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- 1123 - Benoît Munanga (RDC): «Le corridor de Lobito nous aidera à avoir un impact environnemental réduit»
« C'est le plus important investissement américain de tous les temps dans le chemin de fer africain », déclare Joe Biden… Ce mardi et demain mercredi, le président américain est en Angola pour donner le coup d'envoi du chantier du « Corridor de Lobito », qui doit relier le Congo-Kinshasa à l'océan Atlantique. À quoi va servir ce corridor ? Benoît Munanga préside le conseil d'administration de la société congolaise Kamoa Copper, qui exploite la plus grande mine de cuivre en Afrique. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
Quand ce « Corridor de Lobito » sera opérationnel, est-ce que vous l'utiliserez ou pas ?
Nous allons certainement utiliser ce « Corridor de Lobito » et, à titre indicatif, je peux vous dire que le tonnage que nous allons mettre en 2025 sur ce « corridor », comparé à 2024, ça sera une augmentation de 173%, très significatif.
Parce que ce « corridor » vous fera gagner du temps, donc de l'argent ?
Le plus gros avantage tient essentiellement à la distance entre la zone minière de Kolwezi et le port de Lobito. Nous parlons de 1600 km de trajet, une seule frontière à traverser, à l'opposé de 3000 km si on prenait par exemple le port de Durban en Afrique du Sud. Donc le bénéfice, il est d'abord dans les coûts de la logistique, d'ici 2025, 2026, ils vont être réduits de 18%. Et il y a le temps d’un aller-retour. Par route, un seul trajet de Durban prendrait 25 jours. Par contre, Lobito, 8 jours. Ça fait 17 jours de gain.
Oui, parce que le « corridor » entre le sud du Congo et l'océan, ce n’est pas seulement pour exporter du minerai, c'est également pour importer du matériel, j'imagine ?
Tout à fait. Pour l'importation, soit des réactifs chimiques, soit des équipements. Et ce « Corridor de Lobito », il nous aidera aussi à avoir un impact environnemental bien réduit, parce que les émissions sont nettement plus importantes quand on transporte par camions, comparé au chemin de fer.
Il y aura moins de pollution.
Exactement.
Parmi les actionnaires de votre société congolaise, Kamoa Copper, il y a la compagnie chinoise Zijing Mining. Donc, j'imagine que la Chine est l'un de vos principaux acheteurs, est-ce que le minerai à destination de la Chine pourra emprunter ce « Corridor de Lobito » ?
La logique simple, là, c'est que, s'il y a un gain en termes de coûts de logistique, la question de la destination finale du produit n'a presque plus d'importance, parce que nous avons tous à y gagner, y compris notre actionnaire Zijing Mining.
Alors si les États-Unis investissent plusieurs centaines de millions de dollars dans ce « Corridor de Lobito » et si Joe Biden vient personnellement en Angola cette semaine, c'est évidemment pour que les compagnies américaines profitent aussi des richesses minières de votre pays. Est-ce qu'il y a de la place pour tout le monde ?
Bien sûr qu'il y a de la place pour tout le monde, parce que tous les produits miniers marchands n'empruntent pas la destination de la Chine. Il y a de l’espace pour tout le monde. La question est de négocier le prix d'achat. Et Kamoa Copper, compte tenu de la stature de ses actionnaires, que ce soit Zijing Mining ou Ivanhoé Mines du Canada, la société est ouverte à des partenariats multiples.
Pour l'instant, Benoît Munanga, le Congo (RDC) n'exporte que du minerai brut, du cuivre, du cobalt notamment. Et il ne transforme pas ce minerai sur place. Quelles sont vos perspectives de ce point de vue ?
Je voudrais ajouter une nuance dans le terme « minerai brut ». Je préfère utiliser le terme « partiellement transformé ». Parce que le cuivre ou le minerai de cuivre que Kamoa Copper exporte subit déjà un traitement métallurgique pour produire du cuivre dans un concentré. Donc, il y a déjà un premier étage de bénéficiation. Et je suis heureux de vous annoncer qu'à partir de mars 2025, Kamoa Copper va transformer ses produits : le cuivre concentré en métal, parce qu’une fonderie est en cours d'achèvement au moment où nous parlons.
Sur quel site ?
C'est sur le site de Kamoa-Kakula, nous sommes dans la province du Lualaba, dans la région de Kolwezi.
Combien de personnes employez-vous actuellement à Kamoa Copper et combien de nouvelles embauches espérez-vous avec le « Corridor de Lobito » ?
Nous employons actuellement 6 400 personnes. Avec la mise en service des usines qui viennent, nous atteindrons facilement les 10 000 employés.
Et avec le « Corridor de Lobito » réhabilité ?
Avec le « Corridor de Lobito » réhabilité, il y aura des effets d'entraînement par les services liés ou associés qui pourraient injecter quelques milliers d'emplois du fait de l'utilisation de ce « Corridor » là.
Quelques milliers d'emplois supplémentaires ?
Quelques milliers d'emplois supplémentaires.
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Tue, 03 Dec 2024 - 1122 - Me Konaté (Niger): «25 lettres au Pdt Mohamed Bazoum» vise à «rappeler aux militaires qu’ils violent le droit»
« 25 lettres au Président Mohamed Bazoum », c’est le titre de l’ouvrage qui paraît ce lundi aux éditions Karthala, avec une préface de Jean-Pierre Olivier de Sardan. Ce livre rassemble donc les lettres que 25 personnalités adressent à l’ancien président du Niger, qui est maintenu prisonnier avec son épouse à Niamey depuis le 26 juillet 2023, c’est-à-dire depuis plus de 16 mois. L’initiative a été coordonnée par la conseillère en communication Geneviève Goëtzinger et par l’avocat malien Mamadou Ismaïla Konaté, qui a été aussi le ministre de la Justice du président Ibrahim Boubacar Keïta. Maître Konaté ne cache pas à RFI qu’il craint que Mohamed Bazoum soit abandonné de tous.
Pourquoi ces « 25 lettres au président Mohamed Bazoum » ?
D'abord pour rappeler à la face du monde que le président Bazoum est illégalement détenu pour avoir été chef de l'État du Niger, renversé par une junte militaire qui, non contente d'avoir accompli le crime le plus abominable, a décidé de séquestrer le président Mohamed Bazoum et son épouse, depuis plus d'un an. Ces « 25 lettres » lui sont adressées, pour lui rappeler que des gens pensent à lui. Pour rappeler à la face du monde que cette attitude des militaires nigériens est une attitude qui viole le droit, qui est contraire à la loi et qui est inadmissible, d’un point de vue humain.
Donc ces « lettres » sont assez personnelles. Elles s'adressent au camarade Bazoum, à l'ami Bazoum. Parmi les auteurs, on trouve plusieurs anciens Premiers ministres, le Centrafricain Martin Ziguélé, l'Ivoirien Pascal Affi Nguessan, le Malien Moussa Mara. Il y a d’autres Maliens comme Tiéman Coulibaly ou Oumar Mariko,et vous-même, bien sûr. Il y a l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall, le grand écrivain guinéen Tierno Monenembo, votre consœur mauritanienne Fatimata Mbaye, votre consœur camerounaise Alice Nkom. Dans l'avant-propos, Maître Konaté, vous dites vouloir lutter contre le risque de l'oubli qui est, précisez-vous, l'autre nom de l'abandon. Est-ce que vous sentez que Bazoum est abandonné ?
Quasiment, parce que quand vous voyez aujourd'hui l'engouement qui a été celui de la communauté internationale, de l'ensemble des Chefs d’État, surtout des citoyens épris de paix, qui ont pris des positions très fortes le lendemain du 26 juillet 2023, jour de son renversement, et quand vous voyez aujourd'hui comment très peu de monde se mobilise aujourd'hui, visiblement, on rentre dans un contexte où on banalise un coup d'État militaire. Où on banalise l'arrestation dans des conditions illégales d'un homme qui a eu le malheur d'avoir été chef d'État et on banalise la séquestration. Imaginez vous le contexte dans lequel vit le président Mohamed Bazoum aujourd’hui et son épouse, dans un réduit et souvent à même le sol dans des conditions insupportables. Personne parmi tous ceux qui ont subi des coups d'État ne sont en situation de détention. Ce n'est pas le cas en Guinée Conakry, ce n'est pas le cas au Mali, ce n'est pas le cas au Burkina Faso. Il n’y a que le Niger aujourd'hui qui est à ce niveau d'incompréhension pour des gens qui ont violé le droit, pour des gens qui ont pris le pouvoir par la force et qui aujourd'hui s'asseyent sur tout ce qui est élémentairement humain.
Contre Mohamed Bazoum il n’y a, à l'heure actuelle, aucun motif d'inculpation officiel. Mais en juin dernier, il a perdu son immunité présidentielle. Craignez-vous un procès devant un tribunal militaire ?
Le procès est le pire qui puisse arriver à ces militaires aujourd'hui. Parce que vous savez, la vertu d'un procès, c'est qu'il est public. Imaginez un personnage comme Mohamed Bazoum, mis en cause dans des conditions inacceptables en face de juges, dans une salle audience avec le public, je peux vous dire que ces militaires en entendront parler.
Donc, vous espérez toujours la libération de Mohamed Bazoum et de son épouse. Le 8 janvier dernier, l'un des fils du couple, Salem Bazoum, qui vivait séquestré avec ses parents, a été libéré à la suite d'une médiation du Togo. Est-ce que le président Faure Gnassingbé peut aider aujourd'hui à trouver une solution ?
S’il se sent une âme de « droit de l'hommiste », s’il se sent une âme de véritable adepte de l'État de droit et de la démocratie, bien évidemment, il connaît le chemin de Niamey.
Est-ce que la libération de Mohamed Bazoum et de son épouse peut s'inscrire dans un processus politique ?
C'est un préalable absolu. Bien évidemment, ce processus ne peut être que politique. Il ne peut pas être militaire. Les fils et les filles du Niger, comme ceux du Burkina Faso, comme ceux de Guinée Conakry, comme ceux du Mali, doivent impérativement remonter en surface les acteurs politiques qui ont été honnis un temps. On a compris les raisons pour lesquelles ils ont été honnis un temps. Il faut aujourd'hui que les militaires fassent de l’espace. Parce que leur vocation première, ce n'est pas d'être au sommet de l'État, c'est aujourd'hui d'accompagner la loi et les autorités légitimes pour exercer la plénitude des pouvoirs. De ce point de vue-là, aujourd'hui, le débat doit revenir au Niger. Les hommes politiques doivent remonter en surface. Trop c'est trop. Ce qui se passe à Niamey n'est pas supportable, tout comme ce qui se passe à Ouagadougou, à Bamako ou à Conakry, ou même dans des États dans lesquels sont établis des non-militaires, mais qui sont pires que les militaires.
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►Couverture du livre de Me Konaté : « 25 lettres au président Mohamed Bazoum » publié aux Éditions Karthala.
Mon, 02 Dec 2024 - 1121 - Accords de défense avec la France: «Ce dispositif ne convient peut-être plus au Tchad», estime Remadji Hoinaty
Le Tchad a annoncé jeudi soir, contre toute attente, qu’il mettait un terme à ses accords de défense avec la France. Dans un communiqué, le gouvernement tchadien a assuré que cette décision avait été prise après une analyse approfondie. « Il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière», ajoutait le communiqué signé du ministre des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement, Abderaman Koulamallah. Mais comment comprendre une telle décision ? D'autant que cette annonce intervient à l’issue d’un déplacement dans le pays du chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot. Cela traduit-il un malaise entre Paris et Ndjamena ? Si oui, quelles sont les causes de ce malaise ? Elements de réponse avce Remadji Hoinaty, chercheur, spécialiste du bassin du lac Tchad et de l'Afrique centrale pour l’ISS, l’institut d’études de sécurité.
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Sat, 30 Nov 2024 - 1120 - Congo-Brazzaville: «Personne ne peut dire aujourd’hui qui a vraiment assassiné Ngouabi et Biayenda»
Au Congo-Brazzaville, un communiqué de la présidence annonce que le chef de l'État, Denis Sassou-Nguesso, a plaidé, lundi dernier, pour la béatification du cardinal archevêque Émile Biayenda, c'était lors d'une rencontre avec le pape au Vatican. Mgr Biayenda a été assassiné à Brazzaville le 22 mars 1977, quatre jours après le président Marien Ngouabi. Depuis 47 ans, personne ne sait qui a commandité ces deux crimes. Saura-t-on un jour la vérité ? L'historienne Florence Pernault est une spécialiste de l'Afrique centrale et dirige l'Africa Programme à Sciences Po Paris. Elle est l'invitée de Christophe Boisbouvier.
RFI : Alors, l'assassinat du cardinal Biayenda était évidemment lié à celui du président Marien Ngouabi quatre jours plus tôt. Selon la version officielle, le président Marien Ngouabi a été tué par un commando actionné par l'ancien président Massamba-Débat, lui-même téléguidé par des « puissances impérialistes ». Qu'est-ce que vous en pensez ?
Florence Pernault : Alors effectivement, c'est le moment d'une sorte d'alignement du Congo-Brazzaville avec le bloc Chine, Cuba, URSS. Donc on est dans un contexte de guerre froide. Et on pense que, enfin, les historiens pensent que l'assassinat de Marien Ngouabi, en tout cas, a été commandité par plutôt l'aile gauche radicale, militaire sans doute, du Congo à ce moment-là, qui trouvait que Marien Ngouabi devenait justement un petit peu trop modéré, recommençait à parler avec l'ancien président Massamba-Débat. Alors le cardinal Biayenda, c'est autre chose. Massamba-Débat et le cardinal Biayenda sont du Sud. Marien Ngouabi, Sassou-Nguesso et beaucoup de militaires viennent du Nord. Donc au moment de l'assassinat du cardinal Biayenda, une série d'accusations fusent que ce serait le cardinal Biayenda, en tant que représentant de gens du Sud, qui aurait assassiné Marien Ngouabi, donc un militaire du Nord. Et on pense que c'est surtout en représailles de cette espèce d'accusation d'attaque du Sud contre Ngouabi que peut-être un commando aurait assassiné le cardinal.
A l'époque de l'assassinat de Marien Ngouabi, nous sommes donc en mars 1977, le Congo-Brazzaville était gouverné par un « état-major spécial révolutionnaire », dans lequel Marien Ngouabi partageait le pouvoir avec quatre hommes : le commandant Louis Sylvain-Goma qui était Premier ministre, le commandant Denis Sassou-Nguesso qui était ministre de la Défense, Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, responsable de l'idéologie, et Jean-Pierre Ngombé, responsable de la propagande. Est-ce que le complot aurait pu être ourdi par l'un de ces quatre hommes ?
Oui, bien sûr, puisqu'on ne sait pas exactement pourquoi et par qui Marien Ngouabi a été assassiné. Alors il y a ce comité restreint dont vous avez parlé, mais il y a un comité un petit peu plus large qui est effectivement un comité militaire. Donc on pense que c'est plutôt l'aile radicale des militaires plus à gauche, qui aurait voulu se débarrasser de Marien Ngouabi et finalement accuser les sudistes, dont le cardinal Biayenda serait le représentant symbolique, ce n'est pas du tout un homme politique. Et c'était une façon de court-circuiter les véritables commanditaires. Ceci dit, je répète, on ne sait pas qui… Malgré toutes les enquêtes et les hypothèses des historiens et des acteurs de la vie politique au Congo depuis les années 90, personne ne peut dire aujourd'hui qui a vraiment assassiné et Marien Ngouabi et le cardinal Biayenda.
Le 22 mars 1977, le jour de l'assassinat du cardinal, le plus haut responsable de l'Etat, c'est le commandant Sassou-Nguesso qui assure l'intérim du pouvoir. Comment expliquez-vous qu'aujourd'hui ce soit le même homme qui demande la béatification du cardinal ?
Oui, alors là, je dois dire que ce n’est pas lui qui demande la béatification. En réalité, le procès en béatification du cardinal Biayenda date de 1995. Donc je pense que c'est l'Eglise qui a pris cette initiative et qui maintenant, puisque Denis Sassou-Nguesso est à la tête de l'Etat congolais, l'invite à venir pour organiser cette béatification, qui apparemment est imminente. Donc ce n’est pas vraiment lui qui a initié la chose. C'est lui qui peut-être, ironiquement, s'il partage une responsabilité dans le meurtre du cardinal Biayenda, ce qui est possible mais pas du tout prouvé, et bien c'est lui qui va de toute façon finalement un peu la superviser, cette béatification. Mais ce n’est quand même pas quelque chose que lui-même a initié ou qu'il instrumentalise. Donc les circonstances de l'assassinat sont peut-être effacées par ce procès en béatification, mais à la limite, on pourrait dire l'inverse. Cette béatification, c'est quand même un événement qui provoque des retours et des questions sur l'assassinat. Donc pour le président Sassou-Nguesso, ça ne l’arrangeait peut-être pas forcément.
Fri, 29 Nov 2024 - 1119 - Jibrin Ibrahim: «La France doit changer sa méthode si elle veut rester une amie des Africains de l'ouest»
Avec Bola Tinubu, c'est le président de la première puissance économique du continent africain qui entame ce jeudi 28 novembre au matin une visite d'État en France. Mais les enjeux de ce déplacement ne sont pas seulement économiques. De quoi vont parler, aujourd'hui à Paris, Bola Tinubu et Emmanuel Macron ? Le professeur Jibrin Ibrahim a enseigné la science politique à l'université Ahmadu-Bello, à Zaria, au Nigeria. Aujourd'hui, il milite à Abuja au Center for Democracy and Development, le Centre pour la démocratie et le développement. En ligne de la capitale du Nigeria, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Jibrin Ibrahim, qu'est-ce qui est prioritaire pour le président Bola Tinubu dans cette visite à Paris ? Est-ce que c'est le volet politique ou le volet économique ?
Jibrin Ibrahim : Je pense que tous les deux sont importants. Le volet politique est très important à cause de la crise au Sahel. Le Nigeria est opposé à l'arrivée des militaires au Niger, au Mali et au Burkina Faso et il veut que la démocratie revienne. Et je pense, dans un certain sens, que la France a le même intérêt. Donc, il y a beaucoup à discuter.
L'année dernière, beaucoup de pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et la France ont souhaité l'appui du Nigeria pour une intervention militaire au Niger après le putsch du mois de juillet 2023. Pourquoi le président Bola Tinubu y a-t-il renoncé ?
Je pense que c'était extrêmement difficile à le faire, parce que le peuple du Nigeria a montré qu’il ne voulait pas, parce qu'il y a une frontière de 1 500 kilomètres de long entre le Niger et le Nigeria et une guerre entre les deux pays frères serait vraiment un problème. Et les citoyens du Nigeria étaient opposés à cette intervention-là. Le président Tinubu voulait le faire, mais finalement, il a compris que ce n’était pas possible s'il voulait garder le soutien du peuple du Nigeria.
Depuis le début de cette année, le Nigeria préside la Cédéao, mais cette organisation est amputée de trois de ses membres : le Niger, le Burkina Faso, le Mali. Quelle est la stratégie de votre pays pour éviter la rupture définitive avec ces pays ?
Franchement, c'est une situation très difficile. Non seulement parce qu'il y a trois pays qui ont quitté l'organisation, mais parce qu’il y a encore le risque de contagion, que d'autres pays puissent aussi sortir à cause de problèmes fondamentaux. La Cédéao et le Nigeria insistent sur la démocratie. Il y a des présidents en Afrique de l'Ouest qui ne veulent plus de la démocratie. Et je pense qu’à ce moment-ci, chaque pays est en train de faire ses calculs, sur quel côté il va pencher.
Et quels sont les pays qui pourraient quitter la Cédéao aujourd'hui ?
On peut prendre le cas du Sénégal. Si le Président Macky Sall avait réussi à avoir son troisième mandat, il était probable qu'il quitte l'organisation. Il y a un pays comme le Togo, où la doctrine de la classe dirigeante est qu'une seule famille va rester maître de ce pays. Et si l'organisation insiste sur ces principes de démocratie, ce pays est prêt à considérer le fait de quitter l'organisation. Et je pense que c'est là où la Cédéao et le Nigeria doivent prendre une position. Est-ce qu'on va rester sur les principes et les pratiques démocratiques ? Dans ce cas-là, la Cédéao risque de perdre quelques membres. Ou faire un compromis sur cette question et garder tout le monde dans l'organisation ? C'est la question stratégique qui est posée.
Il y a un rejet de la France dans une partie de la jeunesse d'Afrique de l'Ouest. Qu'en est-il au Nigeria ?
Je pense que la France a vraiment un problème dans l'Afrique de l'Ouest tout entière, puisque la France est liée avec cette idée de néo-colonialisme.
Et au Nigeria, qu'en est-il ? Est-ce que la France est l'objet de ce que les Anglais appellent un « french bashing », un « France dégage » ?
Pas autant qu'au Sahel, par exemple. Mais du point de vue politique, beaucoup de gens pensent aussi que la France est trop liée à cette idée de contrôle de ses anciennes colonies et que la France a intérêt de changer sa tactique, sa méthode, si elle veut rester une amie des Africains de l'Ouest.
Et à vos yeux, est ce qu'Emmanuel Macron est un président néo-colonialiste, comme ses prédécesseurs, ou est-ce que c'est un homme neuf ?
Je pense qu'il a un langage qui est vraiment proche des néo-colonialistes et il a intérêt à repenser son langage et la manière dont il parle, souvent un peu de manière condescendante.
Thu, 28 Nov 2024 - 1118 - Présidentielle au Ghana: «L'avantage pourrait aller à l'ancien président Mahama»
Mahamudu Bawumia contre John Dramani Mahama, c'est le duel qui se profile pour la présidentielle du 7 décembre prochain au Ghana. Après deux mandats à la tête du pays, Nana Akufo-Addo se retire conformément à la Constitution. Et la bataille s'annonce serrée entre son dauphin et son prédécesseur. Qui va gagner ? Francis Kpatindé a été haut fonctionnaire de l'ONU au Ghana pendant quatre ans. Aujourd'hui, il enseigne à Sciences Po Paris et répond aux questions de RFI.
RFI : D'un côté, il y a le vice-président Mahamudu Bawumia pour le parti au pouvoir NPP (Nouveau parti patriotique) ; de l'autre, il y a l'ancien président John Dramani Mahama pour le parti d'opposition NDC (Congrès démocratique national). Est-ce que le duel s'annonce serré ?
Francis Kpatindé : Je pense que oui. Il y a donc Mahamudu Bawumia, l'actuel vice-président de la République du Ghana, et John Dramani Mahama, qui a été président de 2012 à 2017. Les deux hommes ont plusieurs points en commun. Ils sont tous les deux sexagénaires, tous les deux originaires du nord du Ghana et ils sont expérimentés. Mahamudu Bawumia et John Dramani Mahama sont connus pour leur pondération. Ce sont des gens qui ont la tête sur les épaules. L'avantage pourrait cependant aller à l'ancien président Mahama, notamment à cause de la gravité de la crise économique et de l'inflation qui est imputée à l'équipe sortante.
Depuis l'an dernier, le Ghana est passé derrière la Côte d'Ivoire en termes de PIB et de performance économique. Est-ce que ce bilan en demi-teinte risque de coûter des voix au candidat du parti au pouvoir, NPP ?
À l'évidence, oui, parce que, depuis 2022, la situation économique au Ghana est grave. Aujourd'hui, l'inflation est très, très grave, même si elle a baissé ces dernières années. Parce qu'en 2022, je vous fais remarquer, l’inflation était de 54%, ce qui est considérable. Sans compter le chômage... Donc, la situation économique est très, très morose au Ghana.
Depuis l'an 2000, le Ghana a connu trois alternances pacifiques. Dans ce pays, il n'y a plus de coup d'État alors qu’il y en a toujours au Burkina Faso, il n'y a pas de troisième mandat comme en Côte d'Ivoire, il n'y a pas de cinquième mandat comme au Togo. Comment expliquez-vous cette différence entre le Ghana et ses trois voisins immédiats ?
Alors, première chose, c'est l'action réformatrice et vigoureuse — pour ne pas dire brutale — du capitaine Jerry Rawlings à la tête de l'État. Surtout entre 1981 et 2001. Il a été l’homme et l’initiateur du renouveau ghanéen. Le second argument, c'est le caractère remarquable de l'alternance en 2001 qui a permis au libéral John Kufuor de prendre en douceur le relais du socialiste Rawlings. Par ailleurs, les Ghanéens — qui sont passés par une multitude de coups d'État et de crises économiques et financières depuis leur indépendance en 1957 - semblent aujourd'hui beaucoup plus mesurés, plus civiques, que beaucoup de leurs voisins ouest-africains. Comme j'ai pu moi-même le constater au cours des années passées sur place pour le compte des Nations unies. Par ailleurs, si la question ethnique peut se poser lors des élections locales, elle est généralement absente de la campagne présidentielle. Les candidats se livrent certes à des empoignades, ils s'étripent, mais évitent soigneusement de glisser sur le terrain miné de l'ethnicisme. Il existe par ailleurs au Ghaa quelque chose d'inédit, c'est une structure informelle où le président en exercice et ses prédécesseurs se retrouvent pour échanger sur les questions d'intérêt national. Donc, vous voyez, tous ces éléments concourent à conforter la démocratie ghanéenne et à en faire une exception.
Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas, dans l'histoire récente du Ghana, un phénomène d'exclusion ethnique comme on l'a vu dans les deux pays voisins que sont la Côte d'Ivoire et le Togo ?
J’ai travaillé quatre ans au Ghana et je n'ai pratiquement jamais entendu parler d'ethnie, c'est-à-dire que les différences ne se font pas à ce niveau. Elles se font à un autre niveau, qui est politique, idéologique, qui est lié aussi au système de royauté... Mais pas vraiment en termes d'ethnies. Ce n'est pas un critère de sélection. La sélection se passe au niveau politique. La preuve en est que nous avons deux candidats aujourd'hui qui ne proviennent pas du vivier naturel des anciens présidents de la République. Ils ne sont pas Ashantis, ils ne sont pas de la Volta Region, ils ne sont pas Ewe, par exemple. Et pourtant, il y a des chances que l'un d'entre eux devienne le prochain président du Ghana.
En juillet 2009, Barack Obama est venu faire un discours au Ghana pour inviter ses hôtes à suivre l'exemple de la démocratie américaine, mais est-ce que la démocratie ghanéenne n'est pas en meilleure santé aujourd'hui ?
Il n'y a pas de doute sur ce point. Vous savez, depuis l'assaut du Capitole, avec les élections qui sont contestées ou encore la presse qui est quasiment méprisée, nous devons maintenant réviser nos classiques, parce qu’on nous avait présenté les États-Unis comme la plus grande puissance démocratique au monde, mais aujourd'hui, ce pays a foulé du pied — en tout cas au moins l’un des candidats — les principes mêmes de base de la démocratie américaine.
Wed, 27 Nov 2024 - 1117 - Augustin Kabuya (RDC): «Est-ce interdit à un peuple de réfléchir sur sa propre Constitution?»
Pour ou contre une nouvelle Constitution en République démocratique du Congo ? S'exprimait, hier, le 25 novembre 2024, pour l'opposition, Olivier Kamitatu, le porte-parole de Moïse Katumbi, qui est résolument contre. Voici ce matin le point de vue de la majorité, par la voix du député national Augustin Kabuya, qui est le secrétaire général du parti au pouvoir Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et le vice-président de l'Internationale socialiste pour la zone Afrique. Que répond-il à ceux qui soupçonnent le président Félix Tshisekedi de vouloir briguer un troisième mandat en 2028 ? En ligne de Kinshasa, le patron de l'UDPS dévoile sa stratégie.
RFI : Augustin Kabuya, pourquoi dites-vous que la Constitution de 2006 n'est plus adaptée aux réalités congolaises d'aujourd'hui ?
Augustin Kabuya : Je me pose beaucoup de questions. Pourquoi quand, nous Congolais, nous voulons réfléchir sur notre propre loi fondamentale, ça suscite le débat ? Le Gabon a récemment changé sa Constitution, ça n'a pas suscité des réactions comme nous les vivons dans notre pays. Est-ce que c'est interdit à un peuple de réfléchir sur sa propre Constitution ? D'ailleurs, la Constitution dont nous discutons aujourd'hui n'est pas la même Constitution que celle votée au référendum de 2005. La Constitution de 2005 avait deux tours pour les élections présidentielles, mais aujourd'hui, nous sommes arrivés à l'élection à un seul tour. C'est pour vous dire qu'il y a eu des retouches sur cette Constitution. C'est pour cela que nous disons vouloir revisiter cette Constitution. Nous devons même la changer, puisqu'il y a beaucoup d'anomalies qui ne facilitent pas la tâche au bon fonctionnement des institutions.
L'un des articles les plus en vue de la Constitution actuelle, c'est bien sûr l'article 220 qui dit que le président est élu pour cinq ans et qu'il ne peut faire que deux mandats maximum. Souhaitez-vous une révision de cet article ?
Nous n’en sommes pas encore là. Ça, ce n'est que le procès d’intention que les « opposants » sont en train de prêter au président de la République et qu’on ne voit nulle part dans ses interventions. Jamais, il n’a fait allusion à la modification de l'article 220.
Pour réformer la loi fondamentale, il y a deux options : soit réviser la Constitution actuelle, soit changer de Constitution. Quelle est votre préférence ?
Je m'inscris dans la logique du chef de l'État, exprimée le 23 octobre dernier, il avait parlé soit de révision, soit de changement.
Justement, le 23 octobre 2024 à Kisangani, le président a annoncé qu'il allait désigner une commission nationale « chargée d'élaborer une Constitution adaptée à nos réalités congolaises ». Ne serait-ce pas le signe que vous allez changer de Constitution ?
Nous n’en sommes pas encore arrivés à ce stade. Ne cherchez pas à faire dire au chef de l'État ce qu'il n'a pas dit ou bien de lui prêter des intentions qu’il n’a pas.
Pour réformer la Constitution, il faut passer soit par un référendum, soit par un vote favorable des 3/5e du Parlement. Quelle est pour vous la meilleure option ?
Je préfère que le peuple règle cette affaire.
Donc, par référendum ?
C'est prévu par l'article 218 de notre Constitution.
Alors, depuis la semaine dernière, l'opposition se mobilise contre votre projet et elle affirme que vous préparez un coup d'État constitutionnel...
Bon, c’est un procès d'intention. La démarche de l'opposition est purement démocratique et constitutionnelle. Nous sommes tout à fait d'accord avec leur démarche. Mais là où je ne partage pas leur point de vue, c'est quand ils utilisent les mensonges pour faire passer leur point de vue.
Alors l'opposition précise que, pour elle, votre principal objectif, c'est de permettre au président Félix Tshisekedi de briguer un troisième mandat en 2028.
En 2011, Joseph Kabila avait modifié la Constitution, où nous avions quitté l'élection présidentielle des deux tours pour aller à un seul tour. Est-ce qu'aujourd'hui Joseph Kabila est au pouvoir ? La réponse est non. Ce ne sont que des mensonges montés de toutes pièces.
Mais si vous changez de Constitution, les compteurs seront remis automatiquement à zéro et le président sortant pourra à nouveau se présenter en 2028...
Mais si la population décide, qui suis-je pour m'opposer à la volonté populaire ? Laissons le peuple nous départager sur cette question. La démarche de l'opposition est de dire qu’ils vont mobiliser la population. Mais nous aussi, nous le disons, nous allons mobiliser cette même population pour nous départager.
Dans l'Union sacrée, il y a aujourd'hui au moins trois acteurs politiques : Vital Kamerhe, Modeste Bahati et Jean-Pierre Bemba, qui espèrent que le chef de l'État se retirera en 2028 et qu'ils pourront avoir à ce moment-là leur chance pour accéder à la magistrature suprême. Ne craignez-vous pas que ces trois leaders ne quittent votre coalition si demain l'horizon devient bouché pour eux ?
Écoutez, depuis que nous avons commencé, vous insistez toujours sur le troisième mandat. Est-ce que vous étiez avec le président de la République ? Non. Est-ce qu’il s’est confié à vous ou à tous ceux qui parlent qu'il a l'intention de briguer un troisième mandat ? Non. Tout ça, ce sont des procès d'intention puisqu'avant de parler sur un sujet, il faut entrer en contact avec la personne concernée, pour qu'il vous dise si réellement il a ces intentions. Je fréquente le président de la République, il ne nous a jamais dit qu'il allait briguer un troisième mandat. Mais pourquoi tous ces débats ?
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Tue, 26 Nov 2024 - 1116 - Olivier Kamitatu (RDC): «Félix Tshisekedi veut du prêt-à-porter pour sa dérive dictatoriale»
Pour ou contre une nouvelle Constitution, c’est le grand sujet de controverse en ce moment en République démocratique du Congo. Le mois dernier, le président Tshisekedi a lancé le débat en disant que la Constitution actuelle n’était « pas adaptée aux réalités congolaises». La semaine dernière, l’opposition a répliqué en criant au « coup d’État constitutionnel» et en accusant le chef de l’État de vouloir briguer un 3ème mandat en 2028. La Constitution actuelle, Olivier Kamitatu la connait bien, car il présidait l’Assemblée nationale quand elle a été promulguée – c’était en 2006. Aujourd’hui, il est le porte-parole de l’opposant Moïse Katumbi. De passage à Paris, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : « La Constitution de 2006 est obsolète et fait la part belle aux belligérants », dit Augustin Kabuya, le secrétaire général de l'UDPS au pouvoir. Est-ce qu'il n'y a pas en effet des articles à revoir dans la loi fondamentale ?
Olivier Kamitatu : Eh bien ! D'abord, ce n'est pas une constitution des belligérants. C'est une Constitution qui a été adoptée par un référendum constitutionnel organisé le 18 et 19 décembre 2005, promulguée en février 2006. Donc, 85% des Congolais ont dit oui à cette Constitution. C'est bien la Constitution de tous les Congolais, élaborée par des constitutionnalistes. À cette époque-là d'ailleurs, j'étais président de l'Assemblée nationale et j'ai animé les débats qui ont abouti à l'adoption du projet de Constitution. Non, tout cela en réalité, la volonté de Félix Tshisekedi, c'est de déverrouiller un article qui le contraint, en 2028, à quitter le pouvoir. Il veut garder le pouvoir et il trouve tous les arguments les plus grotesques. En fait, Félix Tshisekedi veut une Constitution qui soit un prêt-à-porter pour sa dérive dictatoriale, avec des mandats illimités, une présidence à vie, c'est ça qu'il cherche réellement.
Mais le président a déclaré la semaine dernière : « Ce que j'ai dit il y a quelques jours à Kisangani n'avait absolument aucun lien avec un quelconque 3e mandat, je ne suis pas venu à la tête du Congo pour m'éterniser au pouvoir ». C'est clair ça, non ?
Non, ce n'est pas clair du tout. Rien n'est clair dans la démarche de Félix Tshisekedi. C'est un homme qui manipule l'opinion. Il y a quelques années encore, Félix Tshisekedi était à nos côtés pour défendre la Constitution. Lui-même a déclaré qu'il faudrait marcher sur son corps pour que cette Constitution puisse être changée. Moïse Katumbi a amené Felix Tshisekedi au Quai d'Orsay, aux Affaires étrangères, à la Maison Blanche pour ensemble se battre pour le maintien de toutes les dispositions de la Constitution. On a conduit des jeunes Congolais à manifester, certains ont été tués. Rossy Tshimanga, Thérèse Kapangala, ont laissé leurs vies sur ce combat mené par toute l'opposition, Moïse Katumbi, Felix Tshisekedi. Et, aujourd’hui, quelques années après, par amnésie, il crache sur la mémoire de ces victimes, de ces martyrs, simplement pour une volonté tout à fait personnelle de conserver le pouvoir au-delà des mandats constitutionnels. Manifestement, Felix Tshisekedi aura partie difficile face au peuple congolais qui est extrêmement jaloux des dispositions de cette Constitution et particulièrement, et celles ayant trait à l'alternance du pouvoir après le mandat présidentiel.
Alors la semaine dernière, vous, les principaux dirigeants de l'opposition, vous avez créé un Front commun, ce sont les « Forces politiques et sociales contre la dictature et le changement de Constitution ». Mais l'an dernier, vous n'avez pas été capables de désigner un candidat commun contre le président sortant. Est-ce que vos divisions ne font pas le jeu du pouvoir ?
On ne peut pas comparer la situation de l'an dernier à celle que nous vivons aujourd'hui. Aujourd'hui, cette coalition n'est pas une coalition pour la conquête du pouvoir. C'est une coalition pour sauver la nation d'un grand péril.
À l'Assemblée nationale, vous êtes ultra minoritaire, vous n'avez que quelques dizaines de députés face à l'Union sacrée qui en compte plus de 400, qu'est-ce que vous pouvez faire ?
Eh bien, il faut d'abord réveiller les consciences. Et nous brandissons très bien aujourd'hui, ce que tous les Congolais connaissent : l'article 64 de la Constitution qui dispose que nous avons le devoir de nous lever contre toute personne qui veut prendre le pouvoir ou l'exercer en violation de la Constitution. C'est un coup d'État constitutionnel auquel se prépare Félix Tshisekedi aujourd'hui. Nous devons défendre un bien commun qui est notre Constitution.
Oui, mais l'Union sacrée, c'est quand même un bloc très fort avec de nombreux leaders politiques, pas seulement Félix Tshisekedi, mais aussi Vital Kamerhe,ModesteBahati Lukwebo, Jean-Pierre Bemba.
Eh bien, certains de ces leaders ont un silence de cathédrale assourdissant aujourd'hui, parce qu'ils ont été eux-mêmes les artisans de ce texte de 2006. Donc, je peux parler de Vital Kamerhe ou de Bahati ou de Jean-Pierre Bemba. Ils ont connu tout ce processus d'élaboration d'un texte qui a abouti effectivement à une apothéose heureuse de 85% des Congolais qui ont dit : Oui.
Donc vous espérez que ces leaders politiques qui sont actuellement dans l'Union sacrée fassent défection ?
Non. Nous espérons simplement qu'ils se rappellent les valeurs que porte ce texte. Et ce qu'il a contribué à l'unité de ce pays. Nous ne pouvons pas aujourd'hui, nous soumettre aux besoins d'un seul homme qui continue à piller le pays, à mettre en coupe réglée le Katanga, qui mène en train de vie insolent. Nous avons un héritage à protéger, c'est celui d'un pays qui est uni. Nous ne pouvons pas le sacrifier pour les caprices de Félix Tshisekedi.
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Mon, 25 Nov 2024 - 1115 - Armelle Mabon: «Il faut absolument passer à la reconnaissance totale du massacre de Thiaroye» au Sénégal
À une semaine des commémorations du massacre de Thiaroye au Sénégal, l'historienne française Armelle Mabon publie un livre dans lequel elle raconte son combat pour faire la lumière sur ce qui s'est réellement passé, le 1ᵉʳ décembre 1944, lorsque des tirailleurs tout juste rentrés de France où ils avaient combattu, ont été exécutés sur ordre des autorités françaises, alors qu'ils réclamaient le paiement de leur solde de guerre. « Le massacre de Thiaroye : 1ᵉʳ décembre 1944 ; Histoire d'un mensonge d'Etat », c'est titre du livre. Armelle Mabon répond à Florence Morice.
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Sat, 23 Nov 2024 - 1114 - Réfugiés soudanais au Tchad: «Les humanitaires font un travail remarquable mais manquent cruellement de financements»
SOS pour les réfugiés soudanais au Tchad. Le 15 avril, à la conférence de Paris, la communauté internationale s'est engagée à verser plus de deux milliards d'euros d'aide humanitaire pour les civils soudanais en détresse. Mais tout l'argent promis n'a pas été décaissé. Et la poursuite de la guerre civile provoque une nouvelle vague de réfugiés. Ils sont à présent plus de 900.000 dans l'est du Tchad, notamment dans la province du Ouaddaï. Charles Bouessel est l'analyste de l'ONG International Crisis Group pour l'Afrique centrale. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Déjà en 2003, plus de 400 000 personnes qui fuyaient les exactions des Janjawid s'étaient réfugiés au Tchad. Et la plupart y sont toujours. Donc les populations locales ont une tradition d'accueil, mais là, est-ce que les Ouaddaïens ne risquent pas de dire 400 000 + 900 000, ça suffit ?
Charles Bouessel :Absolument. On a pu voir justement, pendant cette crise précédente des réfugiés, quels risques l'on pourrait affronter pour cette actuelle crise, puisque on est dans un contexte à peu près similaire, mais, avec une ampleur bien supérieure. À l'époque déjà, on avait vu, au fur et à mesure de l'arrivée de ces réfugiés et rapatriés tchadiens, une augmentation des discours xénophobes. Les habitants de la région, même s'il faut saluer leur sens de l'accueil, assez impressionnant hein, parce qu'on parle quand même d'une augmentation de 50% de la population en quelques mois, ce qui est absolument considérable et difficile à concevoir. Mais, malgré cela, voilà, on avait vu quand même le développement de violences sur les réfugiés, notamment sur ceux qui partaient chercher du bois aux abords des camps et qui se faisaient agresser. On voit ce genre d'agression se répéter aujourd'hui.
Et là, ce sont souvent les femmes ?
Absolument. Les femmes sont vraiment les premières personnes visées, d'abord parce que les femmes et les enfants constituent 89% des arrivées depuis le Soudan. Et parce que les femmes sont souvent chargées d'aller collecter ce bois pour la cuisine à l'extérieur des camps, donc c'est un moment où elles sont particulièrement vulnérables. On a énormément justement de violences basées sur le genre, d'agressions sexuelles, et cetera.
En ville, on entend aussi donc des discours de populations locales qui accusent les réfugiés de faire monter les prix de la nourriture, les prix des loyers et, encore une fois, je salue donc les capacités d'accueil de cette région, parce que ces violences sont encore très très limitées. Mais si la situation continue de se dégrader, on risque d'avoir une augmentation de ce genre d'agression entre nouveaux arrivants et populations locales.
Et comme il y a 20 ans, du temps des Janjawid, les Soudanais qui se réfugient actuellement au Tchad appartiennent à des communautés non arabes qui fuient des groupes armés à dominante arabe, notamment les Forces de Soutien Rapide, FSR, du général Émedti. Est-ce que, du coup, il ne faut pas craindre une montée d'un sentiment anti arabe dans le Ouaddaï et dans tout l'est du Tchad ?
Absolument. On a ces angoisses identitaires qui existaient déjà et qui aujourd'hui sont renforcées par des réfugiés qui arrivent et qui sont, il faut le dire, traumatisés par ce qu'ils ont vécu au Darfour, notamment les communautés Massalit de la ville de El-Geneina où, selon Human Rights Watch, un nettoyage ethnique a été commis. Les récits que l'on entend de ces réfugiés sont abominables : tortures, violences sexuelles, exécutions sommaires, pillages. Et donc, le ressentiment communautaire de ces populations s'ajoute à celui qui préexistait dans la région et pourrait mener à des nouvelles vagues de violences communautaires.
Depuis plusieurs mois, le gouvernement soudanais du général al-Burhan accuse publiquement le Tchad de servir de plateforme logistique aux Émirats arabes unis, qui soutiennent les Forces de Soutien Rapide du général Emedty. Le Tchad dément catégoriquement, quelle est votre analyse ?
Alors oui, le groupe d'experts des Nations-Unies sur le Soudan a sans doute été le premier à évoquer une sorte de pont aérien qui a été mis en place par les Émirats arabes unis pour livrer des armes aux Forces de Soutien Rapide depuis le Tchad. Donc ce n'est pas le Tchad qui livre des armes, ce sont les Émirats arabes unis qui utilisent le territoire tchadien a priori, selon le rapport des Nations-Unies. Il suffit aussi d'aller regarder sur des sites Internet de tracking d'avions pour effectivement voir beaucoup d'avions cargo qui atterrissent soit à N'Djamena, soit à Amdjarass.
Et qui coupent leurs transpondeurs ?
Et qui coupent leurs transpondeurs effectivement.
Pour ne pas être tracés ?
Exactement. Cet accord avec les Émirats, en fait, est intervenu à un moment où le gouvernement tchadien avait un besoin important, voir cruel, d'argent, notamment parce que le nouveau président devait renforcer, asseoir son pouvoir. Et donc tout ça coûte très cher. Et les Émirats lui ont octroyé, au moment où ce pont aérien a démarré, un prêt de 1,5 milliards de dollars, qui est l'équivalent de 80% du budget de l'État tchadien. Et donc, il est peu probable que le soutien des Émirats depuis le territoire tchadien aux FSR cesse, parce que le Tchad a toujours besoin de cet argent et que les Émirats ont depuis réoctroyé d'autres prêts. Alors ce soutien, il est aussi très risqué pour le régime tchadien parce qu'il crée des tensions en interne, notamment à l'intérieur de l'armée, puisque certaines communautés dans l'armée sont plutôt en faveur du camp opposé aux FSR, le camp d'al-Burhan et notamment les milices associées. Les milices du Darfour sont associées à ce camp d'al-Burhan et on a vu que ces tensions ont déjà mené à une série d’incidents. Et le Tchad devrait aussi considérer les risques que fait peser cette politique sur sa stabilité intérieure. Donc si El Facher tombe aux mains des FSR, d'abord, à court terme, on peut craindre une vague de massacres et de pillages similaires à celle qui s'est déroulée à El-Geneina l'année dernière. Et cela pourrait faire exploser les tensions communautaires.
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Fri, 22 Nov 2024 - 1113 - Ephrem Yalike: «La Centrafrique est un pays sous emprise des Russes, toutes leurs actions échappent au gouvernement»
À Bangui, on le croit dans les prisons des mercenaires russes depuis neuf mois, ou mort. Le journaliste Ephrem Yalike a été pendant près de trois ans un rouage de la communication du groupe Wagner en Centrafrique, jusqu'à ce qu'il soit soupçonné de traitrise après la révélation d'une bavure commise par les mercenaires. Mais il a pu fuir le pays avec l'aide la plateforme des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF).
Dans une enquête du consortium Forbidden stories à laquelle RFI est associée avec neuf autres médias, il raconte comment fonctionne le système de désinformation à Bangui, entre placement d'articles contenant des fausses informations et manifestations montées de toutes pièces.
« Plongée dans la machine de désinformation russe en Centrafrique » est une enquête à retrouver sur RFI.fr et nos environnements numériques.
RFI : De 2019 à 2022, vous avez été un des communicants des mercenaires russes qui opèrent en Centrafrique. Pourquoi avez vous décidé de quitter le pays, de raconter votre histoire et de lever le voile sur les opérations de communication qu'ils mènent dans votre pays?
Ephrem Yalike : J'ai décidé de raconter ce que j'ai vécu et ce que moi aussi j'ai eu à faire, parce que je me suis rendu compte que les Russes en Centrafrique opèrent dans un mode où il n'y a pas le respect des droits humains. C'est pourquoi je me suis dit je ne peux pas rester silencieux, je dois dénoncer ce qui se passe dans mon pays pour que ça puisse aider et que les Centrafricains puissent comprendre réellement la présence russe en Centrafrique.
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Et pour cela, vous avez dû quitter Bangui. Parce qu'aujourd'hui, pour un journaliste centrafricain, donner la réalité de la présence russe dans le pays, c'est impossible ?
Aujourd'hui en Centrafrique, pour un journaliste centrafricain, dénoncer et dire la réalité de ce que les Russes font, c'est se mettre en danger. Parce que je peux vous dire, que toutes les actions des Russes échappent au contrôle du gouvernement. Dans leur mode opératoire, quand tu dénonces, tu deviens automatiquement leur cible. C'est pour cela que je me suis dit pour que pour être libre, dire ce que je pense, et ce que je faisais, il me fallait quitter le territoire.
D'ailleurs, jusqu'à ce matin à Bangui, tout le monde pense que vous êtes soit en prison au camp de Roux, dans les geôles des Russes, soit mort ?
Tout à fait. En ce moment dans la capitale, le doute plane sur ma situation. Mais, je ne suis pas en prison, je suis bel et bien hors du territoire.
Quand vous avez été approché fin 2019 par les Russes à Bangui, vous avez tout de suite accepté. Pourquoi ?
J'ai accepté tout de suite de collaborer avec les Russes, parce que, à cette époque, la République centrafricaine venait de sortir d'une crise. En tant que Centrafricain, il était de mon devoir de contribuer au retour de la paix dans mon pays. À cette époque, la République centrafricaine a été abandonnée par son ancien partenaire, lors du départ des forces Sangaris du pays. Et l'arrivée des Russes était considérée comme un ouf de soulagement pour tout le peuple centrafricain. Donc moi étant journaliste, contacté par les Russes pour collaborer avec eux, ça m'a fait plaisir de contribuer au retour de la paix dans mon pays.
Pour soutenir les actions des Forces armées centrafricaines. Mais il y avait aussi une motivation financière. Vous ne le cachez pas.
Tout à fait, cette action qui m'avait été demandée était de vulgariser les actions de neutralisation menées par les forces armées centrafricaines conjointement avec les Russes, ça ne me posait aucun problème. J'ai accepté. Et deuxièmement, il y avait cette oportunité financière qui pouvait me permettre de financer mes études. En étant journaliste en République centrafricaine, c'était difficile de joindre les deux bouts seulement avec le salaire mensuel du journaliste. Dans les journaux de la place, je n'atteignait pas 70 000 francs CFA, mais quand j'ai commencé à travailler avec les Russes, automatiquement j'ai gagné plus de 200 000 francs
200 000 puis même 500 000 plus tard ?
Tout à fait.
L'homme qui vous a recruté et qui sera votre interlocuteur pendant toute votre collaboration, c'est Mikhaïl Prudnikov, que vous connaissiez comme « Michel » ou « Micha ». Il était toujours flanqué d'un interprète. Qui est il exactement à Bangui ? Quelle est sa mission en Centrafrique ?
Lui, il me dit qu'il est responsable, directeur de la communication et des relations publiques de la mission russe en République centrafricaine. Donc, c'est toujours avec lui que je collabore. Selon ce qu'il me dit, il est chargé d'analyser la méthode de la communication de la mission en République centrafricaine et d'impacter sur les médias centrafricains pour parler positivement de la mission russe dans le pays. Et maintenant d'étudier comment faire à ce que le peuple centrafricain puisse avoir confiance aux Russes qui sont dans le pays.
Mais en réalité, il fait beaucoup plus que ça ?
En réalité, il fait beaucoup plus que ça, et à ma connaissance, il part dans d'autres pays africains pour faire la même chose qu'en République centrafricaine.
Alors parmi les missions que « Micha » vous assigne, il y a faire des revues de presse de tout ce qui se dit sur la présence russe dans le pays, écrire des articles pour discréditer les voix critiques, mais aussi placer des sujets favorables dans des journaux contre rétribution. Concrètement, comment est ce que ça fonctionnait?
Tout à fait. Il me donnait une thématique, il vérifiait si c'était conforme à ses exigences. Il m'indiquait ensuite certains médias dans lesquels je devais les publier. je leur donnais 10 000 francs à chaque fin du mois. Je tenais un tableau Excel que je lui donnais avec le nom du média, l'article publié, la date et la photo pour qu'il me donne l'argent, que je puisse rémunérer chacun de ces journalistes.
La situation de la presse en Centrafrique est-elle et si précaire au point que cette pratique n'ait jamais posé de problème ?
La situation de la presse en République centrafricaine, reste et demeure précaire. Donc cette situation n' gêné personne. Quand tu travailles, tu dois aussi vivre. Donc certains journalistes, même s'ils étaient contre, étaient contraints par le besoin d'argent de prendre et de publier ces articles.
Autre mission, vous avez organisé des manifestations parfois contre la France, parfois contre les Etats-Unis, souvent contre l'ONU. Comment ça se passait exactement l'organisation de ces manifestations ?
Parfois lui Micha m'appelait et me donnait une thématique pour la semaine. Il me disait : « Nous souhaitons que tu puisses organiser une marche pour dire que la population en a marre de la présence de la Minusca (mission de l’ONU) ». Je devais cibler un leader de la place, lui demander s'il avait la capacité de mobiliser 500 personnes pour une manifestation devant le siège de la Minusca à telle date, et il me disait que c'était possible. La veille, « Micha » et son équipe écrivaient des mots sur les cartons, sur les papiers, pour que les manifestants puissent les tenir et faire semblant que ces écrits étaient les leur, alors qu'en réalité ça venait de Michel. Par rapport au nombre des manifestants, je remettais l'enveloppe aux leaders. Je faisais cela dans la discrétion totale pour que personne ne soit au courant.
Et chaque jeune qui venait recevait environ 2000 francs (3euros)
Environ 2000 francs CFA.
Une cible récurrente de ces manifestations, c'était la Minusca, la mission de l'ONU. Pourquoi ?
Les Russes et la Minusca sont dans le pays à peu près pour un même objectif, aider le gouvernement à pacifier le pays. Donc du coup, les Russes veulent se faire passer aux yeux du peuple centrafricain comme les meilleurs, et pour cela, il faut qu'ils puissent discréditer les actions menées par l'ONU en République centrafricaine. C'est pourquoi toutes ces manifestations visent la MINUSCA.
Les manifestations hostiles à la présidente de la Cour constitutionnelle, madame Darlan, en 2022, et pour le changement de Constitution en 2023, ce sont aussi les Russes qui étaient à la manœuvre ?
Les manifestations concernant la destitution de madame Darlan, les manifestations pour la Constitution, tout ça, c'était la mais des Russes derrière. Il y a certaines manifestations qui sont organisées. Mais moi qui travaille avec eux, je ne suis pas au courant. Après, ils m'appellent, ils me donnent seulement des articles, des photos à publier.
Ce n'est pas vous qui avez organisé celles là, mais vous avez la certitude que ce sont les Russes qui les ont organisées via d'autres canaux ?
Oui.
Et là arrive l'épisode de Bouar. On vous a demandé d'écrire que les mercenaires de Wagner sont venus en aide à des civils peuls blessés, alors que ce sont eux qui leur ont tiré dessus. Est ce que vous pouvez nous raconter cet épisode.
À cette époque, un matin, Micha m’appelle et me dit « Il y a une urgence, nous devons partir à Bouar pour sauver certains peuls qui sont en difficulté ». J'ai dit OK. « Nous avons retrouvé deux peuls qui blessés à l'hôpital régional de la ville de Bouar ». Dans l'avion, Micha m'a dit qu’ils avaient été attaqués par les groupes armés, notamment les 3R. On arrive sur les lieux, il y a un interprète, la manière avec laquelle l'interprète leur demande de me parler et pour qu'il puisse m’interpréter, étant journaliste, je savais que c'était pas concrètement ce qu’ils étaient en train de lui dire et qu'il me transcrivait , donc je prenais note de tout ce qu'il me disait.
Et quand on était dans l'avion avec lui, je lui ai dit « Michel, tu penses réellement que ce sont des 3R qui ont fait du mal à ce groupe ? Parce que je travaille avec toi, tu dois me dire la vérité pour me permettre de voir dans quel angle orienter pour que l'article puisse prendre du poids ». Il me regarde en me disant « ok, ce que je te dis, ça doit rester confidentiel entre nous. Certains de nos de nos confrères les ont attaqués. C'est après qu'on s'est rendu compte que c'étaient des innocents et nous sommes venus à leur secours pour les sauver. Donc tu dois tout faire pour que l'article soit positif à notre égard »
Ils ont voulu prendre le contrôle du narratif. Le problème, c'est que la vérité est sortie quelques semaines plus tard dans un journal local et que vos patrons ont cru que vous les avez trahis et qu'ils vous ont menacé physiquement à ce moment là.
Oui, un mois plus tard, la vraie information est sortie dans un journal de la place, et à ma grande surprise, un matin, j'ai reçu un appel : « je suis devant devant ta maison » alors que je ne lui ai jamais montré ma maison depuis qu’on collabore. Il m'a conduit quelque part, je ne savais même pas où on allait. Donc c'était derrière, à la sortie nord, route de Boali, on a dépassé PK 26. Il s'est arrêté et m'a dit « je vais te poser une seule question. Tu dois me dire ce qui t'a poussé à dire la vérité à ces journalistes qui ont dévoilé l'information ». A ce moment-là, il a déposé son arme à côté. Automatiquement, il a ramassé mon téléphone.
Son interprète a commencé à fouiller pour voir avec qui j'avais été en contact. Il a fouillé. Il n'a rien trouvé. Il m'a menacé. « Tu dois l'avouer, ici, il y a personne ici. Tu sais ce qui peut t'arriver » J’ai dit « Michel, je ne peux pas dire ce que je n'ai pas fait ». Il a insisté, avec des menaces à l'appui, des intimidations de mort. Je lui ai dit « Si je l'avais fait, je te l'aurais dit. Je n'ai rien fait, je te l'ai dit ». J'étais apeuré. Mais comme je n'avais rien fait, je ,'ai pas avoué ce que je n'avais pas fait. Il a pris mon téléphone, il est parti. Il m'avait abandonné dans cette brousse. Cette information, je l'ai dite à personne parce qu'en me quittant, il m'a dit : « tout ce qui vient de se passer ici, mettons en tête que nos services secrets sont désormais derrière toi. Si on entend un seul instant que tu as été menacé, tu ne resteras pas vivant ».
Effectivement, ils vous tiennent bien à l'œil, puisque deux ans plus tard, après une longue préparation, vous vous apprêtez à quitter le pays en février 2024 et au moment où vous allez partir de l'aéroport de Bangui, vous êtes retenu. Et là, vous comprenez que ce sont les Russes qui sont à la manœuvre et qui vous font retenir à l'aéroport dans un bureau de police.
Tout à fait. À ma grande surprise, à mon départ, j'ai été retenu à l'aéroport, empêché de voyager par le commissaire qui n'arrivait pas à m'en donner la raison en plus. Il m'a dit : « Tu penses partir avec toutes les informations que tu détiens ». Je lui ai demandé : « quelles informations ? » « Tu vas voir avec les Russes ». Le commissaire de l'aéroport a été commissionné par les Russes pour m'empêcher de voyager à l'aéroport ce jour là.
Donc le reste de votre famille a pu partir. Vous, vous vous êtes caché quelques jours, êtes parvenu à traverser l'Oubangui en pirogue et ensuite via le Congo, à gagner la France. Avec le recul, est ce que vous regrettez cette collaboration ? Est ce que vous regrettez vos actions ?
Si je n'avais pas regretté cette collaboration, je n'aurais pas décidé de les dénoncer. J'ai regretté cette collaboration parce que moi, au départ, je croyais que c'était pour aider mon pays. Ils se présentent comme des partenaires venus aider à ce pour la paix, mais font autre chose, violentent, sont dans la désinformation, trompent l'opinion. C'est pas en faisant ça, qu'on va aider le peuple. Du coup, j'ai regretté l'action que moi-même j'ai posée en collaborant avec eux.
Comment vous qualifieriez aujourd'hui la présence russe en Centrafrique?
C'est une présence d'intérêts personnels, des intérêts des Wagner, des intérêts des Russes. Ils n'aident pas. Je parie ma tête que s'il était question d'arrêter la violence en Centrafrique, les Russes l'auraient fait depuis longtemps. Il font semblant pour que la crise perdure et que leur présence puisse s'élargir en République centrafricaine, pour qu'ils puissent mettre en œuvre tous les plans qu'ils ont en tête.
C'est un pays sous emprise ?
Selon moi, c'est un pays sous emprise des Russes, on le voit avec les actions menées par les Russes, l'exemple est simple : quand j'ai été empêché à l'aéroport de voyager, ça c'est une violation à ma liberté d'aller et de revenir. Mon avocat a contacté les autorités judiciaires et policières. Jusqu'alors, il n'y a eu aucune réponse parce que l'instruction vient des Russes. Rien ne peut se faire sans eux.
Votre témoignage et les éléments factuels qui sont présentés dans l'enquête de Forbidden Story amèneront des attaques contre vous au pays. On vous appellera sûrement un traître ou un vendu. Que répondez vous à ceux qui douteraient de votre franchise ou de votre honnêteté ?
C'était moi seul qui ai travaillé avec eux et quand je travaillais avec eux, je ne l'ai dit à personne. Et si aujourd'hui j'ai décidé de dénoncer, il en va de mon honnêteté et de ma dignité. Ceux qui pensent que j'ai été manipulé, que je suis un vendu, c'est leur point de vue. D'ailleurs, j'ai la conscience tranquille. Les vrais patriotes en Centrafrique m'ont encouragé. Tout ce qui se dira, me sera égal parce que je ne regrette rien.
L'enquête est à lire ici : Plongée dans la machine de désinformation russe en Centrafrique
Thu, 21 Nov 2024 - 1112 - Pascal Affi N'Guessan: «Ce serait un grand risque que monsieur Ouattara soit candidat en 2025»
En Côte d'Ivoire, nous ne sommes plus qu'à onze mois de la présidentielle, et Pascal Affi N'Guessan vient d'être désigné par le Front populaire ivoirien (le FPI), comme son candidat à ce scrutin. L'ancien Premier ministre ira-t-il seul à la bataille ? Non, déclare-t-il ce matin sur RFI. Pascal Affi N'Guessan est en train de se réconcilier avec l'ancien président Laurent Gbagbo. Il nous révèle qu'une rencontre entre les deux leaders historiques de la gauche ivoirienne est même envisagée. De passage à Paris, le président du FPI répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Vous êtes candidat à la présidentielle de l'an prochain pour le FPI. Mais en 2020, vous avez appelé à un boycott actif parce que le président Ouattara se présentait pour un troisième mandat. Si l'an prochain, il se présente pour un quatrième mandat, qu'est-ce que vous ferez ?
Pascal Affi N'Guessan : Mais nous avons déjà appelé à ce qu'il renonce à ce quatrième mandat. Parce que déjà, le troisième mandat, vous le savez bien, a été assez chaotique. Et depuis, la situation s'est dégradée aussi bien au niveau intérieur qu'au niveau international. Ce serait un grand risque pour le pays que Monsieur Ouattara soit encore candidat en 2025.
Et pourtant, il y a un taux de croissance annuel supérieur à 7 %, non ?
Oui, c'est vrai. Mais vous savez, le taux de croissance n'a rien à voir avec la réalité. Sur le plan social, c'est la catastrophe. L'espérance de vie a reculé sous Monsieur Ouattara de 58 à 57 ans. L'indice de développement humain s'est dégradé. Il y a beaucoup de pauvreté. Sur le plan politique, la réconciliation nationale est un échec. Sur le plan de la gouvernance, il y a beaucoup de malversations, beaucoup d'enrichissement illicite, de corruption. Et donc il y a une forte attente de la part des Ivoiriens au changement.
Le RHDP au pouvoir appelle Alassane Ouattara à se présenter l'an prochain. A votre avis, il va y aller ou pas ?
Je ne crois pas. Je ne pense pas. Parce que Monsieur Ouattara est bien conscient du risque que cela représente pour lui-même et pour le pays s'il était candidat.
Et à votre avis, qui sera le dauphin d'Alassane Ouattara pour le RHDP ?
C'est une question interne.
Vous avez une petite idée ?
Oui, j'ai une petite idée, mais je la garde pour moi.
On parle du vice-président Tiémoko Meyliet Koné…
Évidemment. Quand on a été vice-président, on aspire légitimement à être président. Donc ce ne serait pas une surprise si c'était lui qui était choisi comme le candidat du RHDP.
Et quelle est votre stratégie en vue de la présidentielle d'octobre prochain ? C'est d'y aller seul ou de faire alliance avec d'autres ?
Vous savez, en Côte d'Ivoire, aucun parti à l'heure actuelle, qu'il soit au pouvoir ou pas, ne peut gagner seul. Nous avons des appels du pied émanant du PPA-CI du président Laurent Gbagbo et il y a donc des frémissements en faveur de ces retrouvailles. Et je suis persuadé que nous allons nous retrouver pour gagner ensemble l'élection de 2025.
Alors, Laurent Gbagbo n'a pas toujours été gentil avec vous. Quand il est parti avec le PPA-CI, il a traité votre parti FPI « d'enveloppe vide »…
C’est ça. Mais aujourd'hui, le président Gbagbo se tourne vers cette enveloppe soi-disant « vide », ce qui signifie qu'elle n'est pas aussi vide que ça, parce qu'on ne court pas derrière une enveloppe vide, on ne fait pas appel à une enveloppe vide pour construire un rassemblement. Le président Gbagbo a bien compris que c'est dans ces retrouvailles que nous avons une chance de revenir au pouvoir. Il a lancé un appel depuis Bonoua [le 14 juillet dernier], il a envoyé plusieurs délégations en notre direction et donc je pense que le moment est venu de nous retrouver et nous allons faire en sorte que ces retrouvailles-là conduisent notre famille politique au pouvoir en 2025.
Et vous seriez tous deux candidats en octobre, quitte à vous désister pour le mieux placé au deuxième tour ? Comment vous voyez les choses ?
Tout cela est à négocier. Juste avant ce déplacement en Europe, nous avons reçu une délégation du PPA-CI et il est question que le président Gbagbo et moi, nous nous retrouvions, parce qu'au-delà de l'accord, il y a une réconciliation à organiser. Nous nous sommes opposés. Pour pouvoir rassurer l'opinion, pour pouvoir crédibiliser une quelconque alliance, il faut d'abord que nous donnions des signaux forts à l'opinion, pour montrer que nous avons tourné la page des dissensions. Et cette nouvelle dynamique doit être matérialisée par une rencontre. Et je pense qu'à l'occasion de cette rencontre, nous allons échanger sur la manière d'aller ensemble à ces élections de 2025.
Et si Laurent Gbagbo reste inéligible, que se passera-t-il ?
Il appartiendra au président Gbagbo de voir quelle est la posture à adopter. Mais ce qui est important, c'est que nous soyons ensemble pour ces élections, soit avec le candidat du FPI soutenu par le PPA-CI. Évidemment, étant donné qu'il y a un ticket, ce sont des choses qui se négocient, pour mobiliser l'électorat de gauche afin qu'ensemble nous puissions gagner.
Est-ce que l'ancien ministre de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, ne convoite pas lui aussi l'électorat de Laurent Gbagbo ? Et est-ce qu'il ne risque pas d'être pour vous un rival politique ?
Il est plus jeune, il a le temps pour lui et je pense que, à l'heure actuelle, il s'agit pour la Côte d'Ivoire de savoir choisir un président qui soit en quelque sorte une passerelle entre l'ancienne génération [incarnée par] le président Gbagbo, le Président Alassane Ouattaraet cette nouvelle génération dont vous parlez. Et je pense que, logiquement, je devrais être le candidat de la transition, le candidat de la passerelle, pour permettre à cette nouvelle génération de se renforcer, et demain, d'assurer la relève.
Wed, 20 Nov 2024 - 1111 - Sénégal: «Le Pastef est sur la bonne voie pour gagner une majorité qualifiée»
Au Sénégal, c'est sans doute ce mardi 19 novembre 2024 que l'on saura si le Pastef est en mesure de franchir la barre des trois cinquièmes des députés dans la future Assemblée nationale. La question est importante, car, dans ce cas, le parti du président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko pourra changer la Constitution, et faire poursuivre en justice certains dignitaires de l'ancien régime. Pape Fara Diallo est maître de conférences en sciences politiques à l'université Gaston-Berger. En ligne de Saint-Louis du Sénégal, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Est-ce que le Pastef est en mesure d'avoir une majorité qualifiée dans cette Assemblée et de pouvoir faire les réformes qu'il souhaite ?
Pape Fara Diallo :D'après les résultats que nous voyons, au-delà d'une majorité absolue, le Pastef est sur la bonne voie pour gagner une majorité qualifiée de 99 députés au moins. Pour le moment, rien que pour le vote majoritaire, le Pastef dépasserait les 100 députés. Donc, de ce point de vue, le Pastef aura les coudées franches pour pouvoir voter des lois constitutionnelles et des lois organiques, qui lui permettraient de modifier la Constitution et d'initier les réformes majeures. Parmi ces réformes, il y a d'abord la volonté du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, de réduire les pouvoirs du président qui sont clairement exorbitants selon notre Constitution. Entre autres réformes aussi, il y a la volonté d'installer très rapidement la Haute Cour de justice qui permettrait de juger les autorités qui avaient un privilège de juridiction, notamment les [anciens] ministres et l'ancien président de la République, parce qu'on a agité le dossier de la reddition des comptes. Pour que ce dossier puisse aboutir, il faut avoir installé la Haute Cour de justice et ça fait partie des premières mesures que cette nouvelle Assemblée prendra.
Alors, à quelles conditions la future Assemblée nationale peut-elle instaurer une Haute Cour de justice ?
La Haute Cour de justice est prévue dans la Constitution, mais c'est une institution qui ne peut être installée que par une majorité qualifiée de 3/5 et cela équivaut à 99 députés sur les 165.
Et ça, c'est évidemment l'un des enjeux des jours qui viennent. Est-ce que le Pastef aura cette majorité pour pouvoir installer une Cour qui pourra juger les dignitaires de l'ancien régime, c'est ça ?
Vu les résultats provisoires, effectivement, le Pastef est bien parti pour avoir un peu plus d'une centaine de députés et la majorité qualifiée pour pouvoir installer la Haute Cour de justice. D'autant plus que la Haute Cour de justice est la seule juridiction habilitée à juger les ministres et les anciens présidents. Et puisque le Pastef a battu campagne sur la nécessaire reddition des comptes et la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance, l'installation de la Haute Cour de justice constitue une urgence, si on entend bien les propos du Premier ministre Ousmane Sonko durant la campagne.
Alors avant son départ du pouvoir, Macky Sall a fait voter une loi qui amnistie les auteurs de violences depuis 2020 au Sénégal. Est-ce que cette loi ne protège pas tous ces dignitaires ?
Oui, mais ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. C’est le parallélisme des formes en droit. Et le Premier ministre Ousmane Sonko l’a clairement annoncé durant la campagne, ça faisait partie d’ailleurs du programme de législature de Pastef, c'est qu’une fois la nouvelle Assemblée installée et qu'ils auraient une majorité qualifiée à l'Assemblée nationale, ils allaient revenir sur la loi d'amnistie.
Depuis six mois, les Français essaient de savoir si le Pastef au pouvoir va maintenir ou fermer leur base militaire à Dakar. De ce point de vue, qu'est-ce que ce résultat des législatives peut changer ?
Alors moi, je pense que l'État du Sénégal n'est plus dans la logique clairement affichée de vouloir fermer les bases militaires. L’État du Sénégal est dans la logique de rediscuter avec l'État français pour que les relations soient plus équilibrées. Donc, de ce point de vue, les deux visites du président Bassirou Diomaye Faye à Paris ont semblé révéler une nouvelle volonté des autorités sénégalaises de revoir leurs relations avec la France pour que cela soit des relations beaucoup plus équilibrées. Le mot « respect » est revenu plusieurs fois dans le discours du président Diomaye Faye sur le respect mutuel quand il était à Paris. Donc, je pense que l'enjeu, ce n'est pas pour le moment de fermer les bases militaires, mais de voter une loi sur le patriotisme économique et de faire en sorte que les entreprises sénégalaises puissent avoir plus de parts de marché dans la commande publique et que les entreprises étrangères, françaises principalement, ne soient pas les seules entreprises qui gagnent les plus grandes parts de marché. Mais je crois que la fermeture des bases militaires n'est plus, à mon avis, une priorité pour le gouvernement du Sénégal.
Depuis six mois, Jean-Marie Bockel, l'envoyé personnel du président français, essaie de pouvoir venir à Dakar pour savoir quel sera l'avenir de la base militaire française sur place. Et depuis six mois, les Sénégalais lui répondent « attendez la fin des législatives ». On voit bien que c'est une façon pour le Pastef au pouvoir de gagner du temps. Comment les choses vont elles se passer dans les semaines qui viennent, à votre avis ?
Justement, cette volonté du parti au pouvoir de gagner du temps, moi, je l'interprète comme une façon pour eux de revoir leurs priorités. En termes de résultats concrets et immédiats, qu'est-ce que l'État du Sénégal gagnerait à fermer les bases militaires françaises ? Comparé à tout ce que l'État du Sénégal peut gagner en renégociant les contrats ou bien en votant très rapidement une loi sur le patriotisme économique ? C'est une question diplomatique. La question de la fermeture des bases militaires avait été agitée dans le programme du parti Pastef avant l'élection présidentielle. Mais on n'a pas entendu une seule fois le Premier ministre Ousmane Sonko, durant la campagne pour les élections législatives, se prononcer sur la question de la fermeture ou non des bases militaires françaises.
Tue, 19 Nov 2024 - 1110 - Togo: «Le peuple n’accepte pas ce coup d’État constitutionnel»
Le Togo est entré dans la Ve République depuis la promulgation - début mai 2024 - d'une nouvelle Constitution. Le pays est passé d'un régime présidentiel à un régime parlementaire qui supprime l'élection présidentielle au suffrage universel direct. Le texte n'a pas été soumis à référendum, mais adopté par des députés après la fin de leur mandat, et en pleine campagne pour les élections législatives du 29 avril.
Six mois plus tard, alors que toutes les nouvelles institutions ne sont pas encore en place, le texte continue de susciter la colère d'une partie de l'opposition et de la société civile, qui y voient un moyen pour le président Faure Gnassingbé (au pouvoir depuis la mort de son père en 2005) de continuer à diriger le pays sans limitation de mandat. Parmi les voix critiques, Brigitte Kafui Adjamagbo Johnson, coordinatrice de la DMP (dynamique pour la majorité du peuple) et à la tête de la CDPA (Convention démocratique des peuples africains). De passage à Paris, l'opposante répond aux questions de Magali Lagrange.
RFI : Vous avez été élue députée il y a six mois. Dans cette Assemblée, 108 sièges sur 113 sont occupés par des membres du parti Unir, le parti au pouvoir. Vous avez dénoncé ces résultats, mais vous avez décidé quand même de siéger. Pourquoi ?
Brigitte Kafui Adjamagbo Johnson : Parce que, voyez-vous, on est engagés dans un combat. J'y suis pour continuer à leur dire : « Le peuple n'est pas d'accord avec ce que vous faites. Le peuple n'accepte pas ce coup d'État constitutionnel par lequel vous avez installé la Ve République » et je ne ferai rien pour aider à mettre en place les institutions de cette Ve République.
Mais donc, une fois que les institutions seront en place, vous ne jouerez pas le jeu de ces nouvelles institutions ?
Je ne contribuerai pas à la mise en place de ces institutions. Je dénoncerai, au contraire. D'ailleurs, vous imaginez que le prochain président de la République, qui est totalement dépouillé de tout pouvoir, ne sera pas élu par le peuple au suffrage universel direct. Mais il y a pire. Celui qui va détenir désormais tous les leviers du pouvoir ne sera pas un élu non plus. Il sera tout simplement désigné par le parti dit majoritaire.
Justement, vous qui dénoncez le pouvoir du président actuellement ou en tout cas dans le régime présidentiel précédent, est-ce que ce n'est pas bon de donner plus de pouvoir au Parlement ?
Plus de pouvoir au Parlement, mais pas à un Parlement monocolore. Et encore faut-il que le peuple souverain ait fait ce choix-là. Or, vous interrogez les Togolais aujourd'hui, ils vous diront : « pour nous, notre problème aujourd'hui, ce n'est pas de changer de régime politique, mais c'est de faire en sorte que notre pays soit gouverné démocratiquement ».
Cette fois, on n'a pas vu de mobilisation des Togolais dans la rue pour dire non à ce changement de Constitution. Comment vous l'expliquez ?
Vous avez raison, je l'explique tout simplement par le fait que les Togolais ne veulent pas, ils savent très bien qu’en voulant manifester, ils vont se faire massacrer. Ils savent très bien que le régime exploite l'actuelle loi sur la liberté de manifester pour empêcher toute manifestation. Et vous pouvez voir l'exemple de ce qui se passerait si les Togolais descendaient à nouveau dans les rues avec ce qui s'est passé le 29 septembre.
Donc, le 29 septembre, vous aviez organisé une réunion au siège de votre parti, en présence du député sénégalais Guy Marius Sagna, qui est aussi député de la Cédéao. Et la réunion a été interrompue par des violences. Plusieurs personnes ont été blessées. Est-ce que vous savez où en est l'enquête, un mois et demi après ?
Ce que nous savons, c'est que l'enquête a démarré. On nous a demandé de collaborer, donc nous avons fourni une liste de personnes qui ont été auditionnées. Aujourd'hui, on attend. Mais nous demandons plutôt que ce soit des enquêtes internationales qui soient menées. Nous voulons savoir ce qui s'est passé. Il est temps que l'impunité s'arrête au Togo.
Si je reviens sur votre décision de siéger à l'Assemblée nationale, il y a d'autres partis d'opposition qui ont fait un autre choix, l'ANC de Jean-Pierre Fabre par exemple. Est-ce qu'il y a eu entre les partis d'opposition élus à l'Assemblée une concertation ? Est-ce que vous avez essayé de vous mettre d'accord sur une ligne à suivre ?
Oui, il y a eu une concertation. Mais bon, ces collègues ont décidé d'utiliser plutôt cette stratégie pour dénoncer ce qui s'est passé. Et je pense que l'essentiel, c'est que nos stratégies convergent à obtenir le changement que nous souhaitons.
Le pouvoir togolais dit souvent, quand il parle de l'opposition, que l'une de ses faiblesses, c'est de ne pas savoir s'entendre. Est-ce que ces divisions ou en tout cas ces postures un peu différentes, ça ne leur donne pas raison ?
Pas du tout. Parce que si cette division de l'opposition l’affaiblissait vraiment, le pouvoir ne déploierait plus aucun effort pour biaiser les résultats des élections. La division interne à l'opposition est l'affaire de l'opposition. Nous y travaillons. Ça ne peut jamais être l'affaire de notre adversaire.
Mon, 18 Nov 2024 - 1109 - COP29: «Le plus important, c'est de faire porter la voix de l'Afrique»
La Première ministre de la République démocratique du Congo (RDC), Judith Suminwa Tuluka, vient de rentrer de Bakou, en Azerbaïdjan, où elle a représenté son pays à la COP29 sur le climat. Son objectif : réévaluer à la hausse les financements en provenance des pays riches à destination des pays en développement, afin que ces derniers puissent financer leur transition et s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique. Jusqu'ici, la RDC n'a rien reçu comme financements directs, elle espère cette fois-ci obtenir des partenariats gagnant-gagnant.
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Sat, 16 Nov 2024 - 1108 - Référendum constitutionnel au Gabon: «Le moment est venu de rendre le pouvoir aux civils»
Après le Premier ministre et coordinateur de la campagne pour le « oui » au référendum constitutionnel prévu demain, samedi 16 novembre, RFI donne la parole à un tenant du « non », Albert Ondo Ossa, candidat lors de la dernière élection (élections générales gabonaises du 26 août 2023) qui continue de revendiquer sa victoire à ce scrutin rendu caduc par le coup d'État militaire de 2023. Ce professeur d'université, qui dénie le droit d'organiser un tel référendum au pouvoir de transition, appelle les Gabonais à lui faire barrage massivement. Il répond aux questions de Esdras Ndikumana.
RFI : Pourquoi est-ce que vous vous opposez à ce projet de Constitution ?
Albert Ondo Ossa : Alors, je ne veux pas faire du juridisme, il faut passer en revue les articles. Effectivement, je pense que l'homme politique que je suis repose son appréciation sur deux choses : l'esprit du texte d'une part, la procédure conduisant à son élaboration et à son adoption d’autre part. Alors, pour ce qui est de l'esprit, deux éléments sont importants à relever. Le président de la transition au Gabon manque de posture, de légitimité, de crédibilité. Il a besoin d'un texte susceptible de le crédibiliser, de le légitimer, de le légaliser. Un texte ne peut rendre légal ce qui est illégal, pas plus qu'il ne suffit pas à légitimer ce qui est illégitime, car nul ne peut se prévaloir de sa turpitude. Donc, à partir de ce moment-là, véritablement, la seule chose, c'est pouvoir dire non au référendum.
L’une des dispositions qui fâchent dans son projet de Constitution, c'est la limitation de l'âge de 35 à 70 ans pour être candidat à l'élection présidentielle. Est-ce que vous vous sentez visé personnellement, vous, qui venez d'avoir justement 70 ans ?
On se sent visé si on va dans leur logique, c'est-à-dire faire du juridisme. Non, je me sens pas du tout visé. Le problème, c'est que globalement, un référendum, c'est un vote qui permet à l'ensemble des citoyens d'approuver ou de rejeter une mesure proposée par le pouvoir exécutif. Dans ce genre d'opération, aucun calcul politicien n'est permis, aucune justification de bas-étage n’est plausible. Le choix à opérer est clair : ou on accepte le texte dans son intégralité ou on le rejette globalement. Et c'est en cela que toutes les arguties et autres gesticulations des partisans du « oui » sont superfétatoires, voire indécentes. Le choix est simplement facile et clair : ou la République ou la déchéance. Or, je suis un démocrate, je recommande au peuple gabonais de voter pour la République. Voilà. Et c'est clair.
Je reviens encore sur cette question, quand même, c'est important. Par exemple, si le « oui » passe, la prochaine fois, vous ne pourrez pas vous présenter parce que vous aurez plus de 70 ans. Est-ce...
Ça, c'est ce que vous dites, si le « oui » passe. Le « oui » ne passera pas ! Et dans le cas où il passe, le peuple gabonais qui m'a voté va se lever pour chasser les militaires, leur place est dans les casernes, pas effectivement dans la politique. Ça se passe partout ailleurs.
Une des personnalités qui milite pour le « non » a estimé que ce projet allait mettre en place, je cite, « un homme fort et non des institutions fortes ». Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ou pas ?
Un homme fort ou les institutions fortes, moi, je ne rentre pas dans ce débat-là. Ma position est claire : je ne rentre pas dans ce que fait le CTRI (Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions – Ndlr), pour ou contre ; et ma formule : ni allégeance, ni défiance. Donc, je ne me mêle pas de ce débat-là. Je parle de cela parce que j'ai été interpellé par le peuple gabonais qui m'a élu en me demandant ce que je leur recommande. C'est tout. Le reste ne m’intéresse pas. Ils sont dans le non-droit. Je ne veux pas avaliser ce qui est illégal, ce qui est illégitime, ce qui procède du non-droit et du déni de droit. Voilà.
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Est-ce que pour vous ce régime hyper présidentialiste est la preuve de ce que vous dénoncez depuis le coup d'État, à savoir qu'il s'agit davantage d'une évolution du système que d'une rupture ?
Vous allez dans les détails. Mon appréciation du texte, quelque chose qui est mal ficelé au départ est forcément mauvais. Le coup d'État est illégal, la révolution de palais illégale. Tout ce qu'ils font, c'est du non-droit et du déni de droit. Moi, je ne peux pas l'accepter. Donc, j'ai dit aux populations de refuser cela, c'est tout. Et m'amener à regarder tel ou tel article, c'est du juridisme. Je n'en suis pas là. Il faut que les militaires retournent dans les casernes. Ils l'ont déclaré, le moment est venu pour eux de rendre le pouvoir aux civils. C'est là le débat de fond, voilà l'enjeu. Et le peuple gabonais le comprend très bien aujourd'hui.
Retourner dans les casernes, cela passe notamment par l'organisation d'un référendum. Certains appellent à voter « oui », d'autres appellent à voter « non ».
Ah non. Ah non. Non, non. Organiser ? Si les militaires organisent un référendum, cela revient à légaliser l'illégalité. Seul quelqu'un qui est élu dans les conditions normales peut appeler le peuple gabonais à l'élection. Nul ne peut se prévaloir de sa turpitude. C'est inacceptable dans un pays normal, dont le Gabon, aspirant à être un pays normal, ne peut pas accepter qu'un militaire lance un genre de référendum pour légaliser sa forfaiture. Ça ne se comprend pas et ça ne s'accepte pas.
La quasi-totalité de vos anciens alliés dans Alternance 2023 soutiennent aujourd'hui le « oui ». Quelle est votre réaction ?
Oh moi, je les comprends tout à fait. Chacun est libre de faire ce qu'il pense. Ils étaient mes alliés du moment. Ils ne sont plus mes alliés aujourd'hui. Moi, je repose ma popularité, ma crédibilité sur le peuple gabonais. Ça n'a rien à voir. Et majoritairement, le peuple gabonais me soutient. Je n'ai pas de souci par rapport à cela.
Au contraire, vous vous retrouvez aujourd'hui à combattre le texte avec d'anciens cadres du régime Bongo comme l'ex-Premier ministre Bibie By Nze ou l'ex-vice-président Maganga Moussavou, n'est-ce pas étonnant ça ?
Rien n'est étonnant en politique. En politique, il y a la tactique, il y a la stratégie. Et en politique, effectivement, on peut avoir des alliés du moment. Pour le moment, ils prônent le « non ». Moi aussi, je prône le « non ». Peut-être pas pour les mêmes raisons. Moi, je dis que les militaires retournent dans les casernes, leur place est dans les casernes, ils n'ont rien à faire là où ils sont aujourd'hui et, en tout cas, il ne faut pas qu'on légalise effectivement ce qui est illégal. Donc maintenant, savoir qui dit non, qui dit oui, moi, je ne rentre pas dans ces choses-là. Je sais que le peuple gabonais va voter massivement « non » pour que les militaires retournent dans leurs casernes. Voilà.
Beaucoup de ceux qui prennent le « non » parlent aujourd'hui d'un texte qui va faire renouer le Gabon avec le culte de la personnalité. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
Je ne suis pas là pour faire du juridisme. Je ne me lance pas là-dedans. Je m'en tiens à l'esprit et je m'en tiens à la procédure. On ne peut pas légaliser l'illégalité. Oligui Nguema est illégal. Non, je suis désolé. Ou on est un pays de droit ou on est un pays de non-droit et c'est là tout l'enjeu.
Oligui Nguema, comme vous dites, est aujourd'hui reconnu par la communauté internationale comme président de transition.
Un président de la transition, ce n'est pas un président de la République. L'enjeu, c'est d'avoir un président de la République qui, effectivement, dont l'action porte à conséquence, et personne ne le reconnaît comme président de la République, surtout la communauté internationale. C'est lui qui le dit. Il n'est reconnu nulle part en tant que tel, je suis désolé.
Au-delà de la Constitution, vous avez gardé vos distances avec, justement, le président de transition Brice Oligui Nguema, qui s'est pourtant rapproché de vous au lendemain du coup d'État, pourquoi cela ?
Mais je n'ai pas de problème personnel avec lui, n'allons pas dans les confusions. Je l'ai toujours dit, je n'ai pas de problème personnel avec lui. Il peut chercher à me voir, pas de problème. Je peux chercher à le voir, pas de problème. Donc, ce n'est pas parce qu'il est venu me voir, moi aussi, je suis parti à la présidence, j’ai même été invité à Oyem (ville dans le nord du Gabon – Ndlr) , mais ça ne porte pas conséquence. Nous sommes des citoyens gabonais, lui et moi, il n'y a pas de problème personnel entre nous, mais nous avons une différence d’options, je suis un démocrate, lui, il putschiste. On ne peut pas laisser un pays aux putschistes, voilà ma position.
L'une de vos attaques qui a été relayée par la presse, c'est que vous avez soutenu qu'en un an Oligui Nguema a dépensé plus qu'Ali Bongo en 14 ans, comment est-ce possible ?
Mais vous me demandez, je ne l'ai pas inventé, c'est le rapport du Fonds monétaire international, un rapport qui date du 30 avril. Je suis désolé. Et c'est ce rapport-là qui donne effectivement les chiffres, que je n'ai fait que commenter. Donc, comment est-ce possible ? Allez lui demander ! C’est lui qui dilapide les sous publics, c'est lui qui s'endette à ne plus en finir. Et le résultat, on l'a. Et il n'y a pas seulement le Fonds monétaire international, la Cemac vient d'attirer l'attention parce que le Gabon a eu une mise en demeure. Les entreprises gabonaises, les banques gabonaises sont mises en demeure. Elles doivent avoir une couverture de 100%. Ça, c'est la dernière en date, la Cemac. Donc, ce n'est pas moi. Toutes les instances sous-régionales sont là pour dire que le Gabon est le seul pays, dans la sous-région, qui ne respecte pas les critères de convergence, c'est-à-dire la surveillance multilatérale. Aucun critère. Ni les critères de premier ordre ni les critères de second ordre. Et ça, on n'a jamais vu ça. Oligui Nguema et son CTRI font courir un risque grave à notre pays. Voilà où j'en suis.
Êtes-vous satisfait des conditions dans lesquelles s'est déroulée la campagne pour le référendum constitutionnel de samedi ?
Je ne m'occupe pas de campagne, monsieur. Je n'en ai rien à cirer de la campagne. Je n'ai rien à faire de la campagne. Je me mets en dehors de ce qu'ils font, c'est du non-droit ! C'est une question de principe, c'est des positions de principe. Oligui Nguema et le CTRI, c'est des putschistes. Un putschiste ne peut pas organiser une élection. Je suis désolé, ce n'est pas sa fonction.
Dans ces conditions, est-ce que vous pensez avoir réussi à convaincre les Gabonais de rejeter ce texte, samedi ?
Eh bien, comment on le pense ? C'est la réalité des urnes qui dira si j'ai convaincu ou non. Est-ce que moi, je... je ne suis pas en train... je ne fais pas ce que fait Oligui. Il est dans tous les quartiers, il est partout, sa photo est partout. C'est les mêmes méthodes que le PDG. Pourtant, chaque fois que le PDG a fait ça, le PDG n'a jamais gagné une élection au Gabon. Voilà où nous en sommes. Il subira le même sort que ses mentors, les PDGistes, voilà.
Monsieur Ondo Ossa, comment voyez-vous l'avenir du Gabon si le « oui » l'emporte ?
Je répète, si le « oui », le « oui » ne peut pas l'emporter, donc ne m'amenez pas sur cette voie-là. Le « oui » ne peut pas l'emporter. Si Oligui traficote les résultats comme le PDG en a l'habitude, il subira le même sort qu’Ali Bongo, voilà ce que je dis.
Vous dites à chaque fois que le pouvoir aujourd'hui est illégitime et que c'est vous le président élu. Est-ce que vous vous considérez aujourd'hui comme le président du Gabon ?
Je ne me considère pas… Il y a eu un vote le 26 août, il y a eu des résultats qui ont été donnés. Oligui est destinataire des résultats par l'institution agréée dans les bonnes normes. Moi, j'ai les mêmes résultats, donc quelqu'un qui a été élu. Quelqu’un qui a été élu avec le score que j'ai eu, c'est quelqu'un qui est le président de la République. Il n'y en a pas deux. De l'autre côté, c'est un putschiste.
Mais c'est lui qui est aux affaires.
Ouattara n'est pas venu au pouvoir tout de suite. C'est des situations qui existent par ailleurs dans le monde, être élu et ne pas être au pouvoir. Et le peuple gabonais comprend très bien. Donc, je ne désespère pas. Je serai au pouvoir et Oligui, lui, il sera à la caserne. Voilà.
Fri, 15 Nov 2024 - 1107 - Référendum constitutionnel au Gabon: «On clarifie les pouvoirs du président purement et simplement»
Au Gabon, nous sommes à J-2 avant le référendum constitutionnel prévu samedi 16 novembre. Les partisans du « oui » et du « non » ont labouré le terrain depuis près de dix jours pour tenter de convaincre les électeurs de voter pour leur point de vue. Le Premier ministre et coordinateur national de la campagne pour le « oui » est le Grand invité Afriquede ce matin. Raymond Ndong Sima explique pourquoi les Gabonais devraient voter « oui » dans deux jours et tente de rassurer les tenants du « non ». Il répond aux questions de Esdras Ndikumana.
RFI: Raymond Ndong Sima, pourquoi, selon vous, cette Constitution est-elle bonne pour le Gabon ?
Raymond Ndong Sima : En premier lieu, nous sommes dans une situation transitoire depuis maintenant 14 mois et qu'il faut bien sortir de la transition pour aller vers une situation normale. Or, je rappelle que la Constitution qui est en vigueur, lorsque les militaires prennent le pouvoir le 30 août [2023, NDLR], est une Constitution de 2023 qui comportait un ensemble d'anomalies, pour ne pas dire d'infamies, comme on a pu le voir à l'occasion des élections où le président de la République était maintenant candidat en ticket avec chacun des députés. Donc, oui, c'est une Constitution qui est bonne, il faut bien en sortir.
Quelles avancées portent-elles ?
Les avancées, il y en a un certain nombre. Certaines concernent directement les précisions qui ont été apportées sur les conditions à remplir par les différents candidats. D'autres portent sur l'organisation du pouvoir lui-même en tant qu'architecture générale de l’État. Je pense qu’il y a un certain nombre de points que les spécialistes ont énumérés. Si on les prenait un à un, on verrait exactement à quoi ça correspond.
L'une des dispositions les plus controversées de ce projet de Constitution est celle qui instaure un régime présidentiel jugé très fort. Les partisans du « non » parlent de l'intronisation d'un monarque au pouvoir. Quelle est votre réaction ?
Je suis mal à l'aise sur ce point précis pour la raison très simple que je suis Premier ministre en fonction et que ce point-là, précisément, conduit à la suppression du poste de Premier ministre. Mais vous savez, on ne discute pas des affaires de l'État pour son compte personnel. On en discute dans le sens de l'intérêt général. Je rappelle que deux de mes anciens prédécesseurs à la fonction du Premier ministre ont indiqué que, pour eux, il fallait supprimer la fonction de Premier ministre parce que celui-ci avait des pouvoirs fictifs, donc il valait mieux établir une clarté dans la liaison entre les pouvoirs décrits et les pouvoirs exercés. Donc, dès lors que le plus gros des personnes qui sont concernées se prononcent en faveur de quelque chose, je ne vois pas pourquoi je m'y opposerai.
Mais sur la question précise de l'intronisation d'un monarque au Gabon, qu'est-ce que vous répondez ?
Je voudrais bien qu'on me montre ce qu'on appelle le monarque intronisé. Lorsque l'on prend les dispositions de la Constitution qui était jusque-là, nous avions un président de la République qui définissait la politique de la Nation et un Premier ministre qui conduisait cette politique. Mais, en pratique, nous avions un président de la République qui était président du Conseil supérieur de la magistrature – ce n'est pas une nouveauté –, nous avions un président de la République qui avait à son actif la possibilité de nommer un Premier ministre et de le révoquer – admettons –, ce n'est pas une nouveauté. Quelle est aujourd'hui la différence avec ce qui se passait ? Je vois qu'il n'y a pas de très grande différence. Je pense qu’on est en train de faire des jeux de mots, mais la réalité est que le président de la République disposait déjà de tous les pouvoirs qu'il a aujourd'hui et qu'on clarifie purement et simplement.
Le président peut par exemple dissoudre l'Assemblée, mais le Parlement n'a que la haute trahison comme moyen de pression contre lui. Est-ce que ce déséquilibre des pouvoirs n'est pas dommageable ?
Écoutez, tous les cas de figure sont dommageables. On peut imaginer que telles situations soient dommageables. Moi, j'ai indiqué - si vous m'avez écouté dans mes interventions dans la campagne - clairement que nous sommes dans un cas de figure où il faut prendre une décision à un moment donné. Nous verrons bien, dans la pratique, si ça pose des problèmes, comment on fait pour revenir dessus. En effet, on peut avoir le sentiment que le président disposant de la possibilité de dissoudre d'un côté et le Parlement n'ayant pas la possibilité de le destituer de l'autre, ça crée un déséquilibre, c'est une possibilité. Est-ce que pour autant on a un monarque ? Je ne sais pas.
Alors, pour soutenir le choix pour le « non », les partisans du rejet regrettent la concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l'État. La justice, par exemple, va rester sous son contrôle. Que leur répondez-vous ?
Vous savez, le processus qui a été conduit pour arriver au point où nous sommes, on l'a lancé en octobre 2023 en demandant aux uns et aux autres d'apporter des contributions sur le diagnostic de la situation du pays et sur les solutions qu'ils proposaient pour corriger les déséquilibres qui apparaissaient. Je rappelle que ce processus, qui s'est déroulé pendant deux mois, a été suivi ensuite d'un dialogue national. Je pense que les arguments qu'ils invoquent maintenant, ils auraient dû les présenter au moment du dialogue national.
Et contre le fait que c'est, au final, le président Brice Oligui Nguema qui a choisi les éléments qui devaient rentrer dans la Constitution.
En fait, à qui faites-vous allusion quand vous dites les adversaires de cette...
Ceux qui prônent le « non ».
J'entends beaucoup de critiques et cetera, mais je rappelle qu'un débat a eu lieu pendant un mois à Angodjé, sur différents aspects, sur les questions constitutionnelles et cetera. Je n'ai pas entendu qu'ils ont déposé ces arguments à ce moment-là. Ensuite, lorsque le débat a eu lieu à l'Assemblée nationale, lorsque le texte a été transmis au Parlement en congrès, il y a eu beaucoup d'auditions là-bas. Est-ce qu'ils ont fait valoir les arguments à cet endroit ? Je ne sais pas très bien.
Est-ce que finalement le Gabon ne court-il pas le risque de connaître les mêmes travers que sous le régime déchu, les mêmes causes produisant les mêmes conséquences ?
Oui, c'est possible. C'est toujours possible, dans tous les cas de figure au monde, qu'on retrouve les mêmes travers. Mais est-ce que nous pouvions rester dans une position transitoire infinie ? La question, c'est : quelle est la contre-proposition qui a été faite ? Vous savez quel est le grand théorème de l'impossibilité d'agrégation ? Quand on a un texte qui fait 175 articles, est-ce que vous croyez qu'on peut tomber d'accord : la totalité des gens, les citoyens de ce pays, sur les 175 articles ? À un moment donné, il faut bien sortir de la transition. Et c'est vrai qu'il y a des points qui peuvent poser problèmes, mais dans la pratique, on verra comment ils vont se déployer, comment ils vont se dérouler. Autrement, on resterait sur place. Et moi, je considère que, à un moment donné, il faut sortir de la boucle dans laquelle on se trouve. On est dans la boucle transitoire, il y a des propositions qui sont faites, il y a beaucoup de choses qui ont été modifiées, assouplies. Je vous rappelle les questions sur la nationalité, je vous rappelle les questions sur les aspects fonciers. Je n'ai pas le texte en entier sous les yeux, donc je peux ne pas me rappeler tous les détails. Donc, je pense que dans une situation donnée, il faut accepter d'aller au débat et considérer, à un moment donné, qu’on ne peut pas avoir raison sur tous les points. Et il faut prendre date de bonne foi sur le fait qu’on arrive dans une position et on verra bien à la pratique comment ça évolue.
L'ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze qualifie cette Constitution de « texte d'exclusion ». Il cite notamment la question de la limitation d'âge de 35 à 70 ans pour être candidat à la présidentielle ou encore l'impossibilité pour les descendants d'un chef d'État d'être candidat. Votre réaction ?
Bon, je pense d'abord que Bilie-By-Nze est, à mon avis, de tous les Gabonais, celui qui peut le moins s'exprimer sur ces questions tellement sensibles. Je rappelle que monsieur Bilie-By-Nze était, l'année dernière, Premier ministre. Quand on a été à ce point un fossoyeur de la République, en signant, en année électorale, à quelques semaines de l'élection, une loi portant modification des dispositions des conditions de l'élection, on se tait ! On ne parle pas ! C'est ça qu'il devrait faire. Monsieur Bilie-By-Nze est en liberté par la magnanimité de mon gouvernement qui devrait le poursuivre, mais qui a choisi l’apaisement parce qu’on aurait pu le poursuivre pour atteinte, pour forfaiture et violation des lois. Ils ont violé la loi. La loi disait qu'on ne peut pas modifier le Code électoral en année électorale et il a contresigné ça, ça porte sa signature ! Alors, il n'est pas bien placé pour venir nous donner des leçons. Je suis désolé.
Est-ce que le camp du « oui » n'a pas bénéficié d'un certain avantage durant la campagne, au vu des tournées du président de transition, de ses ministres, avant son début ?
Ça, c'est une question que je trouve à la fois, je dirais, logique. Nous sommes dans un gouvernement de transition qui s'est engagé à sortir de là par une restauration des institutions. La logique même veut que l'on propose un texte qui est, dans l'ordonnancement, un des éléments qui permet de revenir à l'ordre normal. Comment le gouvernement peut-il à la fois être en train de travailler pour revenir à l'ordre normal et ne pas porter ce texte là sur la place publique ? Si le président en exercice, qui est un président de la transition, ne porte pas lui-même, dès le départ, les textes qui lui permettent de justifier la parole qu'il a donnée de revenir à la normalité, qui peut le faire ? Et je suis en train de faire en sorte que nous ayons un corpus de texte qui nous permet de sortir de cette transition. Voilà ce qu'on fait. Il y a des malfaçons dedans, il y a des choses. Mais, au final, l'objectif, c'est d'être sorti de là dans un délai raisonnable.
Vous avez évoqué le président de transition. Le général Oligui Nguema a dit ne pas vouloir de Constitution taillée sur mesure. Mais est-ce que ce n'est pas le cas ? C'est ce que certains disent.
C'est un des traits particuliers de la démocratie : chacun a besoin de dire ce qu'il pense, et je crois que c'est une question d'appréciation personnelle. Oui, effectivement, les gens peuvent dire que c'est une Constitution qui est taillée sur mesure. Non, d'autres disent que ce n'est pas le cas. Nous verrons bien à la pratique. Mais je rappelle, tout à l'heure, quand vous évoquiez l'une des personnes qui est opposée, qui indique que le président, il y a discrimination par rapport aux fils de président, il ne faut pas vouloir une chose et son contraire. On ne peut pas vouloir à la fois éviter qu'un système monarchique ne s'installe et s'opposer à ce que les gens ne mettent pas une barrière à ce que les fils de président ne soient pas candidats, ou les filles de président et cetera. Il y a quand même une contradiction là-dedans.
Vous venez de donner aux Gabonais deux jours, jeudi et vendredi, fériés, payés et récupérables. Est-ce à dire que vous craignez un faible taux de participation ?
Oui, et il y a des raisons d'avoir un faible taux de participation, de façon mécanique. Je vais vous expliquer ça. Lorsque nous avons fait les élections présidentielles l'année dernière, les élections ont eu lieu au mois d'août, et les Gabonais et les Gabonais se sont enrôlés sur les listes électorales en prévision de ce que les élections se passeraient pendant qu'ils sont en vacances avec leur famille dans leur province d'origine. C'est ce que la plupart des gens font. Tout le monde sait qu’à partir de la fin du mois de juin, fin juin, les gens s'en vont dans leur province. Or, cette année, l'élection a lieu alors que l'année scolaire a démarré il y a deux mois et la saison des pluies commence à battre son plein et, par conséquent, il y a effectivement des problèmes de mobilité. Ce qui veut dire que les gens, pour aller chez eux, voter, ont besoin d'un peu de temps pour circuler. Donc oui, il peut y avoir une abstention qui serait tout à fait mécanique parce que les gens ne sont pas en vacances, ils sont à leur lieu de travail, que les enfants sont à l'école, et qu'il sera beaucoup plus difficile à tous les pères et mères de famille de se déplacer alors que ça aurait été différent si on avait fait l'élection pendant la période de vacances. Mais vous voyez bien aussi, que si on avait retardé pendant les mois de vacances, on aurait attendu le mois d'août prochain pour faire la partie concernant ce référendum, ça retarderait d'autant la période de retour potentielle à la normalité. Alors, il faut choisir, à un moment donné, l'un des handicaps.
Quel est votre objectif en termes de participation qui serait un véritable indicateur de l'adhésion de la population au projet ?
Mon objectif est que le « oui » l'emporte massivement.
Est-ce qu'il y a un chiffre ?
Aujourd'hui, la population de base, elle cherche qui sont les adversaires. Les gens sont habitués à s'engager à une élection parce qu'il y a deux protagonistes qui sont là. Là, on a un texte. Les populations de l'arrière-pays n'ont pas forcément une vision très claire de ça. Je pense qu'il pourrait y avoir, de ce fait-là, une partie de la population qui ne se mobilise pas nécessairement. Moi, je viens de vous donner la première raison qui est mécanique. Donc, si vous me demandez un taux, je ne suis pas capable de vous donner un taux. Certains s’aventurent dessus, moi, je ne m’aventure pas. Ce que je veux, c'est une victoire nette. Je conduis le camp du « oui », j'ai besoin de gagner nettement, voilà.
Alors, vous étiez ces derniers jours en campagne à Port-Gentil, la deuxième ville du pays, et à Franceville. Quel accueil vous a été réservé dans ce fief des Bongo ?
J'ai été très bien accueilli à Franceville. J'ai été très bien accueilli partout. Bon, je rappelle que, en premier lieu, nous avons eu des mobilisations limitées dans la mesure où il s'agissait pour moi d'aller rencontrer les coordinations de chacune des provinces, coordination de campagne dans chacune des provinces, pour les rebooster, pour les relancer, disons les pousser à se déployer sur le terrain, et leur demander de s'impliquer dans un travail de proximité, c'était ça.
Si la Constitution est adoptée massivement, les élections de fin de transition, est-ce qu'elles doivent être avancées ou est-ce qu'elles doivent être maintenues à août prochain ?
Personne n'a jamais dit que les élections auraient lieu au mois d'août. Je voudrais rappeler que c'est moi qui ai décliné au mois de septembre, à New York, que nous nous étions donnés une date moyenne de 24 mois, en partant d’août 2023, sans forcément nous amener à août 2025. On peut être légèrement avancé ou légèrement après. Si nous terminons de faire le référendum, on verra bien à quel moment nous réunissons les autres conditions pour faire les autres élections qui permettent de mettre en place les différentes institutions. Août 2025, ce n'est pas une date marquée dans le marbre pour moi, c'est un objectif de date. L'essentiel, c'est que, comme on le voit depuis un an et deux mois, nous sommes dans un calendrier, on tient le tempo.
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Thu, 14 Nov 2024 - 1106 - Tiken Jah Fakoly: «Le terrorisme, c'est une gangrène, même les pays les plus développés ont eu du mal à s'en remettre»
Journée spéciale sur RFI avec le chanteur de reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly que vous retrouverez tout au long de la journée sur notre antenne. À l’occasion de son Acoustic Tour, Tiken Jah Fakoly est en concert ce mercredi soir à la salle Pleyel de Paris, concert que vous pourrez entendre en direct sur notre antenne. Cette figure majeure du reggae est réputée pour dénoncer les maux de l'Afrique et les travers de certains de ses dirigeants. Militant du panafricanisme, le natif d'Odienné qui vit au Mali revient à notre micro sur le dérèglement climatique qui touche le continent, la souveraineté africaine et la situation politique et sécuritaire au sein de l'AES, l'Alliance des États du Sahel. Il répond aux questions de Frédéric Garat.
RFI : Vous êtes de nationalité ivoirienne, mais il est de notoriété publique que vous vivez au Mali depuis presque 20 ans maintenant où vous avez trouvé refuge. Comment va le Mali de 2024 ?
Tiken Jah Fakoly : Je pense que le Mali va « à la malienne » parce que chaque peuple mérite son dirigeant. Et donc, je pense que ce qui se passe au Mali aujourd'hui, c'est parce que cela convient aux Maliens. Ce que je peux vous dire, c'est que le Mali va à la malienne.
Depuis 30 ans que vous prônez l'Union des pays africains, la scission de l'AES ( l'Alliance des États du Sahel), qui sort entre autres de la Cédéao, est-ce que c'est clairement une désunion ? Et ça va faire mal à qui ?
Disons que, moi, j'ai salué la solidarité entre ces trois pays qui sont en guerre contre le terrorisme. Se mettre ensemble pour chercher les solutions, c'est une bonne idée. Voilà, mais moi je prône l'unité africaine, les États-Unis d'Afrique, donc 54 pays. Donc, moi, je ne fais pas la fête quand il y en a trois qui se mettent ensemble. C'est une belle solidarité, mais qui n'est pas sans conséquence puisque dans ces pays-là, il y a des gens qui sont considérés comme des bons patriotes, et puis d'autres qui sont considérés comme des ennemis de la nation parce qu’ils ne sont pas d'accord avec les idées de ceux qui sont en place. Et…
…il y a des voix dissonantes….
Oui. C'est ce que je déplore dans cette situation. J'aurais voulu que tout le monde soit associé.
Pour que tout le monde soit associé, encore faudrait-il qu'on écoute les autres, même si ce sont des voix dissonantes ou des voix qui ne font pas plaisir. Et on a l'impression qu'en ce moment, tout le monde n’a pas le droit à la parole.
Je pense que, je parle de liberté d'expression avalée par la révolution. J'aurais voulu que tout le monde s'exprime. Parce que vous voyez, si une personne ne peut pas dire ce qu'elle pense, elle va l'avaler, elle va gronder à l'intérieur. Elle peut même aller jusqu'à composer avec l'ennemi, elle peut souhaiter tous les jours après ses prières que ce qui en marche ne fonctionne pas. Et donc voilà, c'est ce qui est déplorable dans la situation. Mais le fait que des Africains décident aujourd'hui de prendre leur destin en main, moi, c'est quelque chose que je salue.
On connaît les principes de la démocratie. Vous avez chanté et vous continuez à chanter la Mangercratie. Est-ce que, en ce moment, on n'arrive pas à une sorte de résurgence de la « militarocratie » ?
Écoutez, c'est ça qui est un peu déplorable, parce que je pense qu’après les combats pour la démocratie, le combat contre le multipartisme, etc, et qu’il y a eu des morts au Mali, des morts en Côte d'Ivoire... pour la démocratie. Même si elle n'est pas top, la démocratie, même si elle a des failles, mais je pense qu’on n’a pas encore mieux...
Elle est perfectible…
Voila ! Et je pense que le fait que le peuple s'exprime, pour moi, c'est ça qui est intéressant. Que ce soient des bonnes élections ou pas, mais le fait que les gens se mobilisent pour aller voter, pour avoir leur mot à dire, je pense que c'est ce qui est intéressant. Donc moi, ce que je peux dire, c'est qu'aujourd'hui, au lieu d'être là tout le temps sous tension ou sous pression des coups d’États, etc, je pense qu'il faut tout faire pour être légitime. Il faut organiser des élections, quitte à se présenter.
Je pense qu’on ne peut pas dire : « Non, c'est des militaires, ils n’ont pas le droit ». Il y a des militaires qui ont été le père de la démocratie dans leur pays : Jerry Rawlings, c'est pour le Ghana, Mathieu Kérékou pour le Bénin. On pourrait même dire ATT [Amadou Toumani Touré] pour le Mali. Donc, c'est possible, mais je pense qu’au lieu de rester dans un truc où on est toujours soucieux de « est-ce qu'il va avoir un coup d’État encore ? Est-ce qu'on va nous laisser ? », je pense que le mieux, c'est de se légitimer et puis en passant par les élections. Comme ça le peuple…
Mais quand ? Quand ces élections ? Les militaires, on a l'impression, jouent un peu la montre quand même.
Bon, tout ça dépendra du peuple malien, du peuple burkinabè, du peuple du Niger. Je pense que c'est à eux de fixer les objectifs aux dirigeants. Pas en restant derrière les écrans, parce qu'aujourd'hui malheureusement la lutte se passe derrière les écrans maintenant. Il n’y a plus de pratique. T'es pas d'accord ? Tu prends [ton téléphone], tu dis « bon, c’est comme ça, c'est comme ça », il n’y a plus de « retrouvons-nous sur la place ». Et donc je pense que tout ça dépend des peuples de ces pays-là.
Il y a un titre et un clip qui ont beaucoup fait parler d’eux ces derniers temps. C’est Actualités brûlantes qui est un titre du chanteur togolais Amen Jah Cissé. Chacun en prend un peu pour son grade... Le Togo, le Cameroun, le Tchad, la Côte d'Ivoire aussi. Qu'est-ce que vous reprochez, dans ce titre, à l'Alliance des Etats du Sahel (AES) ?
Écoutez, il y a eu 26 secondes dans cette chanson consacrées à l'AES et qui ont fait un tollé. Voilà, je pense que les gars de l'AES pensaient que j'allais être le griot de l'AES, c'est-à-dire que j'allais chanter Assimi Goïta, capitaine Traoré et Tiani. Je pense que c'est à cela qu’ils s'attendaient. Mais moi, je suis Tiken Jah Fakoly, je fais du reggae, mon rôle, c'est de tenir compte un peu de tout le monde, d'être impartial. Donc, je ne pouvais pas...
C'est le propre du reggae.
Voilà ! Moi, je fais du reggae. Je fais du reggae et c'est ce que j'ai toujours fait. Donc, venir m'attaquer parce que j'ai dit que la liberté d'expression a été avalée par la révolution. Moi, j'ai été surpris de la réaction de mes fans, mais en même temps, on s'est...
Une réaction violente, c'était quel genre de réaction ?
Ouais, c'était assez violent quand même. Assez violent, on m'a traité de tout. On m'a dit que la France m'a payé. Et on m'a dit que...
C'est-à-dire que vous avez le droit de critiquer Faure Gnassingbé pour sa révision de la Constitution ou un quatrième mandat éventuel pour Ouattara en Côte d'Ivoire, mais vous n'avez pas le droit de vous attaquer à l'AES, c'est ça ?
Non, je n'ai pas le droit ! Je n'ai pas le droit de m'attaquer à l'AES. C'est parce que je pense que dans l'esprit du soutien de l'AES, c'était Tiken Jah, c'est notre voix, voilà ! Mais moi, je suis aussi la voix des sans-voix, c'est ça qu'ils ont oublié. C'est que moi, je n’ai jamais chanté pour un pouvoir en place.
Donc, chaque critique voit midi à sa porte en ce qui vous concerne.
Exactement.
Mais le Burkina Faso, c'est quand même un pays où, en ce moment, on voit quelqu'un que vous devez bien connaître : Guy-Hervé Kam, qui est l’un des fondateurs du Balai citoyen, qui est actuellement en prison. On voit des journalistes qui sont arrêtés, on voit des syndicalistes qui sont obligés de fuir sinon on va les envoyer au front. Il y a même des vieux pères comme un ex-ministre des Affaires étrangères, Ablassé Ouédraogo, 70 ans, qu’on a envoyé à Kaya. Ça, vous en avez parlé avec Traoré ? Vous en pensez quoi, vous, qui suivez aussi l'actualité au Burkina Faso ?
J'ai même fait une interview à la télé burkinabè pour parler de liberté d’expression quand j’étais en concert là-bas. Seulement, les manipulateurs n’étaient pas rentrés dans le jeu. Parce que ce qui s’est passé, c’est que quand Actualités Brulantes sort, alors, les gens, ils prennent la partie AES, ils balancent sur le net, et puis ils disent que je demandais 83 millions aux dirigeants de l’AES et comme ils ont refusé de me donner…
…vous avez critiqué…
Que j'ai critiqué. Donc, je pense que, non, si on empêche les gens de s'exprimer, eh bien, ils vont rentrer dans le complot parce que, voilà, s’ils ne peuvent pas dire ce qu'ils pensent, ils vont l'avaler, mais ils vont l'exprimer autrement. Malheureusement, moi, c'est ce que je craignais. Bon, aujourd'hui, on a parlé d'union des trois pays, mais je le dis franchement, le Burkina n'a jamais été aussi divisé à ma connaissance. Le Mali n'a jamais été aussi divisé. Puisqu’il y a des « bons Burkinabè » aujourd'hui et des « mauvais Burkinabè ». Et les mauvais Burkinabè, ceux qui sont accusés d'être des mauvais Burkinabè aujourd'hui, vont se battre pour être des bons Burkinabè, parce que ça y va de leur survie, et puis leurs descendants, etc., il faut qu'ils soient Burkinabè. Donc, malheureusement, on parle d'unité, mais moi, je pense qu’on n'a jamais été, malheureusement, aussi divisé.
Moi, je souhaite – comme je l'ai toujours fait –, durant toute ma carrière, je souhaite qu'on laisse les gens s'exprimer, que ceux qui soutiennent les militaires s'expriment, mais ceux qui ne sont pas d'accord avec les militaires aussi s'expriment. Et tout ce que je peux souhaiter, c'est que l'armée burkinabè, que je salue ici, l'armée malienne et nigérienne arrivent au bout de cette tâche qui n'est pas facile. Surtout que faire la révolution avec les terroristes aux fesses, ça ne doit pas être facile. Je pense que Thomas Sankara n’avait pas les terroristes aux fesses. Je veux dire, le terrorisme, c'est une gangrène, c’est des gars invisibles. C’est une guerre pas facile, même les pays les plus développés ont eu du mal à s'en remettre.
Mais est-ce qu'on peut tout faire au nom de cette lutte contre le terrorisme ?
On ne peut pas tout faire, il faut tenir compte des Droits de l'Homme. Il ne faut pas tuer n'importe comment. Enfin, je veux dire, il faut tenir compte de l'humanité quand même. Je pense que... Mais bon, malheureusement, toutes les guerres sont sales. Il y a eu des guerres, ici, en Europe, c'était très sale. Malheureusement, toutes les guerres sont sales. Malheureusement...
Justement, à une heure où l’on parle beaucoup du conflit en Israël ou du conflit en Ukraine, où toute la communauté internationale semble focalisée par ces conflits-là, vous avez l'impression qu'on oublie un peu ce qui se passe au Sahel, par exemple ?
Oui, nous, on a toujours été oubliés. Je pense que des pays comme le Congo-Kinshasa sont en guerre tout le temps, parce que c'est des pays riches. Donc, pour les manipuler, il faut créer des situations pour que pendant que ça se tue, ça s'entretue, on puisse piller les richesses. Je n'accuse pas directement, mais je dis qu’à chaque fois qu'il y a des problèmes en Afrique, c'est minimisé. Mais c'est à nous de nous faire respecter. Je pense qu’il faut se rapprocher, il faut être unis pour représenter un gros bloc, pour que quand il y a des problèmes, les gens en tiennent compte aussi.
La perspective d’avoir l'Union africaine ou un pays africain au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, comme il en est question en ce moment, c'est une bonne chose d'après vous ?
Ah oui ! Oui, il faut que l'Afrique ait une voix. Vous savez, nous sommes dans une chaîne mondiale, le monde ne peut pas fonctionner totalement sans l'apport de l'Afrique. Les matières premières de l'Afrique représentent beaucoup dans le fonctionnement du monde. Donc, si on apporte, il faut qu'on nous donne aussi la parole. Le fait de nous donner la parole, ça permettra de nous mettre au même niveau que les autres.
Tiken Jah Fakoly, vous qui avez créé des écoles au Mali, en Guinée, en Côte d'Ivoire, la rentrée scolaire malienne, cette année, a été retardée à cause des intempéries et des inondations. À une heure où l’on a une COP29 à Bakou en Azerbaïdjan, est-ce que vous avez le sentiment que, une fois de plus, l'Afrique paye les pots cassés du dérèglement climatique ?
Ah oui ! L'Afrique paye les pots cassés du dérèglement climatique alors qu'elle contribue moins au réchauffement climatique. Mais c'est la lutte commune qui va changer tout cela. Il faut qu'on se mette ensemble, faire un bloc, et puis dire « voilà, on ne peut plus accepter, on ne peut plus accepter que les choses se passent comme ça ». Il faut qu'on se mette ensemble pour représenter ce gros bloc avec une seule voix qui dira aux pays occidentaux : « C'est à vous d'arrêter vos usines et nous donner la possibilité de rattraper un peu ». Puis, je pense que dans cette affaire de climat, il y a une grande hypocrisie.
Laquelle ?
Personne ne veut s'attaquer à la Chine, alors que c'est l'un des plus gros pollueurs. Personne ne veut faire des reproches à l'Inde, parce qu'ils sont puissants. Et, malheureusement, tant qu’on ne dira pas les choses comme il faut, tant que chacun ne se rendra pas compte de sa responsabilité et ne changera pas de comportement, je pense que les choses iront toujours mal dans notre maison commune qui est la planète.
Le fait qu'il y ait un climato-sceptique qui soit réélu à la présidence américaine ces jours-ci, Donald Trump, ça vous inquiète, vous, pour l’Afrique ?
Au niveau du climat, ça m’inquiète. Je pense qu’il faut être fou pour ne pas voir ça, pour ne pas prendre des mesures. Mais bon, c'est la course à l'argent. L'argent, l'argent, l'argent, l'argent... Donc, je pense que c'est ce qui rend les gens fous. Moi, je pense qu'il est temps d'écouter la planète.
L'un des autres arguments de campagne de Donald Trump, c'était la politique migratoire. On assiste aussi en Europe à un durcissement de cette politique, en France. Là aussi, c'est un motif d'inquiétude pour vous ?
Un motif d'inquiétude pour tous mes compatriotes qui sont aux États-Unis. Je respecte, je veux qu'il y ait la liberté de mouvement, mais franchement, je ne fais pas partie des Africains qui veulent encourager les gens à partir. Je dis « tout le monde a le droit, mais notre place, c'est en Afrique ».
Et vous respectez d'autres pays, d'accord, mais le respect, c'est une réciprocité aussi. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait qu'il y ait peut-être une réciprocité aussi ?
Mais bien sûr, bien sûr, c'est ce que j'ai dit dans mes chansons, comme quand je chante Ouvrez les frontières, ce n'est pas pour encourager, mais c'est pour défendre un droit. Parce que les Occidentaux, ils viennent en Afrique où ils veulent, quand ils veulent, faire ce qu'ils veulent, prendre ce qu'ils veulent et rester s'ils veulent. Donc, je pense qu’il serait important qu'on nous laisse aussi ce droit-là d'aller où on veut, quand on veut, faire ce qu'on veut.
Mais pour que le message passe, est-ce qu’il ne faudrait pas faire, comme le Sénégal a fait une époque, du temps d'Abdoulaye Wade, où justement des visas avaient été imposés aux étrangers, notamment aux Européens qui voulaient vivre au Sénégal.
Mais je pense que c'est ce qu'il faut faire. De toute façon, tôt ou tard, ça viendra. Je pense que nous, c'est nous qui allons demander un jour à ce que les choses soient limitées de notre côté. Parce que l'Afrique, c'est le continent - une fois qu’il y aura la stabilité totale dans les pays africains - l’Afrique sera le pays le plus sollicité. Et, je pense que, l'avenir nous le dira, je pense que c'est nous qui allons choisir quel Français va venir en Afrique ou bien quel Américain va venir. Je pense que c'est important qu'il y ait cette réciprocité, c'est ça qui va nous permettre de nous respecter les uns et les autres.
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Wed, 13 Nov 2024 - 1105 - Élections législatives au Sénégal: «Le président a de fortes chances d’obtenir la majorité»
Au Sénégal, c’est la dernière ligne droite avant des législatives cruciales convoquées dimanche 17 novembre par le président Bassirou Diomaye Faye, qui a dissous en septembre l’Assemblée nationale pour demander aux Sénégalais de lui donner une majorité et les moyens d’agir. Babacar Ndiaye, analyste politique et directeur de recherche au think tank Wathi est notre invité. Il répond aux questions d'Esdras Ndikumana.
RFI : Babacar Ndiaye, est-ce que vous pensez que le Pastef et son Premier ministre Ousmane Sonko à la manœuvre dans cette campagne ont de bonnes chances d'être suivis par les électeurs sénégalais et de décrocher cette majorité qu’il leur demande ?
Babacar Ndiaye : Dans l'histoire politique du Sénégal, le président élu a toujours obtenu la majorité à l’Assemblée nationale. Et, le 24 mars, comme vous le savez, le président Diomaye Faye, après avoir été plébiscité par les Sénégalais avec quand même ses 54%, oui, il y a de fortes chances qu'il obtienne la majorité absolue sept mois après cette présidentielle. D'autant plus qu'il a décidé, comme vous le savez, de dissoudre l'Assemblée nationale il y a deux mois, Assemblée dans laquelle il n'avait pas la majorité. Donc il y a, j'allais dire, une forme de cohérence dans tout cela. Donc, il y a de fortes chances évidemment que cette majorité, il puisse l'obtenir.
Quels sont les arguments du camp présidentiel pour convaincre les Sénégalais de voter pour eux ?
Je crois que la campagne du camp présidentiel s'est inscrite dans une forme de continuité avec celle de la présidentielle, avec un discours toujours axé sur la bonne gouvernance, dans la gestion des biens publics, sur la nécessité de la reddition des comptes. Mais fondamentalement, ce qui est intéressant d'observer dans ces élections législatives, c'est le Premier ministre Osmo Sonko, qui est aussi tête de liste du parti présidentiel donc Pastef. Dans les zones ciblées où il est allé, il a dressé le programme prévu par zone sur la base du nouveau référentiel des politiques publiques, donc le nouveau programme, l'agenda national de transformation 2050, « Sénégal 2050 ». Et il a pu parler dans ces zones-là d'infrastructures, d'économie, d'éducation, de création d'emplois... Bref, ce que le gouvernement va faire dans ces différentes zones. Évidemment, les questions de souveraineté économique, politique ou alimentaire, aussi, ont été au cœur de son discours. Donc, peut-être que ce sont des arguments, des éléments qui peuvent être intéressants pour les populations et qui peuvent aussi être dans une forme d'écoute. Et ensuite, cela peut aussi leur permettre, pourquoi pas voter pour ce camp-là.
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Alors, on a, face au Pastef, une opposition divisée avec au moins trois grandes coalitions dont une menée à distance par l'ancien président Macky Sall. Quels thèmes mettent-ils en avant pour tenter de convaincre la population de les choisir eux ?
La campagne n'est pas encore terminée, il reste encore quelques jours. Mais il est clair que nous avons assisté à une opposition frontale surtout contre Ousmane Sonko qui est la tête de liste du pouvoir. Et moi, personnellement, je m'attendais à de vrais débats de fond, des débats de fond sur le nouveau référentiel, les politiques publiques qui ont été lancés par le gouvernement. Et donc, je m'attendais à des analyses en profondeur, des débats sur les choix économiques, sur l'éducation, la santé ou encore l'emploi des jeunes. Bref, des vrais débats sur le programme présidentiel. Mais on a surtout eu beaucoup de polémiques, et je dois dire que l’on n'a pas eu des débats de fond, ce qui était pourtant annoncé, qui devait être au rendez-vous. On a surtout eu beaucoup de critiques et notamment sur un pays qui serait à l'arrêt depuis la présence au pouvoir de monsieur Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko. Donc voilà, je pense qu’on aurait pu avoir un débat beaucoup plus axé sur, véritablement, ce qui intéresse les Sénégalais, notamment l'économie, l'éducation, la santé et surtout l'emploi des jeunes, et même pourquoi pas sur la migration. Donc, voilà un peu, ces sujets-là, qui n’ont pas lieu, pouvaient vraiment intéresser les populations.
À ce propos justement, qui est-ce que les Sénégalais rendent responsable de l'immobilisme observé depuis la présidentielle d'avril ? Diomaye Faye et le Pastef ou l'opposition qui contrôlait jusqu'ici l'Assemblée nationale ?
Je ne sais pas si on peut parler d’immobilisme. Nous sommes encore dans les premiers mois du mandat. Évidemment, c'est peut-être le discours de l'opposition. Mais dans ces premiers mois, il a fallu passer par des phases de nomination du nouveau gouvernement, des directeurs et présidents de conseils d'administration. Il y a eu donc cette phase de transmission dans la prise en main des dossiers. Évidemment aussi, nous avons assisté à une opposition entre le parti au pouvoir et les différentes parties de l'opposition, notamment à l'Assemblée. Souvenez-vous, au mois de juin, ce refus d’avoir un débat sur justement le débat d'orientation budgétaire parce qu'il y avait une confrontation qu'on avait à l'Assemblée nationale. Il y a eu aussi cet épisode lié à la déclaration de politique générale. Donc voilà, ce sont ces éléments-là, finalement, qui ont poussé le président... Sans compter aussi, j'allais l'oublier, la volonté du président de supprimer deux institutions au niveau de la Constitution qu'il jugeait budgétivore. Et donc voilà, je crois quand même que durant sept mois, il y a eu beaucoup, beaucoup d'éléments. Maintenant, je crois qu'aujourd'hui, résolument maintenant, les Sénégalais vont aller vers les élections législatives et indiquer maintenant pour quel camp ils se positionnent et en fonction de tout ce qu'on a pu avoir ces derniers mois.
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Est-ce que Macky Sall qui est resté prudemment à l'abri au Maroc, lui, l'ancien chef de l'État, ne joue pas gros en prenant la tête de la campagne électorale d'une coalition qui s'est divisée en deux depuis la présidentielle d'avril ?
Le choix du présent Macky Sall, qui s'est tourné vers une carrière internationale, d'être tête de liste de sa coalition est, selon moi, un peu étonnant. Il est revenu en politique au bout de six mois, même s'il faut le dire, il était resté chef de son parti. Et d'ailleurs, selon moi, c'est l'éternelle question des partis qui ont du mal à exister en dehors de la figure tutélaire du fondateur, surtout après la perte du pouvoir. Et donc, le président Macky Sall s'engage dans un nouveau combat en portant cette liste, et nous verrons, au soir du 17 novembre, si ce choix de conduire cette liste est un choix payant. Et là, nous sommes dans le dernier jour de la campagne, il n'est pas sur le terrain, au Sénégal, comme le sont les autres têtes de liste et coalitions. Et donc, c'est quand même des choix étonnants dans cette campagne. D'autant plus qu'il gère cette campagne à distance.
L’ancien Premier ministre de Macky Sall, Amadou Ba, a constitué sa liste pour les législatives. Pensez-vous qu'il soit capable de tirer son épingle du jeu face à cette opposition divisée ?
Amadou Ba est arrivé deuxième à l'élection présidentielle avec 35%, il faut le rappeler. Et depuis ce scrutin, il a aussi fait des choix, il a choisi d'emprunter sa propre voie en quittant l'ancienne coalition au pouvoir, donc en quittant l'APR. Il a créé son mouvement politique qui s'est allié aussi au Parti socialiste, qui l’a rejoint dans sa coalition, mais aussi par d'anciens leaders et ministres de l’APR qui ont rejoint sa coalition. Et cela sera l'occasion pour moi de voir ce qu'Amadou Ba pèse en termes de poids électoral avec ces élections législatives. Même si on n'est pas dans une élection présidentielle, on est dans les élections législatives et le mode de scrutin est différent.
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Est-ce que la politique du diviser pour régner, tentée par Ousmane Sonko en choisissant de débattre uniquement avec Amadou Ba, est-ce que cette politique peut marcher ?
Il me semble que l'intérêt quand même d'un débat avec Amadou Ba ait été dicté par deux choses. Et c'est dommage d'ailleurs que ce débat n'ait pas eu lieu au passage. D'abord par le fait qu'Amadou Ba était arrivé deuxième à l'élection présidentielle avec quand même 35% et surtout qu'il était le dernier Premier ministre de Macky Sall. Il a été aussi ministre de l'Économie et des Finances, il faut le rappeler. Et donc c’est le fait qu'il ait été celui qui matérialisait le bilan du président Macky Sall d’une certaine manière, qui a peut-être poussé le Premier ministre Ousmane Sonko à vouloir avoir un débat avec un interlocuteur comme Amadou Ba.
À votre avis, est-ce que ces législatives pourraient se résumer en un match retour entre le camp Diomaye Faye-Ousmane Sonko contre celui de Macky Sall ? Ou alors Amadou Ba et le maire de Dakar, par exemple, Barthélémy Dias, peuvent créer la surprise ?
En tout cas, nous avons quatre grands pôles, c'est ce qui semble se dessiner. On a le Pastef évidemment, on a la coalition de Macky Sall avec un allié étonnant qui est le PDS, nous avons Amadou Ba, vous l'avez indiqué, et enfin nous avons aussi cette coalition qui est portée par le maire de Dakar, Barthélémy Dias. Voilà, on a l'impression qu'il y a ces quatre grandes coalitions qui sont plus en vue. Mais il faut quand même rappeler que dans cette élection, nous avons 40 listes, comme ça a été le cas avec la présidentielle, avec des candidats quand même qui ont eu des scores très faibles, en déphasage avec leur statut. Et donc voilà, je crois que le 17 novembre nous indiquera le choix des Sénégalais et nous aurons une lecture beaucoup plus claire de la tendance et, évidemment, du positionnement des uns et les autres par rapport au vote des Sénégalais.
À part la majorité que tentent de décrocher leur camp présidentiel, quel est l'enjeu de ces législatives selon vous ?
Vous l'avez rappelé, l'enjeu est d'avoir la majorité absolue, évidemment. Une majorité, j'allais dire, pour initier les réformes promises dans le domaine de la justice, dans le domaine de la bonne gouvernance, avec la mise en place de cette haute cour de justice à l'Assemblée nationale pour les supposés scandales financiers qui auraient touché d'anciens ministres et autres. Mais plus globalement, j'allais dire que l'enjeu, c'est d'avoir une Assemblée aussi qui se préoccupe des intérêts des Sénégalais avec des débats de qualité. Et aujourd'hui, au Sénégal, certains veulent une Assemblée nationale de rupture avec ses différents compartiments, avec des députés qui vont être là pour s'intéresser aux préoccupations des Sénégalais, qui sont aussi capables de pouvoir faire des propositions de lois allant dans le sens de l'intérêt des Sénégalais, mais aussi de manière plus basique de suivre l'action du gouvernement par rapport aux réformes qui sont initiées. Donc voilà un peu les enjeux. Mais évidemment, l'enjeu principal reste cette volonté du pouvoir d'avoir cette majorité absolue pour pouvoir initier les réformes promises aux Sénégalais. Et c'était ça aussi qui avait, d’une certaine manière, fait pencher la balance durant l'élection présidentielle avec cette victoire au premier tour du président Diomaye Faye.
Mais on peut dire également qu'il y a une reconfiguration du champ politique qui va se jouer lors de ces législatives.
Oui, évidemment, je crois que, en fonction des résultats, il y aura forcément une configuration nouvelle. Parce que, voilà, depuis l'élection présidentielle, il y a un renouvellement. Il y a certains, par la force des choses, qui sont plus en retrait dans le champ politique. On a l'impression qu'une nouvelle génération émerge aussi et donc, à ce niveau-là, les résultats aussi pourront permettre de voir si on est dans une nouvelle dynamique en termes de positionnement et de posture. Même si aussi, dans ces élections législatives, on a eu des coalitions quand même qui interrogent. On a vu d'anciens partis qui étaient en confrontation directe sur des positions totalement opposées qui sont allés en coalition. Et donc, les Sénégalais aussi ont été spectateurs ces coalition, par moment, que nous avions du mal à pouvoir imaginer encore il y a quelques années. Et donc, évidemment, cette reconfiguration dont vous parlez, peut-être qu’elle sera initiée après ces élections législatives. Mais beaucoup de candidats et de partis jouent aussi leur avenir politique à travers ces élections législatives évidemment.
Tue, 12 Nov 2024 - 1104 - Seyni Nafo: «Les chefs d’État africains sont beaucoup plus présents sur la question climatique»
La COP29, la 29e conférence de l’ONU sur le changement climatique, démarre ce lundi matin à Bakou, en Azerbaïdjan. Le principal enjeu est de savoir si les États vont se mettre d’accord sur un nouveau montant d’aide aux pays en développement pour financer leur transition énergétique. Seyni Nafo est le porte-parole du groupe des négociateurs africains. Il préside aussi le Fonds vert pour le climat et coordonne l’Initiative d’adaptation de l’Union africaine. En ligne de Bakou, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Qu'est-ce que vous attendez de cette COP29 ?
Seyni Nafo : On attend un résultat ambitieux sur la nouvelle cible de financement qui doit remplacer la cible des 100 milliards. Pour les ministres et chefs d'État africains, les instructions qui nous ont été données, c'est d'avoir une cible qui est à peu près à 1300 milliards de dollars, ce qui serait en adéquation avec les besoins des pays en développement.
Ces dernières années, l'aide des pays riches en faveur des pays en développement pour leur adaptation climatique s'élevait à 100 milliards de dollars par an. Si vous visez 1300 milliards à partir de 2025, ça veut dire treize fois plus d'argent, c'est ça ?
En fait, nous sommes déjà entre 105 et 115 milliards pour 2025. Donc nous partirons en fait d'un plancher de 110 pour aller vers un plafond à 1300 à l'horizon 2035.
Avec une augmentation progressive tous les ans…
Exactement, tous les ans.
Alors, il y a un problème tout de même, c'est que Donald Trump va revenir au pouvoir. En 2017, il avait annoncé le retrait de son pays de l'accord de Paris de 2015 sur le climat et maintenant qu'il est réélu, est-ce que vous ne craignez pas qu'il recommence et qu'il retire son pays de tous ces accords ?
Oui, il est très probable que les États-Unis se retirent de l'Accord de Paris et peut-être même pire, qu'ils se retirent de la Convention même des Nations Unies sur le climat. Mais on se rappelle qu'en 2016, l'administration Trump avait créé une grande agence bilatérale de développement, la DFC Development Finance Corporation, qui avait eu à l'époque une augmentation de capital jusqu'à 60 milliards de dollars dans les pays en développement, notamment pour soutenir le secteur privé américain, mais pas que. Et donc ce qu'il va falloir faire, nous en discutons beaucoup au niveau du groupe, c'est de regarder également du côté du bilatéral, où il y a des opportunités.
L’Afrique aujourd'hui a un siège au G20, ce qui n'était pas le cas en 2016. Les chefs d'État africains sont beaucoup plus présents sur cette question climatique. L'année dernière, notamment, nous avons eu le premier sommet des chefs d'États africains sur le climat. Donc notre stratégie à nous est de travailler également sur un agenda bilatéral États-Unis-Afrique et nous pensons que l'Afrique a des cartes à jouer au-delà de la Convention climat.
Mais franchement, avec un climatosceptique à la Maison Blanche, est-ce que vous pensez vraiment que l'enveloppe des pays riches va augmenter jusqu'à 10 à 12 fois la somme actuelle d'ici 2035 ?
Vous savez, nous sommes dans une négociation. 1300 milliards est l'objectif final. C'est-à-dire que pour nous, sans fétichisme, beaucoup plus que le chiffre lui-même, le plus important serait d'atteindre un certain nombre d'objectifs, par exemple l'accès universel aux énergies modernes.
Les pays riches qui financent cette enveloppe affirment qu'ils ne représentent que 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Et ils demandent à présent que la Chine et les pays du Golfe soient mis, eux aussi, à contribution. Qu'est-ce que vous en pensez ?
En fait, c'est une stratégie de négociation des pays développés. La réalité est que la Chine, tout comme les pays du Golfe, contribuent à l'effort climatique. Vous pouvez regarder les financements octroyés par la Banque de développement de Chine, par la Banque export de Chine, par les fonds saoudiens pour le développement, par la Banque islamique pour le développement... La réalité est que les pays du sud contribuent et contribuent autant sinon plus que les pays développés.
Oui, mais si vous demandez 1300 milliards de dollars d'aide par an d'ici 2035, ça représente un gros effort pour tous les pays à qui vous vous adressez. Alors du coup, pourquoi la Chine serait-elle exemptée de faire cet effort ?
Nous sommes dans un système monétaire international, c'est-à-dire qu'on crée littéralement de la monnaie. La Réserve fédérale des États-Unis, la BCE, la Banque du Japon créent de la monnaie. On a injecté des sommes colossales qui se situent en dizaines de milliards de dollars sous le Covid, sans que ça pose aucun problème. Donc, pour nous, le problème n'est pas que la Chine contribue ou pas. Les pays développés ont les moyens de contribuer.
Même si aujourd'hui les pays développés ont de gros problèmes budgétaires devant eux ?
Nous pensons qu'il y a des instruments financiers qu'on peut mobiliser et qui auraient un impact nul sur les budgets, notamment les DTS, les droits de tirage spéciaux du FMI, qui est la monnaie du FMI. Cela a été fait pour le Covid. Nous pouvons mobiliser ce type de monnaie. Les banques centrales peuvent être mises à contribution en injectant des liquidités. Donc, il existe des instruments financiers. La question est une question de volonté politique.
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Mon, 11 Nov 2024 - 1103 - Mayotte: «L'opinion a été fabriquée sur ce territoire avec des discours xénophobes»
Séparée du reste des Comores en 1974, département français depuis 2011, l'archipel de Mayotte est aujourd'hui encore un territoire disputé. Rémi Carayol, journaliste indépendant publie un livre sur cette histoire complexe, et souvent falsifiée. Mayotte, département colonie est paru aux éditions La Fabrique. Rémi Carayol est notre invité ce matin pour en parler au micro de Florence Morice.
Sat, 09 Nov 2024 - 1102 - Jean-Jacques Lumumba: «La corruption vit encore ses beaux jours en RDC»
En 2016, il avait dénoncé des faits de corruption sous le régime de Joseph Kabila, et avait dû s’exiler à la suite de menaces de mort. Aujourd’hui, huit ans après, l’ex-banquier Jean-Jacques Lumumba rentre à Kinshasa, et espère pouvoir défendre sur place, au Congo, les lanceurs d’alerte qui, comme lui, traquent l’argent sale et ceux qui en profitent. En ligne de la capitale congolaise, le petit-neveu de Patrice Lumumba répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Jean-Jacques Lumumba, où en est la lutte anti-corruption aujourd'hui en RD Congo ?
Jean-Jacques Lumumba : La lutte anti-corruption est en train de vivre des moments assez compliqués parce que, vous savez, il y a une institution qui a le vent en poupe, qui lutte contre la corruption, qui est l'Inspection générale des finances (IGF), chapeautée par Monsieur Jules Alingete. Mais la justice fait encore défaut parce que, pour beaucoup de dossiers, il n'y a pas d'avancées significatives.
Et alors, quand certaines personnes sont incriminées par un rapport d'enquête de l'Inspection générale des finances, qu'est-ce qui se passe ?
Quand une personne est incriminée, le dossier va auprès de la justice, mais je crois que la justice en RDC est sérieusement malade. Ce mercredi d'ailleurs, le ministre de la Justice l'a dit, en ouverture des états généraux de la justice, que la justice congolaise est malade. Et je pense qu'à ce stade-là, il y a quand même énormément de choses à faire, compte tenu du fait qu'il reconnaît que sept personnes sur dix ne sont pas satisfaites des verdicts rendus par la justice congolaise.
Donc, en fait, jusqu'à présent, aucun rapport de l'IGF n'a été suivi d'une enquête judiciaire. C'est ça ?
Il y a quelques rapports que l'on voit qui sont suivis d’enquêtes judiciaires, mais c'est très peu. La proportion entre les rapports produits et le niveau de la justice qui est rendue est très très faible à ce stade.
Il y a huit ans, vous avez quitté votre pays pour vous mettre à l'abri. Qu'est-ce qui vous décide à rentrer aujourd'hui, malgré les risques ?
Je pense qu'à un moment donné, il fallait faire le choix entre rester en exil éternellement et venir dans mon pays où j'ai mes racines pour pouvoir faire avancer certaines causes, entre autres la protection des lanceurs d'alerte. Donc, c'est le choix que j'ai fait malgré les risques, comme vous le dites si bien, de venir et de faire cela en RDC.
Et vous rentrez aussi au moment où se tiennent les états généraux de la justice ?
Evidemment, c'est une belle coïncidence à un moment clé et épineux pour la lutte contre la corruption en RDC, d'autant plus que vous savez, en RDC, j'ai deux compatriotes qui vivent aujourd'hui en exil en France, Gradi Koko Lobanga et Navy Malela Mawani, qui ont été condamnés à mort par contumace pour avoir dénoncé la corruption. Donc, c'est un très bon moment et je crois que ce sera une occasion de mettre en valeur cette lutte contre la corruption et surtout l'impact de la justice sur cette lutte contre la corruption qui doit devenir effective et assez répressive.
Quand vous avez quitté le Congo en 2016, vous étiez dans le collimateur du régime de Joseph Kabila, dont vous aviez dénoncé les dérives et la corruption. Alors, depuis l'alternance de 2019 et l'arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, est-ce que c'est toujours le même degré de corruption ou pas ?
Je pense que la corruption vit encore ses beaux jours en RDC, il faut le reconnaître. Mais je crois qu'il faudrait aussi dire qu'il y a une petite avancée en ce qui concerne l'Inspection générale des finances, parce qu'à l'époque de Joseph Kabila, les rapports n'étaient pas faits. Tout ce qui était dit sur la corruption était sensiblement et systématiquement étouffé. Mais aujourd'hui, on peut parler des rapports, on peut dire et savoir ce qui se fait. Les rapports sont faits et malheureusement la justice ne suit pas.
Y a-t-il à l'heure actuelle, au sein du pouvoir, des dirigeants congolais qui voient votre retour d'un bon œil ?
Evidemment, il y a des dirigeants qui ont facilité ce retour et je dois le reconnaître. J'ai cité par exemple le directeur de cabinet adjoint du chef de l'État, Monsieur André Wameso, ou l'inspecteur général des finances, Monsieur Jules Alingete. Il y a beaucoup d'autres personnes qui ont rendu ce retour facile parce qu'elles estiment que cela pourrait contribuer à faire avancer des questions de lutte contre la corruption.
Mais vous savez que vous allez déranger d'autres personnalités congolaises ?
Je le sais très bien. Je me prépare à ça. Le combat va être rude, mais je pense que c'est la vérité et la justice qui vont finir par gagner.
Et avez-vous pu évaluer la perte que représente la corruption pour l'économie du Congo ?
Plusieurs rapports, il y a quelques années, ont évalué une perte sèche de plus de 15 milliards de dollars américains tous les ans à cause de la corruption en RDC.
Alors vous parlez de 15 milliards. Or, à l'heure actuelle, le budget du Congo tourne autour de 12 milliards de dollars. Voulez-vous dire que, sans la corruption, on pourrait doubler ce budget ?
Evidemment, je crois que le budget de la RDC pourrait sensiblement être doublé si la corruption était sérieusement endiguée. On peut passer, pourquoi pas, de 12-13 à plus de 20 milliards de dollars tous les ans. Mais au-delà de serrer les vis autour de la corruption, il y a lieu de rationaliser les dépenses de l'État pour qu'elles puissent être dans les dépenses beaucoup plus sociales et des dépenses d'investissement qui, demain, pourront sérieusement réduire la pauvreté en République démocratique du Congo.
Quelles sont les dépenses inutiles à vos yeux aujourd’hui ?
Je crois que toutes les grandes institutions de l'État, gouvernement, présidence de la République, Assemblée nationale et autres, doivent être sérieusement réduites et que les gouvernants puissent avoir des salaires moins importants pour permettre à ce que la répartition de la richesse puisse être équitable à tous les niveaux.
Est-il vrai que les députés et les sénateurs congolais sont parmi les mieux payés du monde ?
Je crois que les députés et sénateurs congolais sont parmi les mieux payés du monde.
Fri, 08 Nov 2024 - 1101 - Forces françaises en Afrique: «Nos partenaires africains ne souhaitent pas notre départ», dit Jean-Marie Bockel
La France doit-elle ou non maintenir des bases militaires en Afrique ? C'est à cette question sensible que l'ancien secrétaire d'État, Jean-Marie Bockel, est chargé de répondre, à la demande du président français Emmanuel Macron, qui l'a désigné comme son Envoyé personnel auprès des pays africains concernés par la reconfiguration du dispositif militaire français. Il y a deux semaines, avant le Conseil de défense du 23 octobre à l'Élysée, Jean-Marie Bockel a rendu, au chef de l'État, un pré-rapport, qui reste encore secret. Mais ce matin, sur RFI, il en dévoile les grandes lignes, notamment sur le Sénégal et le Tchad. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Vous évoquez une réduction drastique des effectifs militaires français en Afrique. Est-ce à dire que les bases françaises de Dakar, d'Abidjan, de Libreville, n’abriteront plus que 100 hommes chacune ?
Jean-Marie Bockel : Non, on n'est pas du tout dans une question de chiffrage. Nous avons une nouvelle étape qui fait l'objet, dans chaque pays, d'une discussion avec les responsables du pays, autour de l'idée que nous devons garder un dispositif socle qui permette, au niveau de l'accès, de la logistique, de la capacité, de remonter en puissance, si je puis dire, chaque fois que c'est nécessaire, à la demande du partenaire, face à une menace extérieure. Et autour de l’idée qu'à côté de ce dispositif socle, il y a un renforcement du soutien et de la réponse à des attentes en matière de sécurité des pays du périmètre, que ce soit en matière de formation, d'école, de renseignement, d'entraînement, de forces spéciales, mais aussi en matière d'équipements, de nouvelles technologies, etc. Et comme me le disait tel président africain que j'ai rencontré, « ce qui compte, ce n'est pas le nombre de soldats français demain dans ma base, c'est ce qu'on va pouvoir faire encore mieux ensemble ».
C’est le président ivoirien Alassane Ouattara, qui vous a dit ça ?
Le président Ouattara m'a dit ça avec ses mots à lui, mais le président Déby [Mahamat Idriss Déby, du Tchad, NDLR] également. Quant au président Oligui [Brice Clotaire Oligui Nguema, du Gabon, NDLR], c'est aussi son état d’esprit.
Même s'il ne reste que quelques centaines d'hommes dans chacune de ces bases françaises, les anti-Français diront « ce sont encore quelques centaines de trop ». Pourquoi ne pas fermer tout simplement les bases françaises en Afrique ?
En fait, les partenaires des trois pays avec lesquels nous avons déjà bien avancé ont été très clairs. Ils ne souhaitent pas notre départ.
Ni le Tchad, ni le Gabon, ni la Côte d'Ivoire ?
Absolument. Mais ils comprennent l'évolution du format, l'évolution du partenariat. Et donc, partir comme ça, du jour au lendemain, c'est en fait tirer un trait sur un partenariat souvent très ancien et qui, à bien des égards, même s’il a vocation à évoluer, a été apprécié et a fait partie aussi de la qualité de la relation que nous avons dans tous les domaines avec ces pays. Et donc, je pense que, si on avait fait ça simplement par peur d'être peut-être un jour chassé, mais comment nos partenaires l'auraient-ils perçu ? Mal, à juste titre.
Parmi les pays que vous avez visités, c’était en mars dernier, il y a le Tchad où sont stationnés actuellement quelques 1 000 soldats français. Est-ce que la réduction des effectifs français y sera aussi drastique que dans les autres pays ?
Oui, bien sûr, elle sera significative, importante. Mais sans préjuger de la discussion entre les responsables français, à commencer par le président de la République et son homologue tchadien sur ces questions, ce n'est pas à moi de décider ce qui in fine se fera, mais je sais ce sur quoi, avec ma petite équipe, nous avons travaillé en dialogue constant avec bien sûr le partenaire tchadien à tous niveaux, dans les propositions, dans mes propositions, je crois qu'elles cheminent bien. Le dispositif permettra, et pas simplement sur un seul site, de préserver l'essentiel du partenariat à partir de ce dispositif socle, de ce point d'entrée, avec toute la dimension logistique, de formation, la dimension aérienne de renseignement. Ce qui compte, me disait le président du Tchad, Mahamat Déby, ce qui compte, ce n'est pas le nombre de soldats, c'est la qualité de notre partenariat et c'est ce à quoi nous travaillons.
Voilà six mois que vous devez aller au Sénégal, mais vous n'y êtes toujours pas allés. Alors est-ce que c'est seulement parce qu'il y aura des législatives dans dix jours ? Est-ce que ce n'est pas aussi parce qu'il y a quelques mois, le Premier ministre Ousmane Sonko a déclaré que la présence durable de bases militaires étrangères était incompatible avec la souveraineté du Sénégal ?
En fait, il y a eu ces déclarations qui ne nous ont pas échappé. Il y a eu aussi la visite du président Diomaye Faye à Paris le 20 juin. J'étais présent, et il a eu l'occasion de dire au président Macron, qui évoquait la possibilité de partir, que non, qu'il fallait simplement nous laisser le temps d'établir une position claire sur le devenir de la base militaire, même des sites militaires français au Sénégal. Et les contacts qu'il y a pu y avoir depuis sont toujours dans cet état d'esprit. Au lendemain de l'élection du mois de novembre, il y aura un moment important où les responsables sénégalais pourront dire aux responsables français « voilà ce que nous souhaitons, le moment est venu pour en parler ». Une chose est ce qui peut être dit dans une période de changement, une chose est ce qui pourra se faire au lendemain d'une élection, ce sont deux temps différents.
Thu, 07 Nov 2024 - 1100 - Cheikh Tidiane Gadio: «Trump n’est pas prévisible, ça va être un problème dans ses relations avec l’Afrique»
Qui va gagner la nuit prochaine aux États-Unis ? Kamala Harris ou Donald Trump ? La bataille est beaucoup suivie aussi en Afrique. Cheikh Tidiane Gadio connait bien l'Amérique du Nord. Il est diplômé de l'Université d'État de l'Ohio. Puis, il est rentré au Sénégal, où il est devenu ministre des Affaires étrangères sans discontinuer pendant neuf ans et demi, de 2000 à 2009. Un record national ! Aujourd'hui, il préside l'IPS, l'Institut panafricain de stratégie, en charge de la paix, de la sécurité et de la gouvernance. En ligne de Dakar, il confie ses espoirs et ses craintes au micro de Christophe Boisbouvier.
RFI : Quel bilan faites-vous de la politique africaine du président Biden ?
Cheikh Tidiane Gadio : Je crois que Biden a quand même réussi certaines choses qui ont été très, très positives pour l'Afrique. Un des grands problèmes que l'Afrique avait avec des dirigeants américains, c'est qu'en général, ils ne s'intéressaient pas trop à l'Afrique. Il y a eu quelques ruptures. George Bush, qui est républicain, avait lancé le MCA [Millennium Challenge Account, NDLR] et avait montré un intérêt réel pour un nouveau partenariat avec l'Afrique. Mais ce que Biden a réalisé, à mon avis, est allé beaucoup plus loin. Il a, par exemple, ramené [en décembre 2022 à Washington] le sommet États-Unis - Afrique qu’Obama avait instauré. Ensuite, il s'est battu récemment pour que l'Afrique soit dotée d'un siège permanent au Conseil de sécurité, mais sans droit de veto, ce qui est absolument à discuter, bien sûr. Globalement, je crois que c'est un grand homme d'État qui a vraiment le sens du service à son pays et un peu à l'humanité. Je trouve qu'il a beaucoup d'empathie aussi, et je pense qu'il est antiraciste. Il a eu une excellente collaboration avec Obama et ensuite, il a une bonne collaboration avec Kamala Harris. Donc, au total, il a beaucoup aidé l'Afrique.
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Sur le plan sécuritaire, les effectifs militaires américains en Afrique sont tombés de 5 000 soldats en 2017 à 1 500 soldats aujourd'hui. Est-ce que c'est parce que les Américains veulent partir ou parce que les Africains ne veulent plus des Américains ?
Alors, paradoxalement, je ne crois pas que ce soient les Africains qui ne veulent plus des Américains. Mais les Africains veulent une forme de coopération beaucoup plus affirmée, beaucoup plus présente et réelle en matière de renseignement, d'intelligence, d'équipements en satellites par exemple, de surveillance des mouvements des jihadistes et autres. Beaucoup de choses sur lesquelles les Africains ont exprimé beaucoup d'intérêt et de besoin et ils n'ont malheureusement pas eu de réponse favorable. Et effectivement, il y a le grand débat maintenant sur la présence de l'Occident en Afrique, mais je ne crois pas que les États-Unis soient particulièrement ciblés. Ce qui se passe avec la France, l'Union européenne et tout ça, c'est lié quand même à un passé assez spécial qui n'est pas le même que les relations qu'on a eues avec les Américains.
Au Niger, après le putsch de juillet 2023, les Américains ont espéré pouvoir conserver leurs bases militaires, à la différence des Français, mais finalement, au mois de mars dernier, ils ont été chassés eux aussi. Est-ce le signe que leur offre sécuritaire n'est pas aussi concurrentielle que celle des Russes ?
Absolument. Je pense que les Russes sont tombés à un moment, en Afrique, où ce que j'appelle le populisme et certaines formes de souverainisme ont amené un certain nombre de nouvelles politiques. Et les Russes ont su en profiter. Mais pour moi, l'Afrique ne doit pas chercher, disons, entre guillemets, à rompre avec l'ancienne tutelle parce qu'on a négocié une nouvelle tutelle, ce n'est pas bon pour l'Afrique. Et j'espère que les Africains vont se ressaisir de ce point de vue. Donc, pour les Américains, comme vous le savez, Africom, les différentes initiatives qu'ils ont en matière de sécurité, ce n'est pas très inclusif. Ils contrôlent à peu près tout. Moi, j'ai des informations sur leurs relations avec le Nigeria dans la lutte contre Boko Haram, c'était assez distant, c’étaient des conseils. Très peu de matériel ou de financements. Mais l’engagement qu'on pouvait attendre des États-Unis en tant que puissance mondiale qui a subi de lourdes pertes à cause du terrorisme et qui a une coalition mondiale de plus de 60 pays, cet engagement, on ne l’a pas franchement vu en Afrique, et ça, je crois, c'est une brèche ouverte dans laquelle les Russes se sont engouffrés.
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Vous ne voyez pas d'autres pays d'Afrique de l'Ouest sur lesquels les Américains pourraient s'appuyer sur le plan sécuritaire, comme le Nigeria, le Ghana ou la Côte d'Ivoire ?
Et même le Sénégal, hein. Il y a des formes de coopération sur lesquelles les Américains ne font pas beaucoup de publicité, mais il y a quand même une certaine proximité. Je sais qu'ils travaillent beaucoup avec le Nigeria parce que c'est la puissance non seulement de l'Afrique de l'Ouest, mais peut-être la puissance continentale la plus importante. Et le Nigeria vit une situation extrêmement dramatique avec Boko Haram - 40 000 morts, c’est quand même beaucoup -, et cette organisation reste très active. L'État islamique reste très actif aussi. Le Ghana, bien entendu, a toujours été un pays partenaire des États-Unis. La Côte d'Ivoire intéresse les Américains aussi bien au plan économique qu’au plan sécuritaire. Et le Sénégal aussi, bien entendu, est un pays qui est généralement visé par l'Amérique comme étant un pays modèle, surtout en matière de démocratie et autres.
Et vous pensez que les relations entre les États-Unis et le Sénégal vont continuer sur le plan sécuritaire malgré l'arrivée du Pastef au pouvoir à Dakar ?
Ça, c'est effectivement une grande question. Le Pastef se réclame du souverainisme dans lequel ils sont en train de mettre un contenu. Donc, je crois que tous les partenaires traditionnels sont à l'affût, essayent de comprendre pour bâtir une nouvelle relation. Vous savez, en diplomatie, comme disait l'autre, l'ambiguïté constructive est une bonne chose, ce qui gêne, c'est quand vous n'êtes pas prévisible, quand on n'arrive pas à prédire un peu l'avenir immédiat. Et c'est ce qui arrive avec monsieur Trump justement, qui n’est vraiment pas prévisible du tout. Et je pense que ça va être un problème dans ses relations avec l'Afrique.
Comment voyez-vous l'avenir des relations États-Unis-Afrique, selon que c’est Kamala Harris ou Donald Trump qui gagnera demain ?
Alors si c'est Kamala Harris, j'ai beaucoup d'espoir que ça va se passer beaucoup mieux que si c'est Donald Trump. Les raisons sont simples, moi, je suis un Africain panafricainiste, qui ne compte pas sur les États-Unis ou sur l'Europe ou sur l'Asie pour le renouveau de l'Afrique ou pour la Renaissance africaine. Pas du tout, par contre, j'ai toujours pensé que, par exemple, le cas d’Obama est un grand malentendu. Beaucoup d'Africains se sont mis à rêver, à espérer qu’Obama fasse de grandes choses pour l'Afrique. Je disais qu’Obama n'est pas élu pour servir l'Afrique, il est élu pour servir les États-Unis. Donc, Kamala fera la même chose. Son pays sera absolument prioritaire pour elle. Par contre, Trump s'est déjà manifesté par des comportements, par rapport à l'Afrique, absolument incroyables. Les insultes contre les Haïtiens, les Haïtiens sont un symbole pour tous les Africains, pour tous les panafricanistes. C'est vraiment un pays fondateur de la reconquête de notre dignité en tant que noir et africain. Donc, les traiter de mangeurs de chiens, de chats domestiques, et cetera, c'est extrêmement grave, et je pense qu’il sait que ce qu'il dit n'est pas vrai, mais c'est important pour lui pour des raisons populistes et des raisons de campagne. Et ensuite, il a fait une affirmation absolument extraordinaire que Kamala Harris allait au Venezuela et au Congo récupérer les pires prisonniers les plus sanguinaires pour les importer aux États-Unis pour détruire leur pays. Alors, ce genre de propos, quelqu'un ne peut les tenir et avoir de très bonnes relations avec nous. Et ses allusions au quotient intellectuel très bas de Kamala, ça remonte à l'anthropologie coloniale raciste contre les Noirs. Il y a tellement des textes qui ont été écrits sur le fait que nous aurions un quotient intellectuel très, très bas, et cetera, ce qui est absolument faux. Voilà, en gros, le fait que je n’ai pas beaucoup d'espoir que, si Trump triomphe, les relations soient réchauffées et aillent dans la bonne direction. Et la bataille, par exemple, pour le siège de membre permanent au Conseil de sécurité, dirigée un peu par Joe Biden, est-ce que Kamala va reprendre ça ? Sans aucun doute. Mais je ne suis pas sûr que Trump soit intéressé par cela. Il ne mentionne quasiment jamais l'Afrique dans ses discours. Et voilà. Et, si c'est le cas, s’il gagne, certains Africains disent que c'est une bonne chose, qu’il s'occupe de ses affaires, et nous, on s'occupe de nos affaires, et la vie est belle pour tout le monde. Et donc, les expectations…
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Les attentes...
Les attentes par rapport à Trump, c'est que tout le monde retient son souffle, c'est une sorte d'angoisse mondiale, de stress mondial. Les gens se posent beaucoup de questions sur ce qu'il va faire s’il retourne au pouvoir, ce qui est possible. Mais beaucoup de gens que je connais souhaitent que ce soit plutôt Kamala, une femme leader. Et donc, nous, les hommes féministes, on est tout à fait en phase avec elle, on lui souhaite bon vent.
L'une des hantises des Américains, c'est l'installation à venir d'une base navale chinoise sur la façade atlantique du continent africain. Est-ce que vous pensez que Donald Trump et Kamala Harris partagent cette inquiétude ?
Forcément. Du temps d’Obama, de l'administration Obama, j'en avais parlé avec des amis d'un tel dispositif. En leur disant que vous avez décidé de faire ce que vous appelez un pivot, un pivot pour aller vers l’océan Pacifique, et vous dites que c'est là-bas où va se jouer les grandes stratégies géopolitiques et autres du monde avec la Chine, l'Australie, le Japon, et cetera, la Corée. Maintenant que vous avez décidé cela, vous allez abandonner l'Atlantique, et là nous pensons que vous faites une grande erreur parce que l'Atlantique sera toujours très, très important, parce qu'il borde l'Europe et l'Afrique qui ne sont pas quand même rien dans la géopolitique mondiale. Donc, je pense que c'était une erreur de leur part de tourner le regard ailleurs que vers l'Afrique. Et là, si un pays africain s'apprête à accueillir une base chinoise, dans ce cas, je me pose toujours la même question : quel est l'objectif de ce pays ? Est-ce que ce pays est prêt ou a compris que la défense de l'Afrique, la façon d'aider l'Afrique à relever les défis sécuritaires, elle sera entre Africains et que ce soient les Africains eux-mêmes qui vont prendre leur destin en main et défendre le continent ?
Tue, 05 Nov 2024
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