à traiter de la manière la plus équitable ses pires adversaires, qu’à son aptitude à leur rappeler sans cesse en quoi eux ont été injustes ou mauvais.
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Sat, 21 Sep 2024 - 87 - Trump, un monologue au seuil de la saturation
L’intolérance et la tentation totalitaire sont des tares, qui n’ont rien à voir avec les frontières ou la couleur de peau. Elles sont juste désespérément humaines.
Il semble avoir perdu le premier débat de la présidentielle du 5 novembre aux États-Unis, mais Donald Trump ne cesse d’affirmer qu’il l’a remporté. Est-ce suffisant pour conclure que Trump a tout des despotes des pays qu’il méprise ?
Ce débat et la gestion après-vente qu’il en fait conforte, en effet, tout ce que l’on a pu percevoir de sa personnalité. Quant à la tentation de rapprocher sa pratique du pouvoir de celles de dirigeants des nations qu’il méprise, elle se fonde sur ses propos offensants, alors qu’il était à la Maison Blanche et se croyait en droit de traiter par le mépris Haïti, Salvador et les pays africains, d’un terme que nous n’oserons traduire ici. Donald Trump n’a vraiment rien à envier aux despotes de ces pays, qu’il a continué de mépriser durant le débat. Son rapport au pouvoir d’État, son attitude à la Maison Blanche, son incapacité à admettre la défaite, et tout, dans ce qu’il fait pour reconquérir le pouvoir pourrait lui valoir bien des superlatifs dégradants, habituellement réservés aux dirigeants africains et autres. Donald Trump est la preuve vivante qu’un seul dirigeant incorrect suffit à ruiner l’image de toute une nation, et à affaiblir sa démocratie. Au Parti républicain qu’il tient en otage, il menace en permanence de représailles tous ceux qui lui résistent. Aussi, la plupart font-ils semblant de l’aimer, mais caressent secrètement le rêve de le voir perdre, pour pouvoir enfin reconstruire le parti d’Abraham Lincoln autour des vraies valeurs.
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Qu’a-t-il donc fait de si catastrophique pour altérer l’image de ce parti ?
Cet homme a fait exploser toute éthique en politique. Lorsque des dirigeants africains travaillent, au pouvoir, avec des membres de leur famille, on parle de népotisme. En quoi Donald Trump était-il différent de certains despotes, d’Afrique ou ailleurs, lorsqu’à la Maison Blanche, il était entouré de ses enfants, de son gendre et de flatteurs, et se débarrassait de ceux qui ne participaient pas au culte de la personnalité ? Durant le débat, Kamala Harris lui a dit qu’il était la risée des grands dirigeants de la planète. Sérieusement, l’ancien président a cru devoir rappeler qu’il était, au contraire, admiré et félicité par les leaders les plus respectés. Et de citer, à l’appui, Viktor Orban, le Premier ministre de Hongrie. Comme admirateur, on pourrait rêver mieux ! Mais à chacun ses idoles et ses partisans. Comme ceux qui, le 6 janvier 2021, ont déferlé avec violence sur le Capitole, à Washington D.C., pour s’opposer à la validation de la présidentielle que venait de perdre Trump. Depuis, l’Amérique a perdu l’autorité à donner des leçons de démocratie à la planète. Cet homme a ridiculisé son pays, et continue de nier avoir perdu l’élection.
Il n’empêche qu’il est admiré par une moitié des Américains…
Exact ! Et il en est qui prennent pour parole d’évangile ses affirmations les plus invraisemblables. À ce propos, le témoignage de son ancienne responsable de la communication, Stephanie Grisham, à la convention démocrate du mois dernier, à Chicago, était des plus édifiants : « Peu importe la véracité de ce que tu dis, Stéphanie, dis-le suffisamment, et l’on finira par te croire !», aimait lui répéter Donald Trump. Mais, les monologues de contre-vérités peuvent aussi finir par lasser. Comme lorsqu’il ne cesse de répéter que Kamala Harris va détruire l’Amérique ; que son père, économiste était marxiste et lui en a inoculé le virus, ou que si elle est élue, Israël va disparaître. Ou qu’elle n’aime ni Israël ni les Arabes…
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Ce discours de confusion approche du seuil de saturation, même s’il fait encore rêver certains. D’autant que sa pratique du pouvoir a peu émerveillé les Américains. Donald Trump n’est pas meilleur que les pires despotes d’Afrique ou d’ailleurs, lorsqu’il menace de faire chuter les ventes de disques d’une artiste, simplement parce que celle-ci a eu l’outrecuidance de lui préférer Kamala Harris. Au fond, l’intolérance, la tentation totalitaire sont des tares, qui n’ont rien à voir avec les frontières ou la couleur de peau. Elles sont juste désespérément humaines.
Sat, 14 Sep 2024 - 86 - Leçons d'esprit sportif
Si elles sont contraignantes, les règles, dans le sport comme dans la vie en société, nous rendent meilleurs et sont même une des caractéristiques des sociétés qui avancent.
Alors que l’actualité politique et économique est plutôt fournie, en Afrique, comme dans le reste du monde, vous choisissez de revenir, pour votre rentrée, après les vacances, sur Paris 2024, les Jeux Olympiques, dont la phase Paralympique s’achève demain. Pourquoi ce choix ?
Dans bien des cœurs, ces Jeux de Paris auront ravivé l’esprit olympique et ses valeurs, qui seraient bien utiles, aujourd’hui, à notre monde qui aime tourner si souvent le dos aux règles de coexistence entre les peuples, comme pour opter clairement pour le chaos. Quant à notre Afrique, en permanence en proie au doute et à la tentation de s’affranchir des textes, elle trouverait assurément dans les valeurs olympiques une enrichissante source d’inspiration : goût de l’effort, abnégation, exploits, dans la rigueur et la discipline, avec des règles claires, acceptées et respectées par tous.
Au-delà du privilège de vivre ces Jeux dans une resplendissante ville de Paris, à la fois calme, animée et vivante, la période était portée par une quiétude toute olympique, une courtoisie contagieuse que beaucoup aimeraient voir survivre aux Jeux.
Tony Estanguet, le Président du Comité d’Organisation des Jeux de Paris, a trouvé les mots pour exprimer les sentiments que laissent à tous ces jeux, lorsqu’il a affirmé, dans son discours à la cérémonie d’ouverture, que même si les Jeux n’avaient pas le pouvoir de tout régler, et que les discriminations et les conflits dans le monde ne disparaissaient pas instantanément, le spectacle offert ce soir-là nous rappelait à quel point l’humanité pouvait être belle, quand elle se rassemble. Elle était belle, en effet, l’humanité rassemblée à Paris.
N’est-ce pas ainsi que s’exprime tout bon président de comité d’organisation des JO ?
Il se trouve que les faits lui ont donné raison. Ces Jeux auront, en effet, montré à tous l’harmonie à laquelle pouvait aspirer l’humanité, lorsque tous acceptent et respectent de bonne foi des règles communes. Et c’est justement cet attachement aux règles que l’Afrique devrait retenir de l’esprit de ces Jeux. C’est même la condition, pour que le décollage de ce continent cesse d’être un rêve inaccessible, pour devenir une réalité palpable. Avec l’acceptation des règles par le plus grand nombre dans chaque nation, le miracle devient une évidence.
Dire cela ne signifie pas que l’on mise sur le sport pour régler les problèmes du continent africain. Mais, diffuser, au-delà du sport, la discipline et le fair-play olympiques ralentirait la tentation de la tricherie et la difficulté à assumer les échecs et les défaites. Généraliser à toute la société les règles de bienséance que l’on observe dans le sport peut aider à fédérer les peuples, et concourir au type d’harmonie que l’on a pu observer durant les JO et durant les Jeux Paralympiques de Paris. Exactement comme les athlètes qui, lorsqu’ils perdent, s’inclinent et félicitent leurs adversaires victorieux au lieu de tout casser et de tout brûler. Et le public, soutenant merveilleusement ses athlètes, sait alors avoir l’élégance d’accepter la défaite d’une autre nation, et demeurer assez beau joueur pour applaudir le vainqueur. Après tout, les élections aussi sont comme une compétition sportive !
Sauf que tous les citoyens ne s’intéressent pas au sport…
Il s’agit moins de sport que d’esprit sportif, qui peut aider à bien se tenir en société. Et lorsque les règles sont justes, acceptées et respectées par tous, la concorde est sauve, et elle est essentielle au développement des nations, ces fragments d’humanité.
Les règles, dans le sport, les lois, la Constitution, dans la nation, des arbitres impartiaux et intègres partout, et les miracles deviennent possibles. Certes, en Afrique, c’est aux leaders d’indiquer le cap. Mais, une harmonie globale et durable tient au respect des règles et des lois par chacun. Comme dans le sport, chaque métier est régi par des règles, une éthique ; chaque organisation obéit à des textes, auxquels chacun doit se conformer, dans l’intérêt de tous. Car, si elles sont contraignantes, les règles nous rendent meilleurs et sont même une des caractéristiques des sociétés qui avancent.
Sat, 07 Sep 2024 - 85 - Le Monde, tel qu'il est…
En attendant les Jeux Olympiques, le football, pour encore une bonne semaine. La pelouse verte est un tel espace de vérité et de justice ! Bonnes vacances sportives…
Depuis bientôt un mois, les amateurs de football ont droit à du beau spectacle, sur les pelouses d’Allemagne, où se déroule l’euro 2024. À neuf jours de la finale, dimanche 14 juillet, pourquoi donc insister plutôt sur la diversité dans la composition des sélections nationales ?
Parce que le visage qu’offrent les équipes dit beaucoup de ce que le football apporte à chaque société, comme de leur histoire, et même de leur esprit d’ouverture. Un diplomate occidental aux Nations unies a eu, il y a quelques années, un échange violent avec Trevor Noah, célèbre humoriste de la télévision américaine, un Sud-Africain qui s’était permis de relever que la victoire de telle équipe européenne à la Coupe du monde de football était aussi la victoire de l’Afrique, parce que cette sélection comptait de nombreux joueurs d’origine africaine.
Lorsque nous célébrons Jamal Musiala, Leroy Sané, Serge Gnabry, Nico Williams, Ansu Fati, Cody Gakpo, Ousmane Dembélé ou quelque autre star du ballon rond, nous ne célébrons pas que la Suisse, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la France. Nous célébrons aussi le Nigeria, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert, le Cameroun, la RD Congo, le Togo, le Mali... Chacun fera les tris qui l’intéressent. Mais le sport ne devrait pas souffrir des distinctions entre les sportifs et leur histoire personnelle.
D’aucuns vous rétorqueront qu'il s'agit, là, de citoyenneté, et qu'il n’y a pas à se prévaloir de ses origines plus ou moins lointaines pour se distinguer…
Il se trouve que l’histoire de chacun a ses complexités. Combiens d’admirateurs de l’international espagnol Nico Williams savent qu’à leur arrivée en Espagne, les parents ghanéens de celui-ci ont d’abord été emprisonnés, pour cause d’absence de papiers, avant d'obtenir l’asile ? Le futur footballeur, lui, était en gestation, dans le ventre de sa mère. On les aurait renvoyés au Rwanda où dans un quelconque centre de tri, dans le désert, que cet excellent footballeur nous aurait manqué, hier, tant il a fait trembler la défense allemande, durant la première mi-temps du match qui opposait sa patrie, l’Espagne, à la Nationalmannschaft.
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Si le football est si plaisant à regarder, c’est parce que c’est un des rares milieux où l’on privilégie ce que valent les joueurs à l'endroit d’où ils viennent. Aucune histoire personnelle n’est banale.
Nombre de leurs parents viennent des anciennes colonies. C'est donc le fruit de l’histoire. Pourquoi la réécrire ?
De plus en plus de parents viennent de pays qui n’ont aucun lien historique ou colonial avec les nations dont leurs enfants portent le maillot. Un joueur d’origine nigériane, en Allemagne, n’est pas là parce que l’Allemagne a colonisé le Nigeria. Non, il est là parce que ses parents, un jour, ont choisi de s’installer en Allemagne, et que l’Allemagne les a accueillis. Qui remercier, sinon le peuple généreux qui a accueilli le père ?
Il est exact qu'autrefois, la diversité dans les sélections se limitait à quelques ressortissants des anciennes colonies. Ainsi, recensait-on, dans l’équipe des Pays-Bas, nombre de joueurs originaires ou descendants de parents issus des îles que l’on appelait naguère les Antilles néerlandaises (Surinam, Aruba, etc.). L’Angleterre alignait, notamment, des joueurs venant pour la plupart de l’Empire britannique, du Commonwealth. C'est l'époque où Marius Trésor était pratiquement l'unique figure « black » de l’équipe de France. Dans l’équipe nationale belge, il y avait, comme encore parfois, aujourd'hui, des joueurs issus de pays comme la RDC, l'ex-Congo belge.
Mais, ces dernières décennies, le lien historique a, presque partout, fait place à une tout autre diversité. Ils sont les enfants d’Africains établis dans les pays pour lesquels ils jouent, sans aucun rapport avec l’histoire coloniale. Parfois, ce sont des enfants de couples mixtes. Il arrive même que des jeunes enfants, nés dans un lointain pays d'Afrique, endossent le maillot (de la Suisse, par exemple), juste parce que leurs parents se sont établis dans la Confédération helvétique, après leur naissance. Tout cela fait un beau mélange, qui peut parfois déplaire, mais est aussi, souvent, merveilleux.
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Sat, 06 Jul 2024 - 84 - Biden confronté à un choix historique
L'état dans lequel se trouvait le président sortant des États-Unis, ce jeudi, est un cadeau inespéré pour son tristement célèbre prédécesseur et adversaire. L'option d'un retrait serait un service à son peuple et à l'humanité. En politique, il faut, parfois, savoir perdre un peu, pour gagner l’immortalité.
Joe Biden, qui s’embrouille dans ses réponses, mais refuse obstinément d’accepter que ses forces l’abandonnent, au point d’offrir les clés de la Maison Blanche à un Donald Trump incapable d’accepter une défaite électorale, et qui, à coups d’affirmations fantaisistes, prend de surprenantes libertés avec la vérité. Tel était le décor du premier débat de la présidentielle de novembre prochain, aux États-Unis. Quels signaux reçoit ainsi l’Afrique de la démocratie américaine ?
Depuis que Donald Trump a lâché ses partisans à l’assaut du Capitol, en janvier 2021, la démocratie américaine a cessé d’impressionner en Afrique. Trump a même failli rabaisser les États-Unis au rang de ces républiques bananières que lui-même méprise tant. Il n’empêche. Bien des tares, que l’on déplore régulièrement dans la vie politique, en Afrique, ne paraissent plus improbables, en Amérique ou dans certaines grandes démocraties. Ainsi, lorsque Joe Biden, manifestement diminué, sans plus assez de lucidité pour admettre qu’il serait peut-être temps pour lui de passer la main, certains, en Afrique, se demandent ce qui le différencie de Robert Mugabe, même s’ils n’ont rien en commun, dans la pratique du pouvoir. Quant à Donald Trump, qu’aurait l’aplomb avec lequel il assène les approximations à envier à certains despotes d’Afrique ou d’ailleurs ?
Le pire, ici, est que Biden, inconsciemment, est en train de faciliter le retour de Trump à la Maison Blanche. Ce serait l’ultime preuve que très peu de démocraties, aujourd’hui, sont à l’abri d’un recul brutal. Surtout dans un monde où nombre d’électeurs, d’insatisfactions en déceptions dues aux politiciens, n’hésitent plus à faire, quand bon leur semble, un usage capricieux de leur bulletin de vote.
Aux États-Unis, au moins, certains leaders amis de Biden disent tout haut qu’il serait bon qu’il s’éclipse…
Mais, comme en Afrique, il est aussi des partisans ou courtisans qui n’osent pas dire la vérité à ce leader qui sombre dans un naufrage évident. Par tendresse ou par calcul, certains tentent de faire croire qu’il pourrait, demain, retrouver la vigueur qu’il faut pour rassurer les Américains. Et pourtant, à vue d’œil, celle-ci l’abandonne, de jour en jour. C’est comme cela qu’en Afrique, des dirigeants fatigués, sinon finis, s’accrochent, envers et contre tout. Certes, aux États-Unis, les institutions fonctionnent. Mais les questionnements qui découlent du débat de ce jeudi n’interpellent pas que le présent. C’est aussi, surtout l’avenir qui est en cause. Et l’on imagine comment Joe Biden pourrait, durant les quatre prochaines années, retrouver la vigueur qui semble l’abandonner jour après jour. Après tout, aux États-Unis, le président de la République est d’abord le commandant en chef des armées. Convenir qu’il est durablement diminué n’est pas de la malveillance, mais juste ne pas parier sur l’incertitude, par rapport aux charges de leader du monde libre.
Et c’est ici que ce qui peut être considéré comme un problème typiquement américain devient une source de cauchemars pour la planète. Dans son déni de tout, Donald Trump a laissé croire que Biden était en train de précipiter l’humanité vers une troisième guerre mondiale. Et si c’était lui-même, au cas où il retournerait à la Maison Blanche ? Joe Biden, en cédant la place à un candidat plus solide, rendrait un service à son peuple, et à la terre entière, dans un monde guetté par tant de dangers.
Barack Obama a pourtant fait valoir que les débats décevants font partie de la vie politique.
Un débat voulu et longuement préparé par Biden. Ses propres médecins ne peuvent assurer que le naufrage du temps l’épargnera moins au fil de la campagne. Ni même si l’un et l’autre arriveront à l’élection. Se convaincre qu’il y aura des jours meilleurs, c’est se mentir. Et c’est au nom de tous que parlent tous ceux qui demandent aux démocrates de se trouver un candidat plus convaincant. Et s’il avait le courage de l’accepter, Joe Biden pourrait entrer dans l’Histoire, comme y est entré, pour toujours, Lyndon Baines Johnson, en renonçant à un second mandat qui aurait mis parti en lambeaux. Les Américains, aujourd’hui encore, considèrent « LBJ » comme un des plus grands présidents de l’histoire des États-Unis d’Amérique. En politique, il faut, parfois, savoir perdre un peu, pour gagner l’immortalité.
À Joe Biden, comme à Donald Trumps, on a envie de dédier ces quelques injonctions, tirées de l’hymne de l’Empire du Wassoulou, dans l’actuel Mali : « Si tu ne peux organiser, diriger et défendre le pays de tes pères, fais appel aux hommes plus valeureux ».
Sat, 29 Jun 2024 - 83 - Devine qui vient dîner?…
Dans ce monde où plus aucun peuple ne se suffit à lui, tout seul, des rapports apaisés, mutuellement profitables, sont, de loin, plus intéressants que les tensions permanentes, qui transforment peu à peu certains peuples du continent en parias.
Ce n’est certainement pas la destination vers laquelle les Sénégalais s’attendaient à voir leur nouveau président se diriger pour sa première sortie hors d’Afrique. Bassirou Diomaye Faye était, cette semaine, à Paris. Au Forum mondial pour l'innovation et la souveraineté vaccinales, mais aussi pour une première rencontre avec son homologue français, Emmanuel Macron. N’est-ce pas plutôt surprenant ?
Pourquoi le serait-ce ? L’opposant est désormais un chef d’État, élu par son peuple. Il n’a ni volé les élections ni braqué quelque fourgon. Et, jusqu’à nouvel ordre, la France est un des principaux partenaires de son pays. Il était donc véritablement dans son rôle de chef d’État, à Paris, et c’est bien mieux, pour le Sénégal, que s’il avait pris prétexte des petites inimitiés passées avec Emmanuel Macron pour oublier d’assumer sa charge. Après tout, il s'agissait bien de vaccins ! Et, pour son peuple, pour sa patrie, il était bien qu’il soit là. D’autant que toute l’Afrique aime contempler les premiers pas, sur la scène internationale, de ces dirigeants auréolés d’une réelle légitimité du suffrage universel. Aux imposteurs et autres usurpateurs, qui aiment tant ravir la vedette aux peuples du continent, les Africains ont déjà donné !
Dans bien des pays, la mode, aujourd’hui, est d’être sur le ring avec tous ceux que l’on n’aime pas ou que l’on déteste. Etre en guerre contre toute la terre est, pour certains, un stimulant ! Comme si, pour exister, il leur fallait toujours affronter quelqu’un. Ou alors, ils somment les autres de les aimer et de les respecter, en oubliant, eux-mêmes, d’inspirer le respect.
Les Sénégalais ne risquent-ils pas d’assimiler ce séjour parisien à une forme de ralliement ou de capitulation ?
Ni ralliement ni capitulation. Chinois et Américains ne s’aiment, par exemple, pas ! Enfin, pas vraiment. Mais ils discutent et échangent en permanence. Et, pendant longtemps, les Chinois ont même figuré parmi les plus gros détenteurs de bons du Trésor américain. Si les États-Unis avaient été une entreprise cotée en bourse, une part considérable des actions de ladite société serait détenue par la Chine. Oui, les États peuvent faire affaire sans s’aimer d’amour fou ! Et si le besoin de sans cesse toiser quelqu’un, pour montrer que l’on existe, trahissait juste un pitoyable manque de confiance en soi ? La France est, pour le Sénégal, un partenaire de toujours, comme il en compte d’autres, et peut s’en trouver d’autres encore. Mais à quoi sert-il de rompre avec certains, pour, ensuite, se retrouver dans une posture encore moins confortable avec d’autres, qui, eux aussi, ont leur part d’impérialisme, de dédain, sinon de brutalité ? Tant de peuples prospèrent, aujourd’hui, en n’ayant que des amis, quitte à doser leur proximité avec tel ou tel, au gré des circonstances.
Venant du corps de l’État d’où ils viennent, Diomaye Faye et Ousmane Sonko savent tout du déséquilibre, depuis des lustres, de la balance des paiements du Sénégal. Peut-être cela changera-t-il avec la manne pétrolière et gazière. En attendant, se couper d’une des sources traditionnelles de soutien ne serait qu’une aventureuse carence de lucidité, que ne peut justifier aucune rancune du passé.
Une frange de leurs militants voudra pourtant comprendre pourquoi leur président, soudain, est si conciliant…
Parce qu’il est, justement, président du Sénégal, et plus uniquement des seuls militants qui répondaient naguère à leurs appels à la rue. Autant les invectives et autres discours d’hostilité peuvent, éventuellement, servir pour conquérir le pouvoir, autant pour exercer ce pouvoir au mieux des intérêts de son peuple, l’on se doit de garder, en toutes circonstances, le sens de la mesure, l’esprit de responsabilité. Ceux qui ont soif de palabres et d’ennemis jurés pour avancer trouveront, dans le communiqué conjoint publié à la suite de la rencontre Diomaye Faye-Macron, les mots qui montrent que leur président a été traité avec respect, et que l’avenir de la relation se concevra dans un respect mutuel. Le Sénégal pourrait même en tirer de nouveaux avantages, certainement plus intéressants que les tensions permanentes, qui transforment peu à peu certains peuples du continent en parias, dans ce monde où plus aucun peuple ne se suffit à lui, tout seul.
Sat, 22 Jun 2024 - 82 - Coups d'État : quand le Kenya paie pour le Niger…
La question que posent les putschs est celle d’un environnement répulsif, sinon malsain, avec des conséquences sur des peuples qui n'y sont pour rien.
En fin de semaine dernière, Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, relatait, dans l’auditorium de Chatham House, à Londres, la circonspection du président William Ruto du Kenya, découvrant que les taux auxquels son pays empruntait sur les marchés avaient sensiblement augmenté, parce que, dans leur évaluation, les agences de notation avaient intégré… le coup d’État survenu au Niger !Comment est-ce possible ?
Il arrive que, par excès de simplification ou par paresse intellectuelle, des agences de notations – et pas seulement elles – englobent dans une appréciation unique tout ce continent de cinquante-quatre États. William Ruto, a feint d’en rire, en indiquant que la dernière fois qu’il s’était penché sur la carte du Kenya, il n’y avait vu aucune trace du Niger.
Cette forme de facilité coûte cher, puisque, selon le président de la Bad, citant le Programme des Nations unies pour le développement, des notations de crédit plus équitables permettraient aux pays africains de faire une économie d’au moins 75 milliards de dollars par an sur le service de la dette. Akinwumi Adesina a relevé l’anomalie de l’impact supposé du coup d’État au Niger comme preuve du type d’appréciation inéquitable qui justifierait la création d’une agence de notation africaine, un peu comme l’on prend un autre avis médical.
Et voici que les peuples du continent, qui n’ont rien des avantages qu’auraient permis les États-Unis d’Afrique, en sont à payer pour les forfaits de putschistes d’autres États africains. Comme s’ils n’étaient qu’un même pays ! Allez donc savoir combien d’autres peuples subissent indirectement les conséquences de quelques putschistes lointains ! Et même si les agences de notation sont un regard de l’extérieur, l’on ne peut oublier que ce sont, ici, des Africains qui causent du tort à d’autres Africains.
Certains vous rétorqueront que l’on devrait plutôt demander aux agences d’avoir un regard un peu moins biaisé sur l’Afrique…
Il en est, certes, qui regardent l’Afrique comme un tout gangrené par les guerres, les rébellions, les épidémies, diverses calamités et tares, sans se soucier de savoir si, entre deux nations, même voisines, il peut y avoir des différences, des spécificités qui les rendent totalement dissemblables. Les Africains peuvent déplorer cet amalgame, ou s’en plaindre. Ils peuvent aussi questionner les mauvais comportements de certains Africains, avec de coûteuses répercussions sur d’autres Africains. Les choix sont simples : bien se tenir, dans l’intérêt de tous ou, sous couvert de souveraineté, faire ce que l’on veut chez soi, sans se soucier des conséquences pour les autres. Les panafricanistes d’antan auraient rappelé aux Africains du continent et de la diaspora qu’ils devraient, tous, être ambassadeurs, les uns des autres.
Quant au regard des autres qui déplaît, ceux dont on sollicite les capitaux ont bien le droit d’avoir le leur sur ceux à qui ils prêtent. Et nul n’aurait invoqué les conséquences de coup d’État au Niger s’il n’y en avait pas eu. À l’Afrique, donc, de savoir ne pas se présenter sous son profil le moins avantageux. Et si la nécessité d’être correct devait être une injonction, elle n'émanerait que des Africains eux-mêmes, dans un monde où ils savent n’attendre de cadeau de personne. Tout cela n’aurait rien de déshonorant, dans la mesure où elle viserait à épargner à d’autres, les désagréments résultant d’actes inconvenants posés par certains. C’est cela, la responsabilité.
Après tout, la création d’une agence de notation africaine, proposée par Akinwuini Adesina, vise à ce que l’Afrique ne soit plus jugée à travers le regard des autres. N’est-ce pas suffisant ?
L’Afrique serait-elle plus attrayante ou plus attractive pour les capitaux, juste parce qu’elle se mirerait dans sa propre glace ? La question que posent les coups d’État est celle d’un environnement répulsif, sinon malsain. Pour attirer les investissements, de bonnes politiques et la respectabilité qui en découle sont bien plus sûres que les retouches cosmétiques, même dispensées par une agence africaine, qui devra se créer et conquérir, sur la durée, une crédibilité qui n'est en libre-service nulle part.
Sat, 15 Jun 2024 - 81 - Pourquoi ces peuples irrémédiablement divisés ?
Former leurs concitoyens à apprécier et à décider par eux-mêmes, chaque fois que se jouent la paix civile et les libertés individuelles est, pour les dirigeants politiques, une impérieuse nécessité.
Au Burkina, comme au Mali, les mouvements de grève, cette semaine, portaient sur le non-respect des lois, les décisions de justice et les atteintes aux libertés individuelles. Une partie de la population soutient fermement les militaires au pouvoir à Ouagadougou et à Bamako, mais l’autre, à son corps défendant, critique, à défaut de les combattre. Comment comprendre cette division, perçue comme une fracture entre franges irréconciliables d’une même nation ?
Dans tous les pays où prévaut un certain pluralisme politique, et où chacun peut s’exprimer librement, de telles divisions s’observent. Et la société veille à ce que ces tensions, à force d’intolérance, voire de fanatisme, ne débouchent sur une guerre civile. Dans nombre d’États de notre Afrique francophone, le rapport d’avidité et de gloutonnerie qu’ont certains politiciens au pouvoir d’État complique les choses. Surtout lorsque, aux dépens de l’intérêt général, certains responsables utilisent la politique à des fins personnelles, de carrière ou de vie quotidienne, au mépris des conséquences, pour tous, de leur égoïsme. Il arrive même que certains, pour conserver à jamais leurs avantages et autres prébendes, en viennent à traiter leurs propres concitoyens en ennemis, à les accuser de traîtrise à la patrie, lorsqu’ils pensent différemment.
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De tous temps, la tentation de ceux qui détiennent le pouvoir politique et en abusent dans certains pays d’Afrique a été d’interdire aux autres le droit de penser, dès lors qu’ils refusent de se joindre à l’enthousiasme de commande. Et certains de ceux qui, ici ou là, persécutent aujourd’hui, sont des individus qui ont, par le passé, connu eux-mêmes l’opposition, sinon l’oppression. Nul ne s’étonnerait si, demain, parvenu aux affaires, tel ou tel d’entre eux se mettait à persécuter à son tour.
Serait-ce si facile de faire taire les opposants juste en les accusant de traîtrise à la patrie ?
Tous ne se taisent pas, et certains le paient de leur liberté. Mais, de telles méthodes prospèrent souvent là où la population n’est pas suffisamment outillée pour résister à la manipulation. D’où la nécessité de l’éduquer. Pour avoir cru que l’effondrement des régimes autocratiques induisait, ipso facto, la floraison, partout, d’une démocratie consolidée, nombre de pays ont oublié de structurer l’éducation politique de leurs citoyens. Trois décennies durant, certains leaders ont même oublié de se cultiver à la démocratie. Comme si la seule proclamation du pluralisme politique propulserait, par miracle, les nations en démocratie. Toutes, aujourd’hui, se disent en démocratie, alors que la mentalité et les comportements n’ont jamais autant relevé de l’ère du parti unique. Comme en témoignent les contenus politiques sur les réseaux sociaux, avec leurs torrents de rancœur, d’acrimonie, d’injures et de haine. Sur la toile, certains peuples sont, de fait, déjà en guerre civile ! Et cela va bien au-delà du Burkina, du Mali et de quelques autres Etats en sortie de route constitutionnelle…
Ces divisions n’ont-elles donc rien à voir avec les coups d’État ?
Pas plus que les coups d’État constitutionnels perpétrés à longueur d’année, ici et là sur le continent, les putschs militaires n’aident pas à calmer les tensions. Mais les autres peuples auraient tort de se croire moins concernés que ceux sous le joug d’un pouvoir kaki. D’autant que ces tensions tiennent toutes à des calculs personnels, aussi bien de partisans que de détracteurs des pouvoirs en place. Le salut passera par la capacité des citoyens à préférer des dirigeants avec une hauteur de vue et beaucoup de probité morale, à ceux qui chercheraient à les manipuler. D’où l’urgence d’une éducation civique solide, pour prémunir les peuples les contre les politiciens aux agendas inavouables, qui voudraient, pour leurs intérêts du moment ou des privilèges à retrouver, les abuser.
Aussi, dans un environnement surpeuplé comme jamais de laudateurs serviles et de détracteurs stériles, la responsabilité impérieuse des politiques est de former leurs concitoyens à apprécier et décider par eux-mêmes, chaque fois que se jouent la paix civile et les libertés individuelles.
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Sat, 08 Jun 2024 - 80 - De nouveaux leviers, pour emprunter davantage?
Accroître inconsidérément la capacité d’endettement de dirigeants qui se sont endettés pour faire la fête équivaudrait à une forme de non-assistance à peuples en danger...
Aux assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, deux dirigeants africains ont suggéré cette semaine, à Nairobi, que l’on intègre les ressources naturelles dans le calcul du produit intérieur brut (PIB), pour accroître la capacité d’endettement des États. N’est-ce pas, là, une idée plutôt excellente, pour mobiliser davantage de financements en faveur des États africains ?
Cette idée n’est pas nouvelle et pourrait, dans l’absolu, se comprendre. À condition de ne pas perdre de vue qu’il s’agit d’endettement, avec des implications sur l’avenir. L’on ne peut donc pas dissocier ces nouveaux leviers de la fiabilité des dirigeants qui auront à en user, ni de l’usage qu’ils font des richesses de leur pays, ou de leur capacité d’endettement. L’on ne peut emprunter en oubliant que l’on devra, un jour, rembourser.
Il est si facile, dans les grandes réunions continentales, de développer des idées flamboyantes, surtout avec des perspectives suffisamment lointaines pour que ceux qui les émettent ne soient plus là pour en répondre, le moment venu. Encore que l’on compte, en Afrique, quelques chefs d’État en place depuis plus de quarante ans, dans des pays qui se trouvent être, en plus, des producteurs de pétrole, sans pouvoir apprécier le bénéfice que tire leur peuple du festin de la terre. L’on ignore même à quoi a pu servir, ici ou là, leur endettement écrasant. Aussi, faut-il un certain courage, pour demander aux citoyens d’applaudir de nouveaux leviers pour accroître la capacité de tels dirigeants à emprunter sur les marchés.
Tous finissent plus ou moins par rembourser
Justement. Mais aucun créancier n’a jamais accepté comme moyens de paiement la liste des gaspillages, des détournements ou des biens mal acquis. Nombre d’États donnent en gage, pour des avances financières qui se déclinent parfois en années d’exploitation, les ressources dormant encore au fond des mines… Pour engranger des fonds, certains n’hésitent pas à céder les terres dans lesquelles dorment leurs ancêtres. Ne leur resterait-il donc plus, comme caution bancaire, que les forêts, les fleuves, les lacs, les rivières ? À quand donc l’air que respirent les populations ?
Certes, tous ne brûlent pas d’envie de gager le passé, le présent et l’avenir, et il en est même dont la gouvernance est d’une rigueur admirable. Et quand on sait qu’il n’y a pas, sur terre, pays plus endetté que les États-Unis d’Amérique, première puissance économique mondiale, on imagine que l’endettement n’est pas nécessairement une calamité sans issue pour les États. L’on n’en est pas moins intrigué par les montants faramineux de la dette de certains pays, que n’expliquent ni leur faible niveau d’équipement ni les conditions de vie de leurs populations. Accroître inconsidérément la capacité d’endettement de tels dirigeants n’équivaudrait-il pas à une forme de non-assistance à peuples en danger ?
L’endettement est pourtant d’une nécessité vitale pour tous
Le bon usage de l’endettement aussi. En charge de la Dette, en Côte d’Ivoire dans les années 1980, le ministre Maurice Séri Gnoléba avait fait sensation dans l’enceinte du FMI, à Washington, en réagissant avec véhémence aux allusions offensantes à l’endettement de son pays : « Venez donc chez nous, avait-il dit, et vous verrez que nous ne nous sommes pas endettés pour faire la fête ! »
Nul ne s’inquiéterait de voir offrir aux dirigeants du Botswana cette possibilité d’inclure les ressources naturelles dans le calcul de leur leur PIB, car ils sont sérieux et gèrent bien les richesses nationales. Mais, donner de nouveaux leviers d’endettement à des dirigeants qui se sont endettés pour faire la fête achèverait de compromettre l’avenir de peuples déjà trop vulnérables.
À l’aube des années 1980, lorsque le Cameroun est devenu producteur de pétrole, le président Ahmadou Ahidjo refusait d’inclure la manne pétrolière dans le budget de fonctionnement de l’État, car, disait-il, le pétrole n’était pas le fruit du travail des Camerounais, mais juste une chance, tenant au hasard. Au Tchad, pour financer le pipeline qui permettra d’acheminer le pétrole du gisement de Doba à Kribi, au Cameroun, les institutions financières avaient imposé aux dirigeants tchadiens de réserver sur des comptes bloqués une part des revenus aux générations futures. Au bout de quelques années, Idriss Déby Itno, unilatéralement, a dynamité la tirelire, pour financer ses guerres, au nom de la sécurité de son régime.
En Afrique, le meilleur et le pire du leadership, se côtoient sans cesse. Cherchez donc le pire !
Sat, 01 Jun 2024 - 79 - À jamais, le sphinx fait silence…
Henri Konan Bédié a, toute sa vie durant, travaillé pour son pays, sans jamais être fonctionnaire. L’homme que pleurent les Ivoiriens était-il aussi exceptionnel que le disent les éloges ?
En Côte d’Ivoire, les hommages à Henri Konan Bédié n’en finissent pas, et certains de ceux qui ont compté parmi ses pires détracteurs vantent aujourd’hui les qualités exceptionnelles de l’homme d’État qu’il était. Faut-il se réjouir de l’unanimité retrouvée autour de l’ancien président, ou sourire de l’hypocrisie de certains de ceux qui le pleurent, après ne lui avoir jamais fait aucun cadeau de son vivant ?
Peut-être ont-ils compris à quel point il est vain d’exiger en permanence des autres d’être des héros parfaits, alors que l’espèce humaine cumule, à l’excès, imperfections, défauts et tares. Dans un monde où certains aiment prêter leurs propres mesquineries aux autres, le temps du deuil commande à chacun la décence de tempérer son intransigeance, pour juste apprécier si le bien fait par celui qui n’est plus peut suffire à racheter le mal qu’il a pu faire à son peuple, ou à rattraper les erreurs qu’il a pu commettre. Les superlatifs dithyrambiques que l’on déverse aujourd’hui devant la dépouille de Henri Konan Bédié sont peut-être l’expression de ce que ses concitoyens retiennent de sa vie publique, sans doute imparfaite, au regard de six décennies d’indépendance, avec, tout de même, cinq chefs d’État successifs.
Les Ivoiriens l’appelaient « Le sphinx ». Était-ce pour ses silences, son calme ou les mystères qu’il emporte ?
Pendant douze longues années, il a été président de l’Assemblée nationale et dauphin constitutionnel du président Houphouët-Boigny. Pour s’y être cru trop tôt, son prédécesseur dans cette position a été, politiquement parlant, subtilement exécuté. Bédié a su ne pas exaspérer un président qui pouvait, à tout moment, abréger cette espèce de viager politique. Depuis des années, il s’abstenait de parler publiquement. En janvier 1993, j’avais commis l’erreur de titrer un long portrait dressé de lui en introduction à une interview qu’il nous avait accordée à Jeune Afrique Économie : « Le sphinx parle. » Il n’était sphinx que par rapport aux douze années de prudence… Depuis, ses concitoyens l’appellent, à tout propos, « le sphinx de Daoukro ». Il parlait pourtant dans l’hémicycle !
Il était calme et mesuré et, pour avoir beaucoup reçu de la vie, il n’a voir pas dû, comme certains, se battre violemment pour tout. Et il n’était pas prêt à tout pour parvenir à ses fins, et cela est plus que respectable. Né dans une famille de prospères planteurs de café et cacao, il n’a probablement jamais manqué de rien. Tout cela, ajouté à une éducation doublement princière, explique son assurance dans la vie, et la sérénité qui allait avec.
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Mais Henri Konan Bédié n’était pas d’une docilité parfaite. Le jeune homme qui défiera les lois ségrégationnistes aux États-Unis en allant déjeuner en 1960 dans les restaurants interdits aux Noirs rêvait de devenir avocat, alors que l’administration coloniale finissante l’avait programmé pour l’enseignement. Aussi, lorsqu’après le bac, en 1953, il est envoyé à l’École normale William Ponty, à Sébikotane, il prend bien le bateau pour le Sénégal, mais avec la ferme intention de déserter. Trois jours plus tard, avec une partie du pactole prélevé sur les revenus familiaux de café et cacao, il s’offre, à Dakar, un billet d’avion pour Paris. Destination : Poitiers, la ville de ses rêves estudiantins. Après une licence en droit, un diplôme d’études supérieures en droit et un autre en économie, puis le certificat d’aptitude à la profession d’avocat, il est rappelé, en 1958, comme sous-directeur de la Caisse de compensation et des prestations familiales dans une Côte d’Ivoire alors régie par la loi-cadre de Gaston Deferre. Six mois plus tard, il repartait pour un stage au Quai d’Orsay, puis un autre à l’ambassade de France à Washington, d’où, en 1960, il bascule au poste spécialement créé de chargé d’affaires de la Côte d’Ivoire indépendante. Il est à New York, pour présenter la candidature de son pays à l’ONU… Au cœur de l’Histoire, en somme.
Pourquoi présente-t-on la visite de Félix Houphouët-Boigny à Washington, en 1962, comme déterminante dans sa carrière ?
Pour sa part dans la réussite de cette visite. C’est à cette occasion que Houphouët-Boigny le présente personnellement à Robert Kennedy, ministre de la Justice dans l’administration de son frère John, en lui demandant de l’inviter en famille et de l’introduire au gotha économique et financier américain, « parce qu’il viendra un jour prendre en main les questions économiques de la Côte d’Ivoire ».
Ambassadeur à Washington à 27 ans, ministre des Finances à 33 ans, l’on peut être moins chanceux dans la vie ! Mais la confiance de Félix Houphouët-Boigny devait se mériter jour et nuit. Et douze années passées à attendre de lui succéder valaient une thèse d’État en patience. C’est peut-être tout cela que lui reconnaissent aujourd’hui ses concitoyens, et c’est plutôt rassurant pour la Côte d’Ivoire.
Sat, 25 May 2024 - 78 - Bénin-Niger: la guerre du pipeline
La crise entre le Bénin et le Niger est une conséquence lointaine du rendez-vous manqué de mai 1963, qui aurait dû engager le continent dans le sens des États-Unis d'Afrique. Qui n’existent même plus en projet. Voilà pourquoi certains dirigeants, au gré de leurs humeurs, écrasent leur peuple à huis clos et se jouent de la Constitution.
Entre le Bénin et le Niger, on a frôlé une guerre économique. Pour vider le contentieux qui a failli paralyser l’exportation du pétrole du Niger, les deux voisins vont devoir entamer des discussions, grâce à la médiation chinoise. En attendant, le pétrolier en standby devrait exceptionnellement embarquer une première cargaison du brut nigérien au terminal de Sèmè Kraké.
N’est-ce pas à toute l’Afrique de remercier la Chine ?
Peut-être faut-il souligner que c’est avant tout dans son propre intérêt que la Chine tente de désamorcer ce qui aurait pu, en effet, être une crise continentale grave. Pour avoir financé les coûteuses infrastructures qui rendent le pétrole du Niger exploitable, les Chinois ne sont pas loin de s’en considérer propriétaires, et pour quelques longues années. La crainte d’une paralysante crise entre ces deux États leur était d’autant plus insupportable qu’ils ont dû étancher aussi une pressante soif de liquidités des nouvelles autorités de Niamey. Les incertitudes planant sur ces investissements ont exaspéré Pékin, et les États concernés vont découvrir la Chine sous un jour moins conciliant.
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Comme toujours, sur ce continent, chaque partie s’entête à imputer à l’autre les causes de ses malheurs, de ses déconvenues. Ainsi, s’empresse-t-on, ici et là, d’accuser le président du Bénin de vouloir nuire à la junte nigérienne, qui campe résolument sur son honneur, qu’elle assimile sans nuances à la souveraineté du peuple nigérien. Désespérante Afrique, où certains en viennent à oublier que la fierté des autres, en tant que peuple, peut ne pas être négligeable, par rapport à la leur. Les dirigeants béninois auraient-ils totalement tort de ne pas accepter d’être ignorés, sinon traités par le mépris, par les dirigeants d’un pays voisin qui fait transiter par leur territoire la principale richesse sur laquelle ils misent pour apporter le bonheur aux Nigériens ? Surtout que tous savent, d’expérience, que dans les mois et les années à venir, des Béninois mourront sur le trajet de ce pipeline, par imprudence ou par avidité, comme en témoignent les pipelines, au Nigeria, juste à côté ?
Mais les Nigériens n’ont-ils pas le droit, pour des raisons sécuritaires, de garder leurs frontières avec le Bénin fermées ?
L’on est plus dans la suspicion que face à des preuves tangibles. Comment expliquer que les frontières avec le Nigeria soient ouvertes, alors que le président du Nigeria était autrement plus virulent que son homologue béninois sur le projet d’aller déloger les putschistes à Niamey ? La vérité est que personne, à Niamey, n’oserait traiter le Nigeria par le mépris.
Dans de nombreux villages, en Afrique, les maisons s’enchevêtrent d’une telle manière que, pour accéder à leur domicile, certains doivent parfois traverser la cour d’autres familles. La bienséance impose de saluer ceux dont, par nécessité, l’on viole ainsi l’intimité. En froid ou pas, on fait semblant de leur dire bonjour. Ou alors, on trouve un détour, plus long. Même dans certaines capitales, l’on est parfois obligé de passer ainsi par la maison des autres, pour atteindre la sienne. C’était le cas à la Briqueterie, quartier de Yaoundé, au Cameroun. C’est ce que l’on pourrait appeler la bienséance de l’interdépendance, et qui est aussi valable entre États…
Serait-il donc interdit, sur ce continent, de se fâcher avec ses voisins ?
Ce n’est pas là le problème. Et de telles crises n’existeraient pas si, en mai 1963, les dirigeants du continent avaient courageusement franchi le pas des États-Unis d’Afrique, au lieu de cette une union qui n’a cessé de fragiliser le continent. Cette balkanisation se nourrit de cinquante-quatre susceptibilités. Les États-Unis d’Amérique, ce sont cinquante États sans frontières et sans douanes entre eux, mais aussi une seule monnaie, et les gouverneurs, l’équivalent de nos présidents de la République, savent mettre ce qui les unit au-dessus des querelles d’égo. Le véritable drame de ce continent est que les États-Unis d’Afrique n’existent même plus en projet. Au nom de la fierté nationale, certains dirigeants écrasent leur peuple à huis clos et, au gré de leurs humeurs, se jouent de la Constitution.
Sat, 18 May 2024 - 77 - Tchad: dans le lac, c'est toujours la même eau qui coule
Trois ans après le décès tragique du maréchal Idriss Deby Itno, on a voté, et rien n'a changé. À part, peut-être, de la part du pouvoir, un peu plus de… rapidité !
Avec douze jours d’avance, l’organe en charge des élections a proclamé, ce jeudi 9 mai, Mahamat Idriss Deby Itno vainqueur de la présidentielle, avec 61 % des voix. Une victoire contestée par le Premier ministre Succès Masra, qui la revendique aussi.
N’est-elle pas surprenante, la tournure que prennent les événements au Tchad ?
Si seulement il y avait quoi que ce soit de surprenant dans le spectacle qu’offre à nouveau le Tchad ! L’on est, hélas, en droite ligne de ce à quoi le maréchal Deby avait habitué le monde, en trente ans de pouvoir ! À sa mort, en avril 2021, l’on avait, au mépris de la Constitution, fait croire à tous que l’installation de son fils dans le fauteuil présidentiel était le plus sûr moyen de préserver le Tchad d’une déstabilisation extérieure totalement fantasmée. Les Tchadiens ont été bernés avec la promesse que cet héritier imposé n’allait pas s’incruster. Moins d’un mois plus tard, le sang de Tchadiens innocents recommençait à couler, comme du temps de son père, et n’a, depuis, jamais cessé de couler. Comme il coule, depuis cette annonce précipitée d’une victoire à la traçabilité douteuse. Et voilà les Tchadiens sur le point d’embarquer pour un nouveau bail à durée indéterminée avec l’héritier du maréchal défunt.
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Ce n’est pas un sort des plus enviables, pour un peuple, que de voir son destin confisqué, depuis si longtemps, par une même famille, un clan si friand de violence. Pour avancer, les Tchadiens vont devoir s’interroger plus sérieusement sur ce qui les fait trébucher si souvent. Et questionner les complicités et compromissions individuelles qui ont conforté, au fil du temps, un régime qui n’a, à l’évidence, pas su faire leur bonheur.
Le processus électoral étant encore en cours, n’est-il pas prématuré de conclure que l’élection a été volée ?
Il est encore trop tôt, en effet, pour porter quelque accusation définitive sur ces résultats réputés provisoires. Mais les morts, eux, sont déjà là ! La violence, aussi. Ce serait pure hypocrisie, que de prétendre n’être pas intrigué par ces résultats tombés du ciel, dans une capitale quadrillée par des soldats surarmés, où beaucoup voulaient sincèrement croire à une élection transparente, enfin. Dans sa déroutante constance, ce pouvoir préfère intimider que séduire. Les blindés sont donc de sortie à Ndjamena. Comme à chaque élection aux résultats douteux. Le pouvoir des Deby semble irrémédiablement prévisible !
À Ndjamena, on se plaît à rappeler que sept des neuf candidats auraient appelé le président élu pour le féliciter. Peut-être le Premier ministre n’est-il qu’un mauvais perdant ! À moins que certains de ceux qui félicitent avant d’avoir perdu se positionnent pour les places au bord de la « mangeoire ». Après tout, ce type de régime survit et prospère sur les petites lâchetés individuelles. Que faut-il de courage pour distribuer, au cœur des ténèbres, des pourcentages arbitraires, sans attendre la consolidation des résultats ?
Lorsque, le 24 mars dernier, Amadou Bâ félicitait Bassirou Diomaye Faye, la transparence du processus électoral avait déjà permis aux Sénégalais d’évaluer dans quel sens allait le choix des électeurs. Rien à voir avec une victoire intraçable, imposée par des véhicules blindés.
Peut-on dire d’un pouvoir si souvent confronté à des rébellions qu’il se nourrit de compromissions ?
Ce sont, presque toujours, les alliés inconditionnels d’un temps qui, un jour, deviennent des ennemis jurés, et prennent les armes contre le système qu’ils ont servi, de bonne foi ou par calcul. Ils se muent en détracteurs, lorsqu’ils se sentent rejetés, démonétisés. Nul ne s’étonnera d’apprendre, un jour, que celui qui a distribué si généreusement les pourcentages en ce mois de mai 2024 est passé à une des rébellions. Ceux qui ont conforté le père, naguère, et travaillent, aujourd’hui, à asseoir le pouvoir du fils sont tous de potentiels détracteurs.
Et cela explique largement pourquoi, en trois décennies d’un pouvoir dur et personnel, Idriss Deby Itno n’a jamais su apporter aux Tchadiens l’État de droit, la démocratie ou le début de ce que l’on appelle le développement.
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Sat, 11 May 2024 - 76 - Les journalistes, moteurs de la démocratie et du développement
Voilà ce que devraient être les journalistes, afin que la presse cesse d’être un instrument au service de quelques intérêts égoïstes, pour devenir le moteur de l’État de droit, de la démocratie et du développement des nations.
À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, notre confrère Haman Mana a, dans une interview accordée à Christophe Boisbouvier, hier vendredi, sur RFI, dressé un état de la liberté de la presse, au Cameroun. En quoi son propos est-il aussi édifiant sur l’état général de la liberté de la presse en Afrique ?
Ce que dit Haman Manade son pays nous ramène à ce que l’on observe dans nombre d’autres, sur le continent, le meilleur, de temps à autre, et le pire, trop souvent, malheureusement. Au-delà du propos, cette interview révèle aussi un journaliste courageux, comme on en compte quelques-uns, ici et là en Afrique. Il en faudra davantage, pour constituer la masse critique, indispensable pour rendre à la presse la place irréversible qu'elle mérite à l’échelle continentale. Mais, qu’ils existent est un motif d’espérance, dans un environnement où le pire, triomphant d’arrogance et de cupidité, a une fâcheuse tendance à vouloir éclipser le meilleur. Pour reprendre cette image contenue dans son interview, « l’eau propre » du journalisme est une réalité, même si elle est sans cesse polluée par « l’eau sale », d'un autre type de journalisme.
Le journaliste africain devait, selon un de nos maîtres, être un agent de développement. Mieux, il pourrait être un agent de l’État de droit, de la démocratie et du développement, partout où la presse joue pleinement son rôle. C’est dire que les journalistes ont leur part de responsabilité dans les retards accumulés dans la consolidation de l’État de droit et de la démocratie, en Afrique, comme dans son non-développement. Une presse libre, saine et courageuse peut avoir, sur le destin des peuples, un effet vivifiant que l’on n’imagine pas.
Mais, distinguer, dans le journalisme, « l’eau propre » de « l’eau sale », n’est-ce pas opposer les membres d'une corporation dont les destins sont liés ?
L’eau sale, ce sont, notamment, ceux que Haman Mana qualifie de « presse à gages ». Des journalistes qui déploient, à des fins mercantiles, leur zèle et leur talent au service de causes douteuses, sinon mafieuses, à l’image des tueurs à gages, dans « le milieu ». Certains dirigeants ont eu beau se draper dans la souveraineté nationale, par leurs pratiques, ils se rapprochent davantage de la mafia qui, sous toutes les latitudes, a toujours eu tendance à infiltrer les États. C’est aussi le rôle d’une presse libre que de débusquer les comportements mafieux.
Haman Mana a eu le courage de citer, notamment, le commanditaire présumé de l’assassinat de Martinez Zogo, et démontré, en attendant qu’il soit jugé, en quoi il s’apparente, par son œuvre journalistique, à ceux que son célèbre compatriote Mongo Beti dénonçait naguère comme des mercenaires de la plume, des Al Capone de la rotative.
Le journaliste « d’eau propre » aurait-il l’exclusivité de ce qui est juste ?
S’il dénonce les détournements et autres scandales financiers, ce n’est pas parce qu’il jalouse le bonheur apparent de ceux qui pillent l’État, mais parce qu’il compatit aux souffrances des populations démunies, qui n’auront pas de dispensaire, pas d’école près de chez elles, parce que les fonds ont été détournés. Il fait, en somme, œuvre de salubrité publique.
Et pour le contrecarrer, le journaliste de la « presse à gages » s’emploie à jeter le discrédit sur son travail, sinon sur sa personne. En Afrique, le bon journalisme peine et vit péniblement, tandis que celui de « l’eau sale » peut toujours compter sur la généreuse part du fruit de la corruption que lui jette une branche gangrenée du pouvoir politique. Ce n’est pas un hasard, si les journalistes que l’on tue ou qui meurent courageusement pour la liberté de la presse sont toujours ceux qui défendent l’intérêt général, tandis que prospèrent librement ceux prêts à tout pour des gains faciles et une gloire à bon marché.
Le sujet qu’aborde Haman Mana est donc d’une réelle gravité, et mérite d’être approfondi, afin que la presse cesse d’être un instrument au service de quelques intérêts égoïstes, pour devenir le moteur de l’État de droit, de la démocratie et du développement des nations.
Sat, 04 May 2024 - 75 - La quête perpétuelle du sauveur
Sur un continent qui a un besoin vital de leaders d'envergure, il y a un réel danger à croire que plagier les discours des figures charismatiques qui ont fait la gloire de l’Afrique, suffit pour faire de certains dirigeants actuels, les nouveaux Lumumba, Nkrumah, Sankara…
À l’approche la présidentielle du 6 mai, au Tchad, la question d’une éventuelle entente entre Mahamat Idriss Déby, chef de l’État et Succès Masra, son Premier ministre, devient un thème de campagne pour leurs adversaires. Est-ce donc possible que l’ex-opposant irréductible soit devenu l’allié secret du président qu’il combattait ?
En politique, tout est possible. Mais, il ne s’agit, pour le moment, que de conjectures, et l’attente ne devrait plus être très longue, pour que les Tchadiens apprécient, par eux-mêmes, ce qu’il en est, sur la base du déroulement du scrutin et des résultats qui seront proclamés. L’heure de vérité approche, qui dira à chacun si l’ex-opposant en chef garde quelque fidélité par rapport à ce qu’il proclamait naguère, et qui a poussé nombre de ses concitoyens à risquer leurs vies, en le suivant.
Pour ce qui est de la victoire que lui prédisent certains, l’héritier du maréchal Déby peut aussi bien la devoir aux mystères de la technologie électorale, au Tchad, qu’à une adhésion réelle à sa personne, dans une Afrique où une partie de l’opinion a tendance à voir un sauveur en chaque individu installé au pouvoir, y compris par des voies détournées. L’on avait vendu cette succession dynastique, présentée comme transitoire aux Tchadiens, comme un gage de stabilité pour le pays, et même pour le Sahel. Ils ne doivent pas être particulièrement fiers, aujourd’hui, les parrains de cette transaction qui sanctifie un autre pouvoir familial, en Afrique francophone. Et, au-delà du Tchad, le véritable problème est celui de ces héros plus ou moins artificiels, que l’on vend, à la chaîne, à certains peuples du continent.
Cette soif d’hommes providentiels n’est-elle pas légitime de la part de populations si souvent déçues par leurs dirigeants ?
Peut-être. Mais, on a du mal à croire que pour guérir des trois éprouvantes décennies d’Idriss Déby Itno, la solution soit de mettre en selle son fils, pour une nouvelle tournée. Au regard de la pénurie chronique de leaders charismatiques, aujourd’hui en Afrique, il suffit de si peu, pour impressionner des peuples trop longtemps abreuvés de mensonges et ballotés entre déconvenues cuisantes et grandes désillusions. L’enthousiasme de commande autour de dirigeants parvenus au pouvoir par la petite porte a tout de la gloire acquise à bon marché. Surtout pour des personnes parfois totalement inconnues du grand public, dont le pedigree ne justifie nullement les colonnes d’apothéoses qu’on leur dresse dans l’imaginaire populaire.
Certes, la pénurie de leaders charismatiques n’est pas moins chronique, à l’échelle planétaire, avec tant de crises plus insolubles que jamais. Mais, le drame de l’Afrique est qu’elle est plus vulnérable, avec des héros qui n’en sont pas du tout, alors qu’elle a, justement, besoin de leaders d’envergure. Ici et là, les rares qui feraient l’affaire sont parfois étouffés, sinon liquidés, pour laisser le champ libre aux imposteurs et autres maîtres de la captation d’héritage, prompts à récupérer le nom et l’image de grands leaders disparus qui rehaussaient, jadis, le prestige de l’Afrique, y compris au prix de leur vie ou de leur liberté : Lumumba, Nkrumah, Cabral, Sankara, Rawlings, Mandela, et tant d’autres, exemplaires par leur sens de l’intérêt général.
Se revendiquer de ces leaders n'est-il pas, déjà, une belle avancée ?
Ce serait trop facile, s’il suffisait de plagier les discours de ces figures charismatiques pour devenir ce qu’elles sont, à jamais, pour l’Afrique ! Si, encore, ces nouveaux héros avaient tous lu et digéré leur pensée ! La plupart ne font que rendre, plus ou moins laborieusement, des discours pondus par des personnes qui ont peut-être lu ces grands leaders, et s’en croient suffisamment experts pour faire de leurs nouveaux employeurs les Lumumba, Nkrumah, Sankara d’aujourd’hui.
Davantage que leurs discours, c’est leur sens de l’intérêt général et leur esprit de sacrifice qui faisait la grandeur de ces héros du panafricanisme. Tout l’enjeu, pour l’Afrique, est de leur trouver des successeurs à peu près à la hauteur.
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Sat, 27 Apr 2024 - 74 - Une vie après le pouvoir
Pour le Sénégal, Macky Sall composerait sans états d’âme avec Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Car, tous savent devoir situer l'intérêt de leur patrie au-dessus de leurs rancœurs, tenaces ou passagères.
Deux semaines après son départ du pouvoir, l’ancien président Macky Sall, en sa qualité d’envoyé spécial du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète, a pris contact, en cette mi-avril, avec le Secrétaire général des Nations unies, à New York, puis avec les milieux de la finance, à Washington, où se tenaient les Assemblées du Fonds monétaire international et du Groupe de la Banque mondiale. Pourquoi donc certains Sénégalais, ne veulent y voir qu’une anomalie, gênante pour son successeur ?
Chacun y verra ce qu’il voudra. L’essentiel, ici, est que la fin d’un mandat politique cesse d’être vécu, en Afrique, comme une malédiction. Sur la vitalité d’une démocratie, ce que deviennent les anciens chefs d’État après le pouvoir est édifiant ! Et le Sénégal, de ce point de vue, est un exemple plutôt plaisant. Fin 1980. Léopold Sédar Senghor, 75 ans, quitte volontairement le pouvoir. Trois ans plus tard, il passe à l’immortalité : élu à l’Académie française.
Mars 2000. Son successeur, Abdou Diouf, 65 ans, battu à la présidentielle par Abdoulaye Wade, devient, deux ans après, Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie. Peut-être que s’il n’avait pas préféré, à 86 ans, le repos du guerrier, Wade aurait eu droit à sa petite sinécure de jeune retraité, comme Macky Sall, qui l’avait battu en 2012, et qui a sa nouvelle vie, désormais, loin de la gestion de son successeur.
Que Paris ait été pour beaucoup dans la reconversion de trois des quatre anciens chefs d’État du Sénégal est peut-être une forme de soutien à la démocratie sénégalaise, en dépit des récriminations que nourrissent certains à l’égard de l’ancienne métropole.
Mais Macky Sall pourrait-il vraiment, dans ses nouvelles fonctions, gêner son successeur ou nuire au Sénégal ?
Sa mission est celle d’un ambassadeur de bonne volonté, qui plaidera pour lever des fonds en faveur des pays confrontés aux dérèglements climatiques. Les nationaux de certains États africains craindraient plutôt qu’il favorise, parfois, le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Parce que les Sénégalais aiment leur pays. Qui a toujours eu une diplomatie des postes dans les institutions internationales, déployant tous les efforts, pour promouvoir ses ressortissants dans la fonction publique internationale. À charge, pour ceux-ci, d’aider en retour leur patrie à mériter les meilleurs projets et financements. À la différence d’autres nationalités africaines, le Sénégal ne brise pas ses propres ressortissants, sous prétexte qu’ils ne seraient pas du parti au pouvoir, ou de la région d’origine du chef de l’État. À l’international, les Sénégalais savent transcender leurs rivalités partisanes. Ce qui peut subsister d’animosité entre eux se joue ailleurs. Sur la scène internationale, Senghor n’a jamais gêné Diouf ; qui n’a jamais gêné Wade, qui, même s’il lui en voulait, n’a jamais gêné Sall. C’est à leur capacité à situer la patrie au-dessus de leurs rancœurs, tenaces ou passagères, que l’on apprécie les hommes d’État.
Le Sénégal n’est tout de même pas seul à compter de tels hommes d’État !...
On en trouve en nombre, notamment dans les pays lusophones et anglophones que nous citons souvent en exemple ici. Mais, on n’oublie pas qu’en francophonie, une des successions les plus violentes, après coup, a été celle du Cameroun, où Ahmadou Ahidjo avait, en novembre 1982, transmis le pouvoir à son Premier ministre, Paul Biya, tout en gardant le contrôle du Parti, afin, disait-il, de calmer certains barons hostiles au successeur. Cela se transforma bientôt en une omniprésence d’un Ahidjo campant sur la prééminence du parti, avec des incongruités protocolaires, qui achèveront de ruiner les relations avec Biya. Et lorsque survient, en avril 1984, une violente tentative de coup d’État, l’ancien président, qui avait publiquement regretté d’avoir cédé le pouvoir à Biya, s’empresse de suggérer que le putsch réussirait, s’il était le fait de ses partisans. À Yaoundé, on le tiendra pour responsable, même si certains auteurs présumés confient ensuite n’avoir rien à voir avec lui. Peut-être que Ahidjo – peu habitué à ne plus passer en premier – s’était morfondu dans l’ennui et une certaine nostalgie… Ce qui ne risquait pas d’arriver à Senghor, le poète, devenu… académicien français !
Sat, 20 Apr 2024
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