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Revue de presse Afrique

Revue de presse Afrique

RFI

Les commentaires des quotidiens et hebdomadaires africains sur l'actualité du continent. Présentée du lundi au jeudi par Frédéric Couteau, le vendredi et le samedi par Catherine Potet. Un regard original, souvent ironique et parfois sans complaisance sur les événements petits et grands qui font l'actualité de l’Afrique.

867 - À la Une: le drame de N’Zérékoré en Guinée
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  • 867 - À la Une: le drame de N’Zérékoré en Guinée

    Elle s’appelait Aline. Sa photo est à la Une du site d’information Guinée Matin. Une jeune fille de 16 ans, souriante, élégante, jupe bleue et chemisier blanc, faisant le V de la victoire avec la main.

    Aline a été écrasée, piétinée par la foule dimanche lors de la gigantesque bousculade du stade de N’Zérékoré. Dans les colonnes de Guinée Matin, son père, Olivier fait part de son immense douleur : « Elle était très joyeuse,raconte-t-il. Elle avait un surnom à l’école : Madame surprise. Car, quand arrivait l’anniversaire de l’un ou l’une de ses amis, elle lui faisait une surprise. (…) Je demande aux autorités de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé,poursuit-il, afin que les coupables soient connus. »

    Au total, le mouvement de foule a fait 56 morts, du moins officiellement. Un bilan qui pourrait être beaucoup plus lourd. « “La morgue est pleine“, a expliqué un médecin local, sous le couvert de l’anonymat, estimant “qu’il y [avait] une centaine de morts“. »C’est ce que rapporte Le Monde Afrique qui précise que« plusieurs photos et vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux montrent des corps inertes à même le sol, dans l’enceinte de la morgue. »

    Pénalty litigieux et gaz lacrymogène…

    Que s’est-il passé ? « Dimanche après-midi,rapporte le journal, les équipes de N’Zérékoré et de Labé s’affrontaient lors d’un match à l’enjeu symbolique ; la finale du trophée “Général Mamadi Doumbouya“, une compétition dédiée au chef de la junte, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, en septembre 2021. (…)Deux faits d’arbitrage ont fait dérailler le match,pointeLe Monde Afrique. Tout d’abord un carton rouge en milieu de deuxième période, finalement annulé. Puis un penalty litigieux, sifflé dans les dix dernières minutes. Cette décision a provoqué la fureur des supporteurs de Labé. Des pierres ont été jetées et le terrain a été envahi. Les forces de l’ordre ont alors lancé des gaz lacrymogènes, d’après plusieurs sources présentes dans le stade, ce qui a provoqué un grand mouvement de foule,relate encore le journal. Des vidéos montrent des centaines de spectateurs – des mineurs, pour la majorité d’entre eux − escaladant l’enceinte du stade afin d’échapper à la cohue. “C’était la débandade. Les gens se sont dirigés vers le seul portail du stade, se sont bousculés (…) Les plus faibles ont été piétinés“, affirme un jeune supporteur, qui a perdu un ami proche dans l’immense bousculade. »

    Arrière-plan électoral…

    Ce drame s’inscrit dans un contexte politique, précise pour sa part le site Afrik.com. Car « depuis quelques semaines, des tournois de cette nature sont organisés un peu partout en Guinée,explique-t-il, pour témoigner du soutien des populations au général Mamadi Doumbouya. La date de la prochaine Présidentielle n’est pas encore connue, mais la candidature du chef de la junte semble de plus en plus évidente. Cela en dépit des prescriptions de départ de la Charte du CNRD qui interdit(en principe) à tous ses membres de se porter candidat. Et comme le montre le match qui a dégénéré, la situation sécuritaire du pays est particulièrement tendue. »

    D’ailleurs, l’opposant Cellou Dalein Diallo n’a pas tardé à réagir. Des propos à lire notamment sur le site guinéen Aminata : « cette tragédie a eu lieu pendant la finale d’un tournoi de football organisé, hélas,déplore-t-il, dans le cadre de la promotion de la candidature illégale du Général Mamadi Doumbouya à la prochaine élection présidentielle. »

    La junte « responsable » !

    La société civile n’est pas en reste. Pour le FNDC, le Front national pour la défense de la Constitution, regroupement civique dissous par les autorités, « cet événement tragique, survenu dans le cadre d’une campagne de propagande organisée par la junte militaire au pouvoir en faveur de la candidature de Mamadi Doumbouya, illustre une gestion irresponsable et une indifférence alarmante des autorités actuelles. La Coordination Nationale du FNDC tient Mamadi Doumbouya et son gouvernement directement responsables de cette catastrophe. » Des propos rapportés par le site AConakry Live.

    A lire également sur Ledjely,autre site guinéen, la réaction de Namaragni Djanfatignè, guérisseur et acteur social bien connu des populations de Haute Guinée. Il ne mâche pas non plus ses mots : « tous ceux qui préparent ces mouvements de soutien sont coupables, y compris le gouvernement,affirme-t-il,parce qu’il y avait des ministres, des préfets, des gouverneurs là-bas. À qui la faute ? C’est à eux. (…) Je demande au président Doumbouya de stopper ces mouvements, d’organiser les élections et de partir.»

    Tue, 03 Dec 2024
  • 866 - À la Une: l’armée française indésirable au Sénégal et au Tchad…

    « L’annonce a fait l’effet d’un coup de tonnerre nocturne à N’Djamena,s’exclame Le Monde Afrique. Dans un communiqué publié, jeudi dernier, quelques heures après la fin de la visite au Tchad du ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, le gouvernement tchadien a déclaré “mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française“. L’annonce prend de court tous les observateurs, alors que le ministre et son entourage n’ont rien laissé paraître au sortir de leur rencontre avec le président, Mahamat Idriss Déby. “La France doit considérer désormais que le Tchad a grandi et mûri, que le Tchad est un Etat souverain et très jaloux de sa souveraineté“, a simplement indiqué son homologue tchadien, Abderaman Koulamallah. »

    Dans la logique des élections…

    Quelques heures plus tôt, jeudi dernier, le Sénégal annonçait lui aussi la fin de sa coopération militaire avec Paris.

    Le président Bassirou Diomaye Faye a été très clair,rapporte Le Point Afrique:« “la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires“. Une nouvelle doctrine de coopération sécuritaire qui exclut de fait toute base étrangère : française ou non. (…) L’enjeu était avant tout politique pour Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko,affirmeLe Point Afrique, qui avaient été portés à la tête de la nation sur la base d’une vive critique des ingérences étrangères, au premier rang desquelles figurait la France. Après leur victoire, ils n’avaient pas vraiment fait mention des bases françaises, au grand désarroi de leurs électeurs. Cette prise de position forte sur le plan de la souveraineté vient aujourd’hui rassurer une base électorale qui vient tout juste de réitérer son soutien aux autorités en leur conférant une majorité absolue au Parlement. »

    Une étape « cruciale et inévitable »

    Pour Jeune Afrique, « ce 28 novembre 2024 restera dans l’histoire de la relation entre la France et l’Afrique comme une date historique, celle du dernier coup de clairon d’une retraite passablement humiliante pour la “Coloniale“, cette armée de conquête devenue symbole de sujétion bien au-delà des indépendances. (…) Après la Centrafrique en 2015, le Mali en 2022, le Burkina Faso et le Niger en 2023, l’armée française est donc en passe de quitter ce qui lui restait de positions dans cette bande sahélo-soudanaise qui lui a si longtemps servi de bac à sable pour entraîner ses troupes et voler au secours de régimes amis de la France. »

    Toutefois, analyse Jeune Afrique, « ce départ forcé ne devrait pas être interprété pour autant comme une humiliation ou un camouflet par la France, mais comme l’étape cruciale et inévitable de la nécessaire refondation de ses relations avec ses ex-colonies. Sauf à Djibouti, où les bases militaires sont une assurance-vie existentielle contre les convoitises de voisins qui estiment que ce petit État n’aurait jamais dû exister, l’armée française n’a plus rien à faire sur le continent,estime le site panafricain, et les dirigeants ivoiriens et gabonais, qui abritent chez eux les derniers confettis de l’empire colonial défunt, seraient bien inspirés d’y songer. En 2024, plus de soixante ans après les indépendances, cette présence était une anomalie à laquelle les présidents Faye et Déby Itno avaient toutes les raisons de vouloir mettre un terme. »

    « Seuls face à l’enjeu sécuritaire… »

    Attention, prévient pour sa part Ledjely en Guinée, « les militants authentiques de la reconstruction des relations franco-africaines doivent rester à la fois prudents et vigilants. Car autant leur aspiration à un partenariat plus avantageux pour l’Afrique est légitime, autant il ne faut pas se contenter de renvoyer les néo-colons pour laisser la place aux colons locaux. De même, l’attitude intransigeante que nous adoptons aujourd’hui à l’égard de la France doit rester la même à l’égard de tous les partenaires, qu’ils soient de l’Ouest ou de l’Est. Sinon, nous courons vers un leurre ! »

    Et le quotidien Aujourd’hui au Burkina Faso de conclure : « désormais, le Sahel et le Sahara sont seuls face à l’enjeu sécuritaire. Plus de sous-traitance polémiquée en matière de défense ! Il est plausible que le Tchad rejoigne l’AES et que se mette en place une force sous-régionale pour combattre l’hydre terroriste. Quels résultats engageront ces pays qui entament une seconde décolonisation aux forceps ? Le souverainisme teinté d’idéocratie accouchera de quoi ? Le monde a les yeux rivés sur cette partie de l’Afrique où des militaires au pouvoir et des civils élus tentent de trouver la voie pour développer leurs pays. Tâche noble, mais ô combien parsemée de ronces ! »

    Mon, 02 Dec 2024
  • 865 - À la Une: la France reconnaît le massacre de Thiaroye au Sénégal

    C’est écrit en rouge et en majuscule à la Une de Sénéplus : « Paris avoue enfin le massacre de Thiaroye ». « Dans une lettre à Diomaye », poursuit Sénéplus, « Macron qualifie pour la première fois de « massacre » la tuerie perpétrée contre les tirailleurs africains en 1944 ». Le président sénégalais espère désormais « un engagement total » de la France « dans la recherche de la vérité ». L’annonce est saluée par le site d’information, « cette reconnaissance officielle marque », nous dit-on, « un tournant décisif dans l’histoire franco-sénégalaise, après des décennies de silence et de minimisation des faits ». De son côté, Sénégo retranscrit une partie de l’interview accordée hier soir à France 2 par Bassirou Diomaye Faye. À la question, « pensez-vous que 80 ans après, la France cache toujours délibérément une partie de la vérité ? » le président sénégalais répond : « on a régulièrement cherché à poser une chape de plomb sur cette histoire, et nous pensons que cette fois, l’engagement de la France sera total, qu’il sera franc, collaboratif et entier ». Le bilan du massacre de Thiaroye, notamment, reste à établir. Il est officiellement de 35 morts, rappelle Sénéplusqui cite toutefois l’historienne Armelle Mabon, qui elle estime à « 300 ou 400 », le nombre de victimes du massacre.

    Présence militaire française

    Lors de l’interview qu’il a accordé à France 2 hier soir, Bassirou Diomaye Faye a également fait part de ses intentions à l’égard des troupes françaises basées au Sénégal. « Départ des bases militaires françaises : la grosse annonce de Bassirou Diomaye Faye », titre Sénéweb, qui reprend la réponse du président sénégalais au journaliste qui l’interroge au sujet de la présence militaire française. Réponse en forme de question : « Est-ce qu’en tant que Français, vous envisageriez de nous voir dans votre pays avec des chars, des véhicules militaires, des militaires portant des tenues sénégalaises ? Car sur le plan historique, la France a pris des esclaves, a colonisé et est restée ». Bassirou Diomaye Faye qui ajoute : « si la France doit partir, ce sera annoncé aux autorités françaises. Elles auront la primeur de l’annonce et du calendrier établi ».

    Annonce inattendue

    Comme en écho, le Tchad a annoncé hier soir la fin des accords de coopération et de sécurité avec la France. Tchadinfos précise que « la résiliation respecte les dispositions prévues par l’accord, notamment un délai de préavis, et que le Tchad s’engage à collaborer avec les autorités françaises, pour assurer une transition harmonieuse ». L’annonce a été faite quelques heures seulement après une visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Ndjamena. Une annonce « inattendue », remarque Tchadvision, qui fait part de ses doutes. « Sans l’appui de la France », nous dit-il, « la capacité du Tchad à lutter de manière efficace contre le terrorisme dans le Sahel, pourrait être compromise. Les groupes jihadistes, déjà actifs dans la région, bénéficient souvent de l’instabilité politique et de la faiblesse des forces armées locales. La fin des accords avec la France pourrait rendre le Tchad plus vulnérable à de telles menaces ».

    Prière

    Tchadvision se pose, dans la foulée, la question des autres alliances que le Tchad pourrait contracter et souligne que « l’engagement croissant de pays comme la Russie, la Chine, et même certains états du Golfe pourrait offrir au Tchad des opportunités pour diversifier ses sources de soutien militaire et économique ». Néanmoins, le site d’information tchadien reste prudent, estimant que « bien que la fin de l’accord puisse être interprété comme un pas vers la souveraineté, il est crucial d’évaluer cette décision de manière critique. L’autonomie sans stratégie pourrait conduire à un isolement accru et à des conséquences désavantageuses pour la sécurité et la prospérité du Tchad ». Ajoute Tchadvision qui conclut, en forme de prière : « Que chaque acteur, tant national qu’international, prenne conscience de sa contribution à un avenir meilleur pour le Tchad et ses voisins ».

    Fri, 29 Nov 2024
  • 864 - À la Une: la France fait les yeux doux au Nigeria

    « C’est une visite d’État inédite, la première en 24 ans,relève Jeune Afrique : le président nigérian Bola Tinubu est en France depuis hier soir. Il est évidemment tentant de voir derrière cette volonté de Paris de diversifier ses partenariats sur le continent une tentative de construire une nouvelle politique africaine sur les ruines du fiasco sahélien qui a vu la France expulsée du Mali (en 2022), puis du Burkina Faso (en 2023) et du Niger (fin 2023). Et une volonté de détourner l’attention de l’incessant bras de fer avec Alger. Mais sans doute serait-ce trop réducteur », estime le site panafricain. « Ce serait aussi méconnaître la chronologie. Dès son élection en 2017, le président français a entrepris de voyager hors de la zone d’influence traditionnelle française, au Nigeria (en 2018), en Éthiopie (en 2019) ou en Afrique du Sud (2021) ».

    Et le partenariat économique entre la France et le Nigeria est ancien, poursuit Jeune Afrique, « basé essentiellement sur les hydrocarbures », mais pas que… Il y a aussi la finance, avec l’ouverture de succursales de banques nigérianes à Paris et l’agrobusiness.

    Le « tournant nigérian » ne date pas d’hier…

    « Le Nigeria est déjà le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne, précise Le Monde Afrique. Et près de 100 entreprises tricolores y sont implantées – elles n’étaient qu’une cinquantaine en 2010 –, employant un peu plus de 10 000 personnes. Les grands noms sont présents,pointe le journal : TotalEnergies, premier investisseur hexagonal avec des projets pétroliers et gaziers évalués à quelque 6 milliards de dollars pour les prochaines années, mais aussi l’armateur CMA CGM, le géant des cosmétiques L’Oréal, ou encore le groupe agroalimentaire Danone. (…) Le « tournant nigérian » a été esquissé très tôt par Emmanuel Macron,relève encoreLe Monde Afrique. L’héritage, entre autres, d’une relation particulière que le président français entretient avec ce pays où il avait choisi d’effectuer son stage d’énarque, en 2002. Pour resserrer les liens, un conseil économique franco-nigérian a ainsi été lancé dès 2018, lors d’une visite du président français au Nigeria. Celui-ci compte les plus célèbres hommes d’affaires du pays, dont le magnat du ciment et des hydrocarbures Aliko Dangote (…) ».

    Jean-Noël Barrot au Tchad et en Éthiopie

    À la Une également, une autre visite diplomatique, cette fois dans l’autre sens : la tournée sur le continent du ministre français des Affaires étrangères…

    « Jean-Noël Barrot entame une tournée clé (aujourd’hui) au Tchad et en Éthiopie,note le site Afrik.com. Cette visite aborde des enjeux majeurs : l’aide humanitaire, l’avenir militaire français en Afrique et la réforme des institutions internationales, notamment du Conseil de sécurité de l’ONU. (…) A Ndjamena, le ministre abordera un sujet épineux : l’avenir des bases militaires françaises au Tchad. (…) Paris souhaite réduire son empreinte militaire en Afrique tout en favorisant des partenariats plus équilibrés. Les discussions avec les autorités tchadiennes seront déterminantes pour établir une nouvelle feuille de route et répondre aux interrogations croissantes sur la pertinence de la présence française ».

    Et puis à Addis-Abeba, siège de l’Union africaine, relève Afrik.com, la visite de Jean-Noël Barrot mettra « en lumière une ambition majeure de la diplomatie française : promouvoir une réforme des institutions internationales, notamment du Conseil de sécurité de l’ONU. Paris soutient l’attribution de deux sièges permanents aux pays africains, une revendication de longue date de l’Union africaine ».

    Regagner le cœur des Africains…

    Commentaire du Pays au Burkina Faso : « pour avancer dans la défense de ses intérêts, la France doit changer son fusil d’épaule. Et c’est manifestement à cet exercice qu’elle s’essaie. Elle veut regagner le cœur des Africains en se faisant passer pour leur porte-voix mais aussi en réduisant son empreinte militaire permanente sur le continent. Il reste à savoir si cela suffira. (…) Cela dit,poursuit le quotidien ouagalais, l’Afrique se doit d’utiliser ce nouveau contexte pour exiger de l’ancienne puissance coloniale, à défaut qu’elle répare les erreurs commises, qu’elle s’engage dans un partenariat gagnant-gagnant. Car, ce dont le continent a véritablement besoin,estimeLe Pays, ce n’est ni de compassion ni d’assistanat, mais d’une relation équilibrée où elle gagnerait toute sa place et pourrait disposer de ses richesses naturelles pour subvenir, de façon souveraine, à ses besoins ».

    Thu, 28 Nov 2024
  • 863 - À la Une: l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal risque la prison à vie

    L’écrivain franco-algérien âgé de 80 ans, renommé en France et à l’étranger, est depuis hier accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » en Algérie. « Une accusation,précise Le Monde Afrique, assimilée à un acte de “terrorisme“, selon l’article 87 bis du Code pénal algérien, qui pourrait lui valoir une condamnation à la perpétuité, voire à la peine de mort – bien qu’aucune exécution capitale n’ait eu lieu en Algérie depuis 1993. La lourdeur de l’accusation a suscité de multiples réactions,pointe encore le journal. Son avocat, François Zimeray, estime que “la privation de liberté d’un écrivain de 80 ans en raison de ses écrits est un acte grave. (…) S’il doit y avoir enquête, celle-ci ne justifie nullement que soit prolongée la détention de Boualem Sansal“. Le monde intellectuel a aussitôt exprimé sa stupeur. Plusieurs prix Nobel de littérature, tels que Jean-Marie Le Clézio, Orhan Pamuk ou Annie Ernaux, et des écrivains de renommée mondiale, comme Salman Rushdie et Roberto Saviano, ont demandé la “libération immédiate“ de l’auteur franco-algérien. »

    Sa faute : avoir « marocanisé » le Sahara occidental…

    Que lui reprochent exactement les autorités algériennes ? Le Point Afrique répond : « Boualem Sansal est accusé pour des propos tenus sur le site en ligne de Frontières(une revue d’extrême-droite). Il y donne sans détours son point de vue sur le dossier du Sahara occidental. Il explique que “quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc, de Tlemcen, Oran jusqu’à Mascara“. »

    Bref, résumeLe Point Afrique,« en quelques phrases, le citoyen Sansal a “marocanisé“ le Sahara occidental, ce qui est un casus belli pour les Algériens. Il a ajouté, avec sa désarmante liberté de parole, que “le régime algérien, régime militaire, a inventé le Polisario pour déstabiliser le Maroc“. Depuis 1999, date de son premier roman écrit en français,rappelle le journal, Boualem Sansal a alterné fictions et essais, pamphlets et tribunes. Ce haut fonctionnaire devenu écrivain, agnostique revendiqué, a toujours combattu les religions, ferraillant avec l’islamisme comme avec le régime algérien. »

    À lire aussiL'écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été interpellé à Alger

    Le « traître » Sansal…

    Pour le site algérien TSA, « la provocation est manifeste : Boualem Sansal a fait des déclarations hallucinantes dans le média français d’extrême-droite Frontières, qualifiant l’Algérie de “petit truc“ et le Maroc de “grand État“ et soutenant que le colonialisme français a “octroyé“ des terres marocaines à l’Algérie. »

    TSA qui dénonce également la proximité de l’écrivain avec l’extrême-droite française : « Une voix venue du sud qui critique l’islamisme, ça plaît forcément dans un pays où l’extrême-droite gagne du terrain. Mais Sansal a fini par se radicaliser lui-même, portant, une à une, les thèses de l’extrême-droite. Ce courant l’a accueilli à bras ouverts, voyant en lui une légitimation de son discours anti-musulman, anti-immigrés et anti-algérien. »

    Le site Algérie Patriotique hausse encore le ton : « Le traître Sansal n’a pas sa place en Algérie, sauf en prison,affirme-t-il. Cet individu n’est ni un grand penseur, ni un martyr, ni un être lumineux, c’est un agent étranger en mission contre l’État algérien. (…) L’Algérie n’est ni un souk ni un hammam où l’on peut faire ce que l’on veut,s’exclame encore Algérie Patriotique. C’est un État fort qui ne tolère pas les dérives subversives d’agents infiltrés. »

    La « dictature » algérienne…

    Autre point de vue, radicalement différent, celui du site d’opposition Le Matin d’Algérie : « Boualem Sansal est victime de sa liberté de parole, de son libre arbitre, de son courage de convoquer l’inexprimable, l’inexprimé. L’auteur, qui nous aide à regarder l’homme et le monde autrement, est entre les mains de la dictature. Boualem Sansal questionne, dérange et met en doute cet empire mafieux qu’est la nouvelle Algérie de Tebboune,fustige encoreLe Matin d’Algérie. Il dénonce ceux qui ont fait de l’Algérie post-indépendance un désert fielleux, et de ce désert un vide abyssal dans lequel se pratiquent les pires ignominies humaines et se propage une des plus infectes idéologies totalitaires, l’islamisme. (…) Cette incarcération,conclut le site d’opposition algérien, comme toutes celles qui touchent à la liberté d’expression, tient son fond de pensée dans la mort lointaine et triviale d’un État qui n’a jamais voulu de la démocratie en tant que système de gouvernance. »

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    Wed, 27 Nov 2024
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