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Chronique de Jean-Baptiste Placca

Chronique de Jean-Baptiste Placca

RFI

Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien La Croix et fondateur de L’Autre Afrique livre sa vision sur l’actualité africaine de la semaine écoulée. Entre analyse, réflexion et mise en contexte, cette chronique est l’occasion de donner du sens et de prendre du recul sur les événements de la semaine, mais également de revenir sur des sujets parfois traités trop rapidement dans le flot d’une actualité intense.

95 - Comment traiter avec Donald Trump
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  • 95 - Comment traiter avec Donald Trump

    Le président élu des États-Unis, si prompt à dénigrer certaines nations, sait néanmoins faire preuve de mesure, lorsque le poids économique des interlocuteurs s'impose à lui. L'Afrique, pour l'affronter, devra apprendre à exister véritablement dans l'économie mondiale.

    La messe est dite : les électeurs américains ont rouvert, ce 5 novembre, le Bureau ovale à Donald Trump. Un président qui ne s’est pas souvent distingué par la délicatesse des qualificatifs dont il use, pour parler de l’Afrique. Les Africains doivent-ils s’inquiéter de son retour prochain à la Maison Blanche ?

    Seuls les Américains savent ce qui est le mieux pour leur pays. Ils l’ont élu. Ils vont l’avoir. De par le monde, il en est qui s’en réjouissent, en effet. Mais il en est aussi qui s’apprêtent, résignés, à s’accommoder de la nouvelle donne à Washington, avec un dirigeant prévisible, pour le pire et le meilleur. Pour l’Afrique, cette élection n’aura aucune incidence déterminante. Pas plus avec lui qu’elle n'en aurait eu avec Kamala Harris présidente.

    Le président des États-Unis gouverne pour les intérêts de son pays et de son peuple. Quant aux réflexions désobligeantes de Donald Trump, si elles font mal, c’est parce que le chef d’un tel État ne devrait pas parler de la sorte des autres. Nombre d’autres dirigeants pensent comme lui, mais ne le disent pas. Ou alors, à l’abri des caméras et des micros. La question fondamentale n’est donc pas de savoir pourquoi certains pensent tant de mal des nations africaines et le chuchotent à huis clos, mais ce que doivent faire les Africains, pour inspirer un peu plus de respect.

    Que doivent donc faire les Africains, pour inspirer le respect ?

    Peut-être devraient-ils commencer par s’interroger sur la place de l’Afrique dans ce monde où l’on ne vous respecte que par rapport à ce que vous représentez et présentez comme intérêt. Où donc se pense, aujourd’hui, l’avenir de ce continent ? Quels leaders pour piloter une stratégie panafricaine dense, avec un chronogramme rigoureusement respecté ? Un continent sur lequel l’on fait silence, partout où il est question de perspectives et de stratégies planétaires, est un continent virtuellement perdu. Certes, quelques cercles de réflexion plus ou moins démunis analysent, ici et là, certains segments la vie des nations. Mais tout cela manque terriblement de moyens, de cohésion et de coordination. L’Afrique souffre d’un déficit chronique de dirigeants capables d’investir et de s’impliquer dans une réflexion d’avenir. Alors, chaque pays, chaque dirigeant s’agite dans ses limites géographiques étriquées, pour des résultats aussitôt compromis par l’incohérence de tel ou tel de ses voisins.

    Comme si le train du développement, à jamais, était bloqué. À quai. Encore pire que ce que déplorait, en 1962, le célèbre agronome René Dumont, dans son ouvrage au titre finalement pas si violent : « L’Afrique noire est mal partie»… Il lui faut se réinventer, pour espérer se hisser durablement dans l’estime des nations.

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    Croyez-vous que cela suffira pour échapper aux propos désobligeants de certains ?

    Non. Mais, il faut, au préalable, ne plus prêter le flanc aux critiques faciles et parfois grossières. Ensuite, lorsque l’on scrute la prudence que met le même Trump à attaquer certains pays ou dirigeants, on comprend que certaines réalités lui imposent de la retenue. L’Afrique doit donc pouvoir peser véritablement dans l’économie mondiale pour compter. Avec toutes les ressources naturelles dont regorge son sous-sol, et tant de minerais que convoite la terre entière, elle ne peut persister à juste exporter les matières premières, sans même faire des réalisations, pour faire fructifier lesdites ressources.

    Si Donald Trump évite certains qualificatifs trop discourtois, lorsqu’il parle, par exemple, de la Chine, c’est parce qu’il ne peut se le permettre : les Chinois détiennent une part, certes décroissante, mais toujours appréciable des près de 35 000 milliards de dollars de dette américaine. Tout homme d’affaires lucide sait que l’on ne parle pas n’importe comment à ses créanciers ou à son banquier. L’équilibre de la terreur, autrefois soutenu par les armements stratégiques et la dissuasion nucléaire a, aujourd’hui, un pendant économique et financier tout aussi efficace : les finances, la puissance économique. Là où les Chinois, jadis indexés comme une bombe démographique à retardement, sont, de fait, devenus « actionnaires des États-Unis », l’Afrique doit-elle continuer à n’être qu’une spectatrice passive de son destin ?

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    Sat, 09 Nov 2024
  • 94 - Retour sur le «combat du siècle»

    Mercredi 30 octobre, sur RFI, les auditeurs ont pu vivre au diapason du « combat du siècle », organisé fin octobre 1974 à Kinshasa, dans le Zaïre de Mobutu Sese Seko. Grand reportage, Appels sur l’actualité, Couleurs tropicales… Toute la journée, ils ont pu vivre ou revivre, à travers les journaux et diverses émissions de la station, d’émouvants moments. Pourquoi donc considérez-vous tout cela un magnifique cadeau à plusieurs générations d’Africains ?

    Parce que c’en est un. Des premières lueurs de l’aube jusqu’au cœur de la nuit, nous avons pu vivre ou de revivre ce combat et tous les spectacles, autour. Souvenirs émus, pour les anciens, nos aînés et nombre d’entre nous. Les jeunes frères, qui en avaient seulement entendu parler, ont pu le vivre, comme s’ils y étaient. Pareil pour nos enfants et les plus jeunes. Cette journée était meilleure qu’une simple résurrection intelligente de sons et d’images d’archives du gala de boxe et des concerts. C’était un autre festival vivifiant sur les grandes retrouvailles entre les citoyens de l’Afrique indépendante et leurs frères de la diaspora, déportés durant l’esclavage. Certains Congolais ont déploré que la RDC ait oublié de célébrer l’événement. Mais toute l’Afrique l’a célébré, avec intensité et passion, à travers RFI. 

    Le rappel de ce passé un peu glorieux aurait pu inspirer aux Congolais la petite introspection qui les poussera à en finir avec le destin peu enviable qu’imposent à leur peuple des dirigeants peu soucieux de mettre leurs actes en adéquation avec leurs discours. Car, avec d’aussi gigantesques richesses, le très éloquent Mobutu aurait pu faire de son Zaïre le phare du continent, s’il ne se cantonnait pas au seul verbe, aux beaux discours. 

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    Mobutu a réussi à attirer la lumière sur son pays. Il l’a même fait briller, et pas qu’en octobre 1974…

    Mais, qu’en est-il resté ? Oui, un an tout juste avant le « combat du siècle », Mobutu avait, en effet, ébloui l’Assemblée générale des Nations unies, par un discours de la veine de celui que tiendra Thomas Sankara, onze ans plus tard. C’est là que, évoquant les circonstances de l’accession de son pays à l’indépendance, il avait soutenu que l’ancien colonisateur avait déployé des efforts pour démontrer que mon peuple était incapable de se gouverner. « En une nuit, mon pays s’est effondré, comme un château de cartes. Et les experts en matière de colonisation en ont hâtivement déduit une incapacité congénitale du peuple zaïrois, et soutenu que l’indépendance des pays neufs était une mauvaise opération ». Et il impressionnait par son sens des formules. Comme lorsqu’il expliquait qu’à son accession à la souveraineté internationale, le Zaïre, quatre-vingt fois plus grand que la Belgique qui l’a colonisé, comptait moins de dix cadres ayant achevé des études supérieures, et pas un seul cadre zaïrois dans l’administration, l’armée ou le secteur privé. 

    Voir le charismatique Mobutu accueillir, en terre africaine, Mohamed Ali, James Brown et toutes ces brillantes vedettes afro-américaines et africaines, ne rendait que plus admirative une jeunesse continentale au sang bouillonnant de panafricanisme. C’était peu avant la diffusion, sur les télévisions africaines, de la mini-série Roots, tirée de l’œuvre d’Alex Haley. Cette vivifiante exaltation du cordon ombilical entre les Noirs d’Amérique et le continent africain de leurs origines était presqu’une religion.

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    Cela explique-t-il que les Afro-Américains aient aussi facilement vu en Mobutu un leader à admirer ?

    Il avait du bagou, et savait séduire ses hôtes étrangers. Surtout, ces rencontres afro-américaines au Zaïre survenaient quelques mois après la chute de l’empereur Haïlé Sélassié d’Éthiopie, un dieu vivant pour nombre d’Africains de la diaspora, surtout pour les panafricanistes des Amériques. Mobutu a échoué à marquer l’Histoire, parce qu’il se contentait du verbe. Trop narcissique, trop obnubilé par le côté jouissif du pouvoir être comme un héros durable.

    Vingt-sept ans après sa chute, ses compatriotes peuvent regretter son envergure flamboyante, que n’a aucun de ses trois successeurs. En commun avec lui, ils n’ont que la dévorante envie de s’éterniser au pouvoir, sans montrer en quoi leur présidence sans fin concourt au mieux-être d’un peuple qui n’en peut plus de les subir.

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    Sat, 02 Nov 2024
  • 93 - Présomption d'incompétence…

    Alors que tant d'hommes moyens, médiocres et parfois quelconques s'accrochent au pouvoir dans de nombreuses nations, la capacité des femmes à bien gouverner est toujours mis en doute, y compris dans certaines grandes démocraties…

    Dans l’évocation, ici, de l’élection présidentielle américaine, le candidat républicain Donald Trump est omniprésent, alors que sa challenger démocrate, Kamala Harris, peut bien l’emporter. Mieux, elle entrerait dans l’Histoire, en devenant, ainsi, la première femme présidente des États-Unis. Si nous parlions un peu d’elle ?

    Cette négligence relève des pièges qui guettent constamment le journaliste, enclin à accorder plus de place à ceux qui ne se tiennent pas comme il faut, contrairement aux plus sérieux. Il en est ainsi des États, des gouvernements, comme des dirigeants. Les cancres ont décidément le don de monopoliser l’attention, au détriment des meilleurs, qui mériteraient parfois d’être davantage mis en valeur, ne serait-ce que pour servir d’exemples, sinon de modèles à tous.

    Si elle l'emportait, Kamala Harris deviendrait non seulement la première femme à occuper le Bureau ovale, mais aussi la première femme noire et la première femme d’ascendance asiatique. Puisque sa mère Shyamala Gopalan était Indienne, et que son père Donald Harris était un Noir de Jamaïque. Elle assume d’autant plus librement ses racines africaines que même sa mère indienne a élevé Kamala et sa sœur Maya dans cet esprit.

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    Shyamala et Donald étudiaient dans une des plus prestigieuses universités des États-Unis, à Berkeley, mais c’est dans les cercles artistiques et intellectuels noirs où se pensait la lutte pour les droits civiques qu’ils se sont connus. Comme au célèbre Rainbow Sign, où Kamala Harris, comme d’autres enfants d’activistes, croisait alors une multitude de célébrités : l’écrivain James Baldwin ; l’immense pianiste, compositrice et chanteuse Nina Simone ; la compositrice Odetta ; ou encore Shirley Chisholm, première femme candidate dans des primaires démocrates. 

    Trump a dit qu’il ne savait pas trop si elle était noire ou indienne

    Avec un père économiste, qui enseignait à Stanford, et une mère médecin, biologiste, oncologue, qui a enseigné entre Berkeley et McGill, au Canada, Kamala Harris aurait pu étudier dans n’importe quelle bonne université. Mais, à 18 ans, c’est à Howard, une des plus célèbres universités noires des États-Unis qu’elle a choisi d’entrer. Choix politique, identitaire, sans ambiguïté. Et il faut les avoir rencontrés, pour comprendre à quel point les étudiants de Howard étaient fiers de fréquenter cette université, qui a formé, entre autres, Toni Morrison, prix Nobel de littérature 1993, ou l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane.

    Chez Kamala Harris, l’indianité s’imbrique avec les vibrations africaines. D’ailleurs, son grand-père maternel, P.V. Gopalan, acteur de la lutte pour l’indépendance de l’Inde, a également servi et vécu en Afrique. Cela notamment à Lusaka, capitale de la Rhodésie du Nord, l’actuelle Zambie, où il coordonnait l’aide aux réfugiés fuyant la guerre de libération en Rhodésie du Sud, le Zimbabwe. Kamala avait à peine 6 ans, lorsque son grand-père indien est devenu conseiller de Kenneth Kaunda, le charismatique premier président de la Zambie. Noire, Indienne, il suffit de scruter ses pas de danse pour comprendre qu’elle ne se contentait pas de clamer : « I’m Black and Proud ! ». Elle vibrait. 

    Pourtant, certains Noirs hésitent à voter pour elle

    Kamala Harris n’est pas dans une stérile complainte identitaire. Elle se bat ! Ainsi, lorsqu'elle découvre que 92 % des victimes d’homicides n’avaient pas fait des études secondaires, elle ne se contente pas, comme tant d’autres, d’appeler à traîner en justice une police raciste : elle conçoit une politique dissuasive contre l’absentéisme scolaire chronique, pour obliger les parents à veiller à l’assiduité de leur progéniture. « Afin, disait-elle, que les jeunes gens comprennent qu’ils peuvent faire autre chose dans la vie que devenir des criminels». 

    À une petite écolière qui lui demandait quel conseil il donnerait à une jeune dame qui voudrait devenir présidente des États-Unis, Gerald Ford, successeur d'un Richard Nixon emporté par le scandale du Watergate, avait répondu qu’il fallait, d’abord, qu’un président, homme, la choisisse comme vice-présidente. Et que le président en question décède en cours de mandat, pour que celle-ci lui succède. Que de sincérité !

    Mais le plus triste est que notre humanité continue de soumettre les femmes à une sourde présomption d’incompétence. Alors que tant d’hommes moyens, médiocres et parfois quelconques, parviennent au pouvoir et s’y accrochent, sans jamais répondre aux attentes de leurs peuples. C’est ainsi que tous feignent, par exemple, d’ignorer qu’au cours des deux dernières décennies, un des rares dirigeants convaincants et compétents, à l’échelle planétaire, reste, définitivement, Angela Merkel : une femme !

    Sat, 26 Oct 2024
  • 92 - États-Unis: des élections à conséquences

    L'homme qui a aidé à créer le mythe Donald Trump pour la télé-réalité demande pardon aux Américains, « pour avoir aidé à créer un monstre ».

    Le compte à rebours est lancé : le 5 novembre, les Américains se rendront aux urnes, pour élire leur président pour les quatre prochaines années. D’où vient donc cette impression que cette élection aura des conséquences déterminantes sur la paix mondiale ?

    D’ordinaire, l’opinion, sous toutes les latitudes, vit chaque présidentielle aux États-Unis comme si elle était déterminante pour le destin du monde. Et, de fait, elle l’est, puisque le locataire de la Maison Blanche, de par le poids de son pays sur l’échiquier diplomatique international et dans l’économie mondiale passe pour être le leader du monde libre. Avec l’actualité agitée que nous vivons, et toutes ces tensions qui fragilisent les équilibres régionaux, la personnalité du prochain président des États-Unis peut, soit ramener un tout petit peu de sérénité, ou précipiter le monde vers un peu plus d’incertitude. Certains des protagonistes des tensions actuelles ne s’y trompent pas, qui ont leurs préférences, et seraient heureux de voir dans le Bureau ovale Donald Trump ou Kamala Harris, pour leur permettre de persister dans la voie qu’ils ont choisie, ou de refréner quelque peu les ardeurs de leurs adversaires. Deux personnalités en tout points dissemblables, que les sondages peinent à départager. Autant dire que le meilleur reste possible, mais le pire aussi.

    N'a-t-on pas un peu trop tendance à diaboliser Donald Trump ?

    Ses actes et ses propos justifient la perception que l’on peut avoir de lui. Pour le reste, lui-même ne se prive pas de diaboliser tous ceux qui viennent d’ailleurs, ne pensent pas comme lui, ou ont l’outrecuidance de ne pas le soutenir. D’ailleurs, il suffit de survoler la liste de tous ceux qui l’ont soutenu par le passé, ont travaillé avec lui et tout donné pour lui, et qui se retrouvent à le combattre aujourd’hui avec virulence, pour comprendre. Son propre vice-président l’a désavoué, et Dick Cheney, l’ancien vice-président de George W. Bush, connu pour être un républicain pur et dur, s’est rangé derrière la candidate démocrate. Tout comme sa fille Liz Cheney, qui a justifié son rejet de Donald Trump par cette formule assassine : «les Américains veulent un président que leurs enfants peuvent regarder avec fierté». Ses amis, Trump les embarrasse ou leur fait peur.

    Les défections les plus spectaculaires sont celles de jeunes dames courageuses, qui occupaient des postes en vue à la Maison Blanche sous son administration, et disent aujourd’hui préférer leur patrie à leur parti. Nombre de ceux qui ne le combattent pas craignent sa capacité de nuisance, mais le détestent. Ils réprouvent sa radicalité dans le verbe, ses affirmations définitives parfois à mille lieues de la vérité. Ils le trouvent potentiellement dangereux pour la paix mondiale et pour la paix sociale, tant il a du mal à concevoir les relations humaines et interétatiques autrement que dans des rapports d’allégeance ou d’hostilité. Pour certains, il a pris en otage le Parti républicain d’Abraham Lincoln. Ce parti de valeurs est devenu le parti de Trump, assénant les contre-vérités avec un aplomb déconcertant.

    Il y a pourtant un public qui le suit, des foules…

    Oui ! Au-delà des États-Unis, le danger qui guette notre monde tient au fait que les dirigeants populistes ont du succès. Une partie de l’opinion adhère ou donne l’impression d’adhérer, y compris à leurs mensonges flagrants. Quel que soit le côté inacceptable de ce que disent certains dirigeants politiques, il y a toujours une partie de l’opinion qui les suit et s’abreuve à la fontaine de leurs excès. Comme si le monde avait pris congé des dirigeants d’envergure. Les imposteurs, les démagogues, les populistes ont quartier libre. Les gens qui sont en politique pour servir l’intérêt général sont de moins en moins nombreux. Mais les actes inappropriés, les propos indécents ne restent jamais sans conséquences pour les peuples. La facture des excès et autres guerres inutiles devra être, tôt ou tard, réglée. Ancien directeur du marketing de la chaîne américaine NBC, John Miller, qui a aidé à fabriquer le mythe Donald Trump dans l’émission de télé-réalité « Apprentice », a pris sa plume, ces jours-ci, pour demander pardon aux Américains, « pour avoir aidé à créer, vingt années durant, un monstre », dit-il. En voici la facture…

    Sat, 19 Oct 2024
  • 91 - Cameroun: Ahmadou Ahidjo, lui, avait Paul Biya...

    Pour la énième fois, les dignitaires du pouvoir de Yaoundé ont échoué à protéger leur président des rumeurs malveillantes sur sa santé, sinon sur sa vie. Comme si, pour certains de ses proches, ces psychodrames à répétition étaient du pain béni. Et pourtant, seule la bonne information tue la rumeur. Pas un silence contraint…

    Par un communiqué, rendu public ce 9 octobre, le ministre camerounais de l’Administration territoriale interdit tout débat sur l’état de santé du chef de l’État dans les médias privés. Comme pour clore les réactions à la chaîne de ses collègues, qui ont rivalisé d’indignation, à la suite des rumeurs sur l’absence prolongée du président Paul Biya. À quoi faut-il donc s’attendre, à présent ?

    L’on peut s’attendre à tout, comme… à rien, puisque les Camerounais ont cessé, depuis longtemps, de compter les psychodrames autour de cette seule question. Quant aux médias privés, déjà fragilisés, les représailles judiciaires brandies auront sur eux l’effet dissuasif escompté. Même s’ils ont pu s’étonner du manque manifeste de coordination, sinon de cohésion entre les ministres montés au créneau, pour condamner les rumeurs. Et certains ne manqueront pas de se demander le zèle de tel ministre n’est pas juste un moyen, pour celui-ci, un moyen comme un autre de réhabiliter aux yeux du président Biya. Après tout, cette distraction résulte du fait que quelqu’un a oublié de bien faire son travail, qui aurait rassuré les Camerounais et désamorcé toute tentative de manipulation de ce qui n’est qu’une information à communiquer aux citoyens. Est-ce la bonne manière que de sommer ceux-ci de se taire ou de s’abstenir de poser des questions, lorsqu’ils sont sans nouvelles de leur président ? Un ministre a rappelé, à l’occasion, qu’il y a des mécanismes qui permettent de poursuivre ceux qui annoncent le décès d'un chef de l'État sans s'assurer de ce qui se passe. Mais comment, justement, procède-t-on, ici, pour s’assurer de ce qui se passe ?

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    À91 ans, Paul Biya n’a-t-il pas, après tout, le droit d’aller se soigner ou se reposer, y compris à l’étranger ?

    Aucun de ses concitoyens ne lui conteste ce droit. Et pourquoi devrait-on contester aux Camerounais le droit de prendre des nouvelles de leur président, y compris de sa santé, ne serait-ce que pour le porter dans leurs prières ? Une information simple et claire aurait suffi, pour prévenir les rumeurs, que le ministre de l’Administration territoriale prête à des personnes sans scrupule, colporteurs de nouvelles mensongères et d’élucubrations visant à semer la confusion et le doute dans les esprits, à installer le pays dans l'incertitude. Il reste à s’assurer que l’injonction à se taire ne sème tout autant la désolation.

    Au regard du nombre de fois qu’une absences prolongée du chef de l’État camerounais à l’étranger – en l’occurrence, en Suisse – a donné lieu tant de fois à ce type de psychodrame, l’on se serait attendu à ce que l’entourage du président ait pensé un moyen, simple, d’anticiper les angoisses et les interrogations de leurs concitoyens, sans attendre, chaque fois, que les rumeurs s’affolent. Après tout, s’il survenait – qu’à Dieu ne plaise ! – un malheur, cette population serait la première à subir les conséquences des sourdes rivalités et des antagonismes violents au sein même du pouvoir, où l’on ne spécule pas moins sur l’avenir du pays sans Paul Biya.

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    Ces derniers mois, nombre de ces dignitaires ont pourtant écumé le Cameroun, pour mobiliser l’opinion en faveur d’une nouvelle candidature du président Biya, en octobre 2025…

    Effectivement. Et si les dieux du Dja-et-Lobo le lui accordent, il terminerait ce futur mandat à pratiquement l’âge de… 100 ans ! Ce n’est donc pas uniquement par voyeurisme que les Camerounais demandent à être éclairés sur l’état de santé de leur président, lorsqu’ils ne le voient pas des semaines durant.

    Ahmadou Ahidjo, son prédécesseur dans ces fonctions, avait 58 ans, lorsqu’il a subitement démissionné, en novembre 1982, et passé les commandes à Paul Biya, parce que ses médecins lui auraient diagnostiqué un mal dont le traitement allait nécessiter des absences fréquentes. Ainsi, ce dirigeant craint, qui passait pour un leader autoritaire, sinon pour un dictateur, avait renoncé au pouvoir, pour ne pas avoir à diriger son peuple par intermittence. Ou en vacancier. Mais, lui, il avait Paul Biya…

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    Sat, 12 Oct 2024
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